Encyclopédie anarchiste/Astrologie - Athéisme

Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Librairie internationale (tome 1p. 165-177).


ASTROLOGIE. n. f. du grec : astron, astre, et logos, discours). — L’astronomie est l’art de prédire les événements d’après l’inspection des astres et la connaissance de leur influence. On sait que les Chaldéens furent les premiers à étudier les astres et à observer leur mouvement. Mais ils ne se bornèrent pas à cette étude. Ils y ajoutèrent des notions conjecturales relatives à l’influence de ces astres sur le monde terrestre et les êtres vivants. Tout un système fut bâti peu à peu sur ces notions, système d’après lequel pour savoir le passé et l’avenir d’un homme, il faut établir le thème de sa nativité, c’est-à-dire reconstituer l’état du ciel à l’instant de sa naissance. Après avoir été étudiée en Chaldée, l’astrologie fut successivement étudiée en Égypte, en Grèce, en Italie, puis dans tout l’Occident de l’Europe. Elle est persécutée au Moyen Âge et les astrologues sont pourchassés comme des sorciers. C’est à cette époque cependant qu’elle jouit de son plus grand prestige. Elle atteint son apogée au xvie siècle. Il fut un moment où chaque prince avait un astrologue à sa cour. Puis l’influence de l’astrologie s’éteignit peu à peu. Toutefois des savants, comme Cardan, Tycho-Brahé, Kepler continuèrent à s’y intéresser. Mais au xviie siècle ce fut une rapide décadence. Malgré les efforts de quelques groupes qui s’en occupent encore de nos jours, l’astrologie peut être mise, avec l’alchimie, au rang des sciences mortes. — On emploie parfois comme synonyme d’astrologie le mot astromancie, n. f. (du grec astron, astre, et manteia, divination).


ASTRONOMIE. Le plus malfaisant des livres, la Bible précise et résume le mieux la conception géocentrique et anthropocentrique qui a fait, pour le malheur de l’humanité, de notre planète le centre de l’univers et de l’homme le roi de la Terre.

D’après la conception géocentrique, la Terre est plate et le Soleil, la Lune, ainsi que tous les astres tournent autour d’elle.

Cette cosmologie est encore à la base du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam, dont le Dieu féroce et sanguinaire créa, au commencement, les cieux et la terre, ensuite la lumière, puis il fit deux grands luminaires : le plus grand luminaire pour dominer sur le jour, et le moindre pour dominer sur la nuit ; il fit aussi les étoiles et les mit dans l’étendue des cieux, pour luire sur la terre. Après cela, Dieu créa les poissons, les oiseaux et les autres animaux et finalement l’homme à son image et la femme à celle de l’homme pour bien marquer son infériorité. Il les chassa ensuite du paradis, où il les avait placés, pour avoir mangé les fruits de l’arbre de la vie et s’être livrés aux joies des sens.

Savoir et aimer, c’est là le fameux péché originel pour lequel Adam et Ève furent condamnés avec toute leur descendance, les hommes à travailler à la sueur de leur front, les femmes à enfanter dans la douleur.

Mais l’homme, dont l’ignorance et l’épouvante des phénomènes qu’il ne savait pas s’expliquer et encore moins combattre avaient créé les dieux, parvint aussi à les maîtriser par un antidote puissant, la science. Heureusement il était moins féroce que les monstres qu’avait enfantés son cerveau apeuré et le besoin de repos, de rêve, de méditation et de réflexion fraya la voie à la plus belle des sciences, l’astronomie.

C’est sous le ciel étoilé des rives de la Méditerranée que naquit la science des astres qui enseigna à l’homme le rythme des saisons, l’harmonie des mouvements célestes et la grande solidarité de la nature en éternel devenir, promesse et gage de fraternité universelle.

C’est en Chaldée qu’on a trouvé les plus anciens parchemins de la noblesse de l’astronomie et qu’on a pu reconstituer la plus vieille date historique que nous possédons. L’éclipse choisie par ce peuple comme point initial d’un des cycles lunaires nous ramène à 13.442 années avant l’an 1900 et on admet que cette date correspond à une coïncidence entre une éclipse solaire et le lever de l’étoile Sirius.

Les Chaldéens imaginèrent les premiers la division du cercle en 360 degrés, du degré en 60 minutes, de la minute en 60 secondes et de la seconde en tierces. Ils créèrent la science astronomique et ce sont eux qui, dans leurs calendriers, divisèrent l’année en 365 1/4 jours, en 12 mois, la semaine en 7 jours consacrés aux sept planètes connues alors ; le jour en 24 heures, l’heure en 60 minutes et la minute en 60 secondes. Les Chaldéens furent aussi des navigateurs émérites et la preuve qu’ils ont été dans les régions équatoriales résulte du fait qu’ils racontent avoir vu l’étoile polaire à l’horizon.

Il y a environ 4200 ans, des émigrants occidentaux, les Bak-Sing, avaient fait leur entrée en Chine par les frontières du Nord-Ouest. Ces émigrants ont dû passer par les voies qui devinrent plus tard et dès l’antiquité les deux grandes routes qui liaient l’Occident à l’extrême-Orient. Ces routes sont celles du Jade, qui passait par le midi (lat. 40 à 45) et celle de la Soie, qui passe par Terek-Davan.

Ces Bak-Sing, représentants du peuple des Bak, vivaient autrefois en Chaldée, sur le bas fleuve de l’Euphrate et ont, dans leurs diverses étapes, laissé leur nom à beaucoup de villes et de lieux, tels que Bac-Tres, Bactriane et Bagdad.

Ce sont ces Bak qui ont importé en Chine les arts, les métiers et l’écriture ; c’est d’eux également que les anciens Chinois apprirent à préciser la longueur de l’année solaire et à la diviser en 12 mois et 4 saisons. L’ère chinoise remonte à 2637 ans avant Jésus-Christ ; le siècle chinois vaut 60 ans, les mois chinois sont lunaires et subdivisés en périodes de 7 et 5 jours et la journée est partagée, irrationnellement comme chez nous, en deux fois 12 heures (Depuis la République, la Chine a pris le calendrier grégorien.). C’est en se croisant avec les aborigènes que les Baks, peuple chaldéen, formèrent l’admirable nation chinoise.

Plusieurs éclipses observées par les Chinois dès les temps les plus reculés et leur connaissance depuis mille ans avant Jésus-Christ du Gnomon, c’est-à-dire de l’instrument qui sert à mesurer la hauteur du Soleil et à marquer les heures, en indiquant la longueur et la direction de l’ombre projetée, les tables astronomiques, qui remontaient à une haute antiquité trouvées chez les Indiens, des monuments couverts de signes astronomiques et l’orientation parfaite, astronomique également, des pyramides chez les Égyptiens, font remonter l’astronomie aux premiers temps de l’histoire.

Mais c’est aux Grecs surtout, à ce peuple merveilleux de l’antiquité, qu’il faut attribuer les premières notions véritablement scientifiques de l’astronomie. Pythagore admettait la sphéricité de la Terre tout en la considérant encore comme immobile au centre du monde et Hipparque, le plus célèbre des astronomes de l’école d’Alexandrie dont les travaux furent coordonnés par Ptolémée dans l’Almageste, découvrit le premier, vers 150 avant J.-C., la précession des équinoxes, partagea les cieux en quarante constellations, donna des noms aux astres, découvrir la parallaxe des planètes, détermina la latitude d’un grand nombre de lieux et fixa le premier degré de latitude aux Canaries.

L’astronomie véritablement scientifique était fondée et Cordou et Samarkand, c’est-à-dire la civilisation arabe et la plus fameuse école, vers 1420, sous Ulug-bey, de mathématique et d’astronomie préparèrent et hâtèrent la Renaissance, la découverte de l’imprimerie, de l’Amérique, de la circumnavigation, par Magellan, de la Terre en 1521 et la conquête scientifique des premiers éléments de la position exacte de notre planète dans l’Univers par Copernic, les lois de gravitation par Kepler et Newton et de la cosmogonie réelle par Laplace.

L’astronomie moderne est désormais la science des sciences, car en traitant des corps célestes, des étoiles et des astres, elle embrasse l’univers entier.

Contrairement aux religions, balbutiements infantiles, qui conçoivent le monde sous un angle dualiste avec un Dieu, monarque des monarques, régnant sur des hiérarchies grouillantes qui se superposent, se combattent et s’éliminent, l’Univers, pour la science moderne, est, selon la belle expression de Gœthe « weder Kern noch Schale, alles mit einemmale », c’est-à-dire cause et effet, centre et périphérie en même temps.

L’Univers est la République dans le temps et dans l’espace, la République sans Dieu ni maîtres qui n’obéit qu’aux lois naturelles qui lui sont inhérentes et dont l’analyse spectrale a prouvé, il y a une soixantaine d’années, l’unité constitutive.

La base constitutive de l’Univers : l’éther, matière translucide et extrêmement ténue qui remplit les espaces intersidéraux, est éternel et considéré comme invariable ; ses manifestations de vie, palpables pour nous, sont essentiellement transitoires, fugitives et toutes, depuis les voies lactées et les soleils géants jusqu’aux infiniment petits — il y aurait trente quintillions d’atomes dans un millimètre cube — soumis à la loi de la naissance, de la croissance, de l’apogée, du déclin et de la dissolution que nous appelons la mort.

Tous les astres sont égaux et dissemblables comme les feuilles d’un arbre.

Le temps éternel et l’espace infini, deux phénomènes procédant du même monos, n’existent pour nous que relativement à notre vie, qui ne dépasse guère un siècle, et à notre corps, dont le poids moyen, à l’âge adulte, varie de 50 à 80 kilos.

Tout concorde pour rendre plausible l’hypothèse qui voit dans la condensation de l’éther la genèse du monde stellaire.

Les grands corps célestes, les systèmes binaires et ternaires ainsi que notre Soleil, passent tous par cinq périodes caractéristiques d’évolution ascendante. La sixième période marque le commencement de leur déclin, précédant leur dissolution dans le substratum incréé de l’Univers, d’où, phénix éternels, ils ressuscitent de la poussière cosmique à des formes analogues mais rajeunies pour parcourir un nouveau cycle de vie stellaire depuis la nébuleuse gazeuse jusqu’à la comète, débris de mondes.

De ces six phases ou périodes d’évolution, les cinq premières, qui constituent la vie stellaire ascendante, peuvent être subdivisées en :

1o Période de l’état gazeux incandescent. Cet état est caractérisé par une nébulosité diffuse ne présentant aucun indice de condensation et brillant d’une lueur uniforme bleuâtre qui va en s’éclaircissant légèrement vers les bords. Ces nébuleuses, qui donnent un spectre formé de raies brillantes ne pouvant pas être résolues en étoiles furent désignées par Herschel du nom de brouillard planétaire et constituent le substratum de l’Univers, qui sert de matière première à la formation des mondes.

2o Période de la nébuleuse stellaire, c’est-à-dire période de la formation d’un noyau lumineux au milieu de la nébuleuse de plus en plus incandescente et de forme à peu près sphérique.

