Grillage <
Index alphabétique - G
> Guette
Index par tome

GRILLE, Clôture à jour en fer ou en bronze. L’antiquité romaine employait souvent le bronze coulé pour les grilles de clôture. À l’exemple des anciens, dans les premiers temps du moyen âge, ce procédé fut quelquefois adopté. Tout le monde connaît les belles grilles en cuivre coulé de Notre-Dame d’Aix-la-Chapelle, et qui datent de l’époque de Charlemagne[1]. Ces clôtures avaient été vraisemblablement fabriquées soit en Orient, soit par des artistes byzantins établis en Lombardie. Mais, outre que ces clôtures étaient fort chères, tant à cause de la matière employée que par les frais de modèle et de moulage, elles pouvaient être brisées facilement. Le fer, d’un emploi très-commun dans les Gaules dès une époque reculée, fut de préférence adopté pour toutes les clôtures à jour fabriquées pendant le moyen âge en France. L’art du forgeron était d’ailleurs développé chez nous, et il se perfectionna singulièrement pendant les XIe et XIIe siècles. Il faut savoir qu’alors on n’avait pas les moyens de fabrication introduits par l’industrie moderne ; le fer était étendu en plaques ou corroyé en forme de barres, à la main, sans le secours de ces cylindres puissants qui, aujourd’hui, réduisent instantanément un bloc de fer rouge en fil de fer. Obtenir une barre de fer longue, d’une égale épaisseur, bien équarrie et dressée, c’était là une première difficulté, dont nous ne pouvons avoir une idée, puisque tous les fers nous sont livrés, par les usines, réduits en barres de toutes grosseurs et de sections très-variées, sans que la main du forgeron ait en rien participé à ce premier travail. Bien que l’on ne puisse méconnaître les immenses avantages de la fabrication mécanique, il est certain cependant que les forgerons ont dû peu à peu perdre l’habitude de manier le fer et d’en connaître les qualités. Il y a vingt-cinq ans, on aurait vainement cherché à Paris un forgeron capable de façonner la grille la plus simple, et si nous en trouvons aujourd’hui, c’est grâce aux recherches sur les arts industriels du moyen âge, grâce à quelques-uns de ces architectes, qui, au dire de plusieurs, ne tendent à rien moins qu’à faire rétrograder l’art de l’architecture vers la barbarie. Ceci dit, afin de rendre à chacun ce qui lui est dû, occupons-nous des grilles. On comprendra sans peine que, lorsqu’il fallait réduire à la main un morceau de fer rougi en une barre, on évitait autant que possible de donner à ces barres une grande longueur. Le forgeron, obligé de retourner le bloc sur l’enclume et de l’amener peu à peu aux dimensions d’une tringle équarrie, ne pouvait dépasser certaines dimensions assez peu étendues, et devait chercher, par des combinaisons d’assemblage, à éviter les pièces très-longues, par conséquent très-lourdes. Cela seul explique pourquoi les plus anciennes grilles sont composées autant que possible, de petites pièces de forge.

