Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance/Brassard

Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance
VE A. MOREL ET CIE, ÉDITEURS (tome 5p. 223-228).

BRASSARD, s. m. (brachèles). Ce fut pendant la seconde moitié du xiiie siècle que l’on ajouta sur les manches du haubert de mailles des garnitures d’acier qui préservaient les bras (voyez Arrière-bras, Avant-bras). Mais on ne donne le nom de brassards qu’aux armures de bras, articulées et solidaires, de l’épaule au poignet. Or, ce n’est qu’à la fin du xive siècle que cette manière de couvrir les bras est généralement adoptée, en même temps que les armures complètes, c’est à-dire entièrement faites de lames d’acier assemblées et couvrant tout le corps. Cependant déjà, en France, des statues tombales du milieu du xive siècle nous montrent des brassards caractérisés et complets. Nous pouvons citer, entre autres, la statue de Charles, comte d’Alençon, tué à la bataille de Crécy[1] Ce brassard (fig. 4) se compose de trois pièces principales. Une pièce d’arrière-bras à charnières, et dont l’épaule passe sous la cotte de peau qui recouvre le haubert ; le canon d’avant-bras à charnières et la cubitière avec pièces de recouvrement, deux sur l’arrière-bras, deux sur l’avant-bras. Ces pièces étaient retenues ensemble par des courroies sous-jacentes rivées. La cubitière modèle autant que possible la forme du coude, et sa garde circulaire masque antérieurement la saignée. On portait la manche de mailles sous ce brassard ; elle servait à couvrir les défauts à l'aisselle et à la saignée.
Quand le bras était étendu, la cubitière et les plaques de recouvrement se présentaient ainsi que le montre le tracé A. Les canons d’avant et d’arrière-bras se fermaient au moyen de deux ou trois loqueteaux à boutons, ainsi qu’on le voit en B ; les boutons a entrant dans les œils b, et les collets c de ces boutons venant se prendre dans les entailles d, de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus sortir des œils que si l’on exerçait une pression sur les deux demi-cylindres d’acier. Les charnières étaient faites comme l’indiquent le détail D, les supposant dégoupillées, et le détail E en coupe. Les canons fermés, les boutons et leurs œils se présentaient ainsi qu’il est indiqué en g. L’épaule était incomplètement garantie par ces sortes de brassards, et si on levait le
bras, l’extrémité supérieure X de l'arrière-bras venait s’appuyer au-dessus de l’os d’une façon incommode. On para à cet inconvénient en ajoutant des spalières qui couvraient l’épaule et l’aisselle. Mais cette modification se fit beaucoup plus tard et à la suite de nombreux tâtonnements. On commença par articuler l’extrémité supérieure des arrière-bras et à recouvrir cette articulation d’une sorte d’épaulette de peau, quelquefois rembourrée. Montrons d’abord les brassards de la statue de Louis de Sancerre, mort en 1402[2]. Ils ne diffèrent des précédents que par les trois lames articulées sous l’épaule (fig. 2) et un double canon d’arrière-bras, lequel n’est plus à charnière et était passé comme une manche. Ces trois lames supérieures étaient recouvertes par une spallière de peau A qui était prise sous la cotte d’armes faite aussi de peau et fortement plastronnée sur la poitrine. Les gardes des cubitières sont plus développées que dans l’exemple précédent. En B, est montré le brassard du côté interne. De ce côté, les cubitières n’ont plus la garde, qui n’était utile que sur la face externe.
On voit en C l’espace laissé libre pour l’aisselle et qui était garni de mailles. Seul, le canon a d’arrière-bras était fermé ; la seconde pièce b et les plaques de recouvrement c étaient interrompues au-dessus de la saignée pour ne pas gêner le ploiement du bras. Il en était de même des plaques d. Pour que ces pièces fussent solidaires et pour qu’elles pussent se développer en raison du ploiement du bras, elles étaient attachées par des rivets à des courroies latérales internes a (fig. 2 bis), et souvent h une troisième courroie d’axe b, rivée assez lâche pour permettre aux lames de glisser les unes sur les autres. Ces courroies laissaient au poignet la facilité de tourner en décrivant une demi-révolution, suivant les mouvements du radius et du cubitus l’un
sur l'autre (voy. Cubitière). Nous ne croyons pas utile de nous attarder ici à la description des modifications de détail que subirent les brassards jusque vers 1440, époque où ils atteignirent leur dernier degré de perfection, puisque nous revenons sur ces objets aux articles Cubitière, Garde-bras et Spallière. Nous arrivons aux brassards de cette dernière époque, où l’armure de plates fut si admirablement conçue et exécutée.
La figure 3 donne l’un des brassards de la belle armure d’acier de cette date qui faisait partie de la collection du château de Pierrefonds (voy. Armure, pl. II, et Armet, fig. 1, 2 et 3). En A, est présentée la spallière avec quatre plaques articulées d’arrière-bras. Cette spallière est elle-même composée de trois plaques à recouvrement, la première étant percée d’un trou renforcé par dessous, qui entre dans un loqueteau B rivé au colletin, de manière à suspendre tout ce système. Un canon a protège l’arrière-bras au-dessus du coude. Celui-ci est garanti par la belle cubitière C, merveilleusement forgée. Puis vient le canon d’avant-bras D, à une seule charnière, fermé par un bouton et par la courroie d du bracelet du gantelet. En E, est montrée la cubitière du côté interne et le canon d’avant-bras. En F, la partie interne de l’arrière-bras sous l’aisselle ; en f, les courroies intérieures latérales d’attache rivées. La figure 3 bis présente la spallière à l’intérieur avec le système de suspension et d’attache des plaques d’arrière-bras. On voit en a le trou qui entre dans le loqueteau rivé au colletin.

  1. Déposée aujourd’hui dans l’église de Saint-Denis (marbre), provenant des Jacobins de Paris.
  2. De l’église de Saint-Denis.