Après une évolution de millions de siècles et pendant laquelle la nébuleuse stellaire, devenue étoile, a brillé, tels Sirius, Rigel ou Vega, d’un vif éclat blanc-bleuâtre à une température de 12.000 degrés environ, cette jeunesse stellaire entre dans la période suivante.

3o Période qui est celle de la formation des « taches » , c’est-à-dire d’un premier commencement de refroidissement de la surface de l’astre.

C’est l’âge de la maturité des étoiles. À cette catégorie d’étoiles, généralement jaunâtres, appartiennent notre Soleil, Capella, Arcturus, Procion. Ces étoiles, comme notre Soleil, ont une température moins élevée — 6.000 degrés pour l’astre du jour — et se font remarquer par l’altération que subit l’intensité de leur lumière.

4o La quatrième période est celle des éruptions et correspond à l’état d’un astre couvert d’une écorce obscure et refroidie, mais encore trop ténue pour opposer un obstacle absolu aux éruptions que détermine la partie centrale du globe demeurée à l’état de fusion. Ces éruptions sont souvent d’une telle violence que le soleil, déjà prêt à s’éteindre, se transforme de temps en temps en brasier ardent.

Les représentants de cette quatrième période se rencontrent parmi les étoiles rouges foncées à température de 3 à 4.000 degrés et surtout parmi les étoiles dites nouvelles.

Depuis l’ère vulgaire, on a enregistré près d’une trentaine d’apparitions de ce genre. Nous citons parmi les plus remarquables : L’étoile nouvelle qui se fit voir dans la constellation de l’Aigle en 1380, et qui, après avoir brillé d’un éclat égal à Vénus, disparut à jamais après trois semaines de visibilité. En 1572, on aperçut une étoile nouvelle dans la constellation de Cassiopée que Tycho de Brahé a longuement décrite. Cette étoile, surnommée la Pelerine, était si brillante, qu’elle était visible en plein jour. En 1604, une étoile nouvelle se fit aussi voir dans le Cygne, elle s’éteignit en 1606. Le 31 janvier 1875 dans la constellation de l’Orion, en 1901 dans celle de Persée et le 8 juin 1918 à 22 h. 45 minutes de l’heure de Greenwich dans la constellation de l’Aigle pour ne signaler que celles-là.

5o La cinquième période marque enfin le refroidissement complet de l’écorce extérieure de l’astre, la transformation d’une étoile en planète.

Au début de cette cinquième période, au milieu de laquelle se trouve aujourd’hui notre Terre, la mer la recouvrait probablement tout entière, et ce n’est que peu à peu que l’Himalaya, les Andes et les Alpes ont dû émerger des flots de l’Océan primordial.

Notre Terre incontestablement et toutes les planètes habitées, ses sœurs, appartiennent à la cinquième phase de leur évolution, phase qui est à l’apogée d’une vie stellaire.

La lumière, dont la vitesse nous sert de mesure pour les distances intersidérales, est la cause de la visibilité et de la coloration des corps. Elle est composée de particules matérielles extrêmement petites, qui se meuvent à raison de 300.000 kilomètres par seconde et 9 trillions 467 milliards de kilomètres par an. C’est l’astronome danois, Olaf Roemer, qui découvrit, en 1675, le premier, la vitesse de la lumière en constatant que les éclipses des lunes de Jupiter retardaient ou avançaient d’environ 16 1/2 minutes selon que la grande planète se trouvait en conjonction ou en opposition avec le Soleil, c’est-à-dire que ces éclipses sont vues par nous plus tôt ou plus tard selon que la Terre est du même côté du Soleil que Jupiter ou du côté opposé, par conséquent plus près ou plus loin de cette planète.

Notre étoile, le Soleil, avec toutes ses planètes, se meut à raison de 20 kilomètres par seconde dans l’espace et est profondément plongée dans la Voie Lactée, qui n’est, elle-même, qu’un des x-nonillions d’archipels de soleils dont se compose l’Univers illimité.

On évalue le nombre de soleils qui brillent dans la Voie Lactée approximativement à celui des êtres humains qui peuplent notre monde sublunaire.

La lumière, qui va en une seconde un quart de la Lune à la Terre, en 8 minutes 13 secondes du Soleil à la Terre, en 4 ans de la Terre à l’étoile la plus proche, Alpha du Centaure, met environ 5.000 années pour traverser la profondeur, et au moins 25.000 années, pour franchir la longueur de la Voie Lactée.

Des amas très serrés d’étoiles, tels la Nuée de Magellan, celui d’Hercule et autres sont comme les faubourgs de la Voie Lactée et semblent s’étendre à 100.000 années de lumière au moins de nous.

C’est dans le Grand Nuage de Magellan que se trouve l’étoile variable supergéante, S. Dorade, dont le diamètre dépasse 300 millions de kilomètres (celui du Soleil n’est que de 1.391.000 kilomètres) et la luminosité de 600.000 fois celle de l’astre du jour. (La luminosité du Soleil dépasse de 600.000 fois celle de la Lune). S. Dorade est à 100.000 années de lumière de nous.

À ce sujet, Flammarion écrit : « Le rayon lumineux qui part aujourd’hui de S. Dorade n’atteindra la Terre que dans cent mille ans. D’ici là, les théories astronomiques et toutes les idées actuelles des habitants de la Terre se seront quelque peu modifiées. Les générations de ce lointain futur formeront un autre monde sur notre monde. »

Au delà, l’espace paraît privé d’étoiles sur des distances énormes par rapport aux dimensions de la Voie Lactée.

Plus loin, bien plus loin encore, et à la limite de nos calculs actuels, nous trouvons, à des millions et des millions d’années de lumière, les nébuleuses spirales dont on a repéré plusieurs centaines de mille. Posées comme des escargots d’argent dans le jardin des étoiles, ces nébuleuses spirales sont des systèmes en tout analogues à notre Voie Lactée et de dimensions comparables aux siennes.

Toutes ces voies lactées, la notre y comprise, se meuvent dans l’espace à raison de 600 à 1.000 kilomètres par seconde, tandis que les étoiles ne dépassent guère, en moyenne, 20 à 60 kilomètres par seconde.

On évalue la partie de l’Univers, actuellement accessible à nos calculs, à une sphère d’un diamètre de 300 millions et d’une circonférence de près d’un milliard d’années de lumière. C’est par 106 chiffres que s’exprime le nombre des atomes de tout cet ensemble.

Que sont petites et mesquines nos distances interplanétaires en comparaison de ces chiffres !…

En effet, Mercure, dont le diamètre, celui de la Terre étant un, n’étant que de 0,37, reçoit la lumière de l’astre du jour en 3 minutes environ, Vénus, sensiblement de proportions égales à notre planète, en 6 minutes ; Mars, au diamètre 0,54 du nôtre, en 12 minutes ; Jupiter, le géant de notre système, au diamètre 11,14, en 40 minutes ; Saturne, au diamètre 9,4, en 1 h. 15 minutes ; Uranus, au diamètre 4, en 2 h. 30 minutes, et Neptune, au diamètre 4,3, en 4 heures. L’étoile double Alpha du Centaure, de dimensions à peu près égales à notre Soleil et qui est l’étoile la plus rapprochée de nous, notre proxima, gravite à plus de quatre années de lumière de notre habitat céleste, qui est à 9 années de lumière de l’étincelant Sirius, soleil double dont l’astre principal a un volume 14 fois et la composante un volume 7 fois plus grand que celui de notre Soleil. Cette dimension est insignifiante en comparaison de celles des soleils géants, tels Canopus qui gravite à plus de 400 années de lumière de nous et dont le volume vaut 2.420.000 fois celui du Soleil, Betelgueuse 27 millions et Antaris du Scorpion 113 millions de fois celui de l’astre du jour.

Notre Soleil qui est, en moyenne, à 149.500.000 kilomètres de nous, a un diamètre 109 fois, une superficie 12.000 et un volume 1.300.000 fois plus grand que celui de la Terre.

La planète que nous habitons a un diamètre de 12.742 kilomètres, une périphérie de 40.000 kilomètres, une surface de 510 millions de kilomètres carrés et un volume de 1 trillion 83 milliards km. cubes, et son poids est de 6 septillions de kilos. La Terre tourne sur elle-même en 23 h. 56 m. 4 s., et autour du Soleil en 365 ¼ jours et marche à raison de 29 ½ kilomètres par seconde. La hauteur de notre atmosphère est de 100 kilomètres et l’épaisseur de l’écorce terrestre de 50 kilomètres. La température moyenne à sa surface est de 15 degrés centigrade, la température maxima de +56° et la minima de –63°.

La Lune, notre satellite, a un diamètre presque 4 fois, une surface 14 ½ fois et un volume 50 fois plus petit que la Terre. Elle nous montre toujours la même face est à 385.000 kilomètres de nous, et fait 1 k. 17 mètres par seconde.


L’homme se considérant souvent comme le chaînon intermédiaire entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, toutes les questions qui se rattachent directement ou indirectement à la conservation, la prolongation et « in spe » à l’éternité de son moi l’ont toujours passionné à l’extrême.

De ces questions nous voulons en retenir deux : l’âge de la Terre et celle autrement importante de la loi du progrès à travers les âges et si elle peut s’appliquer au grand-tout, à l’ensemble de l’Univers.

Quel est l’âge de la Terre en tant qu’astre indépendant, combien de siècles a-t-elle derrière, combien devant elle ? Sortie des entrailles ignées du Soleil et des milliards d’années avant son autonomie acquise, avec lui, de la primitive nébuleuse stellaire, retombera-t-elle dans le Soleil, flambera-t-elle un jour à la suite d’une rencontre, peu probable, de l’astre du jour avec un autre soleil, ou se désagrègera-t-elle, vieillie et usée dans l’espace éternel ?

Nous ne possédons à l’heure qu’il est aucune donnée scientifique positive pour évaluer le temps qui a dû ou pu s’écouler depuis le commencement de la condensation de cette partie de l’éther inersidéral d’où provient la nébuleuse qui a donné naissance à notre système solaire.

Il est probable qu’il n’y a, astronomiquement parlant, pas un abîme de temps entre la naissance des astres qui constituent notre République planétaire.

La Lune est une terre morte, tandis que Mars, tout l’indique, doit encore être habité au déclin de sa vie organique. Quoi qu’il en soit, toutes les planètes de tous les soleils sont destinées, en vertu des lois qui régissent l’Univers, à moins d’accidents, à être habitées, à l’avoir été ou à le devenir.

L’âge de l’humanité remonte au maximum à 500.000 ans, à 100.000 au plus si on la date du langage articulé ; celui de la vie organique de la planète à 100 millions et l’âge de la Terre en tant que planète ne dépasse certainement pas quelques milliards d’années. On évalue généralement l’âge de notre Soleil à quelques centaines de milliards d’années.

Mais les hypothèses sur le refroidissement continu et rapide du Soleil ne semblent pas plus démontrées que celles qui prétendent que la Terre deviendrait inhabitable dans dix millions d’années.

