Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Oratoire

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ORATOIRE, s. m. Petite chapelle élevée sur le lieu témoin d’un événement considéré comme miraculeux, ou pour conserver un souvenir religieux. On donne aussi le nom d’oratoire à certaines chapelles dépendant des appartements d’un château, d’un palais ou d’un hôtel. On appelait encore oratoires, pendant le moyen âge, des clotets, c’est-à-dire de petites chambres tapissées que l’on dressait dans les grandes chapelles de châteaux et qui étaient destinées aux châtelains et à leurs proches.

Lebeuf, dans son Histoire du diocèse de Paris[1], mentionne certains oratoires élevés dans les endroits où saint Germain s’était arrêté pour prier ou pour instruire le peuple. Les anciennes abbayes possédaient, outre la principale église, des oratoires élevés en plusieurs lieux de l’enclos. C’est pour perpétuer les souvenirs que rappelaient de très-anciens oratoires, qu’en 1034 on rebâtit les petites chapelles de Saint-Martial à Paris, qu’un incendie avait détruit[2]. La plupart des monastères ne furent, dans l’origine, qu’un oratoire élevé au milieu d’un désert et autour duquel des cénobites vinrent s’établir. Saint Clément érigea ainsi un oratoire en un lieu dit Gorze, près de Metz, qui devint bientôt le centre d’un grand monastère[3]. Un oratoire avait été érigé en face le monastère de Sennoul pour y déposer les reliques de saint Siméon. C’est retiré dans son oratoire, à Vienne, en Dauphiné, que l’archevêque Turpin ou Tulpin apprit la mort de Charlemagne à Cologne par plusieurs diables qui s’en retournaient sans avoir pu enlever l’âme de l’empereur, disaient-ils, si l’on en croit la chronique de Richer. Charlemagne fit bâtir aussi un grand nombre d’oratoires, parmi lesquels il faut citer celui de la vallée de Moyen-Moustier, élevé en l’honneur de saint Denis, et dans lequel était conservé le corps du pape Alexandre, martyr, recueilli à Rome. Cet oratoire était pavé en mosaïque et exista jusqu’en 1586[4]. À Cluny, à Clairvaux on conservait encore, au dernier siècle, les oratoires de saint Odilon et de saint Bernard : c’est-à-dire les cellules isolées dans lesquelles se tenaient habituellement ces personnages. Bien entendu, ces chambrettes n’étaient remarquables que par leur extrême simplicité.

On disposait aussi certains oratoires au milieu des forteresses du moyen âge ; placés sous le vocable d’un saint particulièrement vénéré dans la contrée et dépositaires de quelques-unes de ses reliques, ils protégeaient les défenses.

C’est ainsi qu’au milieu de la cité de Villeneuve-lès-Avignon, on voit encore un oratoire du XIIe siècle conservé au milieu de l’enceinte rebâtie au XIVe siècle.


La figure 1 donne le plan de cette petite chapelle, et la figure 2 son élévation perspective.

Outre la chapelle, qui était commune à tous les familiers, les châteaux possédaient un ou plusieurs oratoires tenant aux appartements du châtelain et de la châtelaine. Ces oratoires n’étaient autre chose qu’une petite pièce retirée, ordinairement placée dans une tour. On s’y enfermait pour prier, mais on n’y faisait pas l’office divin. Ce ne fut guère qu’au XIVe siècle que les oratoires de châteaux devinrent par fois de véritables petites chapelles dans lesquelles on pouvait dire la messe.

En 1365, Charles V fit disposer dans la chapelle du château du Louvre un oratoire très-richement décoré, afin de s’y retirer lorsqu’il voulait assister à la messe[5]. Louis XI fit de même bâtir, entre deux des contre-forts de la Sainte-Chapelle du Palais, à Paris, un oratoire d’où il pouvait voir l’office par une petite baie biaise, sans être vu des assistants. Cet oratoire, qui existe encore, est voûté en berceau et fort simple ; il était probablement tendu en tapisseries. L’extérieur est, au contraire, richement décoré de fines sculptures et terminé par une balustrade fleur-de-lysée avec un L couronné au centre. Un oratoire est accolé également à la Sainte-Chapelle du château de Vincennes (voy. chapelle).

  1. T.I, p.102.
  2. Lebeuf, t. II, p. 498.
  3. Chroniq. de Richer, l. II, chap. III.
  4. Chroniq. de Richer, l. II, chap. IX.
  5. Sauval. Hist. et antiq. de la ville de Paris, t. II, p. 22.