Du scepticisme de Pascal
Revue des Deux Mondes, période initialetome 8 (p. 1012-1033).
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DU SCEPTICISME

DE PASCAL.


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Il va paraître un de ces jours une seconde édition de mon ouvrage sur les Pensées de Pascal[1], avec des additions qu’il est inutile de faire connaître et parmi lesquelles il suffit d’annoncer plusieurs pièces nouvelles, entre autres ce beau fragment sur l’amour dont la découverte inattendue émut, il y a une année, les amis de notre grande littérature[2], et demeurera, s’il m’est permis de le dire, la récompense de mes travaux sur Pascal.

Je n’ai emprunté à personne les principes de critique qui sont dans le Rapport à l’Académie française. J’ai le premier distingué les parties différentes et souvent étrangères dont se compose le livre des Pensées ; j’ai séparé tout ce qui appartient véritablement au grand ouvrage que méditait Pascal, l’Apologie de la Religion chrétienne, et j’ai eu l’idée, très simple, il est vrai, mais dont apparemment on ne s’était pas avisé, de restituer dans leur sincérité la pensée et le style de ce grand maître, d’après le manuscrit autographe conservé à la Bibliothèque du roi : enfin, ce projet de restitution, je ne l’ai pas seulement exposé ; je l’ai exécuté sur les morceaux les plus étendus, les plus célèbres, les plus importans. Voilà le service que j’ai rendu aux lettres ; d’obscures menées ne l’effaceront point. On a beau dérober les principes que j’ai établis, en ayant l’air de les combattre ; tous les faux-semblans ne servent de rien ; suivre des règles posées par un autre, jusqu’à les compromettre par une application outrée, ce n’est point les inventer, tout comme réimprimer à grand bruit des pièces qui déjà ont vu le jour, sans citer le premier éditeur, ce n’est pas les publier pour la première fois.

J’avais un moment songé à donner un plus grand nombre de pensées nouvelles. La réflexion m’a retenu. Dans l’intérêt même de la renommée de Pascal, surtout dans l’intérêt des lettres, j’ai dû me borner à mes premiers extraits, une lecture attentive ne m’ayant fait découvrir aucun fragment nouveau qui fût supérieur à ceux que j’avais donnés, et qui méritât de voir le jour. Il ne faut pas non plus adorer superstitieusement tous les restes d’un grand homme. La raison et le goût ont un choix à faire entre des notes quelquefois admirables, quelquefois aussi dépourvues de tout intérêt dans leur état actuel. Un fac-simile n’est point l’édition, à la fois intelligente et fidèle, que j’avais demandée et que je demandé encore.

Mais considérons par un endroit plus sérieux l’écrit que nous allons remettre sous les yeux du public. Nous n’avions entrepris qu’un travail littéraire ; notre unique dessein avait été de reconnaître et de montrer Pascal tel qu’il est réellement dans ce qui subsiste de son dernier ouvrage, et il est arrivé qu’en l’examinant ainsi, nous avons vu à découvert, plus frappant et mieux marqué, le trait distinctif et dominant de l’auteur des Pensées. Déjà, en 1828[3], nous avions trouvé Pascal sceptique, même dans Port-Royal et dans Bossut ; en 1842, nous l’avons trouvé plus sceptique encore dans le manuscrit autographe, et malgré la vive polémique qui s’est élevée à ce sujet, notre conviction n’a pas un seul moment ébranlée : elle s’est même fortifiée par des études nouvelles.

Quoi ! Pascal sceptique ! s’est-on écrié presque de toutes parts. Quel Pascal venez-vous mettre à la place de celui qui passait jusqu’ici pour un des plus grands défenseurs de la religion chrétienne ? Eh ! de grace, messieurs, entendons-nous, je vous prie. Je n’ai pu dire que Pascal fût sceptique en religion : c’eût été vraiment une absurdité un peu trop forte : bien loin de là, Pascal croyait au christianisme de toutes les puissances de son ame. Je ne veux point revenir et insister ici sur la nature de sa foi : je n’ai pas craint de l’appeler une foi malheureuse, et que je ne souhaite à aucun de mes semblables ; mas qui jamais a pu nier que cette foi fût sincère et profonde ? Il faut poser nettement et ne pas laisser chanceler le point précis de la question : c’est en philosophie que Pascal est sceptique, et non pas en religion, et c’est parce qu’il est sceptique en philosophie qu’il s’attache d’autant plus étroitement à la religion, comme au seul asile, comme à la dernière ressource de l’humanité dans l’impuissance de la raison, dans la ruine de toute vérité naturelle parmi les hommes. Voilà ce que j’ai dit, ce que je maintiens, et ce qu’il importe d’établir une dernière fois sans réplique.

Qu’est-ce que le scepticisme ? Une opinion philosophique, qui consiste précisément à rejeter toute philosophie, comme impossible, sur ce fondement. que l’homme est incapable d’arriver à la vérité, encore bien moins à ces vérités qui composent ce qu’on appelle en philosophie la morale et la religion naturelle, c’est-à-dire la liberté de l’homme, la loi du devoir, la distinction du juste et de l’injuste, du bien et du mal, la sainteté de la vertu, l’immatérialité de l’ame et la divine providence. Toutes les philosophies dignes de ce nom aspirent à ces vérités. Pour y parvenir, celle-ci prend un chemin, et celle-là en prend un autre : les procédés diffèrent ; de là des méthodes et des écoles diverses, moins contraires entre elles qu’on ne le croit au premier coup d’œil, et dont l’histoire exprime le mouvement et le progrès de l’intelligence et de la civilisation humaine. Mais les écoles les plus différentes poursuivent une fin commune, l’établissement de la vérité, et elles partent d’un principe commun, la ferme confiance que l’homme a reçu de Dieu le pouvoir d’atteindre aux vérités de l’ordre moral, aussi bien qu’à celles de l’ordre physique. Ce pouvoir naturel, qu’elles le placent dans le sentiment ou dans la réflexion ou dans le raisonnement ou dans la raison ou dans le cœur ou dans l’intelligence, c’est là entre elles une querelle de famille ; mais elles s’accordent toutes sur ce point essentiel qui les fait être, à savoir, que l’homme possède le pouvoir d’arriver au vrai, car à ce titre, et à ce titre seul, la philosophie n’est pas une chimère.

