Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Rucher
Rucher ; endroit où l'on réunit un certain nombre de ruches.
RUCHER ; c'est l’endroit où l'on réunit un certain nombre de ruches. Quand on élève un bâtiment pour garantir les demeures & les travaux des abeilles, il faut avoir soin que ce bâtiment soit exposé entre le levant & le midi dans les pays chauds, & au midi dans les pays froids & tempérés. Les ruchers sont ordinairement environnés d'arbustes à fleurs, de plantes aromatiques, & de petits arbres en buissons. Il est essentiel sur-tout qu'il n'y ait point d'immondices & de mauvaises odeurs aux environs ; on ne doit pas même souffrir de gazons, du milieu desquels les abeilles ne se relèvent qu'avec peine dans leur chute. Il ne faut pas encore qu'un rucher soit trop près de chemins fréquentés. L'emplacernent le plus convenable est dans le bas de collines abritées, dans le voisinage des prairies, proche des ruisseaux d'eau courante, dans lesquels on jette quelques branchages, & des cailloux pour donner aux abeilles la facilité d'aller boire & de se baigner sans risque.
Voici quelle est à peu près la disposition d'un rucher. Construisez un mur sur lequel on établit un toit soutenu au-devant par des poteaux de chêne. L'intervalle de chaque poteau jusqu'au mur sera fermé par une cloison percée de fenêtres qu'on ouvre quand on veut rafraîchir le rucher en été. Les ruches sont assises sur des planches rangées par étages. C'est une précaution utile de ménager entre les ruches & le mur un espace où l’on puisse passer aisément, afin d'en écarter les ordures, les insectes, & les animaux qui pourroient nuire aux abeilles. Le bâtiment ou le hangard d'un rucher peut être couvert en chaume ; il n'en sera que plus frais en été & plus chaud en hiver. Les planches doivent être bien jointes, afin qu'elles ne retiennent aucune sorte d'humidité.
Voici la description d'un rucher que le C. de la Rocca a fait exécuter dans un jardin de Montreuil, près de Versailles. (Voyez ci-devant l'article Ruches dans l’Archipel.)
Ce rucher a onze pieds de long, sur cinq & quelques pouces de haut, & deux pieds & demi de large.
Les ruches ayant deux pieds de longueur, & se trouvant engagées horisontalement dans le mur, de manière que leur partie antérieure s'y trouve enfoncée de six pouces, il s'ensuit que ces ruches sont par l’autre extrémité de niveau avec la face du mur. Il seroit cependant à désirer qu'il y eût par derrière ces mêmes ruches un pareil enfoncement, pour avoir la facilité d'y mettre de la paille pendant l’hiver, afin de les tenir chaudement en cas de besoin. Au défaut de ces enfoncemens, on s'est vu obligé de bien couvrir la partie postérieure de la ruche ou couvercle avec de la bouze de vache, qui étant une fois séchée, formoit un bon abri contre le vent. Il y a deux rangées de ruches de terre cuite, & à chaque rangée trois ruches de planches.
Dans un espace d'onze pieds de long, sur deux & demi de large, on pourroit aisément
placer quinze ruches, en formant trois rangées au lieu de deux, & en substituant des ruches rondes de terre cuite, au lieu des ruches de planche. Mais en ce cas, il faudroit commencer la première rangée un peu plus bas, & ne lui donner au plus qu'un pied d'élévation au-dessus de terre.
Ce rucher est couvert de paille, & le toit déborde la mur de tous les côtés d'un pied & demi environ. Cette saillie du toît est très-avantageuse pour les abeilles, en empêchant les grosses pluies qui surviennent tout-à-coup, & les rayons du soleil de frapper sur l’entrée des ruches. Ces insectes venant alors en grande foule pour entrer dans leurs ruches, celles que la pluie feroit tomber ne trouvant point d'abri, seroient exposées à périr à la vue du port.
Au premier coup-d'œil, ce rucher paroîtra peut-être un peu coûteux ; mais outre que les gens de la campagne pourront l’établir à beaucoup moins de frais que les bourgeois, & qu'a par sa solidité Sesa durée il peut passerde père en fils, il doit être censé plus économique que les ruches de paille même.
Chaque hausse doit avoir un treillis aux deux bouts, composé de six baguettes un peu plates & de bois vert, pour qu'elles puissent plier en les faisant passer les unes sous les autres. Lorsque la ruche est montée, les deux treillis doivent être placés l'un sur l'autre ; le fond du bout inférieur de la ruche qui doit reposer sur la planche du rucher, est aussi garni d'un treillis, comme le bout supérieur sur lequel on place une planche avec une pierre, ainsi que je viens de le dire pour tenir la ruche ferme), & cela parce que les treillis étant posés l'un sur l'autre, servent, lorsqu'on sépare les deux hausses, à soutenir les gâteaux qui alors ne se brisent qu'entre les joints des quarrés des treillis. Quand on fait cette séparation, un homme tient la hausse inférieure, tandis qu'un autre enlève la hausse supérieure, en la penchant d'un côté.
Il est à observer qu'avant d'en ôter l'ouvrage, on doit faire passer les mouches, au moyen d'un linge fumant, dans la hausse qu'on veut laisser, car il est indifférent à laquelle des deux hausses on enlèvera la cire & le miel ; ensuite on placera une hausse vuide sur celle qu'on aura laissée ; on concevra aisément que cette ruche composée de deux hausses doit avoir quatre treillis : on donnera à chaque hausse dix pouces (mesure de France) de diamètre, sur dix pouces de hauteur ; la hauteur de la ruche sera donc de vingt pouces.