Une des plus anciennes grilles que nous connaissions, et qui soit une œuvre d’art, se trouve dans la cathédrale du Puy-en-Vélay. Cette grille ouvrante, à un vantail, se compose d’un châssis de fer de 0,04 c. sur 0,02 c. d’épaisseur, contenant quatre traverses séparées par des montants de 0,015m sur 0,02 c., entre lesquels sont disposés des rinceaux de fer très-artistement composés. Cette grille date, pensons-nous, du commencement du XIIe siècle. En voici un fragment (1).
Dans la hauteur, on compte cinq panneaux de brindilles soudées à des embases et arrêtées aux montants par des embrasses B. Ces embrasses ne sont pas soudées, mais simplement contournées à chaud. Le fer forgé à la main présentant toujours des irrégularités, le forgeron, pour dissimuler ces défauts, a eu l’idée de couvrir les montants, les brindilles et leurs embases, de coups de poinçon et de burin qui donnent à cette ferronnerie un aspect brillant, précieux et fin. Le détail (2) indique ce genre de travail fait à froid.
L’irrégularité même du travail donne un charme particulier à ces pièces de forge dans lesquelles on sent partout la main de l’homme. Les montants de cette grille sont posés de champ et portent, ainsi que nous l’avons dit, 0,015m sur 0,02 c. Les brindilles ont en moyenne 0,007m sur 0,015m. Pendant le cours du XIIe siècle, le mode de fabrication des grilles ne se modifie guère ; ce sont toujours des montants compris dans des châssis et renfermant des ornements composés de brindilles de fer à section carrée ou méplate. Quand on veut donner beaucoup de force aux grilles, les montants, comme les brindilles, se présentent de champ (3) ;
quand, au contraire, on prétend donner un aspect léger à ces grilles, les montants et brindilles présentent à la vue leur côté large (4).
Ceci peut paraître étrange, car le tracé géométral produit précisément l’effet contraire ; mais les architectes du moyen âge ne se préoccupaient pas de l’effet géométral, purement de convention. Il est clair que, toute grille se voyant obliquement dans la plus grande partie de sa surface, si les fers sont posés de champ, leurs côtés larges apparaissent et se développent, ce qui donne un aspect robuste à l’ouvrage ; si les fers, au contraire, sont posés de plat, leurs faces larges diminuent par l’effet de la perspective, et les surfaces étroites n’empiètent point sur les vides. La fig. 5, qui donne le même dessin de grille, l’un, celui A, obtenu avec des fers de champ, l’autre, celui B, avec des fers de plat, fera comprendre cette loi si simple et si peu observée généralement, par suite de l’habitude que nous avons prise de ne pas nous préoccuper de l’effet perspectif en exécution. D’après le tracé géométral, la grille A semblerait légère et la grille B paraîtrait robuste, tandis qu’en exécution c’est le contraire qui a lieu.
Vers la fin du XIIe siècle, cependant, les serruriers cherchèrent, parfois, d’autres combinaisons que celles données par des enroulements de brindilles compris entre des montants et des traverses : ils assemblèrent ensemble, avec beaucoup d’adresse, des panneaux d’ornements formant, par leur réunion, de grands dessins. Cela toutefois ne fut guère employé que pour des clôtures délicates et composées de fers très-minces. M. Didron possède une très-jolie grille de ce genre, qui a été gravée dans les Annales archéologiques[2], et qui appartient certainement à la serrurerie si remarquable de la fin du XIIe siècle et du commencement du XIIIe. Ces grilles, composées de brindilles enroulées et seulement ornées de quelques coups de poinçons ou de gravures, semblèrent trop pauvres aux forgerons du XIIe siècle, lorsqu’il fallut entourer des sanctuaires, fermer certaines parties importantes des édifices religieux ou civils ; bientôt ils terminèrent ces brindilles par des ornements enlevés à chaud au moyen d’une étampe ou matrice de fer trempé. C’est ainsi que sont fabriquées les belles grilles dont nous voyons encore quelques débris dans l’église abbatiale de Saint-Denis, et dont nous donnons ici un spécimen (6).
Ces grilles, qui datent de la fin du XIIe siècle, sont forgées avec une rare perfection, et il semble qu’entre les mains de l’ouvrier le fer avait acquis la malléabilité du plomb. Les ornements ne sont étampés que sur une face. Notre figure est au quart de l’exécution ; en A, nous avons tracé la section d’une des brindilles, moitié d’exécution. L’abbé Suger avait fait faire pour son église des grilles en cuivre fondu, ainsi que le constatent les auteurs contemporains et Dom Doublet qui les avait vues ; elles ont été détruites au commencement du dernier siècle. On observera que le système de grilles en fer composées de panneaux d’ornements compris entre des montants et traverses offrait en même temps beaucoup de solidité et de légèreté ; ces panneaux pouvaient être facilement montés, démontés ou réparés, riches ou simples, très-fournis ou grêles. Il arrivait que ces panneaux étaient parfois embrevés entre des montants munis de plaques de fer débordant leur largeur et formant ainsi une suite de rainures. Beaucoup de sanctuaires d’églises étaient fermés par des grilles ainsi combinées ; nous en trouvons encore un assez bel exemple dans le chœur de l’église abbatiale de Saint-Germer[3], et, de tous côtés, des débris qui nous font assez voir que leur emploi était fréquent, que ces sortes d’ouvrages n’étaient point très-rares, et que les forgerons les façonnaient sans difficulté. Des armoires contenant des objets précieux, des tombeaux, des châsses, étaient entourés parfois de grilles d’une extrême richesse, surtout à l’époque où l’art du forgeron nous fournit les plus beaux exemples de serrurerie, nous voulons parler du XIIIe siècle (voy. Serrurerie). Ces sortes de grilles ne sont décorées que du côté de la face extérieure, et les brindilles, au lieu d’être comprises entre des montants et des traverses, sont souvent appliquées devant l’armature principale. Telle est, par exemple, la belle grille en fer qui protège le tombeau de la reine Eléonor dans le chœur de l’église abbatiale de Westminster. Nous possédons aussi, dans les magasins de l’église impériale de Saint-Denis, des fragments de grilles forgées et assemblées suivant cette méthode (6 bis),


