Imprimerie Beauregard (p. 11-13).

I

Depuis quels âges…


Depuis quels âges incertains,
Vers quels orbes et vers quels mondes
Perdus en de vagues lointains
Voyagent les âmes profondes ?

Depuis toujours, elles refont
Les mêmes chemins de la vie,
Vers la perspective sans fond
Que nul être encor n’a gravie.

Elles ont des espoirs confus
En un but que toutes ignorent.
En des mieux qu’aucune n’a vus
Et que sans cesse elles implorent.


Jamais leurs obscurs souvenirs
N’ont divulgué le mot qui voile
Les hiers et les devenirs
De la pensée ou de l’étoile.

Elles n’ont pas les mêmes dieux
Auxquels il faut rendre des comptes,
Et ne voient pas des mêmes yeux
L’armature trouble des contes.

Elles refusent la raison
À tout ce qui leur est contraire,
Et bornent à leur horizon
L’universel itinéraire.

Toujours elles ont existé
Dans l’éternelle conscience,
Et leur rêve d’avoir été
Est leur espoir de survivance.

Elles ne mourront nulle part,
En passant de l’éclat à l’ombre.
Le seul signe de leur départ
Est une illusion du Nombre.


Êtres ou choses, vie ou mort
Errant au ciel ou sur la terre,
Tout a son immuable sort
Écrit dans le troublant mystère.

Les âmes chercheront toujours
La fin, l’origine et la cause
Qui font tourbillonner leurs jours
Dans le grand vertige sans pause.