Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Vigne

Définition

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Vigne ; arbuste qui porte les raisins.

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VIGNE. Elle doit être plantée avec toutes ses racines : il ne faut jamais en écoter aucune, à moins qu'elle ne soit chancie, moisie ou viciée.

En taillant la vigne, on laisse un onglet au-dessus de l'œil, mais on doit rabattre cet onglet l’année suivante, de même que les ergots & les chicots, ce qui se pratique, avec une serpette bien tranchante & une scie à main : on applique ensuite l’onguent de S. Fiacre sur la plaie, car il vaudroit mieux les laisser, que de ne pas couvrir la plaie.

Les terres légères sont préférables pour y planter de la vigne, parce que le vin y est meileur : les montagnes presque inaccessibles leur conviennent peu, quoique le vin y soit très-bon, par la raison que la dépense excède la recette.

Si la vigne ne se plaît point dans une province ou dans un canton, il est inutile d'y en planter ; quand même vous transporteriez de la terre de Bourgogne ou de Champagne, avec du plant de ces pays. Ces tentatives, renouvellées plusieurs fois, n'ont jamais réussi.

L'exposition la plus favorable à la vigne, dans les pays un peu froids, est le midi ; dans les pays plus chauds, c'est le levant ; le couchant n'est pas aussi bon que les deux autres aspects ; mais on ne peut que perdre son tems & sa peine en plantant de la vigne à l’exposition du nord.

Dans les terres sabloneuses, caillouteuses, & pierreuses, quoique bien exposées, les ceps poussent peu ; mais le vin y est spiritueux : il n'y faut labourer que peu profondément, & rechausser souvent le pied du cep avec de la bonne terre, ou du gazon pourri.

Le fumier seul épuise trop la vigne, en la faisant trop pousser, sur-tout quand elle est jeune ;


il communique au vin un goût désagréable : si l'on met du fumier dans la vigne, il faut l’enterrer profondément.

La vigne se multiplie de plant en racine (vive ; plante), de marcottes (provins), de boutures de deux sortes, les unes avec du vieux bois, les autres sans vieux bois. L'essentiel est de bien choisir son plant, & de n'en propager que du, bon.

Il faut, pour la vigne, avoir au moins dix-huit pouces de bonne terre, sinon, il faut en transporter, rechausser & butter le pied des plants.

Quand les terres ont du fond, on creuse jusqu'à trois pieds de profondeur, à moins que le terrain ne soit humide dans le fond.

Le trou ou la jauge faite, si on plante toute une vigne, on met six pouces de bonne terre au fond, & plus même, si on a profondé jusqu'à trois pieds ; sur ce lit de bonne terre, on couche la plante circulairement ; on en relève en ligne droite le bout qui doit sortir de terre, & on couvre cette plantation de bonne terre.

Quand on ne peut se procurer d'autre terre que celle qui se trouve sur place, on met de côté les terres de première fouille, que l'on place ensuite au fond, comme étant la meilleure ; puis celle de la seconde fouille, puis enfin, celle de la troisième, sur laquelle on met des engrais.

La vigne doit être plantée en quinconce, les ceps plus éloignés les uns des autres qu'on ne le fait ordinairement ; il faut qu'ils aient trois à quatre pieds de distance en tous sens : le raisin vient mieux, & mûrit beaucoup plutôt.

A l’égard des provins, il faut aussi les enfouir le plus qu'il est possible, lorsque le fond le permet, sur-tout dans les terres légères.

Les meilleures boutures sont celles où il y a un peu de vieux bois, ou bois de deux ans, d’environ sept à huit pouces, ce que l'on appelle crossette.

Pour que la vigne donne du bon fruit, & du meilleur que dans les vignes où les ceps sont presque à un pied l'un de l’autre, il faut, comme on a dit, les tenir éloignés de quatre pieds de distance en quinconce, que ces ceps soient dressés en contre-espaliers : pour cela faire, on plante de forts échalas de chêne, qui ont au moins quatre pieds au-dessus de terre ; on les traverse par deux gaulettes ; fasces, ou longs paisseaux de treillage ; la première à deux pieds au-dessous de terre, & la seconde à un pouce du bout de l’échalas : on assujettit ces perches ou gaulettes avec de bons osiers, & on conduit la vigne obliquement sur ces gaulettes ; on dresse des espèces de contre-espaliers, de façon que le midi donne en plein entre deux, ce qui ne peut se faire qu’après avoir planté dans cette direction.