qui avait l’avantage de roidir singulièrement les châssis simples composés de montants et de traverses. Ces enroulements de brindilles finement forgées, étampées et retouchées au burin, rivées sur des châssis en fer, leur donnaient une grande richesse en même temps qu’une solidité à toute épreuve.

Les grilles de défense des trésors, des sanctuaires, des riches tombeaux, de précieux reliquaires, présentent non-seulement un obstacle aux voleurs ou aux indiscrets, mais elles sont aussi parfois armées de pointes et de chardons qui en rendent l’escalade périlleuse : telle est la grille du sanctuaire de l’église de Conques (Aveyron), dont nous donnons (6 ter) un fragment.
Cette grille, qui n’a que 1m,40 de hauteur, non compris les couronnements, présente extérieurement, au droit de chaque montant, un appendice saillant qui ôte toute idée de tenter une escalade ; de plus, les montants eux-mêmes sont munis de fers pointus, barbelés, forgés avec soin. Les appendices A se terminent par de petites têtes de dragons qui semblent être les gardiens du sanctuaire. Cette grille curieuse est décrite et dessinée en géométral dans le tome XI des Annales archéologiques de M. Didron ; elle nous paraît appartenir à la fin du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe. Avant de présenter des modèles de grilles de clôture d’une époque plus récente, il est nécessaire de dire quelques mots des grilles dormantes et de garde scellées dans les baies vitrées, et servant à la fois de grillage et de défense. Les fenêtres de trésors d’églises, de rez-de-chaussée, de baies de châteaux, étaient souvent munies de ces sortes de grilles artistement travaillées. Nous voyons encore, à l’extérieur des baies romanes de l’église de la Brède (Gironde), des grilles du XIIe siècle, intéressantes à étudier. Leur fabrication est très-naïve, et cependant elles produisent un fort bon effet. Ces fenêtres romanes n’ont pas plus de 0,26 c. de largeur sur une hauteur de 0,90 c.
La défense (7) consiste en une seule barre verticale de fer carré de 0,03 c., avec traverses A fichées comme des clavettes à travers des renflements de la barre verticale. Ces traverses sont aplaties, 0,02 c. sur 0,007m. Des enroulements en fer plat de 0,03 c. sur 0,004m sont également traversés et maintenus, par conséquent, au moyen des traverses-clavettes A. La tige verticale est affûtée à sa partie supérieure pour entrer dans un trou pratiqué dans la clef de l’arc, et façonnée en queue de carpe à sa partie inférieure pour fournir un bon scellement. Ici donc pas de soudures, seulement de petites pièces de forge assemblées de la manière la plus naturelle. Nous avons vu aussi de ces sortes de grilles de défense posées devant des fenêtres du XIIIe siècle, et qui se composent de barres verticales en fer plat de 0,035m sur 0,02 c., avec clavettes rivées en croix, ainsi que l’indique la fig. 8[4].
Le rivet est carré afin d’empêcher les clavettes A de tourner. Il nous faut mentionner ici encore une fort belle grille dormante de défense trouvée à Agen, rue Saint-Antoine[5]. Elle remplit aujourd’hui un cintre complet de 1m,60 de diamètre, et devait, pensons-nous, garnir une rose. Six panneaux, disposés en claveaux, composent le demi-cintre, et sont maintenus au moyen de deux demi-cercles et de sept barres rayonnantes (9).
Nous donnons, en A, le détail de la pièce principale de l’un de ces panneaux formés de brindilles en fer carré de 0,008m, soudées au moyen d’embases B, suivant la méthode employée par les forgerons des XIIIe et XIVe siècles (voy. Serrurerie). Revenons maintenant aux grilles de clôtures avec parties ouvrantes. La fig. 6 nous fournit un des premiers exemples de ces sortes de grilles avec ornements étampés ; mais là, les fers sont étampés et côtelés sur le plat ; le travail était beaucoup plus difficile s’il s’agissait d’orner les brindilles sur le champ du fer. C’est cependant ce que firent souvent les forgerons du XIIIe siècle. On voit encore dans l’église de Braîne, près de Soissons, des portions de grilles dormantes d’un charmant dessin, forgées suivant cette méthode. Très-légères en apparence, ces grilles, dont les fers se présentent de champ, ont une grande solidité.
Nous donnons (10) un des fragments de leurs panneaux. En A est tracée la section des brindilles, grandeur d’exécution. Ces brindilles sont étampées des deux côtés en B et C, ce qui ajoute singulièrement à la difficulté d’exécution. L’épaisseur du champ diminue beaucoup à l’extrémité de chaque tigette portant un ornement, de manière à ce que ces ornements se renferment dans l’épaisseur EF.

