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DOCUMENTS
ET
NOTES SUR LE VELAY

Suite[1]

VIII

Le Consulat du Puy.


L’histoire de notre vieux consulat offre un large thème à l’inquiète recherche des érudits : de récentes études ont éclairé quelques points obscurs de cette institution, née d’un orage au XIIe siècle, promise dans la suite à tant de tempêtes civiles, et vouée, même de nos jours, à toutes les controverses de la presse et de la tribune. Notre ami et confrère, M. Vissaguet, sénateur, a tracé la voie par son beau travail sur L’histoire municipale du Puy[2] Les Tablettes ont publié, t. VIII, pp. 105 et suiv., un titre splendide : la bulle de Clément VII de 1382[3], qui consacra d’une manière irrévocable les libertés rendues à nos ancêtres, et ont fait suivre ce document hors ligne de commentaires utiles à retenir. M. Lascombe a donné dans le même recueil, t. VII, pp. 539 et suiv., une pièce relative à la renaissance de 1343 et que l’on compte parmi les heureuses trouvailles. C’est ainsi que notre histoire consulaire se fera, un peu au jour le jour, par pièces et morceaux, au hasard des découvertes. N’espérons point rétablir d’un seul jet la trame et gardons-nous de rêver l’œuvre définitive. Il faut se résoudre pour longtemps encore à déblayer le terrain, à ramasser les matériaux, sans espoir d’atteindre nos deux desiderata : la chaîne des événements et l’unité du récit.

On a beaucoup disserté sur les origines de notre commune : aucun des systèmes n’a été complètement vérifié. Il est permis toutefois, en comparant les théories diverses, d’obtenir une solution pratique et satisfaisante du problème. La commune n’est point une de ces institutions qui jaillissent du premier coup, armées, comme Minerve, de pied en cap : le self-government, l’intervention des citoyens dans la police et les finances de leur ville, le droit de vote et de contrôle, l’appareil, en un mot, des libertés locales, remontent au moins à l’époque de la conquête romaine, et les germes de cet organisme se manifestent même dans la constitution primitive de la cité gauloise. Mais, s’il est vrai que le municipe romain se soit évanoui sous les décombres des invasions barbares, et, qu’après avoir sommeillé durant l’aurore confuse du moyen âge, il ait soulevé ce linceuil[sic] séculaire, à l’époque de Louis VI et de Philippe-Auguste, pour servir de type aux revendications de la bourgeoisie, il est non moins exact que, dans le Midi et peut-être en Velay, le souffle libérateur des républiques italiennes aida puissamment aux premières victoires du Tiers-État. Ce sont les communes de Milan, de Pise et de Florence, qui, à travers les Alpes, ont envoyé à nos provinces méridionales l’exemple et l’initiation. Mais il faut laisser aujourd’hui les principes généraux, les idées à priori. Notre effort sera plus limité. Nous voulons simplement, à l’aide de pièces inédites ou peu connues, dégager, dans une certaine mesure, ces deux périodes émouvantes et presque tragiques de notre consulat : le lendemain de l’arrêt d’abolition de 1277 et le lendemain aussi de la résurrection de 1343.

Il faut avant tout s’assurer d’un point de départ. L’évêque, investi depuis 924 de la seigneurie de la ville, fut dès le principe et resta jusqu’à la fin du XIVe siècle l’ennemi héréditaire des franchises bourgeoises. Qu’on se garde bien de trouver là prétexte à déclamer contre la religion ! Il y avait dans l’évêque deux personnages : le pasteur, dont nous n’avons parlé et ne parlerons jamais qu’avec le plus sincère respect, et le suzerain temporel, soumis, comme tous les pouvoirs de ce monde, aux passions et aux défaillances humaines. L’hostilité de l’évêque contre la commune dérivait trop bien de la nature des choses pour qu’il soit permis de s’en indigner et même de s’en étonner. Tous les gouvernements cherchent à se maintenir et à vivre. Il allait de soi que le comte du Puy disputât son autorité aux réclamations tumultueuses et mal définies d’une classe bourgeoise que les événements et les lois de l’époque rattachaient à sa mouvance féodale. Il faut donc se borner à reconnaître cette attitude inévitable de l’évêque. L’arrêt de 1277 fut rendu au profit de Guillaume de La Roue, et, lors de l’acte d’affranchissement de 1343, ce fut un autre évêque, Jean de Chandorat, qui voulut ravir à ses sujets et justiciables une partie de leurs privilèges recouvrés.

Nous commençons par les titres concernant le régime intérieur de notre ville, lors de la suppression du consulat.

1. — L’arrêt de 1277 infligeait à la ville du Puy un châtiment pécuniaire, hors de proportion avec ses finances. Les bourgeois obtinrent de la clémence du roi Philippe divers termes pour s’acquitter. Sur la somme de 30,000 livres tournois, chiffre total de l’amende, il en revenait 12,500 à l’évêque. Par un arrêt rendu à l’Épiphanie de 1278, le parlement décida que les citoyens du Puy paieralent, à raison du terme échu à la Noël dernière, 2,500 livres, et que le reste serait soldé en sept termes annuels et consécutifs, dont le premier serait exigible à la Noël prochaine :

De summa duodecim millium et quingentarum librarum turonensium in quibus cives Anicienses condempnati fuerunt episcopo Aniciensi, pro facto ballivi et servientium occisorum, ordinatum fuit, ne villa se perdat, quod dicti cives, pro termino nativitatis Domini, statim solvant duo millia et quingentas libras turonenses et residuum ad septem annos et incipiet primus terminus dictorum septem annorum in nativitate Domini proximo ventura[4].


2. — La querelle de l’évêque et des bourgeois n’avait point été assoupie par la sentence de 1277. En 1281, Laurent le Mazelier, l’un des bouchers qui avaient lynché le bailli et les sergents, fut surpris sur la place du Fort, à la porte de la cathédrale, et conduit en prison[5]. Cette rigueur un peu tardive atteste la continuation de la lutte, quatre ans après la grande aventure des Cordeliers. Il est facile de comprendre qu’au lendemain des sanglantes représailles les haines avaient gardé toute leur violence. Aussi un second arrêt de l’Épiphanie de 1278 ordonna-t-il à Jean Malet, sergent royal en Vivarais, d’abolir un acte par lequel Jean de Morenceys et Guillaume Trappes, clercs du roi, avaient permis aux citoyens du Puy de lever 160 livres pour soutenir leur procès contre l’évêque. Il était, en outre, enjoint à Jean Malet de protéger le prélat outragé jusque dans sa cour par les bourgeois.

Præceptum fuit Johanni Malet, servienti in partibus Vivariensibus, ut dirui faciat quoddam instrumentum confectum super auctoritate data per magistros Johannem de Morenceis et Guillelmum de Trapes, clericos domini regis, burgensibus de Podio, levandi octies viginti libras ad prosequendam causam suam. Item dictum fuit episcopo Podiensi quod quosdam burgenses Anicienses, qui eidem episcopo convicia et verba turpia dixerunt in curia sua, super hoc, per jus ducat, et fuit injunctum dicto servienti ut, si requisitus fuerit ab episcopo, eum juvet et defendat eum ah injuriis et violenciis manifestis[6].


3. — Les habitants du Puy avaient été privés, en 1277, de tout droit de réunion et ils devaient s’abstenir de confréries, assemblées, conciliabules et associations quelconques où ils pussent échanger leurs idées et discourir sur leurs intérêts communs. Ils enfreignirent maintes fois cette défense, tant l’isolement leur semblait une peine cruelle ! Du vivant de Philippe le Bel (mort le 29 novembre 1314), ils obtinrent du Sénéchal de Beaucaire licence de se réunir dans le couvent des Frères Prêcheurs pour nommer des mandataires, chargés de poursuivre le redressement de certains griefs de la ville contre le juge et le bailli de la cour commune. Philippe le Bel avait commis lesdits juge et bailli pour faire une enquête sur les dérogations commises par les citoyens du Puy à l’arrêt de 1277. Il fut décidé par les commissaires que les bourgeois avaient enfreint le texte et l’esprit de l’arrêt. Les bourgeois firent appel, mais le jugement des commissaires fut confirmé au parlement de la Toussaint de 1315.

Cum cives Anicienses olim, per judicium curie parlamenti Parisiensis, ex certis causis et exigentibus demeritis suis, universitatem seu communitatem perdiderint, jureque habendi eandem, seu aliquo ad ea pertinente, scilicet archa communi, clavibus ville et custodia clavium ac eciam portalium et muris et fossatis et omnibus aliis fortaliciis civitatis prédicte, armaturis communibus et cathenis, sindicatu et consulatu et confratriis et assembleya, congregacione seu convocacione, buccinis et omni statu et generaliter omnibus juribus ad universitatem seu communitatem, quoque jure seu causa, privilegio vel consuetudine, seu alia quacumque causa ad eos spectantibus privati fuerint, et ad aures karissimi genitoris nostri pervenisset quod predicti cives, in prejudicium et contemptum regiæ majestatis, post et contra dictam sententiam temere veniendo, congregacionem seu assembleiam, tanquam universitatem seu communitatem facientes, in domo Fratrum Predicatorum Aniciensium, fecerant sindicos, actores seu procuratores, de novo eos creando seu constituendo, dictis civibus ad suam excusacionem et innocentiam proponentibus dictam assembleiam seu congregationem se fecisse de licentia et consensu senescalli Bellicadri et in presencia bajuli et judicis Aniciensium, quibus erat hoc commissum per dictum senescallum, virtute cujusdam littere regie sibi directe, in qua continebatur inter cetera quod ipse daret eis licentiam constituendi sindicos, actores seu procuratores ad prosequenda certa gravamina coram nobis seu coram quibuscumque aliis judicibus sibi illata, ut dicebant, per judicem et bajulum curie communis Aniciensis, qui cives, ut ipsi dicebant, tanquam singulares et non ut universitatem facientes, ibidem creaverunt sindicos seu procuratores ad dicta gravamina dumtaxat prosequenda, tandem dictus karissimus genitor noster mandavit et commisit bajulo et judici Aniciensibus ut ipsi, de premissis inquirerent veritatem et si invenirent ita esse, in irritum revocarent quod per dictos cives super hoc erat factum, non obstantibus predictis litteris tacito de prima condempnacione impetratis, demum dicti bajulus et judex, vocatis partibus, ad plenum cognito de dicta causa et visa inquesta per eos facta super hoc, juxta formam predicte commissionis sibi facto, per sentenciam suam predictos sindicos, actores seu procuratores, per dictos cives quoquo modo factos seu creatos revocaverunt ; a qua sentencia dicti cives ad nostram curiam appellarunt. Auditis igitur dictis partibus, in causa appellacionis predicte, et visis per curiam nostram dictis processibus et diligenter examinatis, per curie nostre judicium dictum fuit predictos bajulum et judicem bene judicasse et dictos cives male appellasse. Dominica post sanctum Georgium anno trecentesimo quindecimo. M. Nicholaus de Brie reportavit[7].


