La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 24).




EN BARQUE


À William Picard


L’adolescent rêveur, penché dans la nacelle,
Plonge les avirons dans l’eau morte, sans bruit.
À la barre est assis, sombre comme la Nuit,
Un énorme chien noir, qui l’observe et grommelle.

Pareil aux dieux obscurs de l’énigme éternelle,
Est-ce un nocturne sphinx de nos destins instruit ?
Quel secret malfaisant, quel bonheur caché luit
Comme un ardent charbon dans sa large prunelle ?

Toi, mon enfant, sans voir l’animal ténébreux,
Qui tourne lentement ses globes phosphoreux
Vers l’espace futur où pénètre la proue,

Tu souris doucement en regardant les cieux,
Car la vie est pour toi rose comme ta joue
Et ton jeune avenir aussi bleu que tes yeux.