Un boulet de fer de 3 centimètres de diamètre chauffé à 100° est refroidi à la température ambiante en 10 minutes. La Terre, dont le diamètre égale 400 millions de fois celui du boulet considéré aurait dû ne mettre que 8.000 ans pour se refroidir. Nous savons qu’il n’en est pas ainsi et nous concluons que d’autres causes sont ici en action.

Nous manquons, par conséquent, encore de donnée positive pour évaluer le nombre des milliards de siècles qui se sont écoulés depuis la naissance du Soleil et le nombre de millions d’années que mettront les mondes de notre République planétaire pour se dissoudre dans le néant, c’est-à-dire pour retourner à l’éther intersidéral, leur point de départ.

L’éther, substratum de l’Univers est, dit la science, seul éternel et ne serait pas soumis à l’action du temps, parce qu’il réunit en lui les attributs du temps et de l’espace.

Et cependant il semblerait qu’il y a corrélation entre la durée du temps qu’ont mis pour se former les mondes et la distance qui sépare les astres et qu’il serait probable qu’une vie planétaire est à la vie d’une grande nébuleuse en formation, ce qu’est la distance des planètes d’un même système comparé à celle qui sépare entre eux les étoiles et les systèmes stellaires.

J’avoue sur ce point me séparer de la science officielle et approuver Einstein dans sa tentative d’écarter la conception dualiste qui existe chez la plupart des athées et des matérialistes relativement au temps et à l’espace comme elle persiste chez les spiritualistes lorsqu’il s’agit du corps et de l’âme.

Einstein (laissons pour un moment de côté ses théories sur l’univers fini mais illimité et sur la loi d’isotropie ou d’égale propagation de la lumière dans toutes les directions) a prouvé l’interdépendance du temps et de l’espace, d’où il résulte qu’ils constituent, qu’ils font partie, comme la matière et la force ou le corps et l’âme, du même monos, de la même unité.

Cette conquête scientifique est, peut-être, aussi importante que celles de Newton, Kepler, Galilée et Copernic et elle est appelée à révolutionner nos idées sur l’éther intersidéral.

Einstein écrit que le temps que met un train à passer d’une station à une autre est plus court pour les voyageurs du train que pour celui qui, de la station, le regarde passer.

En supposant donc qu’un homme puisse s’éloigner de la Terre pendant un siècle à raison de 30 kilomètres par seconde, ce voyageur hypothétique aurait, après un siècle, 16 secondes de moins que les autres habitants de notre Terre, quittée par lui. Si pendant cent ans, au lieu de faire 30 kilomètres par seconde, il avait pu faire 300.000 kilomètres, comme la lumière, il y aurait après un siècle, entre lui et les habitants de notre globe une différence d’âge de 1 jour 20 heures 26′ 40″ et notre voyageur serait de 1 jour 20 heures 26′ 40″ plus jeune que ses co-terriens d’autrefois. C’est ce fait qu’Einstein a appelé l’intervalle des événements. Cet intervalle des choses, dans l’espace-temps à quatre dimensions, constitue, d’après lui, une sorte de conglomérat de l’espace et du temps, un amalgame des deux, qui nous fournirait une représentation impersonnelle de l’Univers.

En admettant maintenant, très irrévérencieusement pour Einstein, des vitesses dépassant celle de la lumière, on peut très bien envisager un tel enchevêtrement du temps et de l’espace, qu’à une certaine allure le temps et l’espace seraient en voie d’identification, de stabilisation dans une sorte d’immortalité.

Certainement l’idée de l’immortalité personnelle défie le bon sens parce que les atomes qui nous constituent, même s’ils devaient après mort se reformer et se joindre pour produire de nouveaux êtres conscients, s’amalgameraient avec des atomes étrangers et ces êtres ne sauraient pas avoir conscience d’avoir partiellement vécu en nous sous d’autres conditions et d’autres cieux ! Toute la nature souffle sur les feux follets d’immortalité personnelle qu’allume en nous l’effet reflexe de notre instinct de conservation, créateur de nos rêves étoilés de résurrection et de vie éternelle !

Mais l’homme évolue et progresse, l’humanité évolue, les astres évoluent, pourquoi les cieux, la succession des étoiles et l’éther, leur commune origine, n’évolueraient et ne progresseraient-ils pas, la matière étant une et indivisible partout ?

Écartons la légende du Diable et de Dieu, du mal illimité et de la perfection absolue, qui obstrue millénairement notre entendement.

Avouons notre ignorance qui nous fait perdre pied en raisonnant sur tout ce qui est antérieur et postérieur au jet de lumière terne qu’est encore notre existence que semblent encadrer deux nuits éternelles.

Notre théorie des atomes, divisibles à l’infini mais probablement liès par la continuité, échappe également à notre compréhension contemporaine.

Néanmoins, le chaos et le mal mondial diminuent avec l’évolution… et la conscience et l’harmonie s’étendent. Nous constatons que, dans l’Univers, qui se gouverne lui-même sans maîtres, par des forces inhérentes à la matière éternellement en gestation, il y a déjà une harmonie merveilleuse dans le mouvement de tous ces astres dont les lumières se rencontrent sans s’absorber et dont les orbites s’entrecroisent souvent sans qu’il y ait, pour ainsi dire, jamais d’accident. C’est là le gage précieux de réalisation du grand rêve de Liberté, d’Égalité, de Fraternité, du bonheur d’une immortalité de plus en plus consciente et harmonieuse du Grand-Tout.

Frédéric Stackelberg.


ATAVISME. n. m. Il ne faut pas confondre atavisme avec hérédité et employer indifféremment un mot pour l’autre comme on le fait souvent. L’atavisme n’est, en effet, qu’une forme ou plutôt une variété de l’hérédité.

Elle est si peu l’hérédité toute entière, dans le sens complet du mot, que la force représentée par le mot « atavisme » se trouve en lutte continuelle avec l’hérédité directe.

Prenons l’homme pour exemple : alors que l’hérédité lutte pour transmettre directement au descendant les qualités acquises ou innées du père et de la mère, l’atavisme tend à lui donner celles du grand-père, de la grand-mère, des collatéraux et cela en remontant plusieurs générations. Il n’est pas rare, en effet, de voir un enfant ressembler à son arrière grand-père ou même à son trisaïeul. L’atavisme agit beaucoup moins dans le sens collatéral d’oncle à neveu. Mais cette force peut faire sentir son action jusqu’à des origines bien plus lointaines et cela pour la race comme pour l’individu, C’est ainsi, par exemple, qu’on trouve parfois, parmi les hommes blancs d’aujourd’hui, des types dont le crâne reproduit franchement celui de l’homme moustérien qui vivait il y a environ cent mille ans. Il n’est pas rare de voir, aux colonies, et même en Europe, des familles où, d’un père et d’une mère blancs, naît un enfant au teint de mulâtre ou même complètement noir, sans qu’on puisse mettre en cause le facteur adultérin. En remontant un nombre plus ou moins grand de générations, on trouve toujours, dans ce cas, un ancêtre de couleur.

L’atavisme peut également agir dans le domaine de la pathologie en transmettant par exemple au petit-fils ou à l’arrière petit-fils la maladie ou la tare morbide de son aïeul ou de son bisaïeul, maladie et tare dont se trouve exempt l’ascendant direct : le cancer, l’obésité, la goutte, le diabète, et par dessus tout la folie et autres affections nerveuses sont dans ce cas.

D’après certaine doctrine biologique, pourtant contestée, les qualités, aptitudes intellectuelles et morales seraient aussi soumises à l’action de l’atavisme.

On peut donc définir l’atavisme une force qui tend à faire réapparaître chez les êtres vivants des caractères absolument étrangers aux parents immédiats.

Cette force dont le rôle est considérable dans la formation des espèces, s’exerce non seulement chez l’homme mais dans tout le règne animal et dans le règne végétal. Elle est ainsi une des nombreuses preuves de l’unité absolue du phénomène vital.

Certains biologistes prétendent que les phénomènes d’atavisme sont plus fréquents chez les animaux que chez les végétaux.

Quoi qu’il en soit, tous s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que l’hybridation produit, en matière d’atavisme, les mêmes résultats en botanique qu’en zoologie ; l’atavisme ramène toujours, au bout d’un temps plus ou moins long, le produit de l’hybride — quand celui-ci est fécond, et il ne l’est pas toujours — au type primitif.

En zoologie, les cas d’atavisme, c’est-à-dire de retour au type primitif, les plus connus sont ceux des produits de la brebis et du bouc. L’ovicapre, né de cette hybridation, peut se reproduire pendant plusieurs générations, mais si on l’accouple avec une brebis ou un bouc, le produit est nettement brebis ou bouc.

Il en va de même pour le serin et le chardonneret, autre exemple commun et frappant.

Considération philosophique. — On ne fait pas en criminologie une place suffisante à l’atavisme. Dans la recherche et le dosage de la responsabilité, on ne tient compte que de l’hérédité directe ; les médecins spécialistes ne déterminent et ne mesurent cette responsabilité que d’après l’examen immédiat de l’inculpé ; rares sont ceux qui font entrer en ligne de compte l’hérédité indirecte, il n’en est pas un seul qui songe à scruter les générations passées, ce qui serait pourtant possible quelques fois, et conforme à la justice, hélas ! bien relative des hommes. — P. Vigné d’Octon.


ATELIER. n. m. L’atelier est un des lieux où s’exécute le travail. Il y a de très nombreuses formes d’ateliers, selon que le travail s’effectue en commun ou isolément. Les autres lieux de travail sont le chantier, le bureau, le magasin, le comptoir, la gare, le port, etc., etc.

De nos jours, le mot atelier a pris une signification plus sociale qu’autrefois. C’est généralement dans l’atelier que la matière est transformée ou employée à l’infini dans tous les domaines de la production.

L’atelier comme tout ce qui nous entoure a évolué, s’est modifié. Aujourd’hui, l’atelier évoque une ruche bourdonnante, assourdissante où s’exerce l’effort industriel des hommes.

Sans doute, il subsiste bien dans presque toutes les professions des ateliers où le producteur-artisan, aidé parfois des siens, exerce son métier, mais il n’empêche que l’atelier est bien, avec son caractère actuel, un centre industriel, ayant un fonctionnement compliqué, dont l’activité est liée étroitement, pour la fabrication, avec d’autres ateliers. L’ensemble des ateliers dans une même branche d’industrie forme l’usine, centre complet de fabrication dans une spécialité déterminée.

L’atelier est donc, en fait, le lieu où s’effectue un certain travail sérié dans une industrie spécialisée. Chaque atelier joue un rôle particulier, possède un outillage différent de l’atelier voisin.

La matière passe par toute une série de transformations qui sont l’œuvre d’ateliers différents avant d’être livrée, finie, en produit au consommateur.