4. — Le pariage de 1307 intervenu entre Philippe le Bel et Jean de Cuménis adoucit la dure servitude qui pesait sur la ville du Puy. Les bourgeois avaient dorénavant deux maîtres au lieu d’un seul et ce partage de souveraineté offrit à nos pères un recours souvent utile contre les excès commis par les officiers épiscopaux. Un écrivain moderne a déploré ce résultat. À son dire, la royauté, en prenant sous son patronage les communes agonisantes, leur fit payer cette assistance par une servitude à peu près complète. C’était changer la chaîne, mais non la briser. « Voici le bon saint Louis sous son chêne, voici l’astucieux Philippe le Bel dans ses conseils de justice et de finances. Auprès d’eux siègent des bourgeois, des hommes du tiers déjà vêtus de vair et d’hermine, comme des seigneurs ; mais ce ne sont plus des élus d’une cité franche, ce sont des favoris de princes ou des conseillers royaux ; ce ne sont plus des bourgeois, ce sont déjà des fonctionnaires publics. Dans leurs assises, si l’on proclame que toute créature est formée à l’image de Notre-Seigneur et doit être franche de droit naturel, on pose aussi en principe que nulle commune ne peut s’établir sans le consentement du roi. L’égalité sociale a fait un grand pas, mais la liberté compromise est restée à moitié route[8]. »

Eh ! sans doute, il eût mieux valu pour le triomphe des saines doctrines libérales que les communes eussent exclusivement compté sur leur propre initiative, sans faire appel à la tutelle onéreuse de la couronne. Mais le despotisme des seigneurs pesait si lourdement sur les villes, que le secours était le bienvenu, quelle que fût la main qui l’apportât. Il faut reconnaître avec Augustin Thierry que les communes ne pouvaient rester dans leur isolement primitif : elles accueillaient comme un rédempteur le roi absolu proclamant, au nom de la loi naturelle, le droit de liberté pour tous. En définitive, le pouvoir royal offrait à ses nouveaux sujets des garanties inconnues jusqu’à ce jour. La ville du Puy, veuve de ses consuls, soumise à tous les caprices d’une autocratie locale, préférait à ce joug présent et incessant une protection d’autant moins oppressive qu’elle était plus lointaine. Quelques officiers de l’évêque avaient bien à se plaindre du nouvel ordre de choses, dont le mécanisme tarissait la source de leurs bénéfices. Ainsi l’on voit en 1307 Jean de Salsano, chevalier et viguier de la cour séculière de l’évêque, réclamer contre la suppression de sa charge et demander ou une indemnité ou le maintien de cette charge, en prétendant qu’elle était viagère et personnelle. Le roi Philippe le Bel, siégeant au parlement de la Toussaint de l’an 1307, accorda au fonctionnaire dépossédé une pension de vingt livres tournois à prendre sur les épices de la cour commune :

Cum, propter associacionem factam inter dominum regem et episcopum Aniciensem, Johannes de Salsano, miles, vicarius curie secularis episcopi predicti, a dicto officio amotus fuisset, et ipse diceret dictum officium esse personale, et sibi ad vitam suam fuisse concessum, requirens quod dictum officium sibi deliberaretur deserviendum et tenendum ab ipso ad vitam suam, modo consueto, aut quod super hoc fieret sibi recompensacio condigna ; gentibus domini regis et dicti episcopi e contrario proponentibus dictum officium non esse personale, sed ad voluntatem dantis fuisse sibi concessum ; tandem super hoc precepit curia nostra veritatem inquiri : cum autem per inquestam hujusmodi non potuerit ad plenum sciri veritas super hujusmodi debato, per ipsam curiam nostram, equitatis motam mansuetudine et de consensu dicti episcopi, sic extitit ordinatum quod in recompensationem dicti officii, de quo amotus est idem miles et exoneratus de deserviendo ibidem, dictus miles, quamdiu ipse vixerit, anno quolibet habebit viginti libras turonenses capiendas super emolumentis secularis curie communis inter dominum regem et episcopum supradictum. Lune post octabas Epiphanie[9].


Ces doléances particulières n’étaient que des incidents sans portée. Il faut laisser les détails, voir les choses en bloc. Quoiqu’on en dise, le pariage constituait, au moins dans les circonstances où il fut conclu, un véritable progrès, une exonération sensible des gênes et des avanies sans nombre, infligées à nos aïeux par la ruine de leur commune. Que la couronne se soit ravisée plus tard, en faisant payer cher au tiers état ses bienfaits non gratuits, qu’elle ait étouffé dans les siècles suivants ceux qu’elle embrassait et caressait au premier abord, c’est là, par malheur, une chose indéniable. Les pouvoirs absolus imposent de dures rançons à leurs protégés ou créatures. Dans un pays de centralisation systématique, chez une race autoritaire, comme la France, le tiers état, dès qu’il se mit sous l’égide des rois, ne fit que changer de joug et préparer sa future et irrémédiable abdication, mais, en 1307, les conséquences de ce déplacement de suprématie ne luisaient guère à de pauvres bourgeois, confinés dans leurs murs, dépourvus d’esprit politique, inhabiles aux vues supérieures, avides seulement d’aller au plus pressé. Or, le pressé, en cette heure de 1307, était de vivre : Primum vivere, deinde philosophare. Maître pour maître, les gens du Puy préféraient le roi dont ils sentaient moins la férule. Et puis il ne déplaît point aux foules de voir un fouet ou un sabre dans les mains du pouvoir, dès que les gouvernants font bien aller les affaires, comme on dit aujourd’hui, ou refrènent les insolences des tyranneaux domestiques, comme on devait dire en 1307[10]. Le peuple ne comprend guère les principes abstraits, les doctrines transcendantes : il s’en tient aux réformes visibles, aux résultats acquis. Philippe le Bel était un esprit positif, un homme d’affaires, insensible aux beaux raisonnements, dédaigneux des théories, allant droit au but. On peut critiquer ses principes et sa morale ; rien de plus facile : on est forcé toutefois de reconnaître son entente parfaite des intérêts matériels de l’époque ; il excellait dans les choses de police, s’entendait à merveille aux questions de voirie, de finances, d’édilité, aux problèmes de la production et de la consommation courantes et autres points secondaires de la science économique. Les petits aspects de l’art de régner souriaient à sa nature sans idéal mais ferme et clairvoyante. On peut citer comme exemple de ce génie administratif une ordonnance rendue, au profit de notre ville, dans le Parlement d’octobre 1312, en la même forme que nos règlements d’utilité publique délibérés par le chef du pouvoir exécutif de nos jours en conseil d’État.

Voici les principales dispositions de cette ordonnance :

1o Avant le pariage, les habitants du Puy avaient des types ou matrices pour mesurer les grains, les céréales, toutes les denrées commerciales, et ils se servaient, à leur aise, de ces types officiels dans leurs ménage ou négoce. La cour commune avait adopté des étalons nouveaux : elle forçait les vendeurs à y recourir, sauf une redevance. Le roi prescrivit le rétablissement des anciennes unités de mesure : le setier, la mine et le boisseau, et décida que les transactions commerciales pourraient s’accomplir avec des étalons scellés en place publique et moyennant un droit minime. Toutefois le peseur avait charge de délivrer des exemplaires de l’étalon officiel, pourvu que ces exemplaires fussent revêtus du double sceau du roi et de l’évêque. Dans ce dernier cas, les ventes avaient libre franchise et elles s’effectuaient de gré à gré en dehors du marché de ville.

2o Les forains seuls étaient tenus de porter leurs denrées au marché. Le mesurage devait alors se faire, soit avec les types scellés en place publique, soit avec les exemplaires que l’acheteur conservait dans son logis.

3o Les habitants pouvaient vendre chez eux le contenu de leurs greniers. L’acheteur avait, dans ce cas, le choix entre les types du pesage public et les exemplaires déposés chez le vendeur.

4o La cour commune avait supprimé l’aune ancienne pour le débit des draps et bureaux. Le roi ordonna que l’aune, dont un type en fer serait gardé dans un lieu public, serait seule employée pour les achats et ventes, et qu’un exemplaire de cet étalon serait délivré à tout citoyen qui en ferait la demande.

5o La halle fut rendue facultative, au lieu d’être obligatoire pour tous les détaillants. Le Sénéchal de Beaucaire aurait à dresser un tarif des droits de place pour les tauliers et étalages, installés sur le carreau de la halle.

Il est étrange qu’aucun de nos historiens n’ait cité cette belle ordonnance, rendue en 1312, dans le Parlement d’octobre, après la fête de la Saint-Martin. En voici le texte intégral emprunté aux Olim de Beugnot, t. II, pp. 576 et suiv.

Philippe, par la grace de Dieu, roys de France : Nous faisons assavoir a touz, presenz et a venir, que, comme li habitant de la ville du Puy se complainsissent de noz genz, et deissent que, avant que li pariages fust faiz de nous et de l’evesque dou Puy, il avoient certaine mesure a ble en la ville dou Puy, a la quelle chascun bourgois, clers et autres habitanz en la dite ville prenoient l’exemplaire de la mesure ajustee, et celle avoient en leur maison, a laquelle il vendoient et achatoient franchement senz nulle redevance ou coustume paier ne devoir a seigneur ne a aultre, mais de nouvel, puis le dit pariage, nos genz et dou dit evesque ont ordene mesures nouvelles autres que les anciennes, et mise certaine imposicion sus le ble qui sera venduz ou achatez en la ville dou Puy, et les mesures mises en certain lieu ou il convient apporter le ble, pour mesurer la, quand il est venduz ou achatez, et en autre lieu non, ne a autres mesures.

Si requeroient que cette nouvellete de ces mesures et la nouvelle imposicion fust ostee, et que ausint franchement comme il et li autr forain, venanz marcheander en la dite ville, soloient vendre et mesurer franchement le puissent faire. Oyes les raisons proposees sur ce d’une partie et d’autre, il fu ordene sur ce, par nostre court, o grant deliberacion, que les mesures anciennes a ble qui soloient estre en la dite ville, ou, se elles ne povent estre trouvées, au plus pres semblables que les anciennes soloient estre en icelle ville, seront mises en ladite ville, c’est assavoir de setier, de mine et de boissel, et celles, en lieu commun ou l’en ha ordene le marchie dou ble, si seront mises et ajustees de pierre, aus quelles mesures cil qui amenront leur ble un jour dou marchie et voudront mesurer a icelles mesures, ou a autres jourz, se il mesurent a icelles mesures, li achaterres et li venderres devront et paieront dou setier un denier tournoys ; c’est assavoir li achaterres maille et li venderres maille, et de la mine il paieront une maille ; c’est assavoir li venderres une poitevins et li achaterres une poitevine, et dou mains, nient. Et si est a entendre, quar quicunques voudra prendre mesure ajustee a icelle par la justice commune a nous et a l’evesque, ou par celui a cui elle sera baillee à garder pour ajuster, la justice li est tenue a baillier ajustee et seignee de nostre seing et de l’evesque, et celle mesure ainsint prise de un ou de pluseurs, ou de ceuls a qui il plaira a demorer en la dite ville, il pouet vendre son ble, et mesurer en sa maison, par lui ou par sa gent, se il plaist a luy et a l’achateur, frenchement, senz nulle redevance ne imposicion paier, et senz dongier et senz amende dou seigneur. Et se il ne plaisoit a l’acheteur ou au vendeur a mesurer a la mesure dou dit vendeur, ajustee et seignee si comme dessus est dit, et il pleust a euls deus, ou a l’un de euls, aler mesurer a la mesure dou marchie, ou envoyer querre la mesure de la dite ville et le mesureour, il paieront la dite imposicion ausint comme se il avoient mesure le dit ble ou marchie et a la mesure dou marchie.

