Discussion:Aux Vieux de la vieille/02/01

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J'étais caporal. Les vélites de mon escouade s'activèrent sans délai : les uns à m'instruire dans l'art de lire, les autres dans celui d'écrire.

Chaque participant, qu'il soit maître ou élève, s'investissait avec un zèle ardent. Malheureusement, notre séjour à Kœnigsberg fut de courte durée. Le retour en France fut annoncé, et le 13 juillet 1808, nous entreprîmes notre périple. Je tairai les honneurs qui nous furent prodigués en chemin et les festivités qui marquèrent notre passage. Notre réception à Paris surpassa toutes les attentes. Banquets, représentations théâtrales, l'admiration des dames, l'enthousiasme général : rien ne manqua à cette entrée triomphale. À Courbevoie, enfin, nous pouvions aspirer à quelque repos, bien que nos moments de loisir fussent rares. L'Empereur, soucieux de notre instruction, institua des écoles régimentaires sous la houlette de deux professeurs éminents de Paris. Je m'adonnai avec ferveur à l'étude et fis des progrès notables.

Une école de natation fut également créée près du pont de Neuilly. Cependant, ce genre d'exercice ne trouva guère grâce à mes yeux. Lorsque l'Empereur, lors de sa visite, s'enquit de mes talents natatoires, je lui répondis négativement.

— Pourquoi ? demanda-t-il.

— Sire, répliquai-je, le feu ne me fait point peur, mais l'eau, elle, m'inspire une certaine crainte.

— Ah ! tu ne crains pas le feu, remarqua l'Empereur, eh bien, je te dispense d'apprendre à nager.

Mon manque d'aptitude pour la natation fut compensé par mon zèle pour les théories et les manœuvres. J'étais sous la houlette du général Harlay, un mentor éclairé. Entre deux périodes d'études, je m'adonnais aux plaisirs de la vie parisienne. Cette routine perdura jusqu'à octobre 1809.

À cette époque, l'Empereur nous inspecta et ordonna de nous tenir prêts au départ imminent. Effectivement, quelques jours plus tard, nous fûmes dirigés vers Bayonne. Traversant le pont d'Irun, nous atteignîmes Vittoria, puis Burgos, où nous fîmes halte. C'est là que survint une aventure tragique.

Burgos abrite une cathédrale magnifique. À ce moment, des galeries attenantes à l'église servaient d'écuries à nos grenadiers à cheval et de dépôts aux Espagnols, encombrées de balles de coton. Lorsqu'un petit garçon de onze à douze ans apparut à l'entrée d'un escalier, notre grenadier le remarqua. Pris en chasse, l'enfant monta précipitamment les marches, entraînant le grenadier. À leur arrivée au sommet, un palier et une porte se dressaient devant eux. L'enfant ouvrit la porte, le grenadier pénétra dans un recoin, puis le petit garçon disparut. Ignorant de cette scène, nos camarades décidèrent d'investiguer. Armés jusqu'aux dents, nous poursuivîmes l'enfant, gravîmes l'escalier étroit, enfonçâmes la porte, et là, face à nous, gisaient nos deux camarades, décapités et baignant dans leur propre sang. Dans un accès de fureur, nous nous ruâmes sur les brigands responsables de cette atrocité, huit capucins retranchés dans leur retranchement, armés jusqu'aux dents. L'exécution fut expéditive : on les massacra et on les précipita, avec l'enfant maudit, par les lucarnes du clocher.

Je passerai rapidement sur les événements de la campagne d'Espagne, n'abordant que ceux auxquels la garde participa durant son bref séjour, la campagne elle-même n'excédant pas six semaines pour nous.

Nous quittâmes Burgos et, à deux lieues en avant, rencontrâmes le roi d'Espagne, frère de l'Empereur, qui venait à sa rencontre pour regagner Madrid, dont il avait été chassé. Le 30 novembre 1808 marqua la bataille de Somo-Sierra, où l'ennemi, retranché au sommet d'une montagne, semblait inaccessible. L'Empereur, sans hésitation, rassembla ses tirailleurs et les lança sur les flancs de la montagne. Lorsqu'ils approchèrent de l'artillerie ennemie, il déploya les lanciers polonais et les chasseurs à cheval de la garde sur la grande route. Au galop, cette cavalerie balaya la route, mit en déroute l'armée espagnole, la pourchassa, et la força à reculer jusqu'à Madrid. Devant cette capitale, prête à une résistance farouche, les moines prirent les armes, fanatisèrent la population. Cependant, sous le feu d'obus et de boulets, Madrid consentit à se rendre, bien que la capitulation semblât teintée de tromperie. Les Espagnols avaient démantelé les rues, utilisant les pavés pour barricader les maisons, menaçant de nous écraser au passage. Alerté, l'Empereur déclara que tout pavé tombant sur la tête de ses soldats serait suivi d'une répression impitoyable. Les habitants durent se contenter de repaver leurs rues. Hektor (d) 21 novembre 2023 à 13:09 (UTC)Répondre

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