L’interdépendance des ateliers, leurs spécialisations, ont eu pour résultat de créer, sur le lieu même du travail, un esprit de collaboration entre les ouvriers, en même temps que de donner naissance à toute une série de « sans-métier » qui, réunis, forment la profession. Il n’y a presque plus, aujourd’hui, d’ouvriers complets, ce sont des « spécialistes » qui prennent souvent le nom de « manœuvres spécialisés » qui, généralement, n’ont pas fait, au préalable, un « apprentissage » de leur métier. Les ouvriers complets sont, par rapport aux « manœuvres spécialisés », appelés « ouvriers qualifiés », comme aux États-Unis, en Angleterre, par exemple. Ces ouvriers qualifiés dirigent le travail des manœuvres spécialisés. Ce sont les chefs de brigade, les chefs et sous-chefs d’équipe qui sont responsables vis-à-vis du contremaître et celui-ci vis-à-vis du chef d’atelier ou de fabrication.

Il y a donc dans l’atelier toute une hiérarchie capitaliste du travail qui obéit à un maître occulte, anonyme, le Bureau, qui commande tout, dirige tout. Chaque atelier possède son bureau particulier, mais celui-ci dépend en toutes circonstances d’un Bureau central qui reçoit, lui, les ordres directs du patron ou du Conseil d’Administration, cette autre force anonyme, que l’ouvrier ne voit jamais, qui commande de loin, en accord avec tous les autres Conseils d’administration des firmes similaires, lesquels régissent en fait toute l’industrie d’un même pays et, souvent, de tous les pays, par leurs Trusts ou Cartels.

Une telle transformation de la cellule de base de la production qu’est l’atelier a fait de ce dernier un centre d’activité tant au point de vue industriel qu’au point de vue social.

Dans ce dernier domaine, les ouvriers ont compris — très incomplètement encore — qu’ils devaient modifier profondément le caractère de leurs organismes de défense ou de pénétration de classe.

C’est ainsi qu’est née l’idée des Conseils d’Ateliers, appelés à leur origine, en Allemagne, en 1891, « Conseils d’entreprises ».

On retrouvera à ce sujet une documentation précise en se référant à l’ouvrage écrit par M. Marcel Berthelot en février 1924 (Série D, no 13, des Études et Documents du Bureau International du Travail.) Diverses expériences furent faites aussi en France, pendant la guerre ; en Italie, en 1921 ; en Hongrie et aussi en Russie où ces organismes sont censés constituer la cellule de base de la vie industrielle.

Une étude précise et complète autant que possible sera d’ailleurs faite à ce sujet. Elle prendra place à son rang dans cette encyclopédie.

La transformation subie par l’atelier industriel moderne, son caractère, son rôle, son fonctionnement, exigent impérieusement que le monde ouvrier modifie profondément ses organes d’attaque et de défense. C’est, pour lui, une question de vie ou de mort. Tout retard est utilisé au maximum par l’adversaire qui, lui, ne perd pas un instant.

Aujourd’hui, il s’agit non seulement de saisir le fonctionnement de l’atelier, d’en pénétrer la gestion dans tous les rouages, mais encore d’opposer, su sein même de l’atelier, la force ouvrière à la force patronale. Les Conseils d’ateliers, sous le contrôle syndical, doivent devenir les citadelles prolétariennes pour l’attaque ou la défense.

C’est par la pénétration constante, méthodique, tenace, de la force syndicale dans l’atelier, c’est par l’institution des Conseils d’ateliers, des délégués d’ateliers qu’on fera naître et se développer, sur le lieu même du travail, la solidarité et la cohésion plus grandes des ouvriers.

C’est par le fonctionnement rationnel des Conseils d’ateliers et l’action de leurs délégués que s’exercera réellement, sans compromission aucune avec le patronat, le contrôle syndical de la production, la revendication la plus complète de la classe ouvrière puisqu’elle va du droit de regard à la prise de possession de l’usine en passant par l’apprentissage de la gestion.

À titre documentaire, nous signalons qu’il y eu, en 1848, après la Révolution, des Ateliers nationaux qui furent constitués dans le but de fournir du travail aux chômeurs, dont le nombre était énorme pour l’époque. Mal dirigés, ils donnèrent de mauvais résultats. Ils furent supprimés après quelques jours d’existence par la loi Falloux.

Il y a encore des ateliers d’un genre particulier qui sont des lieux d’abominables souffrances, où l’on enferme de pauvres soldats pour des peccadilles, ce sont les Ateliers des Travaux Publics.

Avec les Compagnies de discipline, les Bataillons d’Afrique, les Ateliers des Travaux publics, situés en Algérie et Tunisie, forment l’ensemble de cet appareil de répression militaire connu sous le nom général de Biribi. La suppression vient d’en être décidée, en Afrique, par le gouvernement. Puisse-t-on, bientôt, passer des paroles aux actes ! Et les supprimer en France. Voir : Conseil d’Atelier, délégué d’atelier, contrôle syndical de la production, usine, Conseil d’usine, chantier, délégué de chantier, magasin, délégué de magasin, Bureau, délégué de Bureau. — P. Besnard.

Atelier. n. m. L’atelier est le lieu où travaillent des ouvriers, des artistes, etc. De nos jours où l’artisanat a presque totalement disparu, ce sont des ateliers immenses qui alimentent généralement l’industrie. Ces ateliers où les ouvriers restent parqués pendant de longues journées sont presque toujours malsains et incommodes. Le patron, ne se souciant pas de la santé de ses employés, économise la place autant qu’il lui est possible. Aussi n’hésite-t-il pas à faire travailler son personnel dans des locaux pitoyables. Il existe bien des mesures législatives réglementant l’hygiène et la sécurité des travailleurs dans les ateliers, mais on oublie toujours d’appliquer ces sages mesures : les loups ne se mangent pas entre eux, les loups de la politique se gardent bien d’inquiéter les loups de l’industrie. Pourtant, l’atelier étant un lieu où des hommes fournissent un labeur utile et cela pendant de longues heures, il est intolérable que celui qui y travaille n’y puisse trouver toutes les commodités et la salubrité désirables. Les ateliers devraient être vastes, hauts de plafond, toujours tenus très propres, bien aérés, bien éclairés. Dans les cas où il se dégage des gaz asphyxiants ou toxiques (phosphore, oxyde de carbone) il faudrait, soit au moyen de cheminées d’appel, soit au moyen d’appareils clos et étanches, empêcher la diffusion de ces gaz. Il faudrait, en outre, éliminer les poussières dégagées par certaines industries et prévenir leur pénétration dans les voies respiratoires. Il faudrait aussi prendre beaucoup d’autres mesures. Mais cela ne sera possible que le jour où les ateliers n’appartiendront plus à des industriels rapaces qui préfèrent sacrifier la vie et la santé de leurs ouvriers à l’accroissement de leurs dividendes. C’est cette tâche — entre mille autres — que les anarchistes auront à cœur de mener à bien au lendemain de la Révolution sociale.


ATHÉISME Le mot athéisme est formé de deux mots grecs : α (a), particule négative et du substantif θεός (theos) dieu. L’athéisme est la théorie de ceux qui ne reconnaissent pas l’existence d’un dieu quelconque, d’un être supérieur à la nature humaine, d’une intelligence réglant les mouvements de l’univers et intervenant dans les affaires des hommes.

Le contraire d’athéisme est théisme, dont une des formes est le déisme.

Un anarchiste, qui ne veut pas de maître tout puissant sur la terre, pas de gouvernement autoritaire, doit nécessairement repousser l’idée d’un maître omnipotent auquel tout doit être soumis ; il doit, s’il est conscient, se déclarer athée, dans le sens ordinaire, mais cela ne suffit pas pour se rendre compte des difficultés que ce mot a de tout temps soulevées et pour comprendre l’idée qu’on semble avoir adoptée.

L’athéisme a excité la haine, le mépris de ceux qui n’en ont compris ni la philosophie, ni la morale, ni l’histoire. Nous allons, pour commencer, citer quelques appréciations d’auteurs connus.

« L’athéisme est une opinion dénaturée et monstrueuse, difficile à établir dans l’esprit humain, quelque déréglé qu’il puisse être. » (Montaigne.)

« Il n’y a d’athéisme que dans la froideur, l’égoïsme, la bassesse. » (Madame de Staël.)

« Si l’athéisme ne fait pas verser le sang des hommes, c’est moins pour l’amour de la paix que par indifférence pour le bien. » (J.-J. Rousseau.)

« Une preuve que l’athéisme n’est pas enraciné dans les cœurs, c’est la démangeaison de le répandre ; quand on ne se méfie pas de ses opinions on n’a pas besoin de leur chercher des appuis et des défenseurs : on veut convaincre les autres afin de se persuader soi-même. » (A. Bacon.)

Toutes ces phrases de philosophes sont bien creuses ; on peut, en quelque mots, en détruire l’effet. Nous espérons démontrer, dans cet article, que toutes les objurgations jetées à la face des athées sont absolument sans fondement. Voyez plutôt la phrase du célèbre philosophe anglais, auteur du Novum Organum. Quel parti ne cherche pas à faire des prosélytes ? N’ont-ils pas tous des journaux, des livres pour défendre leurs idées ? Les chrétiens ne sont-ils pas les premiers à prêcher dans leurs églises, à envoyer des missionnaires ? Faudrait-il donc croire que tous doutent des dogmes qu’ils enseignent ? Pourtant, nous savons qu’il y a des chrétiens, ou simplement des théistes, bien convaincus des dogmes qu’ils cherchent à répandre.

« L’athéisme, a dit Bossuet, appauvrit l’humanité et lui ôte les plus grands biens : Dieu, l’âme, l’immortalité. »

À cela nous pouvons répondre que l’existence d’aucun de ces biens n’a été prouvée scientifiquement et que tout esprit libre peut légitimement douter de cette existence ou même la nier. Toutes les sectes religieuses prétendent que l’athéisme conduit au mal, que les athées sont nécessairement des hommes vicieux qui ont adopté les idées athées comme défi à la divinité justement offensée par leur vie scandaleuse.

Nous ne voulons pas nous arrêter ici pour demander la définition des mots vertu, vice, dont les acceptions varient avec chaque individu, chaque pays, chaque époque, chaque profession.

Les croyants affirment que parmi les causes directes de l’athéisme, on trouve le défaut d’éducation, les sociétés perverses, une vie licencieuse. Or, toute personne qui s’est donné la peine d’étudier sans parti pris reconnaît que les athées sont peut-être les gens les plus vertueux, les plus honorables, les plus dévoués à l’humanité. Qui pourrait être comparé aux frères Reclus, ces modèles de tout ce qu’il y a de bon, quoique nettement anarchistes et athées ! Quelles nobles figures que celles de Kropotkine, de Bakounine, de Tchernychevsky, de Myskhine, de Shelley, de Carlyle, de Holcroft, d’Owen, de William Morris qui tous ont lutté pour l’athéisme et la liberté ! Et en France, n’a-t-on pas vu des hommes comme Sylvain Maréchal, Lalande, Laplace, Helvétius, Berthelot, tous des modèles de vertu et de science ? Nous verrons dans la suite de cette étude que depuis les plus anciens temps, depuis Confucius, Lao-Tsée, depuis Gautama Cakya-mouni, dit le Bouddha, depuis les anciens philosophes grecs jusqu’à nos jours, les athées, les agnostiques qui, pour moi, sont des athées puisqu’ils n’affirment pas l’existence d’un dieu quelconque loin d’être des dévergondés ou de malhonnêtes gens ont été des modèles de tout ce qu’il y a de louable.