Item, il fu ordene, pour ce qu’il est crie que chascuns porte son ble au marchie pour vendre et pour mesurer a la mesure dou marchie, que quicunques forains ameinne ble en la dite ville au jour du marchie, il est tenu dou mener en la place dou marchie et non mie a autre jour, et le puet mesurer, se il lui plaist, ou se il plaist a l’achateur, a la mesure dou marchie, et paieront le denier dou setier, et de la mine, la maille, se il est mesurez a celle mesure, si comme dessus est dit ; et se il leur pleist, dou commun assentement de euls deus, de porter ble vendu a la maison de l’achateur pour mesurer a sa mesure, qu’il aura prise de la justice ajustee et seignee, faire le povent senz amende et senz dongier dou seigneur et senz imposicion paier.

Item il fu ordene que cil qui oront leur ble en leurs greniers, se il leur plaist, il le povent vendre en leurs greniers senz mener au marchie, et le povent mesurer a la mesure qu’il aura prize de la justice par lui ou par sa gent, se il plaist a l’acheteur, et se il ne plaist a l’acheteur, il sunt tenus de mesurer a la mesure dou marchie, ou envoyer querre la mesure et le mesureur de la dite ville, a toute sa mesure d’icelle ville, et lors il sunt tenuz a l’imposicion paier, si comme desus est dit.

Item, il disoient que, en la ville dou Puy, souloit avoir certaines aunes, c’est assavoir aunes pour les bons draps, aunes pour les bureaus, et autres aunes pour les toilles, et que l’en leur ha ostées ces aunes et mises nouvelles : si requeroient que cette nouvelleté leur fust ostées, et que leurs aunes anciennes leur fussent rendues : Oyes sur ce les raisons des dites parties, il fu ordene que en la ville dou Puy n’aura que une aune pour bons dras et pour bureaus et pour toilles, c’est assavoir la plus grant des aunes qui soloit estre au dras avant le pariage, la quels sera faite de fer pour exemplaire et mise par devers la justice pour exemplaire, et quicunz voudra avoir aune pour vendre ou pour acheter en la dite ville, il la vendra prendre et ajuster à la justice, et la justice li est tenue à baillier toute ajustee et seignee ; et ce fait, a celle aune, quicunques la prendra, il pourra vendre, acheter et auner senz nulle redevance paier, et qui autrement le fera, il l’amendera à la justice.

Item, il se plaignient d’une hale qui est faite en une place qui est en la dite ville, la quele place, si comme ils disaient, estoit aysance au commun de la dite ville, et disoient que celle hale est fermée en tele maniere que il n’i povent entrer ni mettre leurs chevaus, ne leurs denrées, laquele chose est ou grant préjudice de la dite ville et dou commun, et ha fait faire la justice commune estaus en la dite halle dont il veulent contraindre les marcheanz de porter leurs denrees et de louer leurs estaus ou de paier certaine imposicion qu’il mettent sus leur denrées, la quelle chose est en leur grief et en leur grant préjudice, si comme il dient : Oyes sur ce les raisons des dites parties, il fu ordené par nostre court que la halle ne se mouvra, quar c’est commun profit aus demouranz et habitanz, et quicunques voudra mener et apporter ses denrées en la dite halle par son gre et par sa volente, faire le pouet, et qui apporter ou amner ne les voudra, nuls n’en sera contrainz, et, se aucuns y amenoit ble pour vendre, et il fut mesure a la mesure dou marchie, en paiant l’imposicion mise, c’est assavoir un denier de setier, et de la mine maaille, et dou mains, nient, selon ce qu’il est ordene par desus, il ne payeroit point d’autre redevance pour chose qu’il eust son ble descendu en la dite hale ; et sera mande au seneschal de Biau-Quaire que, de ceuls qui voudront amener et mettre leurs denrees en la dite haie, comme drapiers, peletiers, sueurs, tanneurs, panetiers, et toutes autres manières de marcheanz qui voudront louer leurs estaus a annee ou par semaine, ou vendre en la dite hale senz louer estaus en paiant leur tonli, tel comme il sera ordene par le dit seneschal, que tels manieres des marcheanz la justice commune recoive a mettre leurs denrees et leurs marchandises en la dite hale ; et pour mettre pris convenable sur les estaus et sur le tonli, senz grevance des bonnes genz, li dit seneschal se enformera par bonnes genz dignes de foy au mieux et au plus diligemment que il pourra ; et l’ordonnance ainsi faite des estaus et dou tonli, quicunques en voudra prendre et louer par le pris et la taxation faite, il en aura, et autrement nuls n’i est tenuz de mettre ne de amener, ne apporter ses denrees. En tesmoing de la quele chose nous avons fait mettre nostre seel en ces presentes lettres. Donne a Paris, en nostre parlement, l’an de grace mil trois cens et douze, ou moys de marz.

Chose curieuse et digne d’être retenue ! Le législateur moderne n’est guère en progrès sur cette ordonnance de 1312, dont les sages et libérales prescriptions réglaient le commerce du Puy. On trouve dans cette ordonnance le germe de l’unité des poids et mesures, unité déjà admise en principe dans les capitulaires de Charlemagne. D’autre part, Philippe le Bel, en fait de halles et de marchés publics, donnait l’exemple aux municipalités de nos jours[11]. Celui qui écrit ces lignes plaidait, il y a quelque temps, en faveur des grainetiers du Puy, contre certain maire, lequel voulait contraindre ces honnêtes négociants à traiter toutes leurs opérations sur le carreau de la halle. Pour en revenir à notre thèse, il faut souligner la prompte et expéditive justice rendue par Philippe le Bel aux doléances du commerce du Puy. Avant le pariage, il en eût coûté à nos bourgeois des procès sans fin pour obtenir la satisfaction qu’un pouvoir énergique leur accordait du premier coup. Il est donc vrai de dire que la situation économique de notre ville reçut un allègement notable de l’institution du pariage et que la royauté administrative et centralisatrice guérit maintes blessures causées par la perte de l’autonomie municipale.

Nous en avons fini avec les titres antérieurs à la restitution du consulat. Reportons-nous maintenant à l’époque qui suivit l’arrêt de délivrance de l’année 1343.

5. — Les Tablettes, VII, 539 et suiv. ; VIII, 105 et suiv., ont dépeint l’allégresse, qui, en 1343, salua le retour des privilèges si chers à tous les souvenirs ; mais, au lendemain de leur victoire, les habitants du Puy eurent à compter avec leur vieil antagoniste : l’évêque. Jean de Chandorat prétendit que la récente décision nuisait aux prérogatives du comte de Velay et il introduisit contre les citoyens du Puy une instance devant la cour du roi. Ce procès durait encore en 1349 et devait recevoir une solution dans les prochaines assises du parlement à Beaucaire. Le roi Philippe V, par lettres données à Paris le 27 avril 1349, accorda aux parties un délai pour arriver à une transaction. L’évêque de Paris, Foulques de Chanac[12], avait jadis prêté ses bons offices dans cette intention, et n’avait pu réussir. Guillaume de La Tour, légiste de l’évêque, Pierre Salebrun, damoiseau, d’une part, Jean Gagne et Vital Chabade, pour les habitants du Puy, d’autre part, arrêtèrent après de longues discussions les bases d’un accord. Enfin, et à la date du 5 décembre 1349, l’évêque, muni des pouvoirs des grands chanoines en vertu d’une délibération capitulaire du 11 août précédent, s’aboucha dans le cloître des Frères Prêcheurs avec Pierre Marcel, Jean Avellane, Vital Deulofey, Vital Dupin, Etienne Laytent, Jacques Muret et Jacques Carteyron, se disant consuls du Puy, et les parties convinrent des articles qui suivent[13] :

À l’avenir il y aura au Puy six laïques investis du titre de conseillers. L’un d’eux, également laïque mais à la création de l’évêque, doit être né au Puy ou dans le ressort du comté, mais il ne peut être choisi parmi les officiers ou serviteurs de l’évêque ou des grands vicaires pendant la vacance du siège.

Le conseiller, choisi par l’évêque, aura les mêmes attributions que ses cinq collègues, lesquels exerceront leur charge pendant un an et seront renouvelés le lendemain de la fête de la Purification. Si le conseiller, nommé par l’évêque, réside hors du Puy, il sera tenu, dans l’année de son institution, de prendre résidence dans la ville. Il recevra sur les deniers communs les mêmes émoluments que les cinq autres conseillers, et aucune délibération, aucune mesure ne seront valables sans son concours.

Si, à l’époque du renouvellement des pouvoirs des conseillers, l’évêque est absent ou ne veut élire son candidat, à l’expiration du mois les cinq autres conseillers pourront exercer leur charge. Si l’empêchement de l’évêque est légitime, les citoyens devront le faire cesser, et, dans ce cas, la place vacante du conseiller de l’évêque devra être tenue par un ancien conseiller dudit évêque.

Avant d’entrer en fonctions ou bien à chaque changement d’évêque, les six conseillers jureront sur les saints évangiles, en présence du juge et du bailli de la cour commune, de remplir avec probité leur office, de rester fidèles à l’évêque et à son église, de ne point excéder leur mandat et d’obéir au présent traité de point en point.

Les six conseillers et les habitants seront tenus de défendre l’évêque, ses gens et ses successeurs en temps de guerre ou d’invasion contre tout agresseur, excepté bien entendu le roi de France. Ils devront fournir pour cette défense leurs hommes, sujets et justiciables, suivant les anciennes compositions.

L’évêque, de son côté, et ses successeurs devront protéger contre toute injure et toute attaque les conseillers et les citoyens, qui restent leurs hommes, sujets et justiciables.

En retour, l’évêque percevra la moitié des redevances et émoluments sur les blés, farines et autres marchandises de gros poids, après prélèvement du cinquième pour la couronne. Les droits sur les denrées seront perçus dans les lieux habituels, pour l’évêque et les conseillers, par des mandataires communs du choix de l’une et l’autre partie.

Les six conseillers auront un sceau avec cette seule légende dans le pourtour : Sceau des conseillers du Puy. Ils pourront se servir de ce sceau pour leurs lettres closes et missives, leurs requêtes, leurs procurations et leurs syndicats. Ils devront employer, pour leurs autres lettres et écritures, le sceau ordinaire de la cour commune en payant les droits d’usage. Les conseillers et les habitants ne pourront impétrer de sauvegarde ni en user s’ils en ont obtenu. À cet égard, ils devront souscrire des renonciations expresses. La cour temporelle sera tenue de protéger, à première réquisition, les personnes des conseillers, leurs familiers et les biens de la communauté en cas d’agression des étrangers dans la ville, le cloître ou leurs dépendances, et dans le cas encore où la cour temporelle n’aurait point le droit d’exercer une action répressive.

