Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Ruche
Ruche ; habitation des mouches à miel.
RUCHES. Nous devons encore rapporter ici, d'après la Bibliothèque physico-économique, un excellent mémoire sur une nouvelle manière de construire les ruches pour le gouvernement des abeilles.
Une longue expérience & une étude réfléchie des ouvrages de Ducarne, de Blangy, Palteau, Rozier, Ricour & autres sur les ruches & les ruchers, nous font assurer que la nouvelle manière que nous proposons ici de construire les ruches, est préférable à l’ancienne, soit parce qu'elle est moins dispendieuse, soit parce qu'elle réunit de plus grands avantages. Nous allons présenter aux lecteurs cette nouvelle méthode de la manière la plus simple, avec le soin qu'exigent les abeilles dans les divers tems de l’année, & nous nous bornerons à de courtes observations, d’après ceux qui ont écrit sur cette matière.
Construction des nouvelles ruches.
Une ruche est composée de plusieurs petites, appellées hausses. Pour faire une hausse, il faut de la paille fraîche de seigle, propre, & entiérement dégarnie de ses épis & de ses feuilles, & qui n'ait point été mouillée ; elle doit n'avoir aucun mauvais goût ni aucune mauvaise odeur. L'ouvrier serre cette paille par cordons avec de l'osier, ou de la ronce, ou, ce qui seroit le mieux, avec la seconde écorce de tilleul. Il unit ensuite les cordons les uns aux autres, il en forme une hausse de trois à quatre pouces d'élévation, & il en fait une espèce de couronne d'une largeur uniforme, & de douze à treize pouces de diamètre en dedans œuvre. On observera la plus grande exactitude pour faire toutes les hausses de la même dimension, afin qu'elles puissent s'adapter exactement l'une sur l’autre. (Voyez pl. XXXVII, fig. 1, une ruche en paille à deux hausses).
Chaque hausse aura un fond de bois de chêne sans aubier, ou de bois blanc, de même diamètre, de manière qu'il l'effleure en dehors. Ce fond sera attaché à la paille avec du fil de fer ou d'archal. Les planches qui le composeront seront de voliges, bien jointes, & de trois à quatre lignes d'épaisseur. Chaque fond sera percé de cinq grands trous d'environ deux pouces de diamètre, à égale distance, à prendre du centre, pour établir la communication des abeilles dans toute la ruche, & leur procurer la facilité d'allonger leurs rayons. Outre les cinq grands trous, on en percera dans le reste du fond cinquante ou soixante petits de huit à dix lignes de diamètre, pour servir d'issue aux abeilles. On aura grand soin que chaque trou soit bien net, & pour cet effet, dès qu'il sera percé avec la vrille, on y fera passer une broche rougie au feu.
Si l'essaim dont on forme le commencement de la ruche est fort, on réunira trois hausses ensemble pour les recevoir ; chaque hausse se joint à une autre avec de la bouze de vache fraîche ; à mesure que le travail avancera, si la ruche composée de trois hausses est pleine, vous en ajouterez une quatrième par-dessous, ensuite une cinquième, enfin jusqu'à sept, si l’année est abondante. On aura soin de les bien assujettir, pour que le vent, ni aucun autre accident, ne les renverse pas.
Si l'essaim est foible, vous ne mettrez que deux hausses ; la hausse qui terminera la ruche sera surmontée par un fond sans trou, qui pourra être plus large que la hausse de quelques lignes tout autour. Il sera assujetti avec une pierre ou une brique, qui sera ensuite couverte d'un chapiteau de paille comme les ruches ordinaires, afin d'empêcher la chaleur du soleil de le tourmenter & de le faire déjetter.
Au lieu de placer les ruches, ainsi composées de leurs hausses, sur une planche à côté les uns des autres, on établit chaque ruche séparément sur une table isolée. Cette tablette doit être de pierre, si cette matière est commune dans le pays ; si elle est rare, la table sera faite d’une ou de plusieurs planches de chêne bien sec, sans aubier, de deux pouces d'épaisseur, de forme ronde, & de quatorze à quinze pouces de diamètre. Il faut avoir soin que la rainure ne puisse jamais occasionner de fentes, & s'il en survenoit, on les remplira avec de la bouze de vaches ou, encore mieux, avec du mastic de vitrier.
Le côté de la tablette sur lequel sera établie la ruche, doit être bien poli, & la table sera de forme concave, se terminant en pente douce à une ouverture quarrée de six à sept pouces. A l'aide de cette pente, tout ce qui tombera de la ruche, soit abeilles mortes ou papillons, retombera nécessairement sur cette ouverture, qui sera l’endroit le plus bas, le poli empêchant que rien ne puisse s'arrêter ailleurs. Cette ouverture servira encore à donner de l’air aux abeilles, à examiner leur travail, & à voir le moment où il est à propos de donner une hausse, sans causer le moindre dérangement, enfin à les nettoyer.