Le scepticisme est l’adversaire, non pas seulement de telle ou telle école philosophique, mais de toutes. Il ne faut pas confondre le scepticisme et le doute. Le doute a son emploi légitime, sa sagesse, son utilité. Il sert à sa manière la philosophie, car il l’avertit de ses écarts, et rappelle à la raison ses imperfections et ses limites. Il peut tomber sur tel résultat, sur tel procédé, sur tel principe, même sur tel ordre de connaissances ; mais aussitôt qu’il s’en prend à la faculté de connaître, s’il conteste à la raison son pouvoir et ses droits, dès-là le doute n’est plus le doute : c’est le scepticisme. Le doute ne fuit pas la vérité, il la cherche, il l’espère, et c’est pour mieux l’atteindre qu’il surveille et ralentit les démarches souvent imprudentes de la raison. Le scepticisme ne cherche point la vérité, il l’a trouvée, et cette vérité, c’est qu’il n’y en a point et, qu’il ne peut y en avoir pour l’homme. Le doute est à la philosophie un ami mal commode, souvent importun, toujours utile : le scepticisme lui est un ennemi mortel. Le doute joue en quelque sorte dans l’empire de la philosophie le rôle de l’opposition constitutionnelle dans le système représentatif ; il reconnaît le principe du gouvernement, il n’en critique que les actes, et encore dans l’intérêt même du gouvernement. Le scepticisme ressemble à une opposition qui travaillerait à la ruine de l’ordre établi, et s’efforcerait de détruire le principe même en vertu duquel elle parle. Dans les jours de péril, l’opposition constitutionnelle s’empresse de prêter son appui au gouvernement, tandis que l’autre opposition invoque les dangers et y place l’espérance de son triomphe. Ainsi quand les droits de la philosophie sont menacés, le doute, qui se sent menacé en elle, se rallie à elle, comme à son principe ; le scepticisme, au contraire, lève alors le masque et trahit ouvertement.

Le scepticisme est de deux sortes : ou bien il est sa fin à lui-même, et se repose tranquillement ’dans le néant de toute certitude ; ou bien il cache son vrai jeu, et ses plus grandes audaces ont pour ainsi dire leur dessous de cartes. Dans le sein de la philosophie, il a l’air de combattre pour la liberté illimitée de l’esprit humain contre la tyrannie de ce qu’il appelle le dogmatisme philosophique, et en réalité il conspire pour une tyrannie étrangère.

Qui ne se souvient par exemple d’avoir vu de nos jours un illustre écrivain prêcher, dans un volume de l’Essai sur l’indifférence, le plus absolu scepticisme, pour nous conduire, dans le volume suivant, au dogmatisme le plus absolu qui fut jamais ?

Reste à savoir si le scepticisme, tel que nous venons de le définir en général, est ou n’est pas dans le livre des Pensées.

Ouvrez ce livre, et vous l’y trouverez à toutes les pages, à toutes les lignes. Pascal respire le scepticisme, il en est plein, il en proclame le principe, il en accepte toutes les conséquences, et il le pousse d’abord à son dernier terme, qui est le mépris avoué et presque la haine de toute philosophie.

Oui, Pascal est un ennemi déclaré de la philosophie : il n’y croit ni beaucoup ni peu ; il la rejette absolument.

Écoutons-le, non dans l’écho affaibli de l’édition de Port-Royal et de Bossut, mais dans son propre manuscrit, témoin incorruptible de sa véritable pensée.

À la suite de la faeuse et si injuste tirade contre Descartes[4]. Pascal a écrit ces mots : « Nous n’estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine. » Et ailleurs : « Se moquer de la philosophie ; c’est vraiment philosopher[5]. »

Ce langage est-il assez clair et assez absolu ? Ce n’est pas ici telle ou telle école philosophique qui est condamnée, c’est toute étude philosophique ; c’est la philosophie elle-même. Idéalistes ou empiristes, disciples de Platon ou d’Aristote, de Locke ou de Descartes, de Reid ou de Kant, qui que vous soyez, si vous êtes philosophes, c’est à vous tous que Pascal déclare la guerre.

Aussi, dans l’histoire entière de la philosophie, Pascal n’absout que le scepticisme. « Pyrrhonisme. Le pyrrhonisme est le vrai[6]. » Comprenez bien cette sentence décisive. Pascal ne dit pas : Il y a du vrai dans le pyrrhonisme, mais le pyrrhonisme est le vrai. Et le pyrrhonisme, ce n’est pas le doute sur tel ou tel point de la connaissance humaine, c’est le doute universel et absolu, c’est la négation radicale de tout pouvoir naturel de connaître. Pascal explique parfaitement sa pensée : « Le pyrrhonisme est le vrai, car, après tout, les hommes, avant Jésus-Christ, ne savaient où ils en étaient, ni s’ils étaient grands ou petits ; et ceux qui ont dit l’un ou l’autre n’en savaient rien, et devinaient sans raison et par hasard, et même ils erraient toujours en excluant l’un ou l’autre. »

Ainsi, avant Jésus-Christ, le seul sage dans le monde, ce n’est ni Pythagore ni Anaxagore, ni Platon ni Aristote, ni Zénon ni Épicure, ni même vous, ô Socrate ! qui êtes mort pour la cause de la vérité et de Dieu ; non, le seul sage, c’est Pyrrhon ; comme, depuis Jésus-Christ, de tous les philosophes le moins méprisable n’est ni Gassendi ni Descartes, c’est Montaigne.

Désirez-vous qu’on vous montre dans Pascal le principe de tout scepticisme, l’impuissance de la raison humaine ? on n’est embarrassé que du choix des passages.

« Qu’est-ce que la pensée ? Qu’elle est sotte[7] !

« Humiliez-vous, raison impuissante ; taisez-vous, nature imbécile[8]. »

Que signifieraient ces hautaines invectives, si elles ne partaient d’un scepticisme bien arrêté ?

On le conteste pourtant, et voici la spécieuse objection qui nous est faite. Vous vous méprenez, nous dit-on, sur la vraie pensée de Pascal.Nous l’avouons, il est sceptique à l’endroit de la raison ; mais qu’importe s’il reconnaît un autre principe naturel de certitude ? Or ce principe, supérieur à la raison, c’est le sentiment, l’instinct, le cœur. Éclaircissons ce point intéressant.

Pascal a écrit une page remarquable sur les vérités premières que le raisonnement ne peut démontrer, et qui servent de fondement à toute démonstration.

« Nous[9] connaissons la vérité non-seulement par la raison, mais encore par le cœur : c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c’est en vain que le raisonnement qui n’y a point de part essaie de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n’ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point, quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison : cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l’incertitude de toutes connaissances, comme ils le prétendent ; car la connaissance des premiers principes, comme qu’il y a espace, temps, mouvement, nombre, est aussi, ferme qu’aucune de celles que nos raisonnemens nous donnent, et c’est sur ces connaissances du cœur et de l’instinct qu’il faut que la raison s’appuie et qu’elle y fonde tout son discours. Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace et que les nombres sont infinis, et la raison démontre ensuite qu’il n’y a point deux nombres carrés dont l’un soit le double de l’autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent, et le tout avec certitude, quoique par différentes voies ; et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir. Cette impuissance ne doit donc servir qu’à humilier la raison qui voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude, comme s’il n’y avait que la raison capable de nous instruire. Plût à Dieu que nous n’en eussions au contraire jamais besoin, et que nous connussions toutes choses par instinct et par sentiment[10] ! »

Nous adhérons bien volontiers à cette théorie ; mais Pascal ne l’a point inventée : elle, est vulgaire en philosophie, et particulièrement dans l’école platonicienne et cartésienne. Voilà donc ce superbe contempteur de toute philosophie devenu à son tour un philosophe, et le disciple de Platon et de Descartes. C’est là d’abord une bien étrange métamorphose. Et puis, quand on fait à la philosophie cet honneur de lui emprunter une de ses maximes les plus célèbres, il faudrait au moins la bien comprendre et l’exprimer fidèlement.