Les conseillers auront seulement la surveillance des fonctionnaires ou employés commis à la chose publique : ils pourront lever des tailles et contributions sur le commun, se réunir pour délibérer à propos des taxes nouvelles, dont seront exemptés, pour leurs biens meubles et immeubles, les serviteurs et officiers de l’évêque, les sujets et justiciables de la cour du chapitre, tous ceux qui sont préposés aux antiques et nécessaires offices de l’église et du chapitre, et enfin les officiers ou domestiques affidés du doyen, du prévôt, des abbés et de l’hebdomadier.

Le chapitre et ses officiers ne pourront se saisir des bourgeois ou autres personnes de la ville, à moins qu’il ne s’agisse d’artisans de petit état, tels que ceinturiers, charpentiers et autres de cette sorte, et ils n’auront le droit, en aucun cas, de leur infliger aucune peine. Les conseillers n’auront aucune juridiction et ne pourront attenter aux droits et libertés de l’évêque, de l’église et du chapitre, à peine de nullité des présentes.

Pour l’exécution de leurs ordres, et dans les cas prévus par le présent traité, les conseillers devront se servir des agents de la cour temporelle du Puy, et ils auront, en outre, deux messours ou simples messagers, auxquels ne compéteront ni juridiction, ni droit de contrainte, ni l’insigne de la verge ou du bâton. Les conseillers et les habitants ne pourront acquérir pour la communauté aucun immeuble dans la ville du Puy, la banlieue et leurs dépendances, sans l’expresse licence de l’évêque : il leur sera permis seulement d’acheter, s’ils le jugent convenable, une maison non fortifiée, où il leur sera loisible de déposer le trésor et le sceau de la ville et autres objets de même utilité. La garde des clefs de la ville et des fortifications appartiendra à l’évêque.

Les conseillers et les citoyens devront s’en tenir à l’octroi contenu aux présentes conventions, octroi qui est censé fait au nom du roi et de l’évêque. Tous autres privilèges exprimés dans la charte du roi ou pouvant échoir dans l’avenir à la ville sont considérés d’ores et déjà comme non avenus. Les conseillers et les citoyens resteront comme auparavant les sujets immédiats et les justiciables de l’évêque et de la cour commune. Les six conseillers seront tenus, au premier appel du baile ou du juge de la cour commune ou de leurs lieutenants, de faire le service de cette cour, d’y venir en armes et d’envoyer pour les gardes et guets un nombre d’hommes suffisants. Ils seront dispensés néanmoins d’assister aux exécutions et châtiments corporels. Ils devront, en dehors des cas ci-dessus, s’abstenir de tout exercice militaire dans la ville et ses alentours, à moins de permission des gens de la cour commune.

À ce traité intervinrent pour l’évêque : son procureur, discret homme, maître Guillaume de La Tour, jurisconsulte, chanoine de Saint-Agrève ; et pour la ville : vénérables personnes, messires André Boyer, docteur-ès-décrets, et Jehan Sobalde, clerc et jurisconsulte du roi, l’un et l’autre conseillers des consuls ; Étienne de Lardeyrol, Jehan Gagne, André de Conches, André Largier, Jehan de Bonas, Jehan Rocher, Pierre Gazelle, Philippe de Conches, Jacques de Robert, Grégoire Bernard, Vital Sabade, Jacques Chappuis, Pierre Montaigut, Pierre d’Arlempde, François Besson, Jehan Maurin, tous citoyens du Puy et députés de la ville et des consuls.

Les témoins de l’acte furent : vénérables personnes, messires Pierre Boyer, official du Puy ; Bernard Haond, Guillaume Bol, Pierre de Rochebaron, chanoines de Notre-Dame ; Jacques Cambefort, chanoine de Saint-Agrève ; Vincent Cleuchini, licencié en droit, bailli du comté de Velay et juge de la cour commune du Puy. Le pacte fut reçu par Guillaume Rocola, clerc du Puy et notaire royal, assisté de son confrère, Pierre Potondi.

Nous tenons le magnifique parchemin où sont transcrites les conventions d’un compatriote, dont le nom est cher à tous les amis de l’histoire locale, M. le conseiller Francisque Mandet. Voici, du reste, le texte in extenso de cet acte, qu’on peut considérer comme la charte de fondation du conseil municipal du Puy :

In nomine Domini. Amen. Universis et singulis tam præsentibns quam futuris ex tenore hujus instrumenti publici fiat notum quod orta dudum quæstionis materia inter reverendum in Christo patrem et Dominum D. Joannem divine permissione Aniciensem episcopum Vallaviæque comitem suo et ecclesiæ suæ Aniciensis nomine ah una parte, et cives et habitantes Anicienses suo nomine ex altera, de et super eo quod idem dominus episcopus et comes gratiam a Majestate Regia per cives et habitantes predictos de eo quod Consulatus Aniciensis dicitur in ejus et ecclesiæ suæ grande prejuditium, ut dicebat, obtentam sub forma quæ sequitur :

