Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Terre

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Terre ; c’est, dans l’agriculture, le terrein qu’on cultive pour en tirer différentes productions.

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TERRE ; dans l’agriculture & le jardinage, c’est le terrain que nous cultivons pour en tirer les productions si nécessaires à notre subsistance & à nos besoins.

Il y a différentes sortes de terres, terroirs ou terrains. Il est des terres sableuses, marneuses, argilleuses, glaiseuses, fortes, légères, froides, brûlantes, humides, sèches, & bonnes enfin, médiocres & mauvaises.

La Quintinie, après avoir exposé tous les caractères distinctifs d’une bonne terre, établit pour preuve infaillible de la bonté de toute terre, la vigueur & l’embonpoint de toutes ses productions.

La terre neuve ou novale est celle qui est nouvellement défrichée ou mise en valeur, de quelque façon que ce puisse être.

La terre vierge est celle qui n’a jamais rapporté, comme les terres en fond que l’on creuse, soit celles des caves, des fosses, soit celles des terrains particuliers où l’on fouille fort avant.

La terre franche est toute terre exempte d’aucunes mauvaises qualités, & qui possède toutes les bonnes qu’on requiert pour la végétation de toutes sortes de plantes.

On dit terre à chenevière pour signifier la plus excellente terre, parce que, pour le chanvre comme pour le lin, il ne peut être de trop bonne terre.

On dit aussi terre effritée, qui est usée & appauvrie, qui a trop porté, & qui n’a pas été remontée par de bons engrais.

On appelle terre factice toute terre apprêtée, composée & mélangée, telle que celle des orangers & de diverses sortes de fleurs, de fruits. & de légumes qui requièrent qu’on ait recours à l’art pour les faire venir dans certains climats, ou pour les avoir plus promptement ; telle encore la terre propre pour avoir de bons melons.

Terres jectices ; on appelle ainsi toutes les terres des fouilles quelconques qui sont transportées, jettées & répandues, soit pour s’en débarrasser, soit pour hausser des terrains, remplir des creux, & former des voiries ou chemins. Les démolitions de bátimens, les immondices qui embarrassent, les pierrailles, les écurures d’étangs, de fossés, de bassins, de canaux & de marres qu’on enlève & qu’on transporte, tout cela s’appelle terres jectices.

Parmi ces terres jectices, il en est quelques-unes qui sont très-bonnes, telles sont celles qu’on répand pour former des jardins & des terrasses. Celles sur-tout des boues & des immondices, des chemins & des rues des grandes villes ; les issues d’animaux provenant des boucheries, les vidanges des fosses des lieux d’aisance, pourvu qu’elles aient été essorées pendant un couple d’hivers, avant que d’être transportées dans les jardins pour y être employées, car plutôt elles brûleroient les plantes.

Terre de Gadoue. On appelle ainsi les amas de boues des rues qu’on enlève tous les jours à Paris, & autres grandes villes, dans des tombereaux. Cette terre ou cette gadoue est employée utilement pour faire venir des légumes & autres herbages.

Les bonnes terres pour l’agriculture sont celles qui se font connoître par la beauté de leurs productions naturelles. Or, on ne peut pas disconvenir qu’il y a de bonnes & mauvaises terres de toutes couleurs. Néanmoins la grise noirâtre, qui plaît le plus en général, & qui a mérité l’approbation des agriculteurs anciens & modernes, est d’ordinaire à cet égard un des meilleurs signes de bonté, sans être pourtant infaillible. On en voit quelquefois de rougeâtres & de blanchâtres qui sont merveilleuses ; mais rarement y en a-t-il d’absolument blanches dont on puisse dire la même chose dans les cantons passables. D’ailleurs on en trouve de noires, soit sur le haut des montagnes, soit dans les vallons, lesquelles sont très-infertiles.

Les terres pierreuses sont fort bonnes pour produire des plantes aromatiques & du bois de charpente. Le chêne & le charme viennent volontiers par-tout où la terre est ferme & le terrain pierreux, mais beaucoup d’arbres fruitiers n’y profitent pas.

Une terre pierreuse ne produit pas une grande quantité de bled, & si l’on en veut faire à peu


près quelque chose de bon, il faut ôter une partie des pierres, & labourer le plus avant que l’on pourra ; c’est-à-dire aussi profondément qu’on verra qu’il y a de bonne terre. Cette manière de travailler une terre s’appelle en terme, de labourage la forcer, & toute terre forcée devient ingrate à son maître.

Pour les jardins, on passera à la claie une terre fort pierreuse ; mais dans les champs, on pourra ôter seulement les grosses pierres : les petites seront avantageuses, surtout quand le fond de la terre retiendra l’eau. Certains terrains où l’on n’apperçoit que des pierres de la nature de la craie font de belles productions.