Cependant l’art du forgeron, en France, ne restait pas stationnaire ; il cherchait des moyens nouveaux, des formes qui n’avaient pas encore été employées. Dès le commencement du XIVe siècle, le système des grilles composées de brindilles contournées et étampées, assemblées au moyen d’embrasses non soudées, comme les grilles de Saint-Denis, de Saint-Germer, de Saint-Aventin[6], de Braîne, de la cathédrale de Reims, n’étaient plus guère usitées ; on cherchait d’autres combinaisons, on introduisait les plaques de fer battu découpées et modelées, comme moyen décoratif, à la place des ornements étampés en plein fer. Les forgerons voulaient produire plus d’effet avec des moyens de fabrication plus simples. L’industrie se perfectionnait, mais l’art y perdait. Les rivets remplaçaient les embrasses et même les soudures ; on voulait fabriquer plus vite et avec peu de dépense ; il ne faut pas moins reconnaître que les ouvriers de cette époque étaient beaucoup plus habiles que les nôtres lorsqu’il s’agissait de manier le fer et de le soumettre à l’action du feu. En effet, pour qui a pris la peine de se rendre compte des procédés employés par les forgerons, ce qui doit surprendre dans la fabrication de ces ouvrages délicats, c’est l’égalité dans l’exécution et la malléabilité laissée au métal. Les fers de ces anciennes grilles, bien qu’ils aient dû passer au feu un grand nombre de fois avant d’arriver à l’achèvement de l’ouvrage, ne sont jamais brûlés ; ils conservent leur souplesse, et les soudures sont faites avec une perfection et une liberté très-difficiles à obtenir aujourd’hui[7]. La lime s’est chargée de rectifier les maladresses du forgeron ; alors la lime ne s’attaquait jamais aux pièces apparentes : c’était le marteau seul qui laissait son empreinte sur le fer.

Voici un fragment d’une grille de clôture du XIVe siècle (11) qui explique la transition entre le système des grilles avec ornements étampés et ceux obtenus au moyen de plaques de tôle modelées, rapportées à l’aide de rivures. Ici ce n’est pas encore la tôle rapportée, mais ce n’est plus le fer étampé ; le principe des montants et traverses persiste, chaque brindille est façonnée ainsi que l’indique le détail A ; les feuilles découpées sont obtenues aux dépens de la brindille dont le fer a été refoulé pour former une masse, aplatie ensuite au marteau. Au lieu d’être attachées aux montants par des embrasses, comme dans les grilles du XIIIe siècle, ces brindilles sont rivées latéralement en C. Les montants passés à travers les œils des traverses hautes sont rivées sous les traverses basses en D ; de plus, ils sont recouverts sur les deux faces de deux plaques minces de fer battu retouchées et gravées au burin. Ces plaques, que nous avons supprimées dans le tracé de l’ensemble de la grille, sont figurées dans le détail E ; les montants et traverses ont 0,016m de large sur 0,025m de champ ; les brindilles, 0,006m sur 0,016m de champ. La grille tout entière, d’une traverse à l’autre, porte près d’un mètre[8].

