Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Quai

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QUAI, s. m. (quay). Mur de soutènement élevé pour maintenir les berges d’une rivière ou d’un port, pour encaisser les cours d’eau, éviter les inondations ou les empiétements.

Les ports antiques étaient munis de beaux quais, et, dans toutes les villes romaines élevées sur le bord des fleuves, des quais réglaient leur cours. Nos villes du moyen âge laissent voir souvent encore des traces de quais, bien bâtis, en gros quartiers de pierre.

Les anciennes murailles romaines de la Cité de Paris servirent longtemps de quais, et l’on en retrouve la trace sur beaucoup de points ; mais on n’éleva qu’assez tard des quais sur les rives de droite et de gauche de la Seine et lorsque la ville s’était déjà fort étendue au nord et au sud.

« Anciennement, dit le P. du Breuil[1], le long du petit bras de la Seine, qui passe par dessous le pont Saint-Michel, et s’estend jusques à la porte de Nesle[2], il n’y avoit point de muraille du costé des Augustins : ains seulement une saulsaye, à l’ombre de laquelle les habitants de Paris souloient promener et rafraîchir en esté. Mais pource qu’en hyver le débordement des eaux venoit jusques dans les maisons de la dicte rue. Le roy Philippe quatrième, dit le Bel, commanda aux prevost et eschevins de Paris de faire (ou plustot continuer le quay ja commencé) de grosses murailles en toute diligence avant l’hyver, par ses lettres patentes données in regali abbatia beatæe Mariæ, juxta Pontisaram (qui est Maubuisson), le 9 de juin 1312… »

Les murs de ce quai existaient encore en partie avant les travaux de canalisation du petit bras de la Seine. Ils étaient faits en belles assises réglées de roche de la plaine.

Sous François Ier et Henri II, on construisit à Paris des quais sur les deux rives de la Seine, depuis la vallée de Misère jusqu’à la porte Neuve en aval du Louvre[3], et depuis la porte Saint-Bernard jusqu’au bas de Saint-Victor[4].

La construction de ces quais ne différait pas de celle adoptée de nos jours ; elle consistait en un mur très-épais en blocage revêtu extérieurement d’un parement de pierre de taille ; quelquefois, si ces murs de soutènement avaient beaucoup de relief, on leur donnait de la résistance et de l’assiette par des contre-forts intérieurs noyés dans les remblais. La place étant rare, dans la plupart des villes du moyen âge, on cherchait à gagner sur la rivière au moyen d’encorbellements, sans rétrécir le chenal. Mais ce mode de construction, dont nous donnons un exemple (fig. 1), avait l’inconvénient de présenter une suite d’obstacles au cours de l’eau dans les fortes crues, et on ne l’employa guère que si les murs de quais avaient un très-grand relief au-dessus de l’étiage. On préféra, dans certaines circonstances, laisser un chenal voûté sous le quai, en posant le mur extérieur sur des piles isolées réunies par des arcs. Quelques portions de quais avaient ainsi été construites à Paris, notamment le long de la Cité, côté nord. La ville de Lyon possédait d’assez belles parties de quais sur la rive droite de la Saône dès le XVe siècle, qui avaient été élevées pour garantir cette rive basse, le long des coteaux de Fourvières ; contre les inondations de la rivière. Toutefois ces travaux, dans les grandes villes du moyen âge, manquaient d’ensemble ; ils étaient fractionnés, laissaient des lacunes, des berges abandonnées. Il fallait, ou la puissance romaine, ou notre centralisation administrative moderne, avec ses moyens d’expropriation, pour pouvoir ordonner et mener à fin tout un système de quais le long des rives d’un fleuve traversant une ville populeuse. Ce n’est que de nos jours, en effet, qu’on a pu établir des lignes de quais continues dans des villes comme Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes, Rouen, etc., et notre génération a vu encore, dans la plupart de ces grandes cités, les maisons, sur bien des points, baignées par les cours d’eau.

  1. Le Théâtre des antiquités de Paris, édit. de 1612, p. 772.
  2. Le quai Conti.
  3. Corrozet, Antiquités de Paris, p. 160.
  4. Du Breuil, p. 771.