Discussion:Les Désirs de Jean Servien
Informations sur l’édition de Les Désirs de Jean Servien |
Édition : Les Désirs de Jean Servien, in Anatole France, Œuvres, tome I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1984. Source : OCR de l’édition ci-dessus. Contributeur(s) : Marc 8 octobre 2007 à 10:51 (UTC) Niveau d’avancement : Complet, mais à relire. Remarques : La préface est à la fin, car elle ne fait pas partie de l'édition définitive. Marc 8 octobre 2007 à 11:04 (UTC) Relu et corrigé par : |
Préface de l’édition de 1882
modifierCe petit ouvrage a été écrit il y a une dizaine d’années et j’aurais dû, pour bien des raisons, le publier en ce temps-là. Il est resté trop longtemps dans un tiroir et il me semble qu’il y a vieilli. Ceux qui écrivent ne savent pas tous donner à leurs œuvres une jeunesse immortelle.
Il est bon, dans tous les cas, qu’un livre paraisse dans sa nouveauté, parce que alors il est compris facilement et très bien senti. En relisant cette année Les Désirs de Jean Servien, je n’y ai pas retrouvé moi-même tout ce que j’y avais mis autrefois. J’ai dû, pour bien faire, déchirer la moitié des pages et récrire presque toutes les autres.
C’est sous une forme réduite et châtiée que je prends la liberté d’offrir ce récit aux personnes assez nombreuses aujourd’hui qui s’intéressent aux romans d’analyse. C’en est un et, en réalité, mon premier essai dans ce genre, car, si destructeur qu’ait été mon travail de révision, le fonds primitif de l’ouvrage est resté. Ce fonds a quelque chose d’acre et de dur qui me choque à présent. J’aurais aujourd’hui plus de douceur. Il faut bien que le temps, en compensation de tous les trésors qu’il nous ôte, donne à nos pensées une indulgence que la jeunesse ne connaît pas.
Avant d’écrire sur le monde moderne, j’ai étudié, autant que je l’ai pu, les mondes d’autrefois, et je ne me suis détourné de la vue du passé qu’après avoir senti jusqu’au malaise l’impossibilité de me bien figurer les anciennes formes de la vie. Pendant ce temps, le romancier le plus affiché de l’école naturaliste m’appelait néo-grec et me signalait seulement, disait-il, « pour l’étrangeté du cas » .
Vous entendez bien qu’il s’agit d’un cas pathologique, car c’est maintenant une maladie que de s’intéresser au passé et de suivre à travers les âges les magnifiques aventures des hommes. C’est la maladie des Leconte de Lisle, des Taine et des Renan. Bien que la faiblesse de ma complexion parût devoir m’en préserver, j’en fus atteint, moi aussi, jusqu’à lire les poètes grecs.
Hélas ! Je ne crains pas pourtant qu’on trouve à mon Jean Servien un reflet trop lumineux de la beauté antique.