Généralement, à la fin du XIVe siècle et au commencement du XVe, les plaques de fer battu servant d’ornements sont soudées aux gros fers ou aux brindilles ; ce n’est que plus tard que la tôle rivée est employée comme décoration. Il existe, dans le cloître de la cathédrale du Puy-en-Vélay, une grille de ce genre très-habilement forgée. Nous en donnons un ensemble (12).
Chaque travée porte une accolade soudée aux contre-forts A (voy., en K, la section sur a b). Le sommet de l’accolade est rivé, en B, au montant-milieu de la travée qui est tors ; les autres montants sont à section carrée de 0,015m de gros. Les trèfles C sont aplatis à la forge aux dépens des extrémités des redans. Les fleurons D sont en tôle et soudés aux accolades. Entre chaque montant, de petites plaques de tôle découpée et embrévées forment l’arcature E (voy. le détail G). Les fleurons du couronnement sont également en tôle et soudés avec soin aux pointes des fers. Les bases et chapiteaux des montants, les profils des contre-forts sont façonnés au marteau, sans trace de lime. On posait souvent alors (vers le commencement du XVe siècle) les montants ou traverses sur l’angle, comme l’indique le dessin ci-contre. Cela permettait parfois de maintenir les ornements de remplissage sans avoir recours aux rivets ou aux embrasses. En voici un exemple remarquable qui provient de la cathédrale de Constance (13).
On voit ici comment le fer diagonal A est maintenu prisonnier par les deux entailles qui entrent dans les deux traverses B posées sur l’angle. Dans cet exemple, les fers plats des brindilles rivées en C aux fers diagonaux se convertissent en plaques de tôle découpée à leur pli D, et ces tôles sont toutes variées, comme l’indiquent les divers tracés H. Dans le cloître de cette dernière cathédrale, on voit encore une jolie grille du XVe siècle, sans ornements de fer battu ou étampé, mais dont la composition simple et le procédé de fabrication méritent d’être signalés (14).
De distance en distance, des contre-forts A reçoivent des traverses B, à travers lesquelles passent les montants C posés d’angle. Ces montants sont, de deux en deux, élégis à leur partie supérieure, ainsi que l’indique le détail D, pour recevoir les brindilles E et leurs rivets. Les autres montants F possèdent un tenon, qui vient s’assembler dans la corniche supérieure, à travers les brindilles, en G.

L’ornementation inférieure présente une construction analogue. Les brindilles se retournent le long des contre-forts, comme nous le voyons en I, et les traverses L les fixent à ces contre-forts, ainsi que l’indique le détail O. D’autre part, ces brindilles s’appuient le long des évidements façonnés à la partie inférieure des lances P auxquelles des rivets les attachent. Les montants F passent, à travers ces brindilles, en R, pour venir s’assembler dans la barre horizontale S. On comprend que ce système de ferrures est fort solide ; les brindilles ne sont pas seulement attachées par des rivets, mais dépendent de la structure principale, puisque les montants ou les traverses les arrêtent d’une manière sûre par des tenons. Les montants sont en fer carré de 0,015m, les contre-forts en fer de 0,03 c. sur 0,025m, les traverses en fer de 0,03 c. sur 0,02 c.

Les derniers exemples de grilles que nous venons de donner indiquent, la plupart, des couronnements plus ou moins riches. En effet, les grilles du moyen âge en possédaient toujours, à moins qu’elles ne fussent disposées pour servir d’appuis. Ces couronnements prennent parfois, à dater du XVe siècle, une grande importance, et ne sont que la prolongation décorée des montants dépassant la traverse supérieure. Dans les baies de la clôture du chœur de la cathédrale de Toulouse, on remarque des grilles dormantes, très-simples d’ailleurs, fabriquées au XVe siècle, et dont les couronnements remplissent les trilobes d’une arcature en pierre.


Voici (15) l’un d’eux. Les grilles dormantes des fenêtres de châteaux ou de maisons sont presque toujours terminées par des couronnements que l’on peut considérer comme un épanouissement des montants. Nous citerons ici les grilles des fenêtres du château de Tarascon (XVe siècle). Ces grilles se composent de montants serrés pénétrant des traverses à œils renflés et formant avec eux des carrés parfaits. Les deux montants extrêmes et celui du milieu sont terminés (16) par des fleurons de tôle soudée, tandis que les extrémités inférieures de ces mêmes montants sont affûtées en pointes très-aiguës.


Chaque montant est scellé dans la pierre par un coude en équerre, ainsi que l’indique le profil A. Il en est de même des traverses. Souvent les montants de grilles dormantes de fenêtres sont terminés à la partie supérieure et à l’extrémité inférieure par des pointes de fer très-ouvragées qui présentent des défenses formidables ; ces sortes de grilles épineuses, dont nous présentons (17) un spécimen,

étaient placées devant les fenêtres des châteaux, afin d’éviter surtout les tentatives de trahison, l’introduction d’ennemis dans une place de guerre au moyen d’échelles, par les ouvertures donnant sur le dehors. Ces grilles, profondément scellées au plomb à chaque traverse A et même quelquefois à chaque montant, ne pouvaient être arrachées qu’après un long travail. Les mesures de précaution étaient même poussées si loin que, dans certains cas, les montants et traverses étaient assemblés de telle façon qu’il devenait impossible soit de faire couler les montants dans les œils des traverses, soit les traverses dans les œils des montants, ces œils étant alternativement pratiqués dans les traverses et les montants (18).
Il fallait être fort habile forgeron pour fabriquer de pareilles grilles, car chaque œil renflé devait être forgé à mesure que l’on assemblait les traverses et les montants ; c’est-à-dire que la grille devait être forgée toute brandie, ce qui devait occasionner un travail considérable. L’ouvrier devait ainsi mettre au feu chaque maille de grille un certain nombre de fois. Mais ces hommes semblaient se jouer avec les difficultés de main-d’œuvre qui aujourd’hui nous paraissent insurmontables. L’exemple que nous donnons ici provient d’une maison de Constance. On trouve des grilles de ce genre, c’est-à-dire à œils alternés, à Troyes, à Strasbourg, et dans beaucoup de localités du Nord et de l’Est. Elles datent des XIVe, XVe et XVIe siècles. Celle-ci (fig. 18) est du commencement du XVIe siècle. Toutefois, l’habileté des forgerons n’est pas égale dans toutes les provinces qui composent la France de nos jours. On travaillait beaucoup mieux le fer au nord de la Loire et dans les provinces voisines du Rhin que dans l’Ouest et dans le Midi. Certaines grilles appartenant à des édifices du XVe siècle, sur les bords de la Garonne, par exemple, quoique bien composées, ne peuvent être comparées aux ouvrages de ferronnerie de l’Île-de-France, de la Picardie ou des Flandres.
On voit encore, dans l’église Saint-Sernin de Toulouse, une grille (19) qui clôt le chœur au droit des piles du transsept ; quoique cette œuvre de serrurerie soit fort bien entendue, comme composition, le travail en est des plus grossiers. Les montants en fer carré, lourdement travaillés, se terminent par des couronnements E en fer battu et soudés. Des frises en tôle façonnée et ajourée A et B masquent les traverses de la grille et leurs trous renflés, ainsi que l’indique le profil D. Les tôles de la traverse b, détaillées en B, se terminent par un petit crénelage avec rosaces, dont le figuré perspectif C explique la façon. Les tôles des traverses ab, AB, sont maintenues par des rivets qui passent au-dessus et au-dessous des barres horizontales ; elles sont donc entièrement indépendantes des grilles et ne servent qu’à la décoration de l’œuvre. Ces grilles, qui datent de la fin du XVe siècle, sont des premières où la tôle rapportée et rivée remplace les plaques de fer battu et