Il est assurément des vérités qui relèvent d’une tout autre faculté que le raisonnement. Quelle est cette faculté ? Toute l’école cartésienne et platonicienne l’appelle la raison, bien différente du raisonnement, comme l’a fort bien vu Molière :

Et le raisonnement en bannit la raison.

La raison, c’est le fond même de l’esprit humain ; c’est la puissance naturelle de connaître, qui s’exerce très diversement, tantôt par une sorte d’intuition, par une conception directe, et c’est ainsi qu’elle nous révèle les vérités premières et ces principes universels et nécessaires qui composent le patrimoine du sens commun, tantôt par voie de déduction ou d’induction, et c’est ainsi qu’elle forme ces longues chaînes de vérités liées entre elles qu’on nomme les sciences humaines. Toutes les vérités ne se démontrent pas ; il en est qui brillent de leur propre évidence, et que la raison atteint par sa vertu propre et par l’énergie qui lui appartient ; mais dans ce cas, comme dans tous les autres, elle est toujours la raison humaine : on peut même dire que sa puissance naturelle y paraît davantage. En reproduisant cette théorie aussi vieille que la philosophie et qu’il a l’air de croire nouvelle, Pascal la fausse un peu par les formes qu’il lui prête. N’en déplaise au grand géomètre et à ce maître dans l’art de parler et d’écrire, peut-on approuver ce singulier langage ? Le cœur sent qu’il y a trois dimensions dans l’espace… Pourquoi ces façons de parler si extraordinaires pour dire avec deux ou trois cents philosophes la chose du monde la plus commune, à savoir, que la notion de l’étendue et de l’espace n’est pas une acquisition du raisonnement, mais une conception directe de la raison, de l’entendement, de l’intelligence, comme il plaira de l’appeler, entrant en exercice à la suite de la sensation ?

Pascal fait pis : il tourne contre elle-même la théorie des vérités premières et indémontrables, à l’aide d’une sorte de jeu de mots peu digne de son génie. Ce que tout le monde appelle le raisonnement, il sied à Pascal de l’appeler la raison ; à la bonne heure, si, conformément aux règles de la définition qu’il a lui-même établies, à l’époque de sa vie où il s’occupait de géométrie et de physique, il prend soin d’en avertir ; mais il n’en avertit nullement, et voici comment il argumente à son aise. Il s’adresse au raisonnement qu’il nomme la raison, et l’interpelle de justifier les principes des connaissances humaines. Le raisonnement ne le peut, car sa fonction n’est pas de démontrer les principes dont il part. Et sur cela Pascal le foudroie : « Humiliez-vous, raison impuissante, taisez-vous, nature imbécile. » Mais si à la place du raisonnement, qui seul ici est vraiment en cause, la raison prenait la parole, elle rappellera à Pascal sa théorie oubliée, et, au nom de cette théorie, elle lui répondrait qu’elle est si peu impuissante, qu’elle a le pouvoir merveilleux de nous révéler la vérité sans le secours d’aucun raisonnement ; elle répondrait qu’elle est de sa nature si peu imbécile, qu’elle s’élève par la force qui est en elle jusqu’à ces vérités premières et éternelles que le scepticisme peut renier du bout des lèvres, mais qu’en réalité il ne peut pas ne pas admettre, et que ses argumens mêmes contiennent ou supposent. Elle pourrait dire à Pascal : « Ou vous abandonnez la théorie que vous exposiez tout à l’heure, ou vous la maintenez ; si vous l’abandonnez, quel paradoxe, à votre tour, êtes-vous donc à vous-même ! Si vous la maintenez ; abjurez donc, pour être fidèle à vos propres maximes, vos dédains irréfléchis, et honorez cette lumière à la fois humaine et divine, qui éclaire tout homme à sa venue en ce monde, et découvre à un pâtre aussi bien qu’à vous-même toutes les vérités nécessaires, sans l’appareil souvent trompeur des démonstrations de l’école.

Cette réponse suffit, ce nous semble ; et pourtant il la faut pousser plus loin ; il faut faire voir que le scepticisme de Pascal ne fait pas même la moindre réserve en faveur des vérités du sentiment et du cœur. Il est trop conséquent pour ne pas être sans limites. En effet, comme l’a dit M. Royer-Collard : « On ne fait point au scepticisme sa part ; » il est absolu ou il n’est pas ; il triomphe entièrement ou il périt tout entier. Si sous le nom du sentiment la raison nous fournit légitimement des premiers principes certains, le raisonnement, se fondant sur ces principes, en tirera très légitimement aussi des conclusions certaines, et la science se relève tout entière sur la plus petite pierre qui lui est laissée. C’en est fait alors du dessein de Pascal. Pour que la foi, j’entends ici avec lui la foi surnaturelle en Jésus-Christ, donne tout, il faut que la raison naturelle ne donne rien, qu’elle ne puisse rien ni sous un nom ni sous un autre. Aussi Pascal a-t-il à peine achevé cette exposition si vantée des vérités de sentiment, et déjà il s’applique à les rabaisser, à en diminuer le nombre, à en contester l’autorité ; lui qui a dit, dans un moment de distraction, que la nature confond le pyrrhonisme comme le pyrrhonisme confond la raison (entendez toujours le raisonnement), lui qui vient d’écrire ces mots « Nous savons bien que nous ne rêvons point, quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, » voilà maintenant que, reprenant les argumens du pyrrhonisme, qu’il semblait avoir brisés de sa propre main, il les dirige contre le sentiment, lui-même, pour ruiner tout dogmatisme qui se fonderait aussi bien sur le sentiment que sur le raisonnement, pour décrier toute philosophie et accabler la nature humaine. Pascal procède avec ordre dans cette entreprise ; il marche pas à pas, et n’arrive que par degrés à son dernier but.

D’abord il s’étudie à montrer que le pyrrhonisme est loin d’être sans force contre les vérités naturelles, et qu’il sert au moins à embrouiller la matière, ce qui est déjà quelque chose. Le passage est curieux : « Nous supposons que tous les hommes conçoivent de même sorte, mais nous le supposons bien gratuitement, car nous n’en avons aucune preuve. Je sais bien qu’on applique ces mots dans les mêmes occasions, et que toutes les fois que deux hommes voient un corps changer de place ils expriment tous deux la vue de ce même objet par les mêmes mots, en disant l’un et l’autre qu’il s’est mu[11] ; et de cette conformité d’application on tire une puissante conjecture d’une conformité d’idée ; mais cela n’est pas absolument convainquant de la dernière conviction, quoiqu’il y ait bien à parier pour l’affirmative, puisqu’on sait qu’on tire souvent les mêmes conséquences des suppositions différentes.

