Encyclopédie méthodique/Amusements/Abeilles

Panckoucke (p. 1).

A.

ABEILLES. On sait que l’Abeille femelle est la reine & fait le destin, en quelque sorte, de chaque ruche. Le caractère de cette mere abeille, est d’avoir les ailes très-courtes. Elle a le vol difficile : aussi ne lui arrive-t-il guères de voler que lorsqu'elle sort d’une ruche pour aller établir sa colonie. Toutes les abeilles la suivent en sujets fidèles, au lieu qu’elle a choisi. Lors donc qu'on peut saisir la reine abeille, on est sûr de diriger l’essaim à son gré. Il s’agit de retenir cette abeille avec un crin ou une soie qu’on lui passe délicatement autour du corselet, & les mouches attentives à ses actions, vont & viennent, l'environnent, s'arrêtent, & semblent obéir aux volontés de celui qui commande à la mere-abeille, en ne suivant en effet que les mouvemens de leur reine.

C’étoit le sortilège ou plutôt le secret de M. Wildman, de Plimouth, habile physicien, qui avoit étudié l’instinct des abeilles, & qui profitoit de leur attachement pour leur reine, dont il se rendoit maître quand il vouloit faìre passer un essaim d'une ruche garnie, dans une autre qui ne l'étoit pas. Bien sûr de ses procédés, ce naturaliste Anglais se présenta un jour à la société des arts, à Londres, avec trois essaims d’abeilles qu’il avoit apportées avec lui, partie sur son visage & sur ses épaules ; & partie dans ses poches. Il plaça les ruches de ces essaims dans une salle voisine de l'assemblée, il donna un coup de sifflet, aussitôt les mouches le quittèrent toutes et allèrent dans leurs ruches ; à un autre coup de sifflet, elles revinrent reprendre leur poste sur la personne & dans les poches de leur maître. Cet exercice fut réitéré plusieurs fois, au grand étonnement de cette société savante, sans qu’aucun des spectateurs ait reçu la moindre piquûre.

Ces prodiges, dont nous avons dévoilé plus haut la cause secrète, ont été répétés, il y a quelques années, avec un égal succès dans une séance de l'académie des sciences, à Paris, par le même M. Wildman, qui expliqua aux académiciens français la théorie, & la pratique qui lui réussissoient si merveilleusement.