Les anciennes vignes peuvent s’arranger & se dresser sur ce plan ; au mois de novembre, pour les ceps ; en mars, pour les échalas, en laissant néanmoins une distance moindre que ci-dessus entre les ceps.

Comme il faut souvent renouveller les vignes, on peut, sur le plan que l’on vient de donner, faire des trous entre les vieux ceps, & planter de la manière ci-dessus ; & alors, pendant que les jeunes ceps croîtront, les vieux donneront toujours du fruit, & ensuite on les arrachera. Cette forêt de mères-vignes, qu’on couche & qu’on propage sous terre, & souvent presque à la superficie, prend tous les sucs de la terre & s’en nourrit ; il n’en reste plus que les moins bons pour les ceps & pour les raisins, &c.

Cette façon de dresser la vigne n’est point nouvelle : depuis long-tems elle est en usage dans le pays d’Auxerre, Tonnerre, Coulanges-la-vineuse, & dans tout le pays dit la petite Bourgogne qui, dans son étendue, produit plus de vin, proportion gardée, qu’aucun autre pays de la France, & dont le vin est très-estimé.

Les meilleurs engrais pour la vigne sont les terres, les gazons pourris, la vase ou le fond des marres, les boues des villes, les terres nouvelles ; mais le fumier n’y doit entrer que bien consommé, & mêlé avec de la terre franche, ou bien, enterré profondément.

Il faut, en taillant, avoir égard à l’embonpoint de la vigne, ne point tailler de bonne beure dans les climats où les gelées sont à craindre, jamais avant la fin de février jusqu’au commencement d’avril. La vigne taillée avant ce tems, périt tôt ou tard.

Peu ou presque point de provins, si ce n’est dans la jeunesse d’une vigne, car, provigner des ceps usés & viciés, que peut-on espérer ? Il vaut donc beaucoup mieux avoir en réserve une pépinière de replant.

Cette pépinière de replant se fait dans quelque coin vide au bas de la vigne & par-tout où l’on veut. On fait une jauge entre deux à trois pieds de large, de dix-huit à vingt-quatre pouces de profondeur, sur chaque côté de laquelle on couche des boutures ou retranches d’une belle venue, à dix-huit lignes ou deux pouces


de distance, que l’on recouvre ensuite de bonne terre : on tâche que ces boutures aient dans le bas du bois de deux ans, comme on l’a dit ci-dessus : on leur donne le plus d’étendue possible dans cette jauge ; on en recourbe les deux bouts, avec cette différence qu’on n’en laisse sortir de terre qu’un de chaque côté.

Suivant la nature & la vigueur de la vigne, on taille depuis un œil jusqu’à quatre ; dans une vigne élevée en contre-espaliers, on laisse cinq ou six coursons ou brochettes, que l’on taille à plus ou moins d’yeux, suivant la vigueur de ces coursons ; s’ils étoient tous également vigoureux, il faudroit néanmoins les tailler alternativement, l’un court, l’autre plus long, pour ne pas ruiner la vigne ; c’est ainsi, sur-tout, que l’on taille les treilles.

On ne taille jamais près du bouton, pour que la sève, qui vient ensuite abondamment, ne noye point le bouton ; c’est donc à l’opposition, derrière celui où la taille doit se faire, environ un pouce au-dessus.

Il seroit mieux d’ébourgeonner avec la serpette, que de casser, comme on fait, avec la main : on ne doit se servir de la main que pour jetter bas les entre-feuilles.

Le premier labour que l’on donne à la vigne ne doit pas être si profond que le second : dans l’un & l’autre, il faut que la bêche plane, c’est-à-dire, soit un peu couchée en bêchant autour du pied ; il faut ensuite biner ou ratisser profondément, pour troisième culture : on se sert dans bien des endroits d’une simple ratíssoire pour cet effet, mais elle ne fait qu’un peu retourner la simple superficie de la terre ; la houe ou houette, à bec allongé, mordroit plus dans la terre, & vaudroit beaucoup mieux.

Pour le labourage ordinaire, la fourche plate, est préférable à la bêche.

Un bon cultivateur donne une quatrième culture en faisant ratisser ses vignes, pour détruire les herbes au commencement de la maturité du raisin. Mais si l’année a été fort sèche, on ne doit point faire ce labourage, & sur-tout dans les terres légères.

Le premier labour se donne après la taille ; le second, après l’ébourgeonnement, avant que le raisin soit en fleur ; le troisième, quand le verjus est bien formé ; le quatrième, quand le raisin commence à mûrir. (Voyez les planches, XIX & XX.)