« Cela suffit pour embrouiller au moins la matière, non que cela éteigne absolument la clarté naturelle qui nous assure de ces choses ; les académiciens auraient gagé ; mais cela la ternit et trouble les dogmatistes, à la gloire de la cabale pyrrhonienne, qui consiste à cette ambiguïté ambiguë et dans une certaine obscurité douteuse dont nos doutes, ne peuvent ôter toute la clarté, ni nos lumières naturelles en chasser toutes les ténèbres. »

Voilà déjà la lumière naturelle obscurcie, et, grace à Dieu, la matière embrouillée ; mais le principe d’une clarté naturelle, si faible qu’elle soit, subsiste encore : il le faut détruire, il faut éteindre toute lumière et achever le chaos. Pascal ira donc jusqu’à soutenir que, hors la foi et la révélation, le sentiment lui-même est impuissant. Quoi ! le sentiment sera-t-il à ce point impuissant que, même sans la révélation, l’homme ne sache pas légitimement s’il dort ou s’il veille ? Tout à l’heure Pascal s’était moqué du pyrrhonisme, qui prétendait aller jusque-là. Mais encore une fois, si le pyrrhonisme ne va pas jusque-là il est perdu ; peu à peu le sentiment, l’instinct, le cœur regagneront sur lui une à une toutes les vérités essentielles enlevées à la raison. Il faut donc suivre résolument le pyrrhonisme dans toutes ses conséquences pour que son principe demeure, et Pascal n’ose plus trop affirmer que l’homme sait naturellement s’il dort ou s’il veille.

« Les principales forcés des pyrrhoniens (je laisse les moindres) sont que nous n’avons aucune certitude de la vérité des principes, hors la foi et la révélation, sinon en ce que nous les sentons naturellement en nous ; or, ce sentiment naturel n’est pas une preuve convaincante de leur vérité, puisque, n’y ayant point de certitude, hors la foi, si l’homme est créé par un Dieu bon, par un démon méchant et à l’aventure, il est en doute si ces principes nous sont donnés ou véritables ou faux ou incertains, selon notre origine. De plus, que personne n’a d’assurance, hors de la foi, s’il veille ou s’il dort, vu que durant le sommeil on croit veiller aussi fermement que nous le faisons, on croit voir les espaces, les figures, les mouvemens, on sent couler le temps, on le mesure, et enfin on agit de même qu’éveillé ; de sorte que la moitié de la vie se passant en sommeil, par notre propre aveu ou quoi qu’il nous en paraisse, nous n’avons aucune idée du vrai, tous nos sentimens étant alors des illusions. Qui sait si cette autre moitié de la vie où nous pensons veiller n’est pas un autre sommeil, un peu différent du premier, dont nous nous comme on rêve souvent qu’on rêve, en faisant un songe sur l’autre ?

« Voilà les principales forces de part et d’autre ; je laisse les moindres comme les discours qu’on fait contre les pyrrhoniens, contre les impressions de la coutume, de l’éducation, des mœurs, des pays, et les autres choses semblables qui, quoiqu’elles entraînent la plus grand partie des hommes communs qui ne dogmatisent que sur ces vains fondemens, sont renversées par le moindre souffle des pyrrhoniens. On n’a qu’à voir leurs livres ; si on n’est pas assez persuadé, on le deviendra vite et peut-être trop[12].

« Je m’arrête à l’unique fort des dogmatistes, qui est, qu’en parlant de bonne foi et sincèrement, on ne peut douter des principes naturels ; contre quoi, les pyrrhoniens opposent en un mot l’incertitude de notre origine, qui enferme celle de notre nature ; à quoi ces dogmatistes ont encore à répondre depuis que le monde dure. »

Comment ! on n’a pu répondre à ces objections du pyrrhonisme, depuis que le monde dure ! Mais nous venons d’entendre Pascal y répondre lui-même par sa théorie des vérités premières placées au-dessus de tout raisonnement, et par là inaccessibles à toutes les atteintes du pyrrhonisme ; et tout à coup ; ce même Pascal se rend complaisamment à des attaques tirées de je ne sais quels systèmes sur notre origine et sur l’essente de la nature humaine ! Mais ces systèmes sont précisément le sujet de disputes perpétuelles, tandis que la puissance du sentiment, de l’instinct, du cœur, c’est-à-dire de la raison naturelle, gouverne l’humanité depuis que le monde dure !

Vous croyez Pascal redevenu tout-à-fait pyrrhonien ? Point du tout ; il va de nouveau abandonner son pyrrhonisme, comme devant le pyrrhonisme il vient d’abandonner la théorie du sentiment. Après le morceau que nous venons de citer, il ajoute :

« Voilà la guerre ouverte entre les hommes, où il faut que chacun prenne parti et se range nécessairement ou au dogmatisme ou au pyrrhonisme ; car qui pensera demeurer neutre sera pyrrhonien par excellence : cette neutralité est l’essence de la cabale. Qui n’est pas contre eux est excellemment pour eux ; ils ne sont pas pour eux : mêmes, ils sont neutres, indifférens, suspendus à tout, sans s’excepter[13].

« Que fera donc l’homme en cet état ? Doutera-t-il de tout, doutera- t-il s’il veille, si on le pince, si on le brûle, doutera-t-il s’il doute, doutera-t-il s’il est ? On n’en peut point venir là. Je mets en fait qu’il n’y a jamais eu de pyrrhonien effectif et parfait. La nature soutient la raison impuissante et l’empêche d’extravaguer jusqu’à ce point. »

Ainsi la nature soutient la raison ; Pascal le déclare lui-même ; cette nature, de son propre aveu, n’est donc pas impuissante : le sentiment naturel a donc une force à laquelle on se peut fier ; il autorise donc les vérités qu’il nous découvre ; ces vérités, dégagées par la réflexion, peuvent donc former une doctrine solide et très légitime. Ou ces mots : « la nature soutient la raison, » ne signifient rien, ou leur portée va jusque-là.

Mais cette conclusion ne pouvait convenir à Pascal. Il revient bien vite sur ses pas, et après avoir reconnu que la nature soutient la raison impuissante, c’est-à-dire qu’il y a une certitude antérieure et supérieure au raisonnement, il s’écrie : « L’homme dira-t-il au contraire qu’il possède certainement la vérité ? » - Oui, il le dira, d’après vous et avec vous ; il dira qu’il possède certainement les vérités du sentiment, de l’instinct, du cœur, ou bien il succombera à cet absolu pyrrhonisme que vous déclarez vous-même impossible. — « Dira-t-il qu’il possède certainement la vérité, lui qui, si peu qu’on le pousse, ne peut en montrer aucun titre, et est forcé de lâcher prise ? » - Mais il n’a pas besoin de montrer le titre des premiers principes et des vérités de sentiment ; car ces principes et ces vérités ont leur titre en eux-mêmes, et leur propre vertu les justifie. L’homme n’est donc pas forcé de lâcher prise ; loin de là, il adhère inébranlablement a ces vérités suprêmes, que la nature lui découvre et lui persuade, en dépit de tous les argumens du pyrrhonisme. Je n’hésite donc point à le dire, tout ce qui suit dans Pascal, si admirable qu’il puisse être par l’énergie et la magnificence du langage, n’est après tout qu’une pièce d’éloquence qui n’a pas même le mérite d’une conséquence parfaite.

