Doctrine de la vertu (trad. Barni)/Eléments métaphysiques/Partie 1/Division 2/S2/$21

Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu (seconde partie de la Métaphysique des moeurs), suivis d'un Traité de pédagogie et de divers opuscules relatifs à la morale
Traduction par Jules Barni.
Auguste Durand (p. 115-117).


DEUXIÈME SECTION.


du devoir envers soi-même relativement à l’accroissement de sa perfection morale, c’est-à-dire sous le rapport purement moral.


§ 21.


Il consiste d’abord, au point de vue subjectif, dans la pureté (puritas moralis) de nos intentions en matière de devoir : c’est-à-dire qu’il faut que la loi soit notre seule mobile, que nous n’y mêlions aucune considération empruntée à la sensibilité, et que nos actions ne soient pas seulement conformes au devoir, mais que nous les fassions par devoir. — « Soyez saints » est ici le commandement à suivre. Ensuite, au point de vue objectif, relativement à toute la fin morale, qui a pour objet la perfection, c’est-à-dire tout le devoir et l’accomplissement absolu de la fin morale à l’égard de soi-même, le devoir peut se formuler ainsi : « Soyez parfaits. » Tendre vers ce but n’est jamais pour l’homme que marcher d’une perfection à une autre ; mais « il y a bien quelque vertu, quelque mérite à y tendre. »


§ 22.


Ce devoir envers soi-même est strict et parfait quant à la qualité, quoiqu’il soit large et imparfait quant au degré, et cela à cause de la fragilité (fragilitas) de la nature humaine.

Cette perfection en effet, que notre devoir est de poursuivre, mais non d’atteindre (dans cette vie), et dont par conséquent l’accomplissement ne peut être autre chose qu’un progrès continu, est, par rapport à l’objet (à l’idée que l’on doit se proposer de réaliser), un devoir envers soi-même strict et parfait ; mais, par rapport au sujet, elle est un devoir large et imparfait.

Les profondeurs du cœur humain sont insondables. Qui se connaît assez pour dire, quand il se sent poussé à faire son devoir, si c’est uniquement la considération de la loi qui le détermine, ou s’il n’est pas influencé par d’autres mobiles sensibles, l’espoir de quelque avantage ou la crainte de quelque dommage, qui, dans une autre occasion, pourraient tout aussi bien le pousser au vice ? — Pour ce qui regarde la perfection, comme fin morale, il n’y a sans doute dans l’idée (objectivement) qu’une seule vertu (je parle de cette force morale qu’exigent les maximes[1]), mais dans le fait (subjectivement) il y a une foule de vertus d’espèce différente, au-dessous desquelles il serait impossible de ne pas trouver, si l’on en voulait faire la recherche, quelque défaut de vertu[2] (quoique, à cause de la nature même de ces vertus, on n’ait pas coutume de lui donner le nom de vice). Mais une somme de vertus, dont la connaissance de nous-mêmes ne peut jamais nous montrer suffisamment la perfection ou le défaut, ne peut fonder que le devoir imparfait d’être parfait.

Tous les devoirs envers soi-même, relativement à la fin de l’humanité dans notre propre personne, ne sont donc que des devoirs imparfaits.







Notes du traducteur modifier

  1. Als sittliche Stärke der Maximen.
  2. Irgend eine Untugend.

Notes de l’auteur modifier