soudées. Cela simplifiait la fabrication, allait permettre de décorer la serrurerie d’une façon très-riche, mais devait peu à peu supprimer l’école des forgerons, si brillante pendant une partie du XIIe siècle et tout le cours du XIIIe. Cette école, cependant, n’était pas près de s’éteindre dans les provinces du Nord-Est, ainsi que nous venons de le dire, et la serrurerie des XVe et XVIe siècles est, comme œuvre de forge, sur les bords du Rhin, dans les Flandres, en Suisse et en Bavière, d’une exécution parfaite. Nous ne savons pas quel fut le forgeron qui fabriqua les grilles du tombeau de Maximilien à Innsbruck ; mais, comme œuvre de serrurerie, ces grilles sont supérieures à tout ce que nous connaissons en ce genre (voy. Serrurerie). À la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, on trouve assez souvent, dans les provinces de l’Est, des grilles dont les panneaux sont façonnés ainsi que l’indique la fig. 20.
Tout le compartiment est formé d’une seule tige de fer rond de 0,012m de grosseur, se repliant sur elle-même et se pénétrant, comme le fait voir le tracé A. À l’article serrurerie, nous décrivons les procédés de fabrication de ces sortes de grilles, qu’à grand’peine, et après avoir brûlé bien des tringles de fer, nous sommes parvenus à faire reproduire par des forgerons très-habiles. Cependant ces sortes de grilles composées de tiges de fer se pénétrant en tous sens sont assez communes pour que l’on doive admettre qu’on les façonnait aux XVe et XVIe siècles sans difficultés. Elles présentaient, quoique légères, une parfaite solidité ; car ce qui aujourd’hui rend les grilles peu solides, malgré le poids extraordinaire qu’on est obligé de leur donner, ce sont ces tenons et ces goupilles qui font de la serrurerie une fabrication que l’on pourrait comparer à la menuiserie. Assembler des fers au moyen de tenons et de mortaises avec goupilles eût paru aux forgerons du moyen âge et de la Renaissance une énormité ; ce moyen, convenable lorsqu’il s’agit de menuiserie, ne s’accorde point avec la nature du fer et les dimensions qu’on doit donner aux parties d’une grille. De fait, nous ne savons plus souder le fer, nous l’assemblons ; ce n’est plus là de la serrurerie ; et cependant nous croyons savoir employer les métaux propres aux bâtiments beaucoup mieux que ne le faisaient les serruriers qui nous ont précédés de quelques siècles. Il est clair que la grande fabrication, celle des usines, s’est développée de notre temps d’une manière remarquable ; mais il est certain aussi que la main-d’œuvre est tombée bien au-dessous de ce qu’elle était il y a quelques siècles, lorsqu’il s’agit de travailler le fer. On a fait cependant encore de fort belles grilles en France pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ; mais la tôle repoussée et rivée joue le rôle principal dans la décoration de ces ouvrages ; on a perdu les procédés de soudure si habilement pratiqués par les corporations de forgerons des temps antérieurs.

  1. Voy. Gailhabaud, Architecture du Ve au XVIIe siècle, t. IV.
  2. T. X, p, 117.
  3. Voy. l’Encyclopédie d’architecture. Bance, éditeur.
  4. Maison à Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne).
  5. Par M. Alaux, architecte. Cette grille, ou plutôt ce fragment de grille, est disposé aujourd’hui sous le cintre d’une porte d’habitation dont la construction remonte à une époque assez récente. Le centre de la grille n’existe plus, nous le supposons rétabli.
  6. Voy. Gailhabaud, L’Architecture du Ve au XVIIe siècle et les arts qui en dépendent, t. IV.
  7. Nous ne voulons pas paraître injuste envers notre temps : avec un peu de persistance et de bons avis on arrive encore aujourd’hui à faire fabriquer ces ouvrages de ferronnerie. D’ailleurs ce ne sont jamais les ouvriers qui nous font défaut en France. L’obstacle, c’est la routine, ce sont les préjugés ; tranchons le mot : l’ignorance des chefs, ignorance passée à l’état de privilège inattaquable.
  8. Provenant d’une clôture, magasins de Saint-Denis.