Le pyrrhonisme a si bien pris possession de l’esprit de Pascal, que hors de là Pascal n’aperçoit qu’extravagances.

Rien ne fortifie[14] plus le pyrrhonisme que ce qu’il y en a qui ne sont point pyrrhoniens. Si tous l’étaient, ils auraient tort. — Cette secte se fortifie par ses ennemis plus que par ses amis. Car la faiblesse de l’homme parait bien davantage en ceux qui ne la connaissent pas, qu’en ceux qui la connaissent. — Il est bon qu’il y ait des gens dans le monde qui ne soient pas pyrrhoniens, afin de montrer que l’homme est bien capable des plus extravagantes opinions, puisqu’il est capable de croire qu’il n’est pas dans cette faiblesse naturelle et inévitable »

En résumé, selon Pascal, il n’y a point de certitude naturelle pour l’homme, et pas plus dans le sentiment que dans la raison. Son origine et sa nature le condamnent à l’incertitude. La révélation et la grace peuvent seules l’affranchir de cette loi.

La preuve péremptoire que le scepticisme est le principe du livre des Pensées, c’est qu’il y porte toutes ses conséquences, et singulièrement en morale et en politique.

En morale, Pascal, n’admet point de justice naturelle. Ce que nous appelons ainsi n’est qu’un effet de la coutume et de la mode. Est-ce pascal, est-ce Montaigne qui a écrit les pages suivantes :

« Qu’est-ce que nos principes naturels, sinon nos principes accoutumés ? dans les enfans, ceux qu’ils ont reçus de la coutume de leurs pères, comme la chasse dans les animaux.

« Les pères craignent que l’amour naturel des enfans ne s’efface. Qu’elle est donc cette nature sujette à être effacée ?… J’ai bien peur que la nature ne soit elle-même une première coutume, comme la coutume est une seconde nature.

Comme la mode fait l’agrément, aussi fait-elle la justice. Si l’homme connaissait réellement la justice, il n’aurait pas établi cette maxime, la plus générale de celles qui sont parmi les hommes : que chacun suive les mœurs de son pays. L’éclat de la véritable équité aurait assujéti tous les peuples ; et les législateurs n’auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice constante, les fantaisies et les caprices des Perses et des Allemands : on la verrait plantée par tous les états du monde et dans tous les temps.

« Ils confessent que la justice n’est pas dans ces coutumes, mais qu’elle réside dans les lois naturelles communes à tout pays. Certainement ils le soutiendraient opiniâtrement, si la témérité du hasard qui a semé les lois humaines, en avait rencontré au moins une qui fût universelle. La plaisanterie est telle que le caprice des hommes s’est si bien diversifié qu’il n’y en a point[15].

« On ne voit presque rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat. Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité. En peu d’années de possession, les lois fondamentales changent. Le droit a ses époques. L’entrée de Saturne au Lion nous marque l’origine d’un tel crime. Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.

« Rien, suivant la seule raison, n’est juste de soi. La coutume fait toute l’équité, par cela seul qu’elle est reçue : c’est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe l’anéantit. Rien n’est si fautif que les lois qui redressent les fautes ; qui leur obéit parce qu’elles sont justes, obéit à la justice qu’il imagine, mais non pas à l’essence de la loi ; elle est toute ramassée en soi : elle est loi et rien davantage…

« La justice est sujette à dispute, la force est très-reconnaissable et sans dispute Ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste… On appelle juste ce qu’il est force d’observer… Voilà ce que c’est proprement que la définition de la justice.

« Montaigne a tort : la coutume ne doit être suivie que parce qu’elle est coutume, et non parce qu’elle soit raisonnable et juste »[16].

Mais à quoi sert de multiplier les citations ? Il faudrait transcrire mille passages de Montaigne, que Pascal rappelle, résume ou développe, non pas, comme l’ont dit d’honnêtes éditeurs, pour les réfuter à loisir, mais au contraire pour s’y appuyer et les faire servir à son dessein.

Voulez-vous connaître la politique de Pascal ? Elle est la digne fille de sa morale. C’est la politique de l’esclavage. Pascal, comme Hobbes, place le dernier but des sociétés humaines dans la paix, et non dans la justice : pour l’un comme pour l’autre, le droit est dans la force. Mais Hobbes a du moins sur Pascal l’avantage d’une rigueur parfaite. Par exemple, il se serait bien gardé d’admettre que l’égalité des biens soit juste en elle-même, pour aboutir à cette belle conclusion pratique qu’il faut maintenir tant d’inégalités destituées de tout fondement. Rien d’ailleurs est-il plus faux, je ne dis pas seulement plus impraticable, mais plus injuste en soi que le principe de l’égalité des biens ? Ce n’est pas là qu’est l’égalité véritable. Tous les hommes ont un droit égal au libre développement de leurs facultés ; il ont tous un droit égal à l’impartiale protection de cette justice souveraine, qui s’appelle l’état ; mais il n’est point vrai, il est contre toutes les lois de la raison et de l’équité, il est contre la nature éternelle des choses que l’homme indolent et l’homme laborieux, le dissipateur et l’économe, l’imprudent et le sage, obtiennent et conservent des biens égaux. Ce qu’il y a de curieux, c’est que Pascal accepte la chimère de l’égalité des biens, que là-dessus il bâtisse l’odieuse théorie du droit de la force dans l’intérêt de la paix.

« Sans doute, dit Pascal, l’égalité des biens est juste ; mais ne pouvant, faire qu’il soit force d’obéir à la justice, on a fait qu’il soit juste d’obéir à la force ; ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force afin que le juste et le fort fussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien.