On pratique, à cette ouverture, une feuillure dans laquelle on place un cadre de bois, de la même dimension, qui puisse entrer juste sur toutes faces. À ce cadre est attachée une grille de fer blanc ou de fer battu, percée de petits trous, à-peu-près comme une grosse râpe, ou une grille de fil de fer, assez serrés pour que les abeilles ni les papillons ne puissent entrer ni sortir. Cette grille sera attachée à la table par deux tourniquets qui l’assujettiront à volonté. La table sera soutenue sur trois piliers de bois de chêne ou de pierres, ou de briques, à environ un pied & demi de terre. Elle sera terminée sur le devant par une avance en forme de bec, de trois à quatre pouces de long, dans le milieu de laquelle sera pratiquée une rigole en pente douce sur le devant, pour faciliter l’écoulement de l’eau, & pour servir de chemin aux abeilles pour entrer dans la ruche.
Avantage des nouvelles ruches sur les anciennes.
Exposer les inconvéniens des anciennes ruches, auxquels les nouvelles ne sont point sujettes, c’est déjà montrer l’avantage de ces dernières. Par la forme des premières, il est impossible de bien distinguer tous les gâteaux de cire vieille qu’il seroit à propos de retrancher, parce qu’elle se gâte, répand une mauvaise odeur, & fait mourir les abeilles. Il est très-difficile de ne pas enlever quelques gâteaux de cire neuve, qui contiennent ordinairement plus de couvain. Si l’on arrache de la cire neuve, dans laquelle il n’y ait pas encore de couvain déposé, il faudra que les abeilles emploient, à réparer le désastre, le tems qu’elles auroient occupé à augmenter le nombre des alvéoles. Lorsque l’année est favorable, & que la ruche est bien peuplée, faute de trouver de l’espace dans la ruche même, elles font un ouvrage perdu en travaillant en dehors. On renverse les ruches ordinaires pour en ôter la cire & le miel ; il reste des débris de cire, le miel coule, les guêpes le sentent, il peut en arriver de tous côtés pour s’approprier le miel et les débris de cette cire, & il en résulte le pillage. Comme on travaille un peu à tâtons, si l’instrument dont on se sert tombe sur l’alvéole de la reine, on ne peut espérer d’essaim pour l’année, trop heureux si la ruche ne périt pas toute entière. L’expérience apprend que, dans ces sortes de ruches, il est presque impossible de garantir les abeilles des souris, des vers, des papillons & de tous les insectes qui font souvent périr une ruche. On ne peut pas plus entretenir les abeilles dans la grande propreté qu’elles aiment :
Comme les ruches sont ordinairement établies sur de longues planches, lorsqu’on visite les abeilles, l’ébranlement d’une seule ruche trouble toutes les autres. On ne parle pas de ceux qui tuent les abeilles pour s’emparer de leur dépouille ; c’est le comble de l’ignorance.
Les nouvelles ruches ne sont pas exposées à cet inconvénient. Si l’on a recueilli un essaim
foible, on le laisse dans une hausse seule qu’on place sous un autre essaim pareillement foible. Quand ces deux essaims seroient soumis à trois semaines ou un mois de distance l’un de l’autre, ils se réuniront & en formeront un bon qui ne craindra point l’hiver. Pour l’assurer davantage, on peut arroser les deux avec un bon verre de miel & autant de vin cuit, refroidis ensemble, assez liquides pour que le plus grand nombre des abeilles en soit mouillé ; ensuite on scelle les jointures des hausses tout autour avec de la bouze de vache, & on les fume un peu.
Pour enlever le miel & la cire, après avoir ôté les fonds supérieurs qui couvrent la ruche, on détache très-doucement la hausse de dessus ; on replace le fond sur la hausse de laquelle on vient de détacher celle qu’on enlève, on l’emporte à l’ombre, loin du rucher, ou chez soi, pour que les abeilles ne la fuient pas ; on chasse avec un peu de fumée celles qui pourroient y être restées ; on l’examine ensuite à son aise dans le cours de la journée ; on s’approprie le tout ou une partie de la récolte qu’elle contient. S’il y a du couvain, on l’y laisse, & le soir on rapporte cette hausse, qu’on met au bas de la ruche dans la même position qu’elle étoit en haut. Il est facile d’enlever ainsi & de visiter successivement toutes les hausses les unes après les autres. Si, dans quelqu’une, il se trouve de la vieille cire ou de la moisissure, ou de la vieille poussière de fleurs, on la nettoie : s’il s’en trouvoit sur la tablette ou sur les fonds, on les lave avec de l’urine fraîche, & la ruche est toujours en bon état. Pour remettre les hausses dans la même situation où on les a prises (ce qui est essentiel), on y trace une ligne rouge ou noire, qui soit assez sensible pour pouvoir les replacer précisément comme elles étoient.
Soit par l’ouverture quarrée qui est au centrs de la tablette, soit par l’inspection des hausses, il est facile de s’assurer s’il faut donner une nouvelle hausse, ou s’il est besoin de donner de la nourriture aux abeilles. Comme il ne faut pas être trop avide de miel, on est à portée de savoir la quantité qu’on en peut ôter, & celle qu’on en doit laisser pour que la ruche soit toujours dans l’abondance. Enfin, on est à même de prendre toutes les précautions nécessaires, sans crainte de se tromper.