« Philippus Dei gratia Francorum rex. Notum facimus universis tam præsentibus quam futuris quod cum cives Anicienses et civitas[14] quæ Podium appellatur nobis fecerunt humiliter supplicari ut nos, quamvis ob infelicis enormitatis eventum quorumdam excessuum per aliquos dicti loci pro tunc cives ex iis corporaliter et civiliter punitos comissorum, civitas ipsa ad episcopum Aniciensem prædecessorum nostrorum largitione deventa, consulatu, communitate, confratrie, sigillo, arca, domoque communibus et custodia portarum præfatæ villæ clavium, necnon pluribus aliis juribus quibus a pristinie citra tunc temporibus multipliciter insignita in communi gaudebat auctoritate, arrestis nostræ aut prædecessorum nostrorum curiæ fuerit ob præfatorum committentium delicta ignominiose privata, et hujusmodi delationis opprobrium sexaginta annis proxime preteritis vel circiter humiliter patiens, adventum gaudii reconciliationis devotissime præstolantur[15], cum eisdem supplicantibus et eorum posteris qui ex priorum iniquitate patiebantur jacturam super prædictis dispensare aut alias agere misericorditer dignaremur, statumque civitatis præfatæ mul tis olim reffertæ opibus qui, casu contingente præmisso, miserabiliter corruerat, dono benignitatis regiæ reformare. Nos autem pie considerentes regali clementiæ expedire interdum in illis nedum justitiæ mollire rigorem qui exercitatione patientiæ utentes animum[16] confirmarunt, imo ad indultum veniæ se piis intuitibus inclinare, attentis etiam dampnis et incommodis quæ dicti cives tot annis ex dispersione ipsa, utpote deffensione et præsidio in communi carentes, ex quo etiam et in reddendis nobis subventionibus et aliis ad quæ subditi regni tenentur minus solito potentes eos agnovimus, sunt perpessi et in quantum[17] eosdem cives quos et locum ipsum ob piæ devotionis effectum quam[18] ad oratorium Virginis gloriosæ inibi præcellentius dedicatum gerimus, apud nos volumus particulari prærogativa gaudere, prosperatos in melius, regalibus obsequiis promptes speramus esse deinceps pariter et intentos, eorumque[19] supplicationi benigniter annuentes, cives præfatos pro se et eorum successoribus, habitatoribus et incolis civitatis præfatæ ad pristina jura, libertatem et plenariam potestatem quibus, antequam casus ille contingeret et dicte arresta et privationes secutæ fuissent, utebantur prædecessores eorum, scilicet consules eligendi, consulatum exercendi et illis ac communitatem, universitatem et confratriam hujusmodi[20] cum sigillo, arca et domo communibus et aliis omnibus quæ ad consules et consulatus, communitatis et universitatis officium poterant pertinere reducimus et restituimus, et prædicta omnia et singula in omnem eventum sub titulo cartæ et concessionis nostræ præsentis ab ipsis et eorum successoribus habenda et perpetuo possidenda de novo concedimus, et largimur eisdem et cum ipsis ut ea omnia et singula perpetuo successivis temporibus habeant et teneant, ut est dictum, ac ipsis plene gaudeant, privatione, decreto, arrestis prædictis et clausulis, si quæ obstent, in communione nobiscum aut cum nostris prædecessoribus per ecclesiam Aniciensem de jurisdictione dictæ civitatis expressis[21] et aliis quibuscumque per quæ iidem cives adhuc[22] redderentur vel dici possent inhahiles aut fore alias non cappaces nequaquam obstantibus sed rejectis, dispensamus de speciali gratis et ex certa scientia ac de plenitudine nostræ regiæ potestatis, pariter et ex causa tenore presentium litterarum eisdem civibus se pro dicta electione facienda quandocumque voluerint congregandi, dictos consules eligendi et sic electis et eorum successoribus in dicto consulatu de anno in annum perpetuo si et in manibus bajuli et judicis curiæ Aniciensis[23] aut eorum locatenentis[24] qui sunt et qui pro[25] tempore fuerint aut alterius eorum aut in eorum vel alterius eorum deffectum vel moram in manibus bajuli[26] et judicis nostrorum Vallaviæ aut ipsorum alterius vel eorum locatenentis[27] præsentium et futurorum solitum prestiterint juramentum, consiliarios ex civibus aut incolis dictæ civitatis si et quos[28] voluerint, quorum consilio si eis expediens videatur tractent negotia consulatus, secum adhibendi et assumendi, dictam universitatem et communitatem congregandi, jura, utilitates et commoda ejusdem procurandi et deffendendi, tallias et contributiones communes civibus et incolis indicendi et eas levandi, et duos aut plures clericulos aut servientes sive messores[29] specialiter ad negotia consulatus, etiam et super ministrales[30] artifices civitatis prædictæ et res publicas et communes ejusdem civitatis, ut scilicet recte, juste et debite, fraudibus et malitiis cessantibus, operentur provisionem et observationem hujusmodi[31] quam et prout alii consules locorum insignium senescalliæ Bellicadri habere noscuntur, et alias in omnibus consulatus officium exercendi, cæteraque omnia et singula faciendi et explectandi quæ possunt et debent facere consules, corpus legitimum et consilium approbatum de consuetudine vel de jure ; insuper et sibi in dicta civitate domum prædictam in qua se congregare et negotia consulatus tractare valeant acquirendi in feudis, retrofeudis, censivis et allodiis nostris aut alienis, illamque per se et successores eorum[32] in dicto consulatu absque cohactione vendendi vel extra manum ponendi aut dandi pro ea aliquam financiam, perpetuo possidendi licentiam et aucthoritatem pari gratia et ex certa nostra scientia harum serie concedentes ; quod ut firmum et stabile permaneat in futurum, nostrum præsentibus litteris apponi fecimus sigillum. Datum Parisiis[33] anno Domini millesimo trecentesimo quadragesimo tertio, mense Januarii, per dominum regem ad relationem consilii stantis in camera computorum. De mandate ipsius domini regis per litteras. Clavel. » Petebat et requirebat ac diu etiam petierat in curia venerabilis parlamenti Parisiensis annullari et retractari seu potius penitus revocari, quod asserebat debere fieri obviantibus hujusmodi gratiæ quamplurimis gratiis aliis et privilegiis concessis per regiam majestatem retroactis temporibus suæ Aniciensi ecclesiæ supradictæ, et super hoc inter partes prædictas causa pariter in prædicta parlamenti curia diutius agitata fuisset et adhuc pendeat per continuationem de ea factam usque ad diem senescalliæ Bellicadri tunc futuri proximo parlamenti, fueritque concessum per dictam parlamenti curiam memoratis partibus quod interim absque emenda super questione prædicta valeant concordare, prout constat latius per patentes litteras regias sigillo castelleti Parisiensis impendente sigillatas continentiæ subsequentis : « Philippus Dei gratin Francorum rex, universis præsentes litteras inspecturis salutem. Notum facimus quod causa principalis super facto ejus quod dicitur consulatus in Anicio in parlamenti nostri curia pendens inter dilectum et fidelem nostrum episcopum Aniciensem ex parte una, et procuratorem nostrum et dicentes se consules de Anicio ex parte altera, in qua causa concordati sunt hinc inde articuli et curiæ prædictæ traditi, continuata est in statu et quod commissarii non dabuntur, nec tenebuntur prædictæ partes coram commissariis in illa causa procedere propter mortalitatem gentium quæ est in illis partibus, usque ad diem senescalliæ Bellicadri nostri futuri proximo parlamenti, concessis etiam dicta curia nostra dictis episcopo et dicentibus se consules quod interim concordare possint absque emenda et quod accordium apportent ad diem prædictam. Datum Parisius in parlamento nostro, de nostri ac magistrorum Petri Meruli et Giraudi de Nogerio dictarum partium procuratorum consensu, die vicesima septima Aprilis anno Domini millesimo trecentesimo quadragesimo nono, sub sigillo castelletti nostri Parisiensis in absentia magni, per cameram G. Marpani dapiferi… » Et demum super hoc per bonæ memoriæ dominum F. Parisiensem episcopum pro prædicta discordia terminanda ac pace et concordia adhibenda multa tractata et proloquta fuerint una cum discretis viris magistro Guillelmo de Turre, jurisperito dicti domini episcopi et comitis procuratore, et Petro Salabruni, domicello, pro parte ipsius domini episcopi et comitis, et Joanne Ganha et Vitale Chabade, civibus Aniciensibus, pro parte civium et habitantium prædictorum ad hoc per partes prædictas, ut dixerunt, specialiter destinatis. Tandem partes prænominatæ concordantes, ut dixerunt, causam prædictam, quæ fuit inter ipsas in prædicta curia parlamenti Parisiensis hactenus ventilata, utrique ipsarum partium fore plurimum sumptuosam animadvertentes, etiam tractata et proloquta super questions prædicta per dictum dominum Parisiensem quondam episcopum finem utilem causæ seu questionis prædictæ prospicere pro utraque partium prædictarum, cupientes itaque dubios evitare eventus litium et ad viam pacis et concordiæ devenire : — Hinc est quod anno ab Incarnatione Domini millesimo trecentesimo quadragesimo nono et die quinta decima mensis Decembris, principe illustrissimo domino Philippo Dei gratia Froncorum[sic] rege regnante, in nostrum notariorum publicorum et testium præsentia subscriptorum constitutæ personaliter partes præfatæ, videlicet reverendus in Christo pater et D. D. Johannes Dei gratia Aniciensis episcopus ac comes prædictus nomine suo et suæ Aniciensis ecclesiæ et successorum suorum episcoporum Aniciensium, qui pro tempore fuerint ab una parte, de consilio venerabilis capituli suæ Aniciensis ecclesiæ sibi impenso in hac parte, ut constat per patentes litteras in pargameno scriptas et sigillo dicti capituli cum cera viridi sigillatas impendente, quarum tenor talis est : « Universis per præsentes litteras fiat notum quod nos capitulum et canonici ecclesiæ Aniciensis super infrascriptis ad sonum campanæ, ut moris est, simul congregati, capitulantes et capitulum facientes, tractatum pacis et concordiæ super litigio ejus quod consulatus Aniciensis dicitur vertente inter reverendum in Christo patrem dominum Johannem Dei gratia episcopum Aniciensem ex parte una, et procuratorem regis et cives Anicienses ex parte altera, per reverendum patrem dominum Parisiensem episcopum quondam proloqutum, visis et diligenter attentis ipsius tractatus articulis et frequenter inter nos tam simul quam divisim super eo diligenti tractatu et deliberatione matura habitis, attentisque et consideratis omnibus quæ in præmissis hiis malis currentibus temporibus attendenda et consideranda fuere, prefato domino Aniciensi episcopo et nostræ Aniciensi ecclesiæ expedientem et utilem reputantes, eidem domino Aniciensi episcopo consulimus ut ad celebrandum contractum concordiæ hujusmodi seu compositionem iniendam procedat, prout in dicti tractatus articulis est expressum. In quorum testimonium sigillum nostrum præsentibus litteris duximus apponendum. Datum Anicii in dicto nostro capitulo die undecima mensis augusti, anno Domini millesimo trecentesimo quadragesimo nono… » ; et prudentes viri Petrus Marcelli, Johannes Avellane, Vitalis Deulofey, Vitalis de Pinu, Stephanus Laytenti, Jacobus Mureti et Jacobus Carteyronis, cives Anicienses, dicentes se consules Anicienses, ut et tanquam consules pro et nomine civitatis Aniciensis et civium et habitantium ejusdem civitatis, qui nunc sunt et fuerint pro tempore in eadem ex parte altera, protestato per prædictos prænominatos et utramque ipsarum ante præsentem contractum et in eo et post ipsum quod ad infrascriptam pacem et concordiam pariter et tractatum procedunt, salva in omnibus et retenta aucthoritate regiæ majestatis et suæ beneplacito voluntatis voluntateque et licentia prædictæ curiæ venerabilis parlamenti ; dictæ siquidem partes et utraque ipsarum suis et quibus supra nominibus, gratis, scienter et non per errorem sed absque doli sive fraudis cujuslibet interventu motæ et ductæ pariter, ut dicebant, pro bono pacis et concordiæ, quæ inter partes ipsas æquanimiter sunt alendæ, de et super questione prædicta ac emergentibus et dependentibus ex eadem tractata per dominum quondam F. episcopum Parisiensem super quæstione prædicta, sequendo et penitus amplectendo transegerunt amicabiliter et transigendo pactiones, conventiones et accordium solemniter inter se ad invicem fecerunt et inhierunt in modum et formam inferius comprehensos.

In primis siquidem fuit actum, dictum solempniter ac etiam accordatum inter partes præfatas suis et quibus supra nominibus et virtute præsentis transactionis in pactum solempne deductum, quod erunt in civitate Aniciensi in perpetuum sex et non plures layci qui consiliarii perpetuo vocabuntur. Item quod prædictorum sex consiliariorum unus laicus vel de civitate Aniciensi vel de comitatu Vallaviæ oriundus, non tamen officialis vel curialis in civitate Aniciensi, per dominum episcopum Aniciensem et successores suos, qui pro tempore fuerint, vel vacante sede Aniciensi per vicarios generales a capitulo ecclesiæ Aniciensis deputandos pro domino episcopo et ecclesia Aniciensi eligatur, cui tanta penitus potestas competet quanta uni ex reliquis quinque ; reliqui vero quinque per partem ipsorum civium laicorum Aniciensium ex civibus Aniciensibus pro et nomine ipsorum civium anno quolibet in crastino festi Purificationis Beatæ Mariæ creabuntur, et in qualibet creatione nova hujusmodi personæ consiliariorum mutabuntur, ita tamen quod cum per dictum dominum episcopum vel dictos vicarios, sedes vacante, consiliarium unum prædictum non de civitate Aniciensi sel aliunde de comitatu creari continget, is creatus eo casu tenebitur per annum quo consiliarus fuerit sicut et quinque alii Anicii residere, cui de bonis communibus consiliariorum et civium prædictorum vadia consilia sicuti uni ex aliis quinque consiliariorum anno quolibet persolventur, ita quod reliqui quinque consiliarii nihil poterunt disponere vsl procurare seu expedire quoquomodo nisi vocato debite et rationabiliter audito consiliario per dominum Aniciensem creato seu vicarios, ut præfertur ; hoc excepto quod si tempore hujusmodi novæ mutationis seu creationis contingeret prefatum dominum episcopum seu prædictos vicarios, sede jam dicta vacante, nolle seu recusare prædictum suum unicum consiliarium creare causa quacumque, rationabili aut legitimo impedimento cassante, vel etiam ipsum episcopum agere in remotis, eo casu lapso mense a die qua nova creatio seu mutatio proximo imminebit immediate sequenti et numerando, dicti quinque per partem dictorum civium creati de novo possint pertinentia ad consiliariorum ipsorum infrascriptum officium debite expedire. Quod si idem dominus episcopus tempore novæ creationis seu mutationis vel predicti vicarii, sede prædicta vacante, causam aliquam rationabilem seu impedimentum legitimum habuerint prefatum suum consiliarium non creandi, tunc infra dictum mensem dictus dominus episcopus seu vicarii necnon prædicti quinque consiliarii et cives, si et prout eorum quoslibet tanget et pertinuerit, causam seu impedimentum hujusmodi finare, removere ac tollere fraude cessante qualibet sint adstricti. Si vero prædicto mense durante aliqua ad dictorum consiliariorum officium pertinentia fuerint necessario peragenda, prædicti creati de novo per partem dictorum civium ea possint una cum antiquo consiliario dicti domini episcopi anni tunc proxime præteriti debite expedire.

Item prædicti sex consiliarii anno quolibet in sua nova creatione jurabunt sacrosanctis Dei evangeliis, in manibus bajuli seu judicis curiæ communis Aniciensis sive eorum locatenentium, antequam alicui rei administrandæ se ingerant, per eos tactis, ac etiam jurare tenebuntur et etiam in qualibet mutatione nova dicti domini episcopi et quorumlibet successorum suorum, quod suum officium fideliter exercebunt, eruntque ipsi domino episcopo et suæ Aniciensi ecclesiæ boni et fideles, et quod limites potestatis sibi ex præsenti compositione competentis et attributæ quomodolibet non excedant, sed quod omnia et singula in compositione præsenti contenta servabunt inviolabiliter de puncto in punctum.

Item prædicti sex consiliarii atque cives Anicienses sæpefati dictum dominum episcopum et successores suos, qui pro tempore fuerint, et gentes eorum omni tempore guerræ seu invasionis prætextu personæ suæ aut jurium ecclesiæ suæ sequi, juvare et defendere tenebuntur, cum per eum aut ejus nomine fuerint requisiti contra quoscumque, domino rege et corona Franciæ duntaxat exceptis, et homines et immediate subditi et justiciabiles ejus, et prout ex conventionibus olim inter dictas partes super hoc inhitis astricti sunt hactenus et consueverunt. Et dictus dominus episcopus et successores sui, qui pro tempore fuerint, dictos consiliarios et cives ab aliorum injuriis et oppressionibus juvare et deffendere ut homines et subditos justiciabiles suos etiam tenebuntur.