« De là vient le droit de l’épée ; car l’épée donne un véritable droit, autrement l’on verrait la violence d’un côté et la justice de l’autre[17]… »

Et pourquoi, je vous prie, fermer volontairement les yeux à ce spectacle qui trop souvent nous est donné ? Pourquoi ne pas regarder en face la violence et l’appeler par son nom ? Comment réformer jamais ce qu’on n’a jamais osé reconnaître ni dénoncer comme un abus ou un crime ? est-ce là la philosophie que l’on propose à l’humanité ? Quel fondement à sa dignité, quel instrument à ses progrès, quelle consolation à ses misères, quel terme à ses espérances ! C’est bien le moins, en vérité, qu’on lui promette au-delà de ce monde une vie qui soit le renversement de celle-ci, et l’on a bien raison de lui enseigner la haine de la vie et la passion de la mort[18] ; car la vie, telle qu’on la fait, n’est qu’un théâtre à l’iniquité et a l’extravagance. Reste à savoir si les plus religieux sont ceux qui, en fait de justice, renvoient l’homme à un autre monde, ou ceux qui s’efforcent de rapprocher la justice toujours imparfaite des hommes de l’exemplaire de la justice divine, et les sociétés humaines de la cité de Dieu. Si l’objet de la religion est de rattacher l’homme à Dieu et la terre au ciel, se doit-elle résigner à laisser l’homme sur cette terre en proie à l’oppression, esclave de la force, abattu sous des iniquités immobiles ? Non, pour élever son cœur, il faut qu’elle relève aussi sa condition. Car il n’y a qu’un être libre possédant, pratiquant, et voyant reluire et se réaliser autour de lui en une certaine mesure la sainte idée de la justice et de l’amour, qui puisse comprendre, espérer, invoquer avec un peu d’intelligence la liberté, la justice et la charité infinie qui a fait l’homme, qui le conduit et qui le recueillera.

Toutes les grandes philosophies contiennent dans leur sein une théologie naturelle, et, comme on dit, une théodicée qui enseigne ce que nous venons de rappeler. Avant ou depuis Leibnitz, avec des procédés, quelquefois même sur des principes différens, toute école qui n’a pas fait divorce avec le sens commun proclame l’existence d’un Dieu, cause première et type invisible des perfections de l’univers, et de celles de l’humanité. Il n’y a pas un philosophe un peu autorisé qui ne tire la preuve certaine d’un géomètre éternel de l’ordre admirable du monde, et l’espérance au moins d’un ordre moral, meilleur que le nôtre, de l’idée de l’ordre gravée en nous et que nous transportons plus ou moins heureusement dans tout ce qui est de nous, dans nos mœurs, dans nos lois, dans nos institutions civiles et politiques. Mais Pascal, qui ne reconnaît aucune morale naturelle, rejette également toute religion naturelle, et n’admet aucune preuve de l’existence de Dieu.

Et qu’on ne dise pas que Pascal repousse seulement-ce qu’on nomme les preuves métaphysiques. Il est bien vrai qu’il trouve cette espèce de preuves subtiles et raffinées ; mais il n’est pas vrai qu’il en approuve aucune autre, et qu’il fasse grace aux preuves physiques si simple et si évidentes : celles-là même, il les renvoie dédaigneusement comme tournant contre leur but, de sorte que la conclusion définitive est que l’homme par les lumières naturelles ne peut en aucune manière s’élever certainement à la divine Providence.

Mais peut-être Pascal n’a-t-il voulu dire autre chose, sinon que l’homme est incapable de pénétrer les profondeurs de l’essence divine, et qu’à ces hauteurs il se rencontre plus d’un nuage que la foi chrétienne peut seule dissiper. Vaine explication ! Pascal déclare hautement que l’homme ne peut savoir ni quel est Dieu, ni même s’il est. Ce sont là les termes mêmes de Pascal que nous avons retrouvés.

Et quel est le fondement de ce hautain athéisme ? Pascal a-t-il donc fait la triste découverte de quelque argument ignoré jusqu’ici, et dont la toute-puissance inattendue impose silence à la voix unanime du genre humain, au cri du cœur, à l’autorité des plus sublimes et des plus solides génies ? Non : il s’appuie négligemment sur ce lieu commun du scepticisme, que l’homme, n’étant qu’une partie, ne peut connaître le tout, comme si, sans connaître le tout, une partie douée d’intelligence ne pouvait comprendre et sentir qu’elle ne s’est pas faite elle-même ; et encore sur cet autre lieu commun, que, Dieu étant infini et l’homme étant fini, il ne peut y avoir de rapport entre eux ; comme si l’homme, tout fini qu’il est, ne possédait pas incontestablement l’idée de l’infini, comme si Pascal n’avait pas établi par la lumière naturelle qu’il y a deux sortes d’infini, l’un de grandeur et l’autre de petitesse ; comme si en face de l’espace infini il n’avait pas placé lui-même, comme étant meilleur et d’une nature plus relevée, ce roseau pensant, cet être fragile et sublime qui n’apparaît qu’un jour et qu’une heure, mais dans ce jour, dans cette heure, atteint par la pensée et embrasse l’infini, mesure les mondes qui roulent sur sa tête et les rapporte à un auteur tout-puissant, tout intelligent et tout bon ![19]. Et puis, lorsque du haut de ce superbe scepticisme vous aurez décidé que toute relation est radicalement impossible entre Dieu comme infini et l’homme comme fini, par quel prestige, je vous prie, le christianisme pourra-t-il, plus tard, conduire l’homme à Dieu ? Il n’y aura plus ici de médiateur possible : car ce médiateur, pour rester Dieu, devra garder un côté infini ; par ce côté, il échappera nécessairement à l’homme, et l’abîme infranchissable subsistera entre l’homme et Dieu. Pascal ne s’aperçoit pas qu’en renversant toute religion naturelle, il ôte le fondement de toute religion révélée, ou bien qu’il se condamne à des contradictions que nulle logique ne peut supporter. Mais établissons que Pascal rejette toutes les preuves naturelles de l’existence de Dieu.

« Si l’homme s’étudiait le premier, il verrait combien il est incapable de passer outre. Comment se pourrait-il qu’une partie connût le tout[20] ?

« Philosophes. La belle chose de crier à un homme qui ne se connaît pas qu’il aille de lui-même à Dieu ! Et la belle chose de le dire à un homme qui se connaît[21] !

« Parlons suivant les lumières naturelles. S’il y a un Dieu, il est infiniment incompréhensible, puisque n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est[22].

« Je n’entreprendrai pas de prouver par des raisons naturelles ou l’existence de Dieu ou la trinité ou l’immortalité de l’ame ; non-seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis ; mais…

« Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si impliquées, qu’elles ne frappent pas ; et quand cela servirait à quelques-uns, ce ne serait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration ; mais une heure après, ils craignent de s’être trompés.

« .Eh quoi[23] ! ne dites-vous pas que le ciel et les oiseaux prouvent Dieu ? — Non. Et votre religion ne le dit-elle pas ? — Non ; car encore que cela est vrai en un sens pour quelques ames à qui Dieu donne cette lumière, néanmoins cela est faux à l’égard de la plupart.

« J’admire avec quelle hardiesse ce personnes entreprennent de parler de Dieu en adressant leurs discours aux impies. Leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature. Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles ; car il est certain que ceux qui ont la foi vive dedans le cœur, voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent ; mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte, et dans lesquels on a l’intention de la faire revivre, ces personnes, destituées de foi et de grace, qui, recherchant de toutes leurs lumières tout ce qu’ils voient dans la nature qui peut les mener à cette connaissance, ne trouvent qu’obscurité et ténèbres, dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui nous environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert, de leur donner pour toute preuve, à ce grand et important sujet, le cours de la lune et des planètes ; et prétendre l’avoir achevée sans peine avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles, et je vois, par raison et par expérience, que rien n’est plus propre à en faire naître le mépris[24].