Position des ruches ; leurs visites ; nourriture des abeilles.
Il n’est pas indifférent de placer les ruches dans un lieu quelconque, sans choix et sans distinction. La position qui leur convient le mieux, est la proximité d’une habitation, afin d’y veiller plus facilement. Le soleil de sept heures du matin est l’aspect le plus favorable. Vous choisirez, autant qu'il vous sera possible, le voisinage des bois, des prés, des ruisseaux, des lieux garnis de thim & d'autres plantes odoriférantes. Le rucher doit être défendu de l'approche des bestiaux, &, si vous le pouvez, des hirondelles, qui se nourrissent des abeilles & en nourrissent leurs petits. Vous le garantirez des effets du vent, & sur-tout de celui du nord ou de la bise, par des murs, haies ou cloisons de roseaux seulement :
Principio sedes apibus statioque petenda,
Quò neque sit ventis aditus (nám pabula venti
Ferre domum prohibent) neque oves hœdique petulci
Floribus insultent, &c.
Les ruches doivent être placées en échiquier & à telle distance l'une de l’autre, que l'on puisse y travailler sans toucher, que le moins qu'il sera possible, aux chapiteaux.
Si vous voulez visiter vos ruches pour les nettoyer, vous les renverserez sur une table ou autre chose, en commençant par la hausse de dessous, que vous replacerez ensuite dans le même ordre, exactement au même aspect, & avec célérité, en suivant l'opération que nous avons déjà annoncée.
C'est une erreur de croire que les abeilles puissent abuser de la nourriture qu'on leur donne, & qu'elles en deviennent plus paresseuses. Il ne faut point négliger cette opération quand la mauvaise saison les met dans l’impossibilité de s'en procurer, & lorsqu’une nouvelle génération va paroître ; surtout si elles ne sont pas suffisamment pourvues de leur nourriture naturelle, qui est la meilleure de toutes. Pour vous acquitter de cette fonction, vous mettrez, soit sur la grille, soit sur la hausse supérieure, des rayons garnis de miel, que vous rendrez liquide s'il est grainé, ou deux tiers de miel & un tiers de bon vin que vous réduirez ensemble en syrop, au points de faire pâte, ou que vous ferez au moins bouillir un moment ; & enfin du jus de fruits préparés de même. Vous le mettrez dans un vase un peu concave, que vous couvrirez légérement de mousse, pour donner appui aux abeilles qui, sans cette précaution, seroient exposées à périr. Si vous placez ce vase sur la hausse supérieure, vous le couvrirez par une hausse sans trous & exactement adaptée. L'heure la plus favorable pour toutes les opérations autour des abeilles, est depuis huit à neuf heures du matin jusqu'à trois ou quatre du soir.
Mais avant que de procéder à aucune de ces opérations, la prudence exige que vous preniez
des précautions contre la piqûre des abeilles. Ayez en main un bâton chargé de mauvais linge, blanc de lessive, de thim & autres plantes odoriférantes, dont vous formerez un tout assujetti avec de l'osier ou du fil de laiton, & de la grosseur d'une andouille, que vous aurez mis au feu pour le faire seulement fumer, afin d'éloigner les abeilles sans leur faire aucun mal. Vous vous couvrirez ensuite d'un camail de toile, dont la partie antérieure forme un large masque saillant, de fil de laiton, assez serré pour que l’abeille ne puisse y passer. On peut encore se garantir par le jus de lierre terrestre. On en a fait l'expérience en broyant cette plante dans ses mains. Si cependant vous êtes piqué malgré ces précautions, tirez l’aiguillon, pressez la plaie pour en faire sortir le venin, lavez-la avec de l'eau fraîche, ou mettez-y de la bouse de vache, du jus de plantain, de l'huile de laurier, du baume du Pérou, ou, pour les riches, de l'alkali volatil fluor.
Gouvernement des abeilles pendant tous les mois de l'année.
Mars.
Le moment où la saison s'adoucit & où la végétation commence, est aussi celui où les abeilles commencent à avoir besoin de soins particuliers. C'est le tems le plus sûr pour acheter des ruches. Choisissez un jour où le soleil ne brille pas, & transportez-les dans une hotte, sur le dos, le plus doucement qu'il est possible ; ou bien fermez-les exactement avec un linge ou autre chose, renversez-les & les assujettissez ensuite sur une voiture. Lorsqu'elles seront arrivées à leur destination, vous les placerez sur des tablettes, & ne les ouvrirez que le lendemain matin.
Vous aurez soin dans ce mois de nettoyer vos ruches, suivant la manière que nous avons indiquée ; de laver les tables avec de l’urine fraîche, & d'examiner si les abeilles ont une provision suffisante de nourriture.
Avril.