Les statistiques des prisons, des pénitenciers des États-Unis prouvent que ces établissements sont remplis d’hommes pieux, élevés dans des milieux religieux, ayant conservé toute leur vie leurs idées théistes, tandis que les athées, quoique nombreux dans la population, sont pour ainsi dire inconnus parmi les pensionnaires de l’État. S’il s’y trouve des personnes athées, ce sont des hommes qui ont été condamnés comme politiciens, avocats d’idées anarchistes, ou pour des discours nettement blasphématoires, chose qu’interdisent les lois de plusieurs États américains et même la législation anglaise. Il suffit encore à présent de nier Dieu dans des discours publics pour que les juges théistes condamnent un orateur à plusieurs mois de détention, ce qui est arrivé, il n’y a pas longtemps, au propagandiste Gott qui a été condamné à plusieurs mois de prison pour avoir distribué des brochures athées, bien que son nom signifiât Dieu ; ce pauvre homme est mort en prison.

Bradlaugh, le grand orateur anglais, qui avait excité tant de haines et s’était exposé à tant de poursuites par ses discours athées fut expulsé de la Chambre des Communes parce qu’il avait déclaré, lors des élections, que le nom de Dieu n’avait aucune signification pour lui. Étant l’idole de la population ouvrière de Northampton, il fut réélu après chaque annulation et il réussit à faire abolir le serment obligatoire en Angleterre.

Bradlaugh a écrit que l’athéisme conscient donne plus de possibilités pour le bonheur humain que tout système basé sur le théisme et que la vie des vrais athées est plus vertueuse parce que plus humaine que celle des croyants à une divinité ; l’humanité des dévots étant souvent neutralisée par la foi avec laquelle cette humanité est nécessairement constamment en conflit.

« L’athéisme bien compris n’est pas une simple incrédulité, une froide et aride négation ; c’est au contraire une fertile affirmation de toute vérité prouvée, il comprend l’assertion positive de l’action de l’humanité la plus élevée. » (A Plea for Atheism.)

L’athée ne dit pas : « Il n’y a pas de dieu, car il est impossible de prouver une négation. » Il dit : « Je ne sais pas ce que vous voulez dire par Dieu, je n’ai aucune idée de Dieu ; le mot Dieu, pour moi, est un son qui ne me fournit aucune affirmation claire ou distincte. Je ne nie pas Dieu parce que je ne puis nier ce dont je n’ai aucune conception et dont la conception chez ceux qui croient en Dieu est si imparfaite, qu’ils sont incapables de me la définir. Si pourtant on veut définir Dieu comme une existence autre que l’existence dont je fais partie, j’affirme qu’un tel Dieu est impossible. »

La difficulté initiale dans toute polémique religieuse, c’est en effet de définir le mot Dieu. Il est également impossible d’affirmer ou de nier toute proposition à moins qu’il y ait chez l’affirmateur ou le négateur un accord sur la signification de chaque mot de la proposition. Je trouve, dit Bradlaugh, ce mot fréquemment employé par des personnes instruites qui se sont fait une réputation dans diverses branches des sciences, plutôt pour déguiser leur ignorance que pour expliquer ce qu’elles savent. Diverses sectes de théistes attribuent à ce mot des significations, mais souvent ces significations se contredisent elles-mêmes. Chez les Juifs monothéistes, chez les chrétiens trinitaires, chez les soniciens ou unitaires, chez les anciens polythéistes, chez les calvinistes, le mot Dieu, dans chaque cas, exprime une idée absolument irréconciliable avec les idées des autres sectes.

Lorsque les croyants cherchent à s’entendre sur une signification, ils n’arrivent à rien. Lorsque le théiste affirme que Dieu est un être différent, séparé de l’univers matériel, quand il orne cet être hypothétique de nombreux attributs : omniscience, omnipotence, omniprésence, immuabilité, immortalité, parfaite bonté, l’athée peut répondre : « Je nie l’existence d’un tel être parce que cette définition théiste est contradictoire en elle-même et contraire à l’expérience journalière. »

L’un des plus remarquables poètes et critique du xixe siècle en Angleterre, Matthew Arnold, fils du grand éducateur et pasteur qui a rendu fameuse l’école de Rugby, écrit dans son célèbre ouvrage Littérature et Dogmatisme :

« Examinons le terme suprême dont est remplie la religion, le terme Dieu. L’ambiguïté dans l’usage de ce mot est à la racine de toutes nos difficultés religieuses. On s’en sert comme si c’était une idée parfaitement définie et certaine dont nous pourrions extraire des propositions et tirer des conclusions. Par exemple, j’ouvre un livre et je lis : Nos sentiments de la morale nous disent telle et telle chose et notre sentiment de Dieu d’un autre côté nous dit telle chose. Or, la morale représente pour tout le monde une idée définie et certaine, l’idée de conduite humaine réglée d’une certaine manière. Ici le mot Dieu est employé avec le mot morale comme si le premier représentait une idée aussi définie que le second. Mais le mot Dieu est le plus souvent employé dans un sens pas du tout scientifique ni précis : mais comme un terme de poésie, un terme jeté à un objet pas du tout clair pour l’orateur — un terme littéraire — et l’humanité le prend dans des sens différents selon que diffère la conscience psychologique. »

« Dieu est le nom que depuis le commencement des temps jusqu’à nos jours les hommes ont donné à leur ignorance (Max Nordau, Morale et Évolution de l’Homme). » Si l’on parle à l’athée d’un Dieu créateur, il répond que la conception d’une création est impossible. Il nous est impossible de nous représenter en pensée que rien puisse devenir quelque chose ou que quelque chose puisse devenir rien. Les mots création et destruction dénotent un changement de phénomène, ils ne dénotent ni origine ni cessation de la substance.

Le théiste qui parle de Dieu créant l’univers doit supposer ou bien que ce Dieu l’a tiré de soi-même ou bien qu’il l’a produit de rien. Mais le théiste ne peut regarder l’univers comme une évolution de la déité, parce que cela identifierait l’univers et la déité, cela serait du panthéisme (du grec pan πᾶν toute chose et θεός théos dieu). Il n’y aurait pas de distinction de substance, pas de création. Le théiste ne peut non plus regarder l’univers comme créé de rien, puisque selon lui la déité est nécessairement éternelle et infinie. L’existence de dieu éternelle et infinie exclut la possibilité de la conception du vide qui doit être rempli par l’univers créé. Nul ne peut penser à un point de l’étendue ou de la durée et dire : Voici le point de séparation entre le créateur et la créature. Il est aussi impossible de concevoir un commencement absolu ou une fin absolue de l’existence.

L’athée affirme qu’il connaît les effets, que ceux-ci sont à la fois causes et effets, causes des effets qu’ils précèdent et effets des causes qui les précèdent. Donc pas de création, pas de créateur.

Aucun des croyants n’a une idée autre que celle d’un Dieu anthropomorphe (c’est à dire à forme humaine) ; chacun se représente un Dieu sous la forme d’un vieillard, assis sur un trône ou planant dans les nuages. Raphaël et les peintres de la Renaissance l’ont peint sous la forme d’un vieillard à longue barbe, volant par les airs et vêtu d’une vaste robe. Dans les tableaux d’église, même par des peintres de génie, comme Michel-Ange, on voit cette déité peinte en chair et en os, tantôt la tête ceinte d’une auréole, survivance du culte du soleil, tantôt formant le centre d’un triangle.

Dans mes voyages en Russie, j’ai souvent vu des paysans qui, avant de se découvrir en entrant dans une chambre, cherchaient l’image que les orthodoxes ont généralement dans un angle de leurs chambres et quand ils ne voyaient pas l’icone, demander « Gdié Bogh ? » (Où est Dieu ?) Pour eux, ce morceau de bois peint placé dans un cadre doré, était bien Dieu, un portrait de Dieu.

L’évêque américain Brown, qui a été deux fois condamné par ses pairs pour hérésie, a écrit dans son livre « Christianism and Communism » : « Mon Dieu est une trinité dont la matière est le Père, la Force est le Fils, et la Loi le Saint Esprit » ; dans un autre endroit, il dit : « Dieu est la nature et les travailleurs. »

L. K. Washburn écrit : « Nous nous servons du mot Dieu et il n’y a pas deux personnes qui aient la même idée de ce que le mot Dieu signifie. » Dans le Truth-Seeker le même auteur dit : « Il règne une notion assez nuageuse de la divinité, notion qu’il serait bien difficile d’exprimer en paroles. »

La bible nous parle de dieux (Elohim, pluriel de El, dieu sémite) créant la lumière avant le soleil, formant de ses mains d’abord un être hermaphrodite, homme et femme, puis, dans un second récit de la création, Yaveh (Dieu d’une tribu du Sinaï) formant un être isolé et, pendant son sommeil, lui arrachant une côte pour en fabriquer une femme. Il plante des arbres exprès pour faire succomber ses créatures. De son ciel, il ne voit pas ce qui se passe dans le jardin d’Eden et descend pour s’y promener et surveiller la conduite des deux époux, il leur coud des vêtements. Dieu se fait voir à Moïse face à face, une autre fois, il ne se montre que de dos. Dieu, de son doigt, grave les commandements sur la pierre, ailleurs, il lutte toute une nuit avec Jacob sur les rives du Jabbok, il est vaincu par l’homme : Dieu est donc un être matériel.

Tous les livres sacrés de l’Orient qui parlent des dieux en font des êtres humains supérieurs. Le Nouveau Testament dit que Dieu est esprit, ce qui ne veut rien dire, car pour la plupart des hommes, la lumière, la chaleur sont des esprits, tandis que ce ne sont que des manifestations des mouvements de la matière. Ce qu’en psychologie, on appelle esprit n’est qu’une des fonctions du cerveau, donc une manifestation de la matière. Dieu serait donc matériel, chose aussi absurde que possible.

Voyons à présent ce que pensent de Dieu quelques écrivains remarquables : Le grand inventeur Th. A. Edison a dit : « Dieu ? Un être suprême, assis sur un trône accordant aux individus humains une paix éternelle ou les condamnant à des châtiments sans fin pour ce qu’ils ont pu faire ou manqué de faire sur la terre ? Cette pensée me paraît aussi fallacieuse que répugnante… Aucun des dieux des différentes théologies n’a jamais été prouvé… Je n’ai jamais vu la plus légère preuve scientifique des théories religieuses sur le ciel et l’enfer, sur la vie future pour les individus, ou de l’existence de Dieu. » (Columbian Magazine, Janvier 1911.)