On voit comme en ce dernier passage Pascal traite les preuves physiques elles-mêmes, ces preuves aussi vieilles que le monde, et la raison humaine. Je conviens que son dessein et l’absolu pyrrhonisme exigeaient de lui cela ; mais n’est-ce pas un gratuit et incompréhensible renversement des notions les plus reçues de soutenir, et d’un ton sérieux que cet ordre de preuves n’étant propre qu’à en faire naître le mépris, jamais auteur canonique n’en a fait usage !

« C’est une chose admirable que jamais auteur canonique ne s’est servi de la nature pour prouver Dieu : tous tendent à le faire croire et jamais ils n’ont dit : il n’y a point de vide : donc il y a un Dieu : il fallait qu’ils fussent plus habiles que les plus habiles gens qui sont venus depuis, qui s’en sont tous servi. Cela est très considérable[25]. »

Non, vraiment, cela n’est pas très considérable : car rien n’est plus manifestement faux. Les saintes Écritures ne sont point un cours de physique ; elles ne prennent point le langage de la science, encore bien moins celui d’aucun système particulier ; elles ne disent point : il n’y a pas de vide, donc, il y a un Dieu, bizarre argument qui n’est nulle part, si ce n’est peut-être dans quelque obscur cartésien ; mais elles enseignent, et cela à toutes les pages et de toutes les manières, que les cieux racontent la gloire de leur auteur[26]. Et saint Paul, que Pascal ne récusera pas, je l’espère, ne dit-il point : « Ils ont connu ce qui se peut découvrir de Dieu, Dieu même le leur ayant fait connaître ; car la grandeur invisible de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité deviennent visibles en se faisant connaître par ses ouvrages depuis la création du monde[27]. »

Ainsi, pour Pascal, il n’y a aucune preuve de l’existence de Dieu. Dans cette impuissance absolue de la raison, Pascal invente un argument, désespéré. Nous pouvons mettre de côté la vérité, mais nous ne pouvons mettre aussi de côté notre intérêt, l’intérêt de notre bonheur éternel. C’est à ce point de vue, et non dans la balance de la raison, qu’il faut estimer et peser le problème d’une divine providence. Si Dieu n’est pas, il ne peut nous arriver aucun malheur d’y avoir cru ; mais si par hasard il est, l’avoir méconnu serait pour nous de la plus terrible conséquence.

« Examinons ce point, et disons : Dieu est, ou il n’est pas. Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n’y peut rien déterminer. Il y a un chaos infini qui nous sépare ; il se joue un jeu à l’extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l’un ni l’autre ; par raison, vous ne pouvez défendre nul des deux. « …Le juste est de ne point parier. Oui, mais il faut parier…

« Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien ; et deux choses à dégager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir, l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, puisqu’il faut nécessairement choisir, en choisissant l’un que l’autre. Voilà un point vidé ; mais votre béatitude[28] ! »

C’est sur ce fondement, non de la vérité, mais de l’intérêt, que Pascal institue le calcul célèbre, auquel il applique la règle des paris. En voici la conclusion : aux yeux de la raison, croire ou ne pas croire à Dieu, le pour et le contre, et, comme parle Pascal, à ce jeu croix ou pile, est également indifférent ; mais aux yeux de l’intérêt, la différence est infinie de l’un à l’autre, puisque dans une hypothèse il y a l’infini à gagner. « Cela est démonstratif, dit Pascal ; et, si les hommes sont capables de quelque vérité, celle-là l’est. »

Mais cette belle démonstration est au fond si loin de le satisfaire, qu’après avoir ainsi réduit au silence l’interlocuteur qu’il s’est donné, il ne peut s’empêcher de lui laisser dire :

« Oui, je le confesse, je l’avoue ; mais encore n’y a-t-il pas moyen de voir le dessous du jeu[29] ? » Et pour apaiser cette curiosité rebelle, à quoi Pascal la renvoie-t-il ? À l’Écriture sainte, à la religion chrétienne.

Fort bien, lui répond en gémissant l’interlocuteur abattu et non convaincu ; « mais je suis fait d’une telle sorte que je ne puis croire. Que voulez-vous donc que je fasse[30] ? »

Ce qu’il faut faire ? Suivre mon exemple ; « prendre de l’eau bénite, faire dire des messes, etc. Naturellement, cela vous fera croire et vous abêtira[31] ?

« Mais c’est ce que je crains. — Et pourquoi ? Qu’avez-vous à perdre[32] ? »

Nous avons le premier découvert et publié ce morceau accablant, résumé fidèle du livre entier des Pensées. Dès qu’il parut, il troubla un moment les plus hardis partisans de Pascal ; puis on s’est mis à le tordre et à le subtiliser de tant de manières qu’on a fini par y découvrir le plus beau sens du monde. Il n’en a, il ne peut en avoir qu’un seul : il faut renoncer à la raison ; il faut, suivant un précepte de Pascal, qui est très clair maintenant, se faire machine, recourir en nous, non pas à l’esprit, mais à la machine[33], pour arriver à croire en Dieu petit à petit et par la pente insensible de l’habitude. Cela est vrai ; disons mieux : cela seul est vrai, dès qu’on cherche Dieu en partant du pyrrhonisme. Voilà toute la foi, j’entends toute la foi naturelle, que permet à Pascal sa triste philosophie ! Le maître de Pascal, le pyrrhonien Montaigne, l’avait dit avant lui : « Pour nous assagir, il nous faut abestir. » Pascal lui a emprunté et le mot et la pensée. Pour assagir l’homme, pour le mener à la vertu et à Dieu, Socrate et Marc-Aurèle avaient connu d’autres voies.

Prévenons une dernière objection. On ne manquera pas de dire : le passage qui vient d’être cité n’est qu’un caprice, un accès d’humeur, en quelque sorte une boutade de géométrie ; mais il y a bien d’autres passages contraires à celui-là, et qui attestent que Pascal croyait à la dignité de la raison humaine Je répondrai loyalement, qu’en effet, il y a un peu de tout dans ces notes si diverses qu’on appelle les Pensées : ce qu’il y faut considérer, ce n’est pas tel endroit pris à part et séparé de tout le reste, mais l’ensemble et l’esprit général et dominant. Or, cet esprit-là, nous l’avons fidèlement exprimé. Et n’est-ce pas aussi la condamnation du pyrrhonisme, qu’il a beau surveiller toutes ses démarches, toutes ses paroles, il lui échappe malgré lui de perpétuels démentis à ce doute absolu, insupportable à la nature et incompatible avec tous ses instincts ? Plus d’une fois dans Pascal éclate en traits énergiques le sentiment victorieux de la grandeur de la pensée humaine ; mais bientôt le philosophe impose silence à l’homme, et le système reprend le dessus. Ainsi Pascal répète plusieurs fois que toute notre dignité est dans la pensée voilà la pensée redevenue quelque chose de grand ; mais un moment après, Pascal s’écrie : «  Que la pensée est sotte ! » Ce qui fait de la dignité humaine une sottise, et de toute certitude fondée sur la pensée une chimère. Enfin n’oublions pas que derrière le pyrrhonien est le chrétien dans Pascal. Sa foi, quel que soit son fondement et son caractère, est, après tout, la foi chrétienne : de là des clartés étrangères et quelques rayons échappés de la grace éclairant de loin en loin les ténèbres du pyrrhonisme. Mais dès que la grace se retire, le pyrrhonisme seul demeure.