Pour amender les terres pierreuses, on se sert de fumier de mouton préférablement à d’autres.

Il y a deux espèces de terres sabloneuses ; l’une est un gros sable jaune fort propre à produire du grain, l’autre est un sable blanc & sec ; celui-ci n’est bon que pour y planter du bois, & y semer du sarrazin. Le seigle y viendra aussi. Le premier de ces sables ne seroit cependant pas bien fertile, si l’on n’y ajoutoit point de fumier lorsqu’on veut le faire porter. Mais dès qu’il est mêlé moitié de fumier de vache, & moitié des boues qu’on a ramassées & qu’on a laissé égoutter, il fait des merveilles. Les terres sabloneuses sont fertiles lorsque l’eau n’y manque pas. Quand on veut labourer ces terres, il faut toujours choisir un tems un peu humide & jamais un tems trop sec.

Dans les terres sèches & sabloneuses, il est à propos de planter les arbres un peu avant, afin que les racines ne soient pas desséchées par l’ardeur du soleil. Dans ces sortes de terres on laisse moins de distance entre chaque pied d’arbre que dans celles qui sont grasses & humides.

Un sable très-fin, extrêmement blanc & aride, est bien suffisant pour des pins, des cèdres & des chênes verds. Il est d’expérience que les arbres élevés dans du sable ont beaucoup de racines, mais qui sont menues, & peu vigoureuses. On s’est assuré par l’expérience qu’il est avantageux de labourer légèrement, mais fréquemment ces sortes de terres.

Lorsque la terre d’un jardin est sèche & sabloneuse, & que le terrain a de la pente, il est avantageux de pratiquer des rigoles pour faciliter l’écoulement des eaux de pluies trop abondantes ; outre que cela sèche les allées, l’eau en filtrant abreuve la terre voisine des racines ; ce qui est un arrosement plus efficace & plus durable que celui qu’on donneroit à la superficie des plantes.

Les terres légères & chaudes participent foncièrement aux mêmes qualités que celles des terres sabloneuses : il leur faut du fumier gras. On peut les amender en les mêlant bien avec des terres grasses & humides. Les arbres fruitiers plantés dans les terres sèches & légères veulent être arrosés tant que la chaleur est continuelle & excessive.

Quant aux terres fortes, on en compte trois espèces. La terre forte proprement dite ; ou terre argileuse ; la terre forte sabloneuse où sable fort gras, & la terre forte pierreuse. Toutes trois d'une nature visqueuse qui demandent un labour profond & toujours fait par un beau tems, afin de détruire les herbes inutiles qui y abondent. On doit aussi choisir un tems chaud & sec, pour labourer dans les jardins les terres fortes & humides ; cette circonstance étant très-propre pour dessécher & réchauffer.

A l’égard des fumiers qui leur conviennent ; ce qu'on peut faire de mieux est de mélanger ceux de mouton, de vache, & celui de cheval bien consommé.

Ces sortes de terres sont plus-propres au froment qu'à d'autres grains. Il y vient en abondance, sur-tout lorsque les années ne sont point trop pluvieuses.

On donne jusqu'à quatre & cinq labours aux terres fortes pendant l’année de jachère, à mesure que les herbes y croissent. Ces terres demandent à être labourées profondément.

On peut encore amender cette sorte de terre, en la mêlant bien avec du sable, des cendres lessivées, de la marne graveleuse, du fumier de cheval & de bergerie, &c.

Il y a des pays où la terre est pleine de craie, & ce ne sont pas les plus fertiles en bled. Deux sortes de fumiers paroissent propres pour cette espèce de terre, pourvu qu'ils soient pétris avec elle ; savoir celui de mouton & celui de vache ; & si l'on veut y ajouter encore des boues ramassées & égouttées, elles ne pourront produire qu'un bon effet. En général, il faut attaquer cette terre peu-à-peu, multiplier les labours & ne pas épargner les engrais.

On ne sauroit guères espérer de profit par rapport au bled des terres marécageuses. Ce n'est pas que le froment n'y vienne quelquefois bien ; mais lorsque cette terre est nouvellement défrichée, souvent on y recueille beaucoup de folle avoine, ou le bed y pousse avec tant de force, qu'on moissonne beaucoup de paille & très-peu de grain ; c'est ce qui fait qu'un pareil terrain est toujours meilleur en pré qu'en labour. Cependant, à force de labours, on parvient à détruire les mauvaises herbes, ces terres perdent un peu de leur excessive fertilité ; & l’on a des


fromens & des avoines magnifiques dans des marais desséchés.

On reconnoît la terre meuble en la maniant. Elle n'est ni trop sèche ou légère, comme les terres sabloneuses ; ni trop humide, comme les terres marécageuses ; ni trop forte, comme les terres franches : mais on sent qu'elle est douce & qu'elle a le grain menu & sans pierres.