Le Jéhovah du Pentateuque était un meurtrier, un bandit, il aimait les offrandes de chair humaine. Les dieux d’Homère étaient lascifs et dépravés. Les dieux des sauvages sont simplement des chefs sauvages. Dieu est donc une image de l’esprit (Winwood Reade, Martyrom of Man (Le Martyre de l’Homme). Le grand physiologiste américain L. Burbank a dit : « Le ciel et l’enfer des croyants n’existent pas. Ils ne pourraient exister s’il y avait un maître tout-puissant et juste. Aucun criminel ne pourrait être aussi cruel qu’un Dieu qui plongerait les êtres humains dans l’enfer. »

« Cherchez les annales du monde entier, découvrez l’histoire de toute tribu barbare, et vous ne trouverez aucun crime qui soit descendu à une plus grande profondeur d’infamie que ceux que Dieu a commandés ou approuvés. Pour ce Dieu, je ne trouve pas de mots pour exprimer mon horreur et mon mépris, et tous les mots de toutes les langues seraient à peine suffisants. » (Ingersoll.)

L’un des plus grands poètes, Shelley, a écrit : « Tout esprit réfléchi doit reconnaître qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’une déité. Dieu est une hypothèse, et comme telle a besoin de preuve. L’onus probandi est à la charge des théistes (c’est-à-dire ce sont les théistes qui doivent prouver cette existence). » (Shelley.)

Cette idée (l’existence de Dieu) a empêché les progrès de la raison. » (d’Holbach.)

« S’il y a un Dieu, nous lui devons notre intelligence, mais notre intelligence nous dit clairement qu’il n’y a pas de Dieu. Donc Dieu nous dit qu’il n’y a pas de dieu. » (Rabindranath Tagore, grand poète hindou.)

« L’Homme est le dieu d’aujourd’hui, et la crainte de l’homme a remplacé la vieille crainte de Dieu. » (Max Stirner.)

Les théistes, tout en ne s’entendant pas sur la signification de leur Dieu, s’accordent fort bien pour attaquer l’athéisme. La Bible a déjà dit : L’insensé a dit dans son cœur : « Il n’y a pas de Dieu. » Le philosophe Cousin, l’un des protagonistes de la philosophie officielle sous l’Empire, a dit que l’athéisme était impossible. D’autres voudraient faire croire que l’athéisme conduirait nécessairement au malheur et au crime. Cependant, Voltaire, déiste et adversaire de l’athéisme a dit : « Le chancelier de l’Hôpital, athée, n’a fait que de sages lois, il n’a consulté que la modération et la concorde ; les fanatiques (c’est à dire les croyants, pour Voltaire), ont commis la Saint-Barthélemy ; Hobbes, athée, mène une vie tranquille et innocente ; les fanatiques de son temps inondèrent de sang l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande ; Spinoza était, non seulement athée, mais il enseigna l’athéisme et ce ne fut pas lui assurément qui prit part à l’assassinat de Barneveldt…, ce ne fut pas lui qui déchira les deux frères de Witt en morceaux et qui les mangea sur le gril. Peuplez une ville d’Épicures, de Protagoras, de Desbarreaux, de Spinoza, peuplez une autre ville de jansénistes et de molinistes, dans laquelle, croyez-vous qu’il y aura plus de troubles et de querelles ? » Voltaire a dit aussi : « Il est beaucoup plus agréable de passer sa vie auprès des athées qu’avec les superstitieux. L’athée, dans son erreur, conserve sa raison, qui lui coupe les griffes, mais le fanatique est atteint d’une folie perpétuelle qui aiguise les siennes. »

Un apologiste du christianisme, le pasteur James Buchanan, dans son livre Faith in God and Modern atheism compared (La foi en Dieu et l’athéisme moderne comparés) divise les diverses variétés d’athéisme en quatre classes.

1o L’hypothèse aristotélique, qui affirme que l’ordre actuel de la nature ou le monde tel qu’il est constitué à présent existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.

2o L’hypothèse épicurienne qui reconnaît l’éternelle existence de la matière et du mouvement et qui attribue l’origine du monde, soit avec Épicure à un concours fortuit d’atomes, soit avec des savants modernes à une loi de développement progressif à l’évolution.

3o Le système stoïque qui affirme la coexistence et la coéternité de Dieu et du monde, représentant Dieu comme l’âme du monde, ni antérieur au monde, ni indépendant de lui, et soumis, comme la matière, aux lois du destin.

4o L’hypothèse panthéiste qui nie la distinction entre Dieu et le monde. Selon ce principe, l’univers est Dieu et Dieu est l’univers.

Nous avons déjà parlé du panthéisme, il nous suffira de dire que le panthéisme, quoique apparemment plus logique que le théisme ou le déisme, n’est qu’une hypothèse aussi peu démontrable que le théisme pur. La difficulté d’expliquer l’origine de la matière est aussi grande, soit qu’on appelle celle-ci Dieu, soit qu’on en fasse une émanation de la déité ; ce n’est qu’une logomachie, malgré le génie de philosophes comme Spinoza qui ont soutenu le panthéisme.

La théorie stoïque n’est, après tout, qu’une forme du panthéisme, avec, peut-être, moins de base solide que celui-ci.

Il ne reste guère que les théories d’Aristote et d’Épicure, qui forment vraiment la base des sciences physiques modernes, toutes fondées sur l’atomisme bien que les savants actuels aient poussé plus loin que les anciens l’étude des atomes, dont chacun peut se diviser en des millions de parcelles, tout en restant de la matière en mouvement. Ces atomes, ces ions, sont absolument indépendants d’une volonté supérieure dans un ciel inexistant.

« L’athéisme moderne se présente, dit le Grand Larousse, avec une originalité, une profondeur, une puissance logique, un génie que les âges antérieurs n’ont pas connus. Ce n’est plus une sorte d’anomalie dans le développement historique, mais le terme d’une lente évolution de l’humanité, évolution théologique, évolution scientifique, Il se pose hardiment comme l’affranchissement suprême de l’esprit, l’expression la plus haute de la dignité et par là même, de la conscience humaine. Il nous montre la science écartant les hypothèses qui ne sont pas susceptibles de vérification, substituant les lois aux causes, les propriétés aux forces ; la logique renversant la méthode qui déduisait le monde physique et le monde moral d’un Dieu antérieurement défini, n’acceptant d’autre critère que l’accord de la raison et de l’expérience, la morale dorénavant instituée, indépendante de toute institution divine, relevant des lois inhérentes à la nature humaine, non de la volonté, du bon plaisir d’un roi du ciel. »

Dans la Grande Encyclopédie, M. Marion, qui pourtant n’est pas tendre. Pour le mot athée, écrit :

« On comprend que le vulgaire, qui a sa conception très arrêtée et très étroite de la divinité et qui n’en admet pas d’autre, qualifie d’athéisme toute doctrine tant soit peu différente de l’ordinaire anthropomorphisme, de la croyance courante à un Dieu personnel, intervenant sans cesse, dans les choses humaines. Il est surtout ridicule de reprocher aux savants d’être athées — la science comme telle est athée par nature, en ce qu’elle a pour objet unique d’étudier le comment des choses, leur mécanisme, la liaison nécessaire des causes et des effets, sans s’embarrasser des questions d’origine première et de fin. Si Laplace a répondu à quelqu’un qui s’étonnait de ne pas trouver le nom de Dieu dans sa mécanique céleste : « Je n’ai pas besoin de cette hypothèse », ce n’est là que l’expression toute simple d’un état d’esprit naturel aux savants en tant que savants, c’est à dire en tant qu’observateurs des conséquences. Les philosophes eux-mêmes, depuis Descartes et surtout depuis Kant, ont été de plus en plus unanimes à admettre que rien dans le monde ne se fait que selon des lois immuables résultant de la nature des choses ; de sorte que c’est presque tout philosophe digne de ce nom qui devra être qualifié d’athée, à prendre pour juge l’opinion vulgaire qui entend par Dieu une puissance indépendante de toute loi, capable d’intervenir à tout instant dans la marche de l’univers. Pas un métaphysicien, si respectueux soit-il de la croyance populaire, qui n’en cherche une interprétation plus profonde, inconciliable avec la science. »

Le philosophe français qui signe du pseudonyme « Vallée du Mont-Ari » (Lettres sur la Vie vue avec le simple bon sens) dit :

« À mes yeux, la croyance en Dieu-Idée a une telle influence sur l’état social que je ne puis me dispenser de revenir sur ce Rien, cette Nullité, ce Non-être, ce Néant, cet Impossible, ce Dieu de toutes les religions qui, sous les noms de Brahmah, Javeh, Jehovah, Elohim, etc., de par les résultantes qu’il a déterminées depuis que les hommes ignorants ou astucieux l’ont créé, est l’Immoralité même. Comment ne pas voir que c’est cette erreur qui, par le fanatisme, maintient les états d’êtres inférieurs actuels ? C’est vraiment commode, un Dieu pour certains individus dont la conscience et la réflexion ont été annihilées par cette croyance… Toute leur existence se passe à commettre les pires méfaits, les malhonnêtetés les plus criantes… et quand ils sentent que la tombe va s’ouvrir, ils adressent un acte de contrition » à cette Hideur qui avait permis leurs crimes et elle leur ouvre toutes grandes les portes de son « Paradis » où ils jouiront éternellement du plus grand bien-être, après avoir joui pendant toute leur vie terrestre au détriment d’autrui. Tandis que certain pauvre diable qui aura vécu chichement, péniblement, souffreteusement, douloureusement, et honnêtement pendant toute sa vie en servant humblement les riches exploiteurs, ira en enfer si, contraint par la misère, il est surpris volant quelque denrée alimentaire ou quelques sous chez un de ses exploiteurs qui le tuera simplement avant qu’il ait eu le temps de manifester son repentir à Dieu… Ô stupidité ! »

« C’est cette insanité repoussante qui fait dire à ses représentants autocrates et omniscients que la guerre est nécessaire et qu’elle donne la victoire aux armées qui la servent… C’est la croyance en cette Fiction qui est cause de tout le mal que nous pouvons constater par l’obscurité intellectuelle et la stagnation mentale dans lesquelles sa crainte maintient l’humanité… »

Cette page virulente n’est qu’un exposé de l’objection que les philosophes opposent au dogme de l’existence d’un Dieu tout puissant et tout sage : l’existence du mal physique et moral. On ne comprend vraiment pas comment des êtres raisonnables peuvent avaler les boniments des prêtres de toutes les religions ; et pourtant l’immense majorité des hommes se soumettent benoîtement à ce que les représentants de la superstition religieuse leur commandent.

Vallée du Mont-Ari dit encore : « Il existe des êtres ayant des prétentions d’être à l’avant-garde des idées et considérant comme inutile le temps passé à combattre l’idée de Dieu. On peut se demander comment un homme sensé peut douter de la nécessité et de l’efficacité du combat de l’homme conscient contre la croyance en l’existence de Dieu. Il faut vraiment qu’il n’ait jamais pris la peine de réfléchir sur l’importance de cette question, ou qu’il ne puisse pas en voir toute l’importance… le sort de l’humanité y est intimement lié.