Item pro recompensatione dicto domino episcopo ex consensu suo in præmissis præstanda et suæ Aniciensi ecclesiæ facienda præfatus dominus episcopus et successores ejusdem habeant et habere debeant medietatem emolumenti et commoditatis ponderis bladi et farinæ et aliarum rerum mercaturarum in grosso pondere consistentium, quinte parte ipsorum pro domino rege detracta primitus quolibet anno, prædictaque pondera cum suo emolumento regentur et levabuntur regique et levari debebunt pro dicto domino episcopo dictisque consiliariis communiter et pro indiviso, per unum seu plures et in locum seu loca per dictas partes communiter eligendos, de quibus ponderibus manendis et retinendis perpetuo ac nequaquam tollendis prædicti sex consiliarii promissiones et obligationes efficaces facere et concedere tenebuntur ; quodque curiales dictæ curiæ temporalis Aniciensis quoscumque cives et alios mercantes ad ponderandum pro prædictis ad ipsa pondera et emolumentum exsolvendum perpetuo pro eisdem compellere poterunt et debebunt.

Item prædicti sex consiliarii sigillum habebunt in cujus circumferentia tantummodo scriptum erit : Sigillum consiliariorum civium Aniciensium, quo sigillare poterunt litteras clauses missorias et supplicationes et nihilominus procurationes et syndicatus ipsorum. Alias autem litteras et scripturas sigillare poterunt et debebunt sigillo communis curiæ cum emolumento solito et antiquo.

Item neque consiliarii neque cives Anicienses supradicti simul seu particulariter salvam gardiam impetrabunt seu poterunt impetrare, nec jam obtenta quovismodo per dicentes se consules Anicienses et cives prædictos, si quæ sit vel obtinenda, uti aut se juvare poterunt quoquo modo, sed ei renuntiabunt specialiter et expresse. Curia tamen temporalis Aniciensis debebit, cum per eos requisita fuerit, in casibus debitis gardiare eosdem, hoc salvo quod salvam gardiam impetrare poterunt quoad consiliarios et bona communia, ipsorumque consiliariorum familiares communes in casu quo offenderentur per alienigenas de civitate aut claustro Aniciensibus seu districtibus eorum nunc existentes et extra civitatem Aniciensem et districtum ejusdem vel infra civitatem, eo tamen casu quo curia temporalis Aniciensis non posset ipsos capere aut per remissionem vel alias ad puniendum habere.

Item prædicti sex consiliarii potestatem habebunt tantummodo super ministratos et artifices qui recte fraudibus cessantibus operentur, ac circa res communes et utilitates ipsorum civium procurandi, ordinandi et disponendi, necnon tallias et contributiones communes pro præmissis dictis civibus cum necesse fuerit imponendi et pro prœmissis peragendis se congregandi, a quibus quidem talliis et contributionibus communibus viri familiares et officiales dicti domini episcopi et successorum ejusdem cum eorum bonis mobilibus et immobilibus erunt liberi penitus et immunes, necnon viri subditi et justiciabiles curiæ capituli Aniciensis ac viri officiales et familiares ipsorum ecclesiæ et capituli in officiis ac servitiis ecclesiæ et capituli prædictorum antiquis et necessariis constituti, ac etiam familiares viri domestici continui et necessarii singulorum canonicorum, decani, præpositi, abbatum et ebdomadarii ipsius ecclesiæ, tamen ad finem vitandi prædictas contributiones communes per ipsos sex consiliarios seu eorum nomine indicendas sen fraudulenter alias non quæsiti ; ita etiam quod capitulum vel canonici in dicta ecclesia vel capituli familiares seu officiales burgenses aut personas alias civitatis divites non possint quantum ad hoc habere vel suscipere in futurum, sed tantum personas mecanicas ut sartores, carpentatores et alias consimiles vel minores, nullam tamen pœnam imponere poterunt vel adicere in aliquo casu.

Quodque nulle ipsis jurisdictio competet vel competere poterit, nec ipsi eam in casu aliquo poterunt quovismodo seu etiam obtinere, nihil tamen in prejuditium dicti domini episcopi et successorum suorum ecclesiæque et capituli Aniciensis et jurium eorumdem ac libertatis ecclesiasticæ procurare, ordinare seu disponere præsument seu poterunt quoquomodo, et non procurare, ordinare vel disponere jurabunt etiam sub pœna amissionis præmissorum omnium. Quod si facere præsument, nullum existet ipso facto. Cives etiam Anicienses super injuriarum vel quibuscumque aliis eorum causis, quæ in curiis tam Spirituali quam temporali Aniciensibus verterentur seu verti sperabuntur coram se non vocabunt nec vocari facient seu poterunt quoquomodo, nec eos ah ipsis persequendis in prædictis curiis vel earum altera per minas vel alias quolibet retrahere sattagent seu ad desistendum inducent.

Procuranda vero ordinanda et disponenda ac imponenda per dictos sex consiliarios in casibus præmissis et non aliis erunt tantum per curiales curiæ temporalis Aniciensis debite exequenda ac effectui debito mancipanda absque tamen aliquibus pro præmissis clamore seu decima persolvendis ; duos quoque missores seu nuntios simplices habebunt et habere poterunt prædicti sex consiliarii, quibus nulla jurisdictio potestatis seu cohertio competet seu competere poterit, nec virgam seu haculum portabunt seu portare poterunt aliqualem.

Quid non immobile non acquirent nec acquirere poterunt prædictî sex consiliarii seu cives Anicienses in communi infra civitatem Aniciensem, suburbia, districtum et pertinentias ejusdem, absque consensu et licentia dicti domini episcopi et successorum suorum, nisi forte si ipsis civibus expediens videatur domum unam sine quocumque fortalitio præsenti et futuro, ubi archam communem et sigillum et alia opportuna custodire poterunt. Custodia vero clavium portarum civitatis Aniciensis et fortalitiorum ipsius ad dominum episcopum pertinebit.

Item hiis tam prædicti consiliarii quam cives contenti manebunt perpetuo et manere debebunt ; quæ prædictis consiliariis permissa et concessa censebuntur auctoritate et consensu dicti domini episcopi sicut et domini regis. Quæcumque vero alia per dictos cives Anicienses in dicte sua gratis vel alias ex post a domino rege obtenta seu per eos aut eorum nomine occupata quomodolibet nullius erunt penitus firmitatis, nec poterunt alia a domino rege quovismodo obtinere, sed remanebunt et remanere debebunt prædicti consiliarii et cives homines immediate subditi et justiciabiles ut prius dicti domini episcopi ac communis curiæ Aniciensis et quorumlibet successorum suorum, tenebunturque dicti sex consiliarii ad mandatum bajuli aut judicis vel eorum aut cujuslibet ipsorum locatenentium dictæ temporalis curiæ Aniciensis ad excubias ipsius curiæ, cum expediens fuerit, cum armis venire, incedere, vel mittere sufficientes. Quibus sex consiliariis jam dictis curiales prænominati mandare poterunt et debebunt, dictique sex consiliarii prædicta sine moræ dispendio adimplere debebunt, hoc duntaxat excepto quod ad executiones seu pœnas corporales infligendas venire non cogantur inviti, armaque portare seu excubiare aliter non poterunt seu præsument per dictam civitatem et districtum ejusdem ex aliqua causa absque licentia curialium prædictorum.

Prædicta vero transactionem, pactionem, accordium et conventionem, cæteraque omnia et singula supra et infrascripta in hoc præsenti publico instrumento contenta, prænominatæ partes et utraque ipsarum suis et quibus supra nominibus, prout tamen supra et infrascripta tangunt et tangere possunt ac in futurum poterunt quamlibet earumdem, promiserunt sua bona fide, et insuper prænominati Petrus Marcelli, Johannes Avellane, Vitalis Deulofey, Vitalis de Pinu, Stephanus Laytenti, Jacobus Mureti et Jacobus Carteyronis, consules, ut et tanquam consules, juraverunt ad sancta Dei evangelia gratis ab utroque ipsorum corporaliter tacta, sub speciali et expressa obligatione et ypotheca, videlicet dictus dominus episcopus et comes omnium et singulorum bonorum sui episcopatus, et prænominati consules bonorum omnium consulatus prædicti et communitatis civium Aniciensium præsentium et futurorum quorumcumque, sibi ad invicem a nobis notariis publicis infrascriptis ut publicis personis recipientibus et stipulantibus vice, nomine et ad opus omnium et singulorum illorum quorum interest et poterit in futurum interesse, attendere, tenere et inviolabiliter perpetuo bene et firmiter observare et non revocare nec contra in aliquo ullo unquam tempore facere, dicere nec venire de jure nec de facto, in juditio nec extra juditium, aliquo jure vel aliqua ratione seu causa, per se nec per alium seu alios quovismodo, nec alicui seu aliquibus contravenientibus seu contravenire volentibus in aliquo consentire, sed bona fide et cum effectu totis suis viribus obviare. Proffitentes insuper sibi ad invicem partes prædictæ quibus supra nominibus quod non fecerunt nec dixerunt, dicentque nec facient in futurum aliquid modo aliquo, quominus transactio, pactiones, accordium et conventiones prædictæ, cæteraque omnia et singula in hoc præsenti publico instrumento contenta, rata et firma perpetuo maneant, plenaque et perpetuo gaudeant roboris firmitate, et nisi ita ut præmissum est et in hoc præsenti instrumento publico continentur, sibi ad invicem partes prædictæ attenderent, tenerent et inviolabiliter perpetuo observarent aut serva facerent, dicerent in aliquo vel venirent et ob hoc alteram dictarum partium ob dolum, culpam vel deffectum alterius, damna, constamenta, interesse aut expensas facere, incurrere vel sustinere contingeret in juditio vel extra qualitercumque, illa, illud et illas promiserunt sibi ad invicem dictæ partes suis et quibus supra nominibus reddere, restituere et emendare ac plenarie ressarcire, et super hujusmodi dampnis et constamentis, interesse et expensis prædictis ac quantitate seu extimatione eorumdem stare et credere una pars alteri et altera alteri soli et simplici verbo suo absque probatione aliqua alia super hoc aliquatenus facienda, verbum ipsum solum et simplex deferentes pronuntialiter prænominatæ partes sibi ad invicem ex nunc ut ex tunc et ex tunc ut ex nunc et in futurum defferri volentes loco probationis alterius cujuslibet irrevocabiliter in præmissis, renuntiantes partes prædictæ et utraque ipsarum suis et quibus supra nominibus in et super præmissis gratis et solempniter ac scienter certe de facto et de jure certioratæ ad plenum, ut dicebant, cum adjectione bonæ fidei et juramenti supra præstitorum per easdem, ut supra scriptum est, omni actioni et exceptioni doli, mali, vis, metus, fraudis, erroris, læsionis et in factum ac conditioni sine causa et sine justa causa, et cum pacto solempni, beneficio petendi et offerendi libellum et transcripto seu copiæ hujus præsentis publici instrumenti et alterius cujuslibet scripturæ et exceptioni transactionis, pactionis, accordii et conventionis prædictarum et omnium aliorum predictorum non factorum, non concessorum, non habitorum et non præmissorum, ac non rite et non legitime factorum, concessorum, habitorum et præmissorum, beneficiisque et auxiliis quæ de jure dantur læsis reipsa deceptis et dolo inductis ad transigendum, et juridicenti transactionem nullam efficaciam habere seu habere debere, si ad speciem de quibus actum et loqutum non est in litteris primordio extendatur, et generaliter omni alii juri canonico et civili, scripto et non scripto, rationi, exceptioni, deceptioni, defensioni, consuetudini et usui, quibus præmissa omnia et singula vel eorum aliqua infringi vel annullari possint et quibus præfatæ partes vel altera eorum contra præmissa vel aliqua ex eis facere, dicere vel venire possent aut in aliquo se deffendere vel juvare et juridicenti generalem renuntiationem non valere nisi præcedat vel subsequatur generalis renuntiatio et expressa.

