Alphonse Lemerre, éditeur (p. 121-122).

PARADE


À Henri Baüer.


Casques, bonnets, chapeaux, par-devant la baraque,
Se pressent à l’envi sur l’escalier qui craque,
Pour goûter de plus près Jocrisse et le patron :
Le premier en habit jaune et l’autre en marron.
Une femme au comptoir, énorme, recouverte
De bracelets massifs et de brillants colliers.
Tout-à-l’heure, pinçant sa courte jupe verte,
Très calme, elle tournait sur la pointe des pieds.
Le patron prend un air grave et de complaisance,
Il dit son rôle avec une si sûre aisance
Et donne tant de coups au Jocrisse engourdi,

Que le public chauffé l’admire et l’applaudit.
Orchestre : le trombone asthmatique et phtisique
Qui rendra sa pauvre âme un beau soir de musique,
Le piston, le tambour, en lanciers Polonais,
Sous l’ample redingote et le schapzka pas frais.
Jocrisse n’est plus drôle ; or, lentement, la foule
Lasse de regarder et d’entendre s’écoule.
Mais le patron malin comprenant le danger
Et voyant qu’au spectacle il faut enfin songer,
D’un accent marseillais vibrant et fort s’écrie :
« Hé, trêve de bons mots et de plaisanterie… »