« L’athée… croit à la possibilité d’une justice sans Dieu ; justice dont les plateaux de la balance n’auront plus à subir les influences actuelles ignobles de cette monstruosité. »



Voyons à présent les prétendues preuves de l’existence de Dieu.

Le premier argument que tout chrétien lance dans une discussion avec un athée, c’est celui de Fénelon et de Bossuet qu’on a redit à satiété : il faut un horloger pour faire une montre, un peintre pour faire un tableau, il faut donc un auteur à toute chose, cet auteur, je l’appelle Dieu, donc Dieu existe. Cet argument n’a pas plus de valeur qu’une bulle de savon ; s’il a fallu un créateur pour créer le monde, qui a créé ce créateur et le créateur de ce créateur ? et ainsi de suite à l’infini. La preuve théiste n’est qu’une pétition de principe, car c’est l’affirmation de la création, parce que ce que ce créateur existe ; or, ce créateur premier ne peut être, puisqu’on peut toujours le reculer et, de plus, la création n’a pas été prouvée et ne le sera probablement jamais, car la science se passe très bien de l’idée de création.

Fénelon croit avoir tout dit en opposant l’idée de Dieu au hasard. Or, le hasard ne serait encore qu’un Dieu, tandis que la science telle qu’elle existe aujourd’hui, reconnaît des lois, pas un hasard ; ces lois sont éternelles autant qu’on peut le déduire de toutes les observations. Donc pas de Dieu. Les arguments de Fénelon sont parfois de purs enfantillages, ainsi : « Si l’eau était plus ou moins dense qu’elle n’est, elle ne pourrait supporter des vaisseaux », ce qui revient à dire que les eaux ont été créées pour porter des navires et non que les bateaux ont été inventés pour naviguer sur les eaux.

« Si la terre était plus ou moins dure qu’elle n’est, elle ne pourrait pas être cultivée ou bien elle ne pourrait pas supporter l’homme. » Toujours le fameux principe : C’est Dieu qui a créé tout cela pour l’homme, pour le bien de cet homme, le favori de Dieu. Les serpents venimeux, les bêtes sauvages, les scorpions, les punaises, les poux, les bactéries pathogènes, la fièvre thyphoïde, la lèpre, la tuberculose, les mouches cancéreuses, etc., ont donc été créés pour le bien de ce bien-aimé de la divinité ?…

Tout le livre de Fénelon, qu’on employait de mon temps dans les classes de philosophie, est plein d’arguments de la force de celui de la densité des eaux, la beauté de la nature, l’instinct des animaux. Fénelon écrit des choses aussi étonnantes que celle-ci : « Toutes les qualités des personnes et des choses viennent de Dieu, l’intelligence est une qualité, donc Dieu nous donne l’intelligence, donc Dieu existe. De même pour nos idées claires ou de sens commun. De même pour nos pensées supérieures. Un moment de réflexion suffirait à un enfant pour découvrir la faiblesse d’une telle argumentation. C’est toujours la pétition de principe. L’évêque de Cambrai commence par admettre le dessein d’un être supérieur, au lieu de nous prouver que cette intelligence suprême existe.

Un autre argument tout aussi ridicule, c’est celui de la beauté du corps humain : « Si la tête était moins grosse elle n’aurait aucune proportion avec le reste de la machine. Si elle était plus grosse, outre qu’elle serait disproportionnée et difforme, elle accablerait le cou et courrait le risque de faire tomber l’homme du côté où elle pencherait un peu trop. » L’auteur ne connaissait pas tous les animaux monstrueux : le plésiosaure, le ptérodactyle, etc., à qui on a donné le nom absurde d’antédiluviens et qui ont probablement existé pendant des milliers d’années, tant que les situations climatériques leur ont permis de se nourrir quoique leurs corps, selon nos idées modernes, soient disproportionnés et mal conditionnés. Après avoir lu Fénelon, aucun lecteur intelligent ne manquera de reconnaître qu’il n’y a trouvé nulle preuve valable de l’existence de Dieu.

Les preuves dites métaphysiques ne valent pas mieux. L’apologiste catholique J.-J.-Auguste Nicolas, dans ses Études philosophiques sur le Christianisme (4 volumes in-8o, 1842-45) souvent réimprimés, croit avoir découvert une nouvelle preuve de l’existence de Dieu. Pour lui la meilleure démonstration de cette existence c’est que l’homme a conçu l’idée même de la divinité. Toute autre idée se rapporte à la matière, qualités et défauts, beauté, laideur sont toujours le résultat d’une comparaison tacite, or Dieu ne peut-être comparé à rien. Cet argument est fallacieux car pour l’immense majorité des êtres qui ont cru ou qui croient encore à Dieu, cette déité est bien un être ou, comme le dit la Bible, un Dieu vivant, — il n’y a que les êtres matériels qui soient doués de la vie. Ce n’est qu’assez tard que l’esprit humain s’est élevé, si l’on peut parler ainsi, à l’idée d’un esprit qui, même alors était doué de toutes les fonctions de l’être humain. Écoutez deux chrétiens discuter, ils vous parleront de l’œil de Dieu, du doigt de Dieu, de la main de Dieu, de l’esprit de Dieu, de la volonté de Dieu, de la colère de Dieu, etc.

Les apologistes chrétiens donnent comme preuve de l’existence de Dieu l’idée d’infini qu’a l’homme. Or, l’homme, en général, ne raisonne pas sur l’infini, seuls les mathématiciens se rendent compte, et encore assez imparfaitement de l’infini. Pour le théiste, Dieu est fini puisqu’il est limité par l’univers, ou pour le croyant par la terre et le ciel, c’est-à-dire par les nuages et l’atmosphère. Comme il est impossible que deux corps puissent occuper le même espace, Dieu ne peut exister s’il est infini, puisque la matière est limitée et que l’esprit infini devrait être limité par l’espace occupé par la matière.

Un argument très souvent employé, c’est l’affirmation de la reconnaissance universelle par les êtres humains de l’existence de Dieu. Or, les voyageurs modernes ont découvert de nombreuses tribus qui n’ont aucune idée d’un être supérieur gouvernant la terre et les cieux. Le grand ouvrage du savant Frazer (Le Rameau d’Or), donne bien des exemples de cette absence complète de connaissance d’un dieu. Les Bouddhistes véritables, qui sont athées, se comptent par millions ; les disciples de Confucius ne connaissent pas non plus de dieu. Parmi les savants modernes, il est rare de trouver un théiste. Tous les vrais savants comme Berthelot, Lalande, Laplace, Tyndall, Huxley, Haeckel, Ostwald, etc., sont, ou nettement athées, ou positivistes ou agnostiques, les deux derniers déclarent que puisque l’esprit humain ne saurait arriver à découvrir les causes premières, ils s’abstiennent de s’en occuper. Or, comme ils n’admettent pas un Dieu selon l’idée ordinaire, et la définition générale, ils sont en réalité athées pour les théistes.

Descartes, dans son Discours sur la Méthode, après avoir fait table rase de toutes les théories philosophiques enseignées avant lui, recule devant les conséquences de sa négation, finit par admettre l’existence d’un Dieu, sans pouvoir toutefois le définir, il se base sur l’existence des causes et effets, démonstration qui revient à celle de Fénelon, il dit : « Nous sommes assurés que Dieu existe parce que nous prêtons attention aux raisons qui nous prouvent son existence. Mais après cela il suffit que nous nous ressouvenions d’avoir conçu une chose pour être assurés qu’elle est vraie, ce qui ne suffirait pas si nous ne savions pas que Dieu existe et qu’il ne peut être trompeur. » De nouveau pure assertion, mais aucune preuve.

J.-J. Rousseau, déiste comme Voltaire, donne deux preuves de l’existence de Dieu :

1o L’idée du premier moteur ou l’origine du mouvement, et 2o l’autre, celle des causes finales. Nous savons à présent que tout dans l’univers est en mouvement, que toutes les molécules des corps sont retenues ensemble par le mouvement de ces molécules et que pas n’est besoin d’un être supérieur pour entretenir ce mouvement et le diriger ; c’est une loi immuable de la nature. Les découvertes (Becquerel, Curie, Le Bon, Rutherford, Carnot, Meyer, Herz, Helmholz, Roentgen, Fresnel, etc.), l’ont surabondamment démontré. La preuve dite des causes finales revient à dire que Dieu créa l’univers pour servir à l’homme, c’est ce que prêchent les théologiens. Quelques philosophes ont osé déclarer qu’ils ignoraient complètement le but de Dieu. Les athées répondent : l’univers n’a aucune destination et ne peut en avoir.

Preuves qu’on trouve dans les traités de théodicée employés dans les lycées :

1o La loi morale qui dicte ses arrêts dans le sanctuaire de la conscience suppose un législateur. Nous ne sommes pas les auteurs de cette loi, le plus souvent en désaccord avec nos penchants. Ce législateur c’est Dieu ; donc Dieu, etc.

2o La sanction de la loi morale, insuffisante ici-bas, suppose une sanction ultérieure, qui, elle-même ne saurait avoir lieu sans un juge suprême, rémunérateur et vengeur. Ce juge, c’est Dieu donc.

3o Nous avons l’idée de perfection ; or, cette idée implique l’existence, car une perfection à laquelle il manquerait l’existence serait une perfection imparfaite, ce qui est absurde, cette perfection, c’est Dieu donc, etc.

4o Tout ce qui est rigoureusement renfermé dans l’idée d’une chose doit en être affirmé ; or, l’existence actuelle est renfermée dans l’idée d’être nécessaire, donc il existe un être nécessaire : Dieu.

5o Tout attribut suppose une substance qui ne peut être moindre que l’attribut lui-même ; or, l’éternité et l’immensité sont des attributs infinis ; donc ils supposent une substance infinie (Newton, Clarke).

Le Dr Carret (Démonstrations de l’Inexistence de Dieu), analyse les preuves données par Saint Anselme, Saint Thomas d’Aquin, Gastrell, La Luzerne, Newton, Clarke, Hancock, Woodward, etc., mais il fait comprendre tout le vide des prétendues preuves.

Retournons aux arguments contre l’existence de Dieu ; on ne peut les appeler preuves puisque l’on ne peut prouver une négation, comme nous l’avons déjà dit, mais on peut prouver que l’idée d’un Dieu tout puissant et tout bon est absurde.

Le raisonnement d’Épicure, célèbre philosophe grec, est resté invincible. Le voici tel que nous le connaissons d’après la réfutation de Lactance, père de l’Église :

Le mal existe ; or de deux choses l’une :

1o Dieu sait que le mal existe, peut le supprimer et ne le veut pas… un tel Dieu serait cruel et pervers, donc inadmissible.

2o Dieu sait que le mal existe, veut l’empêcher et ne le peut pas… un tel Dieu serait impuissant, donc inadmissible.