Quoique ce soit la saison des fleurs où les abeilles peuvent aller faire leur récolte, vous devez cependant veiller à la nourriture de la peuplade naissante, & subvenir à ses besoins. Quel que soit le zèle des ouvrières, elles ne le peuvent par elles-mêmes si vous n'y suppléez pas. Les voyages les empêchent, les soins les distraient, & souvent elles sont arrêtées par la pluie, le vent ou la neige, cette saison étant la plus inconstante de l’année. Ainsi la perte ou le gain dépend de votre attention.
Mai & Juin.
Si vos abeilles ne sont pas à portée de l’eau, mettez auprès du rucher une auge de pierre ou de bois ; dans laquelle vous entretiendrez de l’eau propre, que vous renouvellerez de tems en tems, & dans laquelle vous répandrez çà & là des brins de mousse, pour servir d’appui aux abeilles. Si vous avez une ruche foible & une très-forte, mettez, par un beau jour, à onze heures ou midi, la forte au lieu de la foible, & celle-ci à la place de la première, où se porteront les abeilles qui étoient dehors. Toutes vivront en bonne intelligence & formeront une ruche bien peuplée. Cette expérience a réussi au C. Collot, de Troyes, en 1783 & 1784.
Préparez vos hausses pour recevoir vos essaims ; deux pour l’essaim ordinaire & trois pour un essaim fort, c’est-à dire pesant cinq à six livres. Faites veiller constamment depuis huit heures du matin jusqu’à cinq du soir. Quand un essaim sort de la ruche, le moyen sûr pour l’arrêter, est d’y jeter de l’eau avec un balai ou de la poussière. Lorsqu’il sera fixé aux haies, arbustes ou arbres, vous (étant armé de l’andouille & couvert du camail) mettrez sous la branche une hausse, sans trous, dans laquelle vous les ferez tomber & les poserez ensuite à terre. Vous la couvrirez d’une ruche, à deux ou trois hausses, que vous aurez frottée avec du thym ou autre plante odoriférante, & où vous aurez fait couler du miel & du vin bien délayé. Vous ne couvrirez pas cette ruche exactement, mais vous y laisserez un vuide suffisant, afin que les abeilles du dehors puissent s’y introduire, & au soleil couché vous la porterez au rucher. Il est prudent de bien fumer l’endroit où elles se sont fixées, pour empêcher le retour. Si deux ou trois essaims foibles se réunissent à la même branche, recevez-les dans une seule ruche ; s’ils font forts, essayez de les diviser avec une ficelle, de découvrir les reines, & d’en porter une dans chaque ruche, avec une quantité d’abeilles à peu près égale. On y est parvenu à l’aide d’un petit balai de plume ; les mains lavées avec de l’urine servoient de cuiller. Si vous ne le pouvez pas, alors divisez au hasard. Comme il importe quelquefois d’empêcher une ruche de s’affoiblir par un second, & même un premier essaim, vous y parviendrez en mettant une hausse dessous.
Si vous vous êtes servi de la ruche sur laquelle vous avez adapté un saladier, quinze jours ou trois semaines après, au plus tard, vous introduirez avec précaution un petit coin de chêne très-mince, ou une lame de couteau, pour donner entrée à un fil de laiton que vous ferez passer entre la tablette & le saladier, après avoir
enlevé celle qui l’assujettissoit, & vous le trouverez plein du plus beau miel, comme l’expérience le prouve.
Juillet.
À commencer au ir juillet, jusqu’à la fin d’août ou environ, on peut, par un beau jour, & depuis neuf heures jusqu’à trois, appliquer, sans risque, à son profit, tout ce qui excède le besoin des abeilles, mais avec beaucoup de discrétion. Armé & habillé comme pour recevoir un essaim, j’introduis çà & là un ciseau ou une lame de couteau ; je divise la tablette sans trous, qui couvre la hausse supérieure, où j’introduis le plus de fumée qu’il est possible. Les abeilles descendent ; alors je détache avec précaution la première hausse de la seconde, je l’enlève, la renverse & vois si je ne puis rien prendre, ou si je puis prendre le tout ou une partie. Dans le premier cas, je remets exactement ma hausse dans sa première position, suivant la ligne rouge ou noire que j’aurai tirée, comme on l’a observé. Dans les second & troisième cas, il faut user d’adresse & de célérité : je fais mettre ma hausse à peu de distance du rucher, sur le vuide d’une chaise renversée, tandis que, par les trous, je me rends certain de ce qu’il y a de miel dans la seconde. Je couvre celle-ci de la tablette, & lui donne un appui de trois bâtons de la grosseur d’un doigt, mis en triangle pour éviter d’écraser les abeilles. Celles qui sont restées dans la hausse enlevée, sont chassées par la fumée que j’introduis en-dessous, & à l’aide d’une plume que je passe entre les rayons ; puis sans faire périr une seule abeilles & tranquille dans ma chambre, j’enlève de mes ruches les rayons de miel des deux côtés. Je me donne garde de toucher aux autres, & moins encore à ceux où il y a du couvain d’ouvrières. Si je ne prends qu’une partie, je fais lever ma ruche & pose ma hausse sur la table ; & le soir, mes abeilles tranquilles, j’enduís mes ruchesavec de la bouse de vache, fraîche & sans mélange.