Au risque de fatiguer le lecteur, je lui veux présenter un dernier fragment, qui achève la démonstration, met à nu la vraie pensée de Pascal, et fait voir de quelle étoffe, pour ainsi dire, est faite sa religion elle-même :

« S’il ne fallait rien faire que pour le certain, on ne devrait rien faire pour la religion, car elle n’est pas certaine. Mais combien de choses fait-on pour l’incertain, les voyages sur mer, les batailles, etc. ? Je dis donc qu’il ne faudrait rien faire du tout, car rien n’est certain, et qu’il y a plus de certitude à la religion que non pas que nous voyions le jour de demain ; car il n’est pas certain que nous voyions demain, mais il est certainement possible que nous ne le voyions pas. On n’en peut pas dire autant de la religion. Il n’est pas certain qu’elle soit, mais qui osera dire qu’il est certainement possible qu’elle ne soit pas ? Or, quand on travaille pour demain et pour l’incertain, on agit avec raison. Car on doit travailler pour l’incertain par la règle des partis, qui est démontrée[34].

Je le demande, est-ce là la foi de saint Augustin, de saint Anselme, de saint Thomas ? Est-ce là la foi de Fénelon, de Bourdaloue, de Bossuet ?

Le 23 novembre 1654, dans une nuit pleine d’angoisses apaisées et charmées par de mystiques visions, Pascal, après avoir lutté une dernière fois avec les images du monde, avec les troubles de son cœur et de sa pensée, appelle à son aide le vrai, l’unique consolateur. Il invoque Dieu, mais quel Dieu, je vous prie ? Lui-même nous le dit dans l’écrit singulier[35] qu’il traça de sa main cette nuit même, qu’il portait toujours sur lui, et qui ne fut découvert qu’après sa mort : «  Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des savans et des philosophes. » Il entrevoit, il croit avoir trouvé la certitude et la paix ; mais où ? « Dans la soumission totale à Jésus-Christ et à mon directeur. » Pascal est là tout entier. Le doute a cédé enfin à la toute-puissance de la grace, mais le doute vaincu a emporté avec lui la raison et la philosophie.

Ou bien il faut renoncer à toute critique historique, ou de tant de citations accumulées il faut conclure que, pour Pascal, le scepticisme est le vrai dans l’ordre philosophique, que la lumière naturelle est incapable de fournir aucune certitude, que le seul emploi légitime de la raison est de renoncer à la raison, et que la seule philosophie est le mépris de toute philosophie.

Voilà ce que nous venons d’établir régulièrement et méthodiquement, avec une étendue et une rigueur qui, ce nous semble, ne laissent rien à contester. Qu’il nous soit donc permis de considérer le scepticisme de Pascal en philosophie comme un point démontré. Mais nous, pouvons aller plus loin. Un commerce plus intime avec Port-Royal, en nous faisant pénétrer davantage dans l’esprit de cette société illustre, nous permet de soutenir avec la conviction la plus assurée que non-seulement Pascal est sceptique en philosophie, mais qu’il ne pouvait pas ne pas l’être, par ce motif décisif qu’il était janséniste, et janséniste conséquent[36].


VICTOR COUSIN.

  1. Chez les libraires Ladrange et Didier.
  2. Revue des Deux Mondes, septembre 1843.
  3. Voyez les Leçons de 1828, seconde édition, t. I, p. 43.
  4. Voyez nos Pensées de Pascal, p. 42.
  5. Bossut, première partie, x, 36.
  6. Pensées de Pascal, p. 171 ; manuscrit, p. 83.
  7. Ibid., p. 170 ; man., p. 229.
  8. Ibid., p. 196 ; man., p. 258.
  9. Ibid., p. 140 ; man., p. 191.
  10. Il y a dans Pascal plusieurs passages semblables. « L’esprit et le cœur sont comme les portes par où les vérités sont reçues dans l’ame. »… « Le cœur a son ordre ; l’esprit a le sien, qui est par principes et démonstrations. Le cœur en a un autre : on ne prouve pas qu’on doit être aimé en exposant d’ordre les causes de l’amour. Cela serait ridicule. » Pensées, p. 139, man. p. 59. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas : on le sent en mille choses. » Ibid., ibid., man. p. 9. « Instinct et raison, marque de deux natures. » Ibid, p. 140.
  11. Voyez notre ouvrage, p. 92 ; man., p 197.
  12. Voyez Des Pensées de Pascal, p. 108 ; man., p. 258.
  13. Ibid., p. 169 ; mah., p. 237.
  14. Des Pensées de Pascal, p. 171 ; man., p. 83.
  15. Ibid. p. 222 ; man., p. 69 et 365.
  16. Ibid. p. 68 ; man., p.154.
  17. Ibid. P. 222 ; man., p. 159.
  18. Voyez Jacqueline Pascal, passim.
  19. Voyez l’article sur Vanini, inséré dans ce recueil, livraison du 1er décembre 1843.
  20. Des Pensées de Pascal, appendice, p. 298 ; man., p. 347-371.
  21. Ibid., P. 223 ; man., p. 416
  22. Ibid., app., p. 258, man., p. 4.
  23. Des Pensées de Pascal, p. 250 ; man., p. 29.
  24. Ibid., p. 173 ; man. ; p. 206.
  25. Ibid. p. 172. Boss. Deuxième partie, III, 3. Ce passage manque dans le manuscrit, mais il est dans une des copies.
  26. Le Psalmiste : (Coeli enarrant gloriam Dei… Laudent illum coeli et terra… et annuntiabant coeli justitiam ejus… confitebantur coeli mirabilia tua… Laudate eum, coeli coelorum… confession ejus super coelum et terram… interroga et volatilia coeli indicabunt tibi…, etc. »
  27. Êpitre aux Romains, I, 19, 20, 21. Trad. de Sacy, Ed. de Mons.
  28. Des Pensées de Pascal, p. 182 ; app., p. 264. man., p. 4.
  29. Des Pensées de Pascal, p. 185 ; app., p. 270 ; man., p. 4.
  30. Ibid., p. 186 ; app., p. 270 ; man., p. 8.
  31. Ibid., p. 187 ; app., p. 272 ; man., p. 4.
  32. Ibid.,id.
  33. Ibid., p. 249 ; inan., p. 25.
  34. Boss. deuxième partie, XVII, 197.
  35. Bossut, p. 549 ; man., p. E.
  36. Voyez Jacqueline Pascal p. 425.