3o Dieu ne sait pas que le mal existe… un tel Dieu serait donc aveugle et ignorant, donc inadmissible.

On ne voit pas d’autre hypothèse possible. Donc Dieu n’existe pas.

Les croyants se sont acharnés contre le dilemme d’Épicure. Ils veulent faire croire que le mal existe parce que le premier homme a désobéi en Eden et que ce mal sert à améliorer l’homme lui-même. Ce châtiment infligé à la descendance tout entière des coupables serait assez épouvantable pour faire douter de l’existence d’un Dieu si atroce. Mais tout souffre dans la nature ; tous les animaux, depuis les plus grands aux microscopiques souffrent de leur naissance à leur mort, les plantes elles-mêmes souffrent et périclitent, la nature brute elle-même n’échappe pas aux transformations et à ce que nous appelons la mort.

Les molécules, les métaux mêmes se transforment peu à peu, il y a donc souffrance partout. Un Dieu immuable et bon ne saurait exister. Il est vrai que des philosophes, comme le baron de Colins et ses disciples croient, à la suite de Descartes, que les animaux sont insensibles, que ce sont des machines. Cette théorie ne supporte pas l’observation exacte des animaux, et puis la machine elle-même ne se détraque-t-elle pas, de plus ne peut-on pas considérer le travail comme une peine ? Il est vrai qu’elle n’a pas de nerfs et de cerveau qui font que les êtres animés se rendent compte de la douleur, mais la matière se transformant, se gâtant est une preuve que le mal existe partout et pourtant les animaux n’ont pas mangé la pomme avec Ève.

Les scientistes chrétiens, qui ont tant d’adeptes en Amérique et aussi en Europe, prétendent que la souffrance n’est pas réelle, qu’elle est une conséquence de notre imagination. Ceux qui osent dire cela n’ont jamais visité les hôpitaux ni les asiles d’aliénés ; ils n’ont pas entendu les cris de douleur que poussent les malades, les blessés. Ces scientistes chrétiens n’ont jamais guéri de vraies douleurs, pas plus que les prières ou les visites aux lieux de pèlerinage ne le font. Quand l’auto-suggestion est terminée, les maux recommencent.

Le mal existe donc et un Dieu qui l’aurait créé, le sachant et le voulant est incompréhensible, impossible.

Si Dieu ne sait pas que le mal existe, la chose est encore plus absurde, cela ressemblerait au Dieu de la Bible qui ne sait pas ce qui se passe dans le paradis terrestre et est obligé de s’y promener pour voir ce qu’y faisaient les nouveaux époux. Ce serait comme Jupiter qui descend sur la terre pour juger des abominations qui s’y commettent et punit du déluge de Deucalion et Pyrrha les humains pour le crime du roi Lycaon.

Un Dieu comme celui de la Bible ou des Métamorphoses ne peut être admis que par des esprits bornés.

S’il y a un Dieu pourquoi y a-t-il tant de religions ? Les prêtres prétendent tous que leur Dieu est le seul vrai Dieu. Or, il y a une infinité de religions et de sectes qui ne croient pas au Dieu des autres religions. S’il y avait un Dieu, n’aurait-il pas fait en sorte que tous les humains le reconnaissent ?

Le Dr Carret résume ainsi cette objection :

De trois choses l’une

1o Il y a un Dieu, ce Dieu a voulu se manifester aux humains et le nombre des religions prouve qu’il n’a pas réussi. Dans ce cas, Dieu est impuissant, donc inadmissible : tous les cultes sont absurdes et tous leurs dieux sont faux.

2o Il y a un Dieu : ce Dieu n’a pas voulu être connu de nous et ne se soucie aucunement de nos adorations. En ce cas, tous les cultes sont absurdes et tous leurs dieux sont faux, car aucun ne ressemble au Dieu réel.

3o Il n’y a pas de Dieu. En ce cas, tous les cultes sont absurdes.

Aucune autre supposition n’est possible.

Les athées se servent encore d’autres arguments pour combattre la croyance : l’impossibilité du libre arbitre ; l’inexistence d’une âme mortelle ; la différence entre la volonté et le libre arbitre, etc. Tout cela devra faire le sujet d’autres articles dans l’Encyclopédie.

Les Spirites qui se démènent tant à présent et dont beaucoup ne croient pas en Dieu, croient à la survivance de l’âme après la mort. L’Institut métapsychique de Paris et The Society for psychical research de Londres, cherchent à prouver cette survivance, mais toutes leurs expériences ne prouvent rien jusqu’ici et toutes les manifestations dont parlent les métapsychiques n’ont encore rien produit de convaincant. Nous pouvons admettre que l’âme n’est qu’une fonction du cerveau et qu’aussitôt que la mort survient, il n’y a plus d’âme et que les molécules du cerveau se désagrégeant, il ne peut y avoir d’immortalité.

Donc pas plus d’âme que de Dieu et le raisonnement d’Épicure reste inébranlable.

On a donné le nom d’épicuriens aux amis de la bonne chère. Sans être des ascètes, on peut aimer le bien, se dévouer à l’humanité, c’est ce que voulait Épicure. Il mettait le bonheur dans la satisfaction des besoins intellectuels et moraux.

Son disciple Lucrèce, dans son grand poème De Naturâ Rerum le fait bien comprendre.

Dans tous les temps, l’histoire a dû reconnaître la parfaite honnêteté des athées. L’antiquité a cité comme des modèles de vertu des athées comme Diagoras, de Milo, qui se rattachait à l’école de Leucippe ; Théodore et Evhémère, sortis de l’école de Syrène ; Straton de Lampsaque, Métrodoros, Plysemos, Hermachos, Polystratos, Basilides, Protarchos.

On peut aussi inclure parmi les athées toutes les écoles philosophiques grecques depuis Thalès (Anaximène, Anaxagore, Achellaos), jusqu’à Socrate qui fut condamné à mort sur une accusation d’athéisme. Parmi les athées, il faut comprendre Hérédité, Empédocle, Démocrite, Pyrrhon et toute l’école sceptique (Timon, A. Aenesidème, etc.) ; l’école stoïque (Zénon, Aristo de Chios, Cleantes, etc.).

L’athéisme a toujours été admis par les esprits éclairés de l’antiquité, mais l’établissement d’une religion officielle dans la plupart des États a empêché parfois l’enseignement de cette doctrine. Les gouvernements se sont toujours servi de leur autorité, et des persécutions pour écraser la terrible négation qui, du coup ébranlait toute religion et tout respect pour l’État.

Les athées étaient obligés, sous peine de mort ou de ruine, de mettre un frein à leur franchise. Montaigne, la Boétie, Charron, Giordano Bruno, Vanini étaient athées, mais ils n’osaient pas le proclamer et les deux derniers ont payé de leur vie les doutes qu’ils faisaient entrevoir sur l’existence de Dieu.

Au xviiie siècle, Helvétius, d’Holbach, d’Alembert, Diderot étaient des athées, Voltaire et Rousseau qu’on a souvent accusés d’athéisme étaient déistes, de même que Robespierre. Par contre, Marat, Babeuf, Buonarotti étaient athées, aussi ont-ils été salis par tous les écrivains réactionnaires.

Les socialistes du commencement du xixe siècle n’avaient pas encore secoué l’esprit théiste quoique pour eux le mot Dieu n’eût pas grande signification.

En Allemagne, Kant, Schopenhauer, Nietzsche, et leurs disciples, ne reconnaissaient aucun Dieu.

Karl Marx, Engels, Lassale, Kautski, étaient athées, ainsi que les Hégéliens et les socialistes démocrates, mais pour ne pas choquer les masses, ils s’abstenaient d’attaquer l’idée théiste.

Il y a de très nombreux prêtres catholiques et pasteurs protestants qui ne croient pas en Dieu, mais par lâcheté, par peur de perdre leur gagne-pain ou leur position sociale, ils se gardent de faire voir ce qu’ils pensent. Je l’ai remarqué bien des fois et quelques-uns de ces fourbes me l’ont avoué, ils continuent à prêcher ce qu’ils considèrent comme des mensonges. On ne peut que plaindre ces hommes malhonnêtes envers eux-mêmes.

Quelle différence avec Lalande, le grand savant, continuateur du dictionnaire des athées de Sylvain Maréchal. Quoique mal vu de Napoléon à cause de ses opinions, il a écrit :

« Je me félicite plus de mes progrès en athéisme que de ceux que je puis avoir faits en astronomie. Le spectacle du ciel paraît à tout le monde une preuve de l’existence de Dieu. Je le croyais à 19 ans, aujourd’hui, je n’y vois que de la matière et du mouvement. »

G. Brocher.
Ouvrages le plus souvent consultés par moi :

Mauthner. Der Atheismus und seine Geschichte im Abendiand. (L’Athéisme et son histoire en Occident), 4 volumes, très grand 8o.

(Le titre de cet ouvrage n’est pas exact, c’est plutôt une histoire de la libre pensée en Europe.)

Robertson. A short History of Freethought (Brève histoire de la libre pensée).

The Faiths of the World (Les croyances du monde), 8 volumes 8o.

Bradlaugh. A Plea for Atheism (Défense de l’Athéisme).

Franck. Dictionnaire des Sciences philosophiques.

Fénelon. Existence de Dieu.

Bossuet. Connaissance de Dieu et de soi-même.

Caro. L’Idée de Dieu.

Proudhon. De la Justice dans la Révolution et dans l’Église.

Colins. De la Justice hors de la Révolution et hors de l’Église, 3 v. 8o. La Science, 3 v. 8o. La Science Sociale, 5 v. 8o.

Hugentobler. Extinction du Paupérisme. (Exposé de la philosophie athée de Colins.)

Kropotkine. La morale (dans la traduction espagnole).

Lewes Istorya Philosophyi (traduction russe de Spasovitch et Névédomsky).

Brucker. Historia critica philosophial.

Bartholomess. Doctrines religieuses de la philosophie moderne.

Damiron. Histoire de la philosophie au xviiie siècle.

Cousin. Histoire générale de la philosophie.

Taine. Les Philosophes français au xixe siècle.

Feuerbach. Geschichte der neueren Philosophie (Histoire de la philosophie moderne).

Bauer (Kuno). Istorya philosophyi (traduction russe).

Laforest. Philosophie Ancienne, 2 v. 8o. (Au point de vue catholique.)

Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra.

Schopenhauer. Die Welt als Wille (Le Monde comme volonté).

Naquet. Religion, propriété, famille.

Saïsset (A). Essai de Philosophie religieuse.

Saïsset (A). Dieu et son Homonyme.

Vallée du Mont-Ari. Lettres sur la vie vue avec le simple bon sens.

Trazer. The Golden Bough. 12 volumes (Le Rameau d’Or). (Les trois premiers seuls ont été traduits en français).

Darwin. L’Origine des espèces.

Darwin. Origine de l’homme.

Vogt (Carl). De l’homme.

Büchner. Force et Matière.

Carret (Dr). Démonstration de l’Inexistence de Dieu.