Si l’abondance de la ruche & l’état de la hausse me permettent de m’emparer du tout, ma hausse est mise en magasin. En vendangeant mes ruches, j’ai soin d’avoir près de moi trois ou quatre grands vases de terre qui ne servent qu’à cet usage (le cuivre seroit pernicieux), je les couvre de claies propres à égoutter les fromages ; je pose sur les unes les rayons les plus beaux, c’est-à-dire, les plus blancs, & sur les autres ceux qui le sont moins. Je racle les côtés du rayon pour donner plus d’issue au miel, & j’établis tous mes vases dans un endroit bien fermé, près d’une croisée sur laquelle donne le soleil. Quand la plus grande quantité de miel est égouttée, je le passe à travers un linge & le mets dans des pots de terre, en distinguant les qualités ; puis je réunis tous les rayons & les presse dans une chausse de toile, ce qui forme un troisième miel. Pour jouir de celui qui reste dans la cire, je la jette dans l’eau chaude ; je la divise le plus qu'il m'est possible, &, après avoir laissé fermenter le tout ensemble pendant quelques heures, je le passe de nouveau à la chausse, d'où il tombe dans une chaudière d'airain, où je le fais cuire á un feu doux & clair ; je l’écume, & vois qu'il est cuit, lorsqu'en le mettant sur une assiette ou sur l'ongle, il forme une gelée. Ce miel est pour la nourriture des abeilles : je porte aussi l'écume & les instrumens dont je me suis servi auprès de mes abeilles, qui en font leur profit. Si la saison étoit mauvaise, c'est-à-dire, pluvieuse ou froide, &c. au lieu de récolter, il faudroit fournir de la nourriture aux ruches. Sans cette précaution, il seroit possible que tout pérît. Si les chaleurs sont fortes, donnez de l'air en mettant une hausse dessous. Cette opération se fait le soir ou le matin.
Si vous avez des ruches foibles, ce que vous connoissez par le petit nombre, par le peu d'ardeur & d'activité des abeilles, vous en réunirez deux ensemble le soir ou le matin. Ce n'est pas une précaution inutile de faire sur les deux extrémités une aspersion de bon vin & de miel, & de fumer un peu, comme il a été dit.
Août & Septembre.
Nourrissez les ruches foibles ; dégraissez les fortes. Gardez quelques rayons de miel, & tenez-les dans la même position qu'elles étoient dans la ruche.
Octobre.
Nettoyez les tables ; visitez, fermez exactement vos ruches, & ne laissez d'ouverture que par l’entrée & la grille. Si la hausse sur qui porte la table est pleine de cire, mettez-en une autre dessous, que vous enlèverez au printems. Si, au contraire, elle étoit vuide, & que celle qui est immédiatement au-dessus ne fût qu'à moitié pleine, ôtez celle de dessous. En cas de besoin, donnez de la nourriture abondamment & sans craindre ; mas donnez-la sur la hausse supérieure, faites-la même couler dans le milieu de la ruche ; par-là vous éviterez le pillage dont il faut vous garder soigneusement. Ne laissez à la grille d'entrée d'autre ouverture que pour le passage d'une abeille ; elles pourront sortir trois ou quatre de front dans la largeur. Cette précaution est nécessaire contre les mulots & les insectes. S'il y a des ruches foibles, réunissez-les en mettant la plus forte dessus.
Novembre, Décembre, Janvier & Février.
Avec des chapiteaux de paille, garantissez vos ruches des neiges & des pluies. Tâchez de les préserver des mulots & des souris, ainsi que des fourmis pendant l’été. Tendez des pièges aux premiers, & mettez autour de chaque piquet qui soutient la table, à la hauteur de six à sept pouces, une bande de tôle ou de fer blanc que vous enduirez de soie bien délayée dans de l'urine ou de l'huile de chenevis ; l'un empêchera, les souris de monter, & l'autre éloignera les fourmis.
Un agrément qu'on peut se procurer, est celui d'avoir du plus beau miel, en mettant un saladier ou un vase quelconque sur le fond de la dernière hausse. Ce vase couvrira parfaitement, les cinq grands trous, Seles abeilles y viendront former des rayons & déposer leur miel. On met le vase le jour qu'on a recueilli l'essaim, & quinze jours ou trois semaines après, on peut le détacher en introduisant un fil de laiton entre le vase & le fond. Il faut observer que le fond sur lequel on met le vase, ne soit percé que des cinq grands trous, ou n'en faire qu'un grand de toute la largeur du vase.
De la perte des ruches.
On sait que la mort de la reine l’occasionne infailliblement.
— Inter apes dux fœmina regnat.
. . . . . . . . . . . . .
— Spes & fortuna penarum
Illius ex vita pendent : opera omnia cessant,
Regina sanguente, &c.