Pro quorum omnium et singulorum præmissorum observantia pleniori supposuerunt totaliter et submiserunt prænominatæ partes et utraque ipsarum suis et quibus supra nominibus se et bona sua prædicta foro, jurisdictioni, cohertioni, compulsioni et districtui curiæ communis prædictæ civitatis Aniciensis et curialium qui nunc sunt et fuerunt pro tempore in eadem, volentes et concedentes memoratæ partes quibus supra nominibus se et utramque ipsarum posse et debere compelli et distringi per captionem, venditionem et distractionem bonorum omnium prædictorum et alias, ut fortius et brevius fieri poterit, per dictam communem curiam et curiales ipsius ad prædicta omnia et singula supra et infra scripta in hoc præsenti publico instrumento contenta, prout ea tamen tangunt et tangere possunt ac in futurum poterunt quamlibet partium prædictarum sibi ad invicem attendenda, tenenda, complenda et inviolabiliter perpetuo observanda.

Ad hæc autem omnia et singula supra scripta præsentes discretus vir magister Guillelmus de Turre, jurisperitus, canonicus ecclesiæ sancti Agrippani Aniciensis, procurator dicti domini episcopi et comitis, de præcepto et speciali mandato per dictum dominum episcopum et comitem coram nobis publicis notariis et testibus infrascriptis pronuntialiter ore tenus sibi facto, necnon etiam viri venerabiles domini Andreas Boerii, decretorum doctor, et Johannes Sobaldi, jurisperitus domini regis prædicti, clericus, dictorum consulum consiliarii, et Stephanus de Lardeyrol, Johannes Gagnha, Andreas de Conchis, Andreas Largerii, Johannes de Bonas, Johannes Rocherii, Petrus Gazellas, Philippus de Conchis, Jacobus de Robertis, Gregorius Bernardi, Vitalis Sabade, Jacobus Chapus, Petrus Montagut, Petrus Darlempde, Franciscus Bessonis, Johannes Maurini, cives Anicienses, et ad hoc per dictos consules evocati, ut dixerunt, pro se et aliis concivibus et cohabitantibus suis Aniciensibus, prædicta transactionem, pactionem, accordium et conventionem cæteraque omnia et singula supradicta et in hoc præsenti publico instrumento contenta, de eis plene certificati, ut asseruerunt, quia ad ea præsentes interfuerunt, gratis et eorum certa scientia, suaque moti spontanea voluntate, laudaverunt, omologaverunt et approbaverunt et suum in et super præmissis præbuerunt assensum pariter et consensum, et insuper promiserunt bona fide sua et juraverunt ad sancta Dei evangelia a quolibet eorum gratis corporaliter tacta, dictus tamen procurator in animam domini sui, nobis notariis publicis infrascriptis ut publicis personis præsentibus, recipientibus et stipulantibus, solemniter nomine et ad opus quibus supra, præmissa omnia et singula contenta in hoc præsenti publico instrumento servare et contra non venire. De quibus omnibus et singulis supradictis prænominatæ partes et utraque ipsarum petiit et altera alteri voluit et concessit fieri unum aut plura publicum et publica instrumenta per nos notarios publicos infrascriptos ad dictamen et correctionem unius vel plurium sapientium, facti tamen substantia non mutata, sigillandum et sigillanda sigillo communis curiæ supradictæ.

Acta fuerunt hæc Anicii in reffectorio Fratrum Predicatorum anno et die proxime dictis, presentibus testibus venerabilibus viris domino Petro Boverii, officiali Aniciensi, Bernardo Habundi, Guillelmo Belli, Petro de Rupebarone, canonicis Aniciensibus, Jacobo Cambafortis, canonico ecclesiæ sancti Agrippani Aniciensis, Vincentio Cleuchini, licentiato in legibus, bayllivo comitatus Vallaviæ et curiæ communis Aniciensis judice, et me Guillelmo Rocola, clerico Aniciensi, auctoritate regia publico notario, qui transactioni, pactioni, accordio et conventioni prædictis cæterisque omnibus et singulis suprascriptis, dum sic ut supra scriptum est inter dominum episcopum et comitem ac procuratorem et consules ac cives prædictos acta fuerunt, una cum discreto viro magistro Petro Potondi, notario regio, et superius nominatis testibus, præsens fui, et notam ego et dictus magister Petrus connotarius meus recepimus de prædictis ; de qua quidem nota ego dictus Guillelmus feci et scripsi manu mea ad opus dicti domini episcopi et comitis hoc præsens publicum instrumentum in istis duabus fideliter adjunctis pellibus pergameni, et signo meo solito signavi hic et supra in junctura sigillandum hujusmodi instrumentum sigillo dictæ communis curiæ in testimonium præmissorum. S. Rocola.

Ego vero Petrus Potondi auctoritate regia notarius publicus præmissis una cum magistro Guillelmo Rocola, clerico Aniciensi etiam notario publico et dicto connotario meo, et testibus superius nominatis præsens interfui, et facta collatione diligenti cum nota super prædictis per dictum magistrum Guillelmum et me recepta, huic præsenti publico instrumento scripto et signato, ut supra continetur, manu et signo dicti magistri Guillelmi connotarii mei, manu mea propria subscripsi, et sic et in junctura præsentium duarum membranarum junctarum signo meo signavi ex parte dicti domini Aniciensis episcopi et ad opus ipsius requisitus, cum appositione sigilli dictæ communis curiæ ibidem facienda in fidem et testimonium omnium universorum et singulorum præmissorum.

(L’original a esté exhibé et remis dans les Archifz du chapitre de Nostre-Dame du Puy et remis par moy soubsigné : Sigaud, garde des titres dudict chapitre.

Extraict vériffié et collationné sur son original exhibé par Monsieur messire Pierre Sigaud, chanoyne de l’esglize cathédralle Nostre Dame du Puy, par nous Gabriel Colomb, conseillier du roy, juge en la cour royale du bailhage de Vellay, commissaire en ceste partie, depputé par la cour souveraine de parlement de Toulouse, et a faict ledict Sigaud retirer ledict original ; G. Colomb, juge de Vellay et commissaire. Servant, greffier.)


Que nous importe, diront les sceptiques, cette latinité indigeste ? Pourquoi tirer de leur sommeil ces vieux grimoires ? Grimoires ; Soit ! mais qu’on veuille bien relire ce document d’une allure si rebutante et l’on se sentira ému. Ce document redit les longues tribulations de notre cité, sa soif de justice, sa foi robuste dans l’avenir. Les luttes municipales méritent au plus haut point les respects de l’histoire. En effet, ces luttes, aujourd’hui comme aux XIIIe et XIVe siècles, mettent en jeu les vraies tendances, les sentiments les plus intimes de l’humanité. Sur la grande scène politique, à Paris, dans les centres populeux, les théories dominent, les combattants ne se distinguent point dans la fumée de la bataille ; les victoires comme les défaites subissent le commun niveau des principes abstraits, des idées pures. En province, au contraire, à mesure que l’horizon se rétrécit, les froissements d’intérêts, les dissidences d’opinion prennent un caractère âpre et personnel. On se touche de trop près, l’ennemi est le voisin, il est là, on le vise, on le dévore de l’œil. Les coups et les injures vont droit à leur adresse, d’implacables rancunes s’allument, des haines inextinguibles se transmettent de père en fils. C’est l’éternelle querelle des Capulet et des Montaigu. Il en était de même au moyen âge. Le maître, le seigneur, on le voyait soir et matin, on sentait sa griffe toujours présente. La commune résumait les convoitises malsaines et les aspirations légitimes. Dans le consulat ou l’échevinage les victimes incarnaient leurs rancunes traditionnelles, leurs vengeances, leurs espoirs de lendemains meilleurs. Les passions étaient d’autant plus intenses que le théâtre, où elles se donnaient carrière, était moins vaste. Voilà pourquoi les révoltes communales ont le don de nous remuer comme tout ce qui sort nettement et franchement de l’âme humaine. Il y a plus : une haute leçon s’exhale de ces antiques diplômes. Les fortunes diverses, les tempêtes, les haut et les bas des petites républiques bourgeoises nous enseignent une vertu, bien rare à notre époque : la constance. Le consulat anicien est la preuve éloquente que la liberté est fille du temps et des mâles résolutions. De nos jours on vit à la hâte, on campe, le progrès s’improvise, on veut jouir de suite. Les parchemins trop délaissés de nos archives consulaires, en nous racontant les défaites stoïquement endurées par nos aïeux, nous donnent aussi le vrai sens des triomphes qui furent le prix de leur inaltérable patience. C’est surtout à ce dernier point de vue que notre titre est précieux à recueillir et à méditer.

Le traité de 1349 signale l’une de ces crises familières à notre ville dans ses rapports orageux avec l’évêque. Cette transaction vraiment léonine, arrachée à la lassitude des habitants, n’allait rien moins qu’à confisquer le consulat et à lui substituer un conseil où l’évêque devait avoir la haute main par le membre de son choix, créature docile, instrument passif des volontés épiscopales. L’acte, en effet, loin de reconnaître la commune du Puy, renferme les protestations les plus énergiques de Jean de Chandorat contre les lettres de rétablissement. L’évêque appelle Jean Avellane et ses collègues : les soi-disant consuls. Les conseillers renoncent à toute sauvegarde, ils abandonnent à l’évêque les clefs des portes et fortifications, ils confessent être, eux et leurs concitoyens, les hommes-liges, sujets et justiciables du comte de Velay ; ils promettent d’accourir en armes au premier appel des officiers de la cour commune, ils attestent enfin leur dépendance par d’humiliants détails : un sceau très-simple avec un exergue insignifiant, deux messagers seulement pour exécuter les ordres du conseil, renonciation au droit d’acquérir des propriétés municipales sans le consentement de l’évêque, etc. Enfin les habitants déclarent se contenter des franchises contenues au nouveau pacte. Cette clause était-elle une abdication des libertés consulaires concédées par l’arrêt de 1343 ? Le contrat ne le dit point formellement, mais à cet égard il régnait dans la transaction une ambiguïté dangereuse. En somme, ce traité, loin de tarir les querelles de l’évêque et de la ville, apporta un élément de plus aux chicanes et aux discordes, et l’on n’est guère surpris de voir bientôt après la lutte recommencer de plus belle. La cour du roi retentit longtemps des procédures interminables et inextricables qui s’engagèrent sur nouveaux frais entre notre bourgeoisie et son suzerain. Au fond, le problème restait en 1349 ce qu’il était a l’origine, en 1218, par exemple, lors de l’accord de Vernon : l’évêque ne voulait pas de consuls ; le nom de commune lui était odieux, cette institution lui semblait révolutionnaire et factieuse au premier chef. Les bourgeois du Puy firent preuve de la plus étonnante opiniâtreté ; ils subirent les bourrasques, reculèrent de temps à autre, cédèrent sur les détails, pratiquèrent en un mot la doctrine de l’opportunisme, mais le principe essentiel ne fut jamais sacrifié. Nos aïeux tenaient à leurs consuls comme à leur seule garantie civile et politique et ils finirent par avoir raison de toutes les résistances. En 1382, le pape Clément VII intervint en personne et consacra par sa décision suprême le consulat anicien, objet de tant de conflits et de disputes.

