Édition de la « Société nouvelle » (p. 9-10).


Chansons


I


Je t’aime de ta voix, de tes yeux, de tes seins
et de ma vie à toi, toi dont les desseins
sont d’aimer celui qui t’aime tant
que peuvent passer les printemps
loin de toi et ton sourire, sans que l’amant
profondément que suis de ta beauté s’émeuve
de rien d’autre que de ta tendresse toujours neuve.


Chérir est la fin des buts, chérir
parce que l’on est dompté par la ligne,
la ligne brève et longue équivalente aux cieux,
la ligne à ravir ;
or, je l’ai dans mes yeux,
ce jeu des parfaites géométries ;
à cela je crois, je ne crois à rien d’autre,
car les idées ne sont que méchants hôtes
qui se jouent en fallacieux signes
et se tordent dans l’infini.

Donc vers ton parvis, je viens humble et soumis,
et vers vos pieds dépose les guirlandes florales
de mon cœur et de ma cervelle et de ma vie,
et puis aussi je donne mon âme toute blanchie
de la droiture de vos vœux, et les aveux
que n’ai pu vous faire, car le verbe finit
quand se joue l’âme pure, aux visions de paradis,
et puis, sous vos lèvres expirent mes jalousies,
votre fou se câline à votre joue et dit :
« Mienne que j’aimerai par les foires de la vie,
mienne qu’adorerai aux féeries
que me jouent ses présences bénies,
faites de ce cœur à vous l’Éden béni,
car l’Éden, c’est d’être deux, amants et amis. »