Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Ossuaire

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OSSUAIRE, s. m. Construction couverte, élevée dans les cimetières pour y déposer les ossements que l’on retrouve dans la terre sainte, lorsqu’on y creuse de nouvelles fosses. Autrefois tous les cimetières possédaient un ossuaire. Quelquefois, comme au cimetière des Innocents, à Paris, l’ossuaire n’était qu’un cloître, sous les lambris duquel on plaçait successivement les ossements que la multiplicité des sépultures mettait à découvert. Sur les parois des églises, et même des deux côtés de leur porte principale, on pratiquait aussi des enfoncements abrités par un bout de galerie de cloître, et dans ces enfoncements garnis de grilles serrées on jetait les ossements dont regorgeait la terre des cimetières. Un ossuaire de ce genre (1) existait sur l’un des côtés de la façade de l’église de Fleurance (Gers).
Plus souvent l’ossuaire formait comme une chapelle percée d’une quantité de petites baies, à travers lesquelles on apercevait les ossements accumulés peu à peu à l’intérieur. La Bretagne conserve encore un assez grand nombre d’ossuaires qui datent des XVe et XVIe siècles, et l’on n’a point cessé d’y déposer des ossements ; quelques-uns en sont remplis jusqu’au comble. Lorsque les ossements exhumés par le creusement de nouvelles fosses appartiennent à des morts auxquels on a pu donner un nom, les familles font enfermer le chef, le crâne du mort, dans une petite boîte surmontée d’une croix, et ces boîtes sont posées sur l’appui des nombreuses baies de l’ossuaire. La fig. 2 représente une vue de l’ossuaire du Faouët (Finistère), qui se trouve accolé à l’église et donne sur le cimetière[1].

Dans des églises des provinces méridionales, surtout dans le pays basque, nous avons vu souvent, à l’extérieur des absides des églises rurales entourées de leur cimetière, des niches pratiquées sous les appuis des fenêtres et dans lesquelles se trouvent rangés avec soin des crânes recueillis en remuant la terre sainte. Les caveaux pratiqués sous certaines parties des églises servaient quelquefois aussi d’ossuaires.

Le désir d’être enterré le plus près possible des églises, lorsqu’on ne pouvait l’être dans son enceinte même, faisait rapprocher les tombes autour des fondations « sous l’égout du toit. » Des ossuaires étaient donc habituellement disposés entre les contreforts des nefs, comme pour satisfaire au vœu habituel des mourants. C’est ce qui explique pourquoi les galeries de cloître accolées aux églises étaient, du côté opposé à la claire-voie, percées d’enfoncements, de réduits, sortes d’armoires, dans lesquels on rangeait les ossements rendus au jour par la bêche du fossoyeur ; réduits ou armoires dont notre figure 1 donne la disposition. Si on construisait des ossuaires en dehors des églises, on devait en avoir aussi pour l’intérieur, car on n’aurait pas voulu rejeter au dehors des ossements de fidèles découverts dans l’intérieur. Mais comme on ne devait exhiber dans l’intérieur de l’église que les restes de personnages saints, on plaçait les os sortis d’anciennes sépultures inconnues dans de petits caveaux, dans certaines parties des cryptes, ou, comme nous l’avons vu quelquefois, dans des trous pratiqués à travers les maçonneries et murés. Cet usage était fréquent chez les religieux, et nous avons découvert, en réparant de vieux murs d’églises abbatiales, de ces réduits murés entièrement remplis d’ossements humains provenant évidemment de plusieurs corps.

  1. Nous devons le dessin de cet ossuaire à M. Gaucherel.