L’histoire peut montrer des communes plus illustres, plus florissantes que celle du Puy ; elle en offre peu qui aient montré une énergie aussi tenace. Nos bourgeois ne désespèrèrent en aucun temps de leur bon droit, et, au milieu du déclin du tiers état, durant les XIIIe et XIVe siècles, ils montrèrent une tenue, un sangfroid, un esprit de suite vraiment admirables. La noblesse des actes ne se mesure point au périmètre du territoire. À petite patrie grands courages. L’héroïsme de Guillaume Tell se déroula sur un glacier perdu de la Suisse. Le consulat du Puy eut, en effet, les reins souples et la vie dure. Tandis que ses grandes sœurs du Nord disparaissaient l’une après l’autre sous l’effort combiné de l’oligarchie terrienne et de l’autocratie épiscopale, l’humble commune anicienne, battue de fréquents orages, sauvait son frêle esquif et arrivait au port sans trop d’avaries. — « Hélas ! dit l’auteur déjà cité, ces franchises, qui, dans tous les pays d’Europe, ont été comme le gland d’où sont sorties, ainsi que de grands chênes, les fortes institutions de la liberté, ont été déposées sur le sol de la France ; il ne leur a manqué que d’y prendre racine et d’y fleurir. On n’a pas plutôt en effet tourné la page et le XIIIe siècle est à peine commencé, que ce mouvement d’émancipation des communes, la première œuvre du tiers état naissant, s’embarrasse, recule et bientôt s’arrête. Plus d’une commune affranchie devient le théâtre de violences populaires ou de brigues électorales. Les seigneurs, dont elles ont secoué le joug, y pratiquent par la corruption de secrètes intelligences. On conspire derrière les créneaux du château voisin contre la liberté communale ; dans l’enceinte de la ville on la trahit et on la déshonore. Aussi y a-t-il très-peu de ces chartes précieuses qui atteignent dans leur intégrité les années 1250 ou 1300. À cette époque, à la fin du XIIIe siècle, voici ce qu’est déjà advenue la situation du tiers état ; il a perdu, presque sans avoir eu le temps d’en jouir, ses franchises municipales[34]… »

La commune du Puy sortit à peu près intacte de cette épreuve : elle survécut à celle de Reims, dont la chute arriva en 1257, à celles de Vézelay et de Laon, qui s’effondrèrent l’une en 1155, l’autre en 1294. Le consulat anicien ne put jamais obtenir avant 1382 de conditions d’existence claires et bien définies : fondé au sein des tempêtes, il eut des commencements amers, difficiles, et se maintint à force de patience contre les mauvais vouloirs, les avanies, les continuelles attaques de l’évêque et du baronnage. Toléré plutôt que reconnu, contraint à déguiser son nom dans la charte de 1218 où il se cache sous cette périphrase de réforme de la paix… reformatio pacis…, tour à tour amoindri ou aboli, mais doué d’une vitalité indomptable, il guida son destin précaire à travers les écueils de toute sorte et put aborder le XVe siècle où ses droits furent enfin couverts par une prescription indiscutable. Si notre petite commune triompha après tout des obstacles semés sur sa route, tandis que les échevinages du Nord sombraient après les débuts les plus prospères, il est permis de trouver la raison de cette victoire dans les traditions municipales, que l’Aquitaine et surtout la province de Languedoc avaient reçues des Romains et dont elles avaient conservé la tradition fidèle. De plus, le consulat du Puy ne dépassa jamais son programme et se tint dans ses limites avec une rare prudence. Beaucoup de communes s’étaient perdues par leur esprit turbulent et envahisseur. Après leur émancipation elles voulurent empiéter sur les autres pouvoirs et devenir, à leur tour, conquérantes et agressives. Nos consuls avaient trop de peine à vivre pour songer au bien d’autrui. Ils s’interdirent toute ingérence dans les attributions de la justice ou les prérogatives du gouvernement central. « À en juger, dit Augustin Thierry, par les chartes de Lyon, de Vienne et de Valence, le régime municipal semble réduit, dans ces contrées, aux seuls droits d’administrer et de garder la ville sans aucun droit de juridiction contentieuse ou volontaire[35]. » Les Couosses[36] au Puy se bornèrent de même à la police locale, à la gestion des deniers municipaux, aux soins de l’édilité et n’allèrent jamais plus loin. Les épreuves avaient contenu, tempéré, assagi ces magistrats populaires. Ils se contentaient de leur lot, l’expérience leur avait enseigné la modération, et cette sage réserve fut pour beaucoup dans leur succès définitif.

Si l’érudition vellave persiste dans la voie qu’elle a inaugurée, c’est-à-dire chemine lentement, avec méthode et sur titres, bien des obscurités se dissiperont et l’on pourra espérer une bonne et sérieuse histoire de la vie municipale dans nos murs. Il est une autre histoire, trop oubliée jusqu’à ce jour ; nous savons très peu et presque rien sur les communes rurales. C’est à peine si nous possédons, à cet égard, deux ou trois titres, la charte par exemple des franchises de Roche-en-Régnier, en date du 12 décembre 1265, que M. Du Molin a donnée dans les Preuves, pp. VI et suiv. de l’histoire de cette baronnie. C’est par des octrois successifs arrachés à leurs seigneurs et aussi par de courageuses revendications que les manants et vilains de nos campagnes conquirent à la longue un peu de bien-être et de liberté. Les conflits sans éclat et sans relief, d’où sortirent les humbles privilèges de nos villages, ont laissé dans nos récits locaux un sillon fugitif et une trace moins saisissable encore dans nos archives. Il y a néanmoins dans ces phases ignorées de nos annales un attrait mystérieux qui séduira peut-être quelque chercheur. Qu’une œuvre, si incomplète qu’elle soit, nous arrive sur cet aspect encore plein d’ombre et de silence de notre cher Velay, et cette œuvre ne sera pas la moins méritoire de celles où se délecte la curiosité contemporaine.



  1. Voir les Mémoires et Procès-Verbaux de notre Société, lre année, lre série, pp. 46 et suiv.
  2. Annales de la Société d’agriculture du Puy, t. XXII, pp. 253 et suiv.
  3. On sait que la bulle de Clément VII a été offerte à la ville du Puy par M. l’abbé Payrard et décore l’une des salles de notre Hôtel-de-Ville.
  4. Olim de Beugnot, Imprimerie royale, 1839-48, t. II, p. 120.
  5. Médicis, I, 217.
  6. Olim de Beugnot, t. II, p. 120.
  7. Olim de Beugnot, t. III, pp. 1018 et 1019.
  8. Questions de religion et d’histoire, par le duc de Broglie ; Paris, 1863, t. I, pp. 17 et 18.
  9. Olim de Beugnot, t. II, p. 491.
  10. Il nous souvient à cet égard — si parva licet componere magnis — des secrets conseils adressés à Louis XVI par Mirabeau, après les écroulements de 1789 et de 1790. Au dire de Mirabeau, la chute de l’ancien régime laissait au pouvoir monarchique, seul debout en face de tant de ruines, une place nette, une initiative propice à tous les efforts d’une régénération bienfaisante. Sur cette table rase un roi énergique pouvait graver à son aise. Le roi avait carte blanche, à lui d’agir. Le nivellement général offrait un terrain déblayé à un esprit novateur et créateur. L’expérience du moins pouvait être tentée.

    Il était advenu à la couronne — toute proportion gardée — une attitude semblable en 1307. La féodalité militaire ou épiscopale, en détruisant les communes, avait supprimé un élément considérable de résistance à la centralisation. Si le tiers état était resté en Velay un facteur sérieux, il eût pu servir de tampon entre l’évêque et le roi. La commune détruite ou énervée, Philippe le Bel n’avait qu’à compter avec l’évêque. C’est ainsi qu’en Velay et ailleurs l’affaiblissement des libertés municipales prépara la voie aux conquêtes de la royauté absolue. — Nous notons en courant cet aspect du pariage de 1307. Il serait utile peut-être d’y revenir.

  11. Voir le Répertoire méthodique et alphabétique de Dalloz, aux mots : Grains. Halles et marches, Poids et Mesures.
  12. Foulques de Chanac, issu de la même famille limousine que Bertrand de Chanac, archevêque de Bourges et administrateur de l’évêché du Puy en 1385, succéda comme évêque de Paris, en 1342, à son oncle, le cardinal Guillaume de Chanac ; créé patriarche d’Alexandrie, Foulques de Chanac mourut le 25 juillet 1349, (Gall. Christiana, Eccl. Parisiensis, t. VII, col. 131 et suiv. — Baluze. Vitæ pap. Aven. t. I. col. 1450).
  13. M. Vissaguet parle de notre transaction, Annales de la Société d’Agriculture, t. XXII ; pp. 281 et 282, mais évidemment il n’en a pas connu le texte.
  14. Les lettres patentes de 1343 ont été données par l’éditeur de Médicis, I, 220 et 221, et par les Tablettes, VIII, 110 et suiv. Voici les variantes entre le texte ci-dessus et le texte des Tablettes. Nous indiquons par la lettre C les variantes des Tablettes. — (1) C : civitatis.
  15. C : prestolarit
  16. C : animi.
  17. C : in quantis.
  18. C : quem.
  19. C : eorum, inquam.
  20. C : habendi.
  21. C : expresse.
  22. C : ad hoc.
  23. C : Anicii.
  24. C : locatenentium.
  25. C : qui sunt et pro.
  26. C : baillivi.
  27. C : locatenentium.
  28. C : et quot.
  29. C : missores.
  30. C : ministeriales.
  31. C : habendi.
  32. C : pro se et successoribus eorum.
  33. C : Parisius.
  34. Questions de religion et d’histoire, t. I, pp. 35 et suiv.
  35. Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du Tiers-État, édit. de 1856, t. X, p. 93.
  36. L’expression la plus usitée dans le Midi était : Conse. Racine, dans une de ses lettres, se moque très-agréablement des vanités consulaires de : compère le cardeur et du menuisier gaillard… Clet dit la même chose, mais en franc ponaut. Le premier vers de son Lambert est celui-ci :
    A la fi sei counten d’estre couosse dei Peuy.

    Cette locution a laissé chez nous un proverbe : Fier couma couosse.