Si l'on peut pressentir la mort de cette reine, on pourra éviter la perte de la ruche, en la réunissant à une foible qui aura une reine. Les fleurs de cornouiller, d'orme, de tilleul ne donnent pas lieu au flux ni à la rougeole, puisque ces maladies sont aussi fréquentes dans les lieux où il n'y a pas de ces arbres que dans ceux où ils se trouvent. Le besoin seul les occasionne. Ces maladies cesseront, ou vos abeilles n'en seront point attaquées si vous leur procurez de la nourriture. J'en ai rappelé à la vie de languissantes & même d'expirantes, par une aspersion de miel délayé avec de l’eau-de-vie ou du kirschwaser, faite entre les rayons ou gâteaux, une ruche mise le bas en haut. Je conseille le remède comme sûr ; mais il faut encore plus éviter d'être forcé par la négligence, ou par une économie mal entendue, de recourir à cet expédient.
Essaims forcés.
Il est possible de se procurer des essaims sans en attendre la sortie, & en voici les moyens principaux :
1°. Lorsque par le très-grand nombre d'abeilles, ou par quelque autre indice, vous vous appercevrez que votre ruche doit essaimer dans peu, armé, comme nous l’avons dit, vous mettrez celle à cloche dans le vuide d'une chaise renversée, celle à hausse sur une table, le bas en haut. Vous la couvrirez d'une ruche, préparée comme pour les essaims. S'il y a un vuide, vous le remplirez avec du linge. On frappe sur la ruche pleine, en partant de la partie inférieure, avec deux petits bâtons. On monte peu à peu, & l’on réitère jusqu'à ce qu'il soit passé un nombre suffisant d'abeilles pour former un bon essaim. Si un panier ne peut le fournir, on en ajoute un second. On remet à leur place ceux dont on a tiré les abeilles, & la nouvelle à vingt ou trente pas du rucher, jusqu'au lendemain seulement. S'il y a une reine, vous serez assuré du succès.
Vous emploierez le même procédé pour échanger les abeilles des vielles ruches. S'il en reste entre les rayons, on les en fait sortir par la fumée, & à l'aide d'une plume que l'on passe doucement entre les gâteaux.
2°. Divisez une ruche à hausse (je la suppose de quatre pleines.) Vous enlèverez la hausse qui, porte sur la grille, vous la placerez sur une hausse vuide qui aura été mise sur la table ou linché. Vous remplacerez la première par une hausse vuide, puis vous enlèverez la hausse supérieure avec son dessus, & couvrirez très-vite la ruche dont vous aurez pris deux hausses pleines, par une tablette sans trous, c'est-à-dire, former l'essaim par la hausse supérieure & par l'inférieure d'une ruche pleine, & mettre dessous les deux une hausse vuide, & couvrir la première d'une tablette sans trous.
3°. Si votre ruche n'est formée que de trois hausses pleines, vous fumerez par le quarré de la grille que vous aurez ôtée ; vous enlèverez les deux hausses supérieures, avec le dessus, vous poserez le tout doucement à terre, & à l'instant vous couvrirez la troisième d'une tablette sans trous. Ne laissez aucun vide entre l'une & l'autre, posez dessous une hausse vuide, & après avoir renversé les deux premières, que vous couvrirez des deux autres, vous procéderez comme nous avons dit. Enfin, pour forcer un essaim & le former d’abeilles tirées d'une ou de deux ruches, vous porterez la nouvelle ruche inversée sur la table de l’ancienne, & celle-ci sur une
autre, où vous aurez fait poser une hausse vuide.
4°. Mettez une ruche vuide, bien préparée, à côté d'une autre que vous jugerez devoir donner un essaim. Fermez, exactement toutes les issues, fournissez-en une par un tuyau d'un pouce de hauteur, d'un pouce & demi de largeur, qui partira de la ruche pleine dans la ruche vuide, & le plus proche de l’ouverture qu'il est possible. Ensuite vous préparerez des rayons de miel, du syrop ou du jus de fruits cuits, que vous mettrez pour appât sur la hausse supérieure de la ruche vuide où l'essaim établira sa demeure. (Voyez pl. XXXVII & son explication.)
De la matière dont on fait les ruches dans l’Archipel ; & nouvelles ruches conseillées par le C. de la Rocca.
La matière dont nos ruches sont composées est aussi simple que commune : c'est de la terre cuite avec laquelle on fait les vases ordinaires & la brique. Nous avons en France plusieurs espèces d'argile ; mais il faut par-tout se servir de la meilleure.
La forme de nos ruches est ronde, & leur longueur d'environ trois pieds : leur diamètre a un pied dans la partie extérieure qui, en se resserrant, forme à l'une des extrémités un fond de sept à huit pouces. Ordinairement le fond de ces ruches est fermé ; mais on commence à les construire ouvertes des deux côtés, & d'un diamètre égal dans toutes leurs parties.
Autour de l’ouverture il y a une espèce de baguette semblable à celle des marmites ; elle doit cependant être plus large, pour que le couvercle puisse bien fermer & s'y adapter commodément.
Avant de les mettre au four, on doit faire attention de faire pour les cuire, trois ou quatre petits trous autour de la baguette, pour faire passer des chevilles qui tiendront le couvercle. Quand les ruches seront posées dans la situation, qu'elles doivent avoir pour les rendre plus solides & impénétrables à l’humidité, il faut les enduire à l’extérieur d'un vernis. Quant à l’intérieur, on observera de n'en vernir que la moitié dans sa partie inférieure. Sans cette précaution, les abeilles, qui n’attachent leurs rayons que dans la partie supérieure, ne les y colleroient que très-difficilement.
Cette partie, qui ne doit pas être vernissée, & qui recevra les rayons, sera canelée & ses canelures entrecroisées d'espace en espace : les ruches devant être placées horisontalement, la partie canelée sera toujours en-dessus ; ce sera là que les abeilles placeront leurs rayons avec solidité.
Le couvercle de nos ruches sera du même diamètre & de la même forme, c'est-à-dire, rond : on l’adaptera au bord de l’ouverture de la ruche ; mais au lieu d'être à plat, comme sur une marmite, il restera droit, parce que la ruche doit être pósée horisontalement ; les petits trous dont nous avons parlé, autour de la baguette, serviront à y mettre des chevilles ou des clous pour le soutenir ; la position horisontale de la ruche exige cette précaution.
On peut construire ces couvercles de quatre manières : en terre cuite & toujours plats & unis, avec un bouton au milieu ; en ardoise, en planches & en fer blanc.
Tous conviennent également ; mais les premiers sont plus fragiles ; en planches, ils peuvent être rongés par les rats. Je conseillerois ceux d'ardoise ou de fer blanc, & en les faisant de cette dernière matière, on pourroit mettre deux feuilles ensemble bien soudées ; pour que les abeilles puissent y marcher commodément, on enduiroit ce couvercle d'un gros vernis posé quelques semaines à l’avance, pour lui laisser perdre sa mauvaise odeur : il le garantiroit en même tems de la rouille.
Autour du couvercle adapté à la ruche, nous faisons sept à huit entailles, qui doivent former, autant de portes pour le passage des abeilles : il faut observer que ces entailles ne soient que d'une dimension relative à leur forme ; car si elles étoient trop grandes, leurs ennemis pourroient s'introduire dans la ruche, & si elles étoient trop petites, elles ne pourroient y passer.
Nous observons aussi de tracer une marque quelconque sur ces couvercles, dans leur partie extérieure, afin de les placer toujours dans la même position. On ne pourra pas s'y tromper, en distinguant le haut du bas. Sans cette précaution, toutes les fois qu'on ouvriroit les ruches, on pourroit les ébranler, & les abeilles en seroient continuellement dérangées.
Voilà la forme des ruches dont on se sert dans l’Archipel, & particulièrement dans l’Ile de Syra. Ces sortes de ruches sont commodes pour les propriétaires, & avantageuses pour les abeilles. Tous ceux qui les ont vues, & même les gens de la campagne, ont été très-satis- faits.
Le potier qui les a faites à Paris, est un nommé Pinchon, rue de la Roquette, fauxbourg Antoine ? Ceux qui voudront en avoir de pareilles, peuvent s'adresser à lui.
P.S. Après l'essai que j'ai fait à Versailles de mes ruches, je me suis décidé d'en faire faire les couvercles avec des planches qui soient bien adaptées à la ruche. Au bas de ces couvercles, je forme une ouverture par où les abeilles puissent seulement passer. À cette ouverture j'ajoute une porte de fer blanc ou de tôle, percée d'un côté avec des petits trous pour leur donner de l’air quand on ne veut pas qu'elles sortent ; je fais de l'autre des trous plus grands, pour qu'elles puissent librement entrer & sortir.
Manière dont on place les ruches dans l’Archipel : avantage de cette position ; par le même.
Notre méthode sur ce point est différente de ce qui se pratique par-tout ailleurs : il en résulte une autre manière de gouverner les abeilles. Dans toute l’Europe, où l'on tient les ruches droites, les abeilles commenceat leur travail du haut en bas, & leurs rayons ont autant de longugur que la ruche a de hauteur. Nos ruches, au contraire, s'étendent horisontalement en longueur, & nos abeilles attachent toujours leurs rayons dans la partie supérieure & cannelée, avec cette différence, que tantôt elles commencent à travailler dans le fond de la ruche, en s'avançant vers le devant, & que tantôt elles s’arrêtent au milieu, où elles commencent à former leurs premiers rayons.
Pour placer nos ruches, nous formons dans toute la longueur du mur, des niches que nous élevons de terre à volonté. Nous leur donnons environ un demi-pied de plus que la ruche n'a de longueur, & un peu plus de hauteur & de largeur qu'elle n'a de diamètre. Nous avons soin que le mur où nous formons ces niches soit sur un terrain plein, & qu'il en soutienne un autre plus haut & plus élevé : par ce moyen, la partie de la niche dans sa longueur est construite dans le mur, & l'autre partie s'appuie sur le terrain de derrière, soutenu par le mur lui-même. Tous les murs à Syra & dans les campagnes, soit pour, soutenir un terrain, soit pour enclore un domaine, sont en pierre seche, & nos niches sont construites de même ; mais nous en couvrons la partie supérieure avec de grosses pierres fort larges, afin que l’eau de la pluie s'écoule sans endommager les ruches. La partie inférieure ou le pavé de la niche se fait aussi avec de petites pierres, afin que s'il y tombe de l’eau, elle ne s'y arrête pas.
Lorsque les niches sont ainsi formées, nous faisons un lit de foin sur lequel nous posons notre ruche ; nous la garnissons tout autour, pour garantir du froid les abeilles en hiver, & en été de l’ardeur du soleil. Les ruches ainsi disposées, pourroient supporter tous les froids du Nord sans en être incommodées. Si elles vivent en Pologne & ailleurs, dans des cavités ou des creux de rocher, pendant les hivers les plus rigoureux, elles doivent se trouver encore mieux dans des ruches placées, comme les nôtres, presque dans la terre.
Pour remplir le vide qui est entre & le bord de la ruche, nous y construisons un petit massif tout autour en pierres & en ciment, pour boucher les interstices & empêcher qu'il ne s'y niche quelque araignée ou autre ennemi des abeilles. Les petits trous dont nous avons parlé, doivent rester aussi à découvert, & il faut avoir attention, en posant la ruche dans la niche, de l’enfoncer d'environ un demi-pied, afin que la pluie ne puisse pas l’endommager. Par la même raison on couvre le devant de la ruche & de la niche avec une pierre quarrée, de la largeur environ de l'une & de l'autre, c'est un second couvercle auquel on laisse des deux côtés un passage pour les abeilles, & qui les met à l'abri de tous fâcheux accidens.
Mais si le lieu où nous voulons placer nos ruches ne fournit pas une terre pleine, & si les murs en pierre sèche n'ont pas assez d'épaisseur pour les niches, alors nous formons à côté du mur des caisses quarrées de quatre pieds, sur deux pieds & demi de largeur & de hauteur ; nous couvrons leur partie supérieure avec de bonnes pierres, & mettant de la terre par-dessus, nous formons dans ces caisses des niches semblables à celles que nous avons décrites : la sûreté complette qui règne à Syra pour les ruches, nous permet de les placer à notre gré entre les collines & les vallées, & les abeilles y réussissent à merveille. Je crois avoir décrit avec assez de précision la forme, la matière & la disposition que les ruches doivent avoir.
C'est la base de toute l’économie des abeilles ; c'est le fondement de toutes les opérations sur le gouvernement de ces insectes, & c'est de-là que dérivent les grands avantages que notre manière de les conduire a sur toutes les autres.
Description des ruches de Syra, en pierre.
Outre les ruches en terre cuite dont j'ai parlé, on employoit & on emploie encore quelquefois des ruches faites avec cinq pierres réunies, qui sont d'une grande solidité. Dans l’isle de Syra, il se trouve une espèce de pierre semblable à l'ardoise, mais plus forte, ayant plus de consistance, & qui se travaille très-facilement. On forme avec cette pierre quatre morceaux de la longueur dont on veut que soit
la niche ou la ruche ; c'est ordinairement d'environ trois pieds. Celui qui doit servir de plafond doit être de la largeur de la-niche.
On choisit ensuite un terrain favorable, soit au fond d'un vallon ou sur une colline ; on y place les niches : on dispose son terrain ; on pose deux pierres parallèles à un pied de distance l'une de l’autre, & on place entre elles celle qui doit servir de plafond. Il importe peu que l'une des deux pierres parallèles soit plus ou moins enfoncée dans la terre ; il suffit que le haut soit bien de niveau, pour que la pierre qu'on doit mettre par-dessus, laisse le moins d'interstice possible. Ces quatre pierres une fois placées, on en met une autre par derrière pour fermer la ruche, & les ouvertures qui peuvent se trouver à leur jonction, doivent être hermétiquement bouchées, afin que les fourmis ou les vers ne puissent pas y pénétrer. Du mortier à chaux & à sable suffit pour cette opération.
On ferme la partie antérieure de la ruche avec un couvercle de la même pierre & de la même dimension ; on l’adapte à l’ouverture, & on pratique comme aux autres ruches, de petits trous pour l’entrée & la sortie des abeilles. La manière de couvrir le devant de la ruche est la même que celle dont nous ayons parlé pour celles de terre cuite.
Cette espèce de ruches ne s’emploie qu'à Syra ; on ne s'en sert dans aucune autre partie de l'Archipel, ni, je crois, dans tout le Levant. Cependant les abeilles y réussissent à merveille ; elles y sont ordinairement plus actives, plus fortes, y donnent une plus grande quantité de miel, & leurs essaims valent mieux que ceux qui viennent dans les ruches de terre cuite. Mais j'ai remarqué que les abeilles vivoient plus longtems dans les dernières ; c'est sans doute, parce que les ruches de terre cuite offrent aux propriétaires des moyens plus faciles pour traiter & soigner les abeilles, & sur-tout pour les préserver des vers, que les autres. Il faut observer, à l’avantage de celles qui sont en pierre, que les essaims égarés qui cherchent un asyle, les préfèrent souvent aux ruches de terre cuite.