Les Ailes d’or : poésies nouvelles, 1878-1880Bibliothèque-Charpentier (p. 191-194).
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DUETTO

À GUSTAVE GŒTSCHY.

I

Le vol des astres d’or palpitait dans les toiles
Que, pareil au chasseur, le soir tend par les deux,
Quand Lydia naquit, et son front gracieux
A ravi sa pâleur lumineuse aux étoiles.

Le soleil dont la mer buvait encor le sang
Fit d’un baiser mourant la pourpre de sa bouche,
Et l’ombre qui tombait de la roche farouche
Dans ses cheveux profonds prit son aile en passant.

Des lunaires blancheurs dont s’éclaire la grève
Son épaule a gardé l’éclat doux et changeant :
Telle, au seuil de la nuit, dans un rayon d’argent,
La brune Lydia se dresse comme un rêve.

II

Dans l’or éparpillé du réseau de lumière
Dont, pareil au pêcheur, le matin tend la mer,
Et que le vent lointain gonfle d’un souffle amer,
Marina fit flotter sa traînante crinière.

Deux rayons envolés des horizons en feu,
Cherchant un coin d’azur à leur course éternelle,
De leurs scintillements emplirent sa prunelle
Dont un pleur de rosée attendrissait le bleu.

Aux premières rougeurs dont le bois se colore
On vit sa joue en fleur prendre un reflet vermeil :
Telle, aux portes du jour, les yeux pleins de soleil,
La blonde Marina parut avec l’Aurore.

III

Quand Lydia leva son front vers la nuit pure,
L’âme errante des lis dont le frisson du soir
A meurtri le calice et fermé l’encensoir
Baigna, d’un long parfum, sa noire chevelure.

Quand Marina sourit au jour naissant encor,
Des roses le sourire a fêté sa venue,
Et leur haleine a mis, en montant sous la nue,
Des baisers odorants parmi ses cheveux d’or.

Femme dont le soleil nimbe la tête blonde,
Femme dont l’ombre étreint le front blanc de son deuil,
De la terre et des cieux double et charmant orgueil,
Vos jumelles beautés rayonnent sur le monde !