Divan oriental-occidental/Mathal nameh. Livre des paraboles

Traduction par Jacques Porchat.
Librairie Hachette et Cie (Œuvres de Goethe, volume Ip. 598-600).





MATHAL NAMEH.


LIVRE DES PARABOLES.


Il tomba du ciel dans l’abîme des mers orageuses une goutte tremblante ; les flots la battirent horriblement, mais Dieu récompensa le courage modeste de la foi, et il donna à la goutte d’eau force et durée ; la coquille paisible l’enferma ; et maintenant, pour sa gloire et sa récompense éternelle, la perle brille à la couronne de notre souverain, avec un doux regard et un doux éclat.


Le chant nocturne du bulbul s’est élevé à travers la brise frémissante jusqu’au trône radieux d’Allah, qui, en récompense de ses belles chansons, l’enferme dans une cage d’or. Ce sont les membres de l’homme. L’oiseau se sent à l’étroit, mais après de sages réflexions, la pauvre âme recommence à chanter toujours.

Foi aux miracles.

Je brisai un jour une belle tasse, et j’étais comme désespéré ; maladresse, et surtout précipitation, j’envoyais tout au diable. J’entrai d’abord en fureur, et puis je m’attendris, et je pleurai en ramassant tristement les débris : Dieu eut pitié de moi et me rendit soudain la coupe entière comme elle était.


Échappée de la coquille, la perle la plus noble et la plus belle disait à l’honnête joaillier : « Je suis perdue ! tu me transperces ; mon bel ensemble est détruit : avec mes sœurs il faut qu’à l’aventure je sois enchaînée à de méchantes pierreries. — Je ne songe à présent qu’à mon profit, pardonne-moi : si je ne suis pas cruel avec toi, comment se fera le collier ? »


Je vis un jour avec surprise et joie une plume de paon entre les feuillets du Coran. Sois la bienvenue à cette place sacrée, ô la plus précieuse création de la terre ! Comme dans les étoiles du ciel, on peut reconnaître chez toi, dans un petit objet, la grandeur de Dieu, apprendre que celui qui embrasse d’un regard les mondes a déposé ici l’empreinte de son œil, et a paré si bien un léger plumage, que les rois ont à peine essayé d’imiter la magnificence de l’oiseau : jouis modestement de la gloire et tu seras digne du sanctuaire.


Un roi avait deux caissiers, l’un pour la recette, l’autre pour la dépense. À celui-ci, l’argent fondait dans les mains ; celui-là ne savait où s’en procurer. Le dispensateur mourut ; le maître d’abord se demanda à qui il devait confier l’emploi, et, tandis qu’il jetait les yeux autour de lui, son receveur devint énormément riche : on savait à peine que faire de l’or, parce qu’on n’avait rien dépensé de tout un jour. Alors enfin le prince vit clairement quelle était la cause de tout le mal. Il sut profiter de l’incident pour laisser la place toujours vacante.


La marmite neuve disait au chaudron : « D’où vient que tu as le ventre noir ? — C’est chez nous aujourd’hui l’usage de la cuisine. Approche, approche, brillante pécore, ton orgueil diminuera bientôt. Si l’anse garde un visage clair, ne va pas t’en glorifier : regarde seulement ton derrière. »


Tous les hommes, grands et petits, se filent une toile déliée, au milieu de laquelle ils se placent gentiment avec leurs serres pointues. Vienne ensuite un coup de balai, ils disent que c’est inouï, qu’on a détruit un palais superbe.


Jésus, descendant du ciel, apporta le livre immortel de l’Évangile ; il le lut aux disciples jour et nuit. Parole divine opère et pénètre. Jésus remonta au ciel et remporta le livre. Mais les disciples l’avaient bien saisi, et chacun écrivit page après page, selon qu’il l’avait retenu dans son esprit, chacun d’une manière différente. Il n’importe ; leurs facultés n’étaient pas égales : les chrétiens peuvent néanmoins vivre là-dessus jusqu’au jour du jugement.

C’est bon.

Au clair de lune, dans le paradis, Jéhova, ayant trouvé Adam plongé dans un profond sommeil, plaça doucement à son côté une petite Ève, qui s’endormit à son tour. Ainsi reposaient, enveloppées d’une forme terrestre, les deux plus aimables pensées de Dieu. « Bon ! » s’écria-t-il, pour se payer de sa peine, et il ne s’éloigna pas sans regret.

Ce n’est pas merveille que nous soyons surpris quand un œil vif s’arrête sur le nôtre, comme si nous nous étions élevés jusqu’à Celui qui nous a conçus. Et, s’il nous appelle, eh bien, ainsi soit-il ! Je demande seulement qu’il nous appelle tous les deux. Mes bras te retiennent captive, ô la plus aimable des pensées de Dieu !