COLONNETTE, s. f. Petite colonne ; s’applique aussi, lorsqu’il est question de l’architecture du moyen âge, aux colonnes dont le fût très-allongé est d’un faible diamètre, aux colonnes cantonnant les piles de l’architecture gothique, ou aux colonnes secondaires cantonnant les piles de l’architecture romane de transition.
Les colonnettes cantonnant les piles romanes de transition dépendent toujours de la construction jusque vers 1160, c’est-à-dire qu’elles font partie des assises de ces piliers ; mais, à partir de cette époque jusque vers 1220, elles sont indépendantes de la construction en assises, sont détachées et posées en délit. À dater de 1230, on les voit de nouveau faire partie des assises jusqu’à la fin de la période gothique (voy. Construction). Il va sans dire que cette règle n’est pas sans exceptions.
Les architectes romans placèrent souvent, dans les cloîtres, les galeries, dans les baies jumelles, des colonnettes isolées ou accouplées portant des arcs ; ces colonnettes sont faites en pierre dure et même en marbre. Dans les cloîtres des provinces méridionales, elles sont souvent sculptées ; leurs fûts sont ornés de torsades, de cannelures, d’enroulements, de rinceaux, de feuillages, d’imbrications, quelquefois même de sujets légendaires. Le cloître d’Elne près Perpignan présente une quantité de ces colonnettes de marbre dont tous les fûts sont couverts d’ornements variés des XIIe et XIVe siècles.
Nous donnons (1) deux de ces fûts : l’un, celui A, date du XIIe siècle ; l’autre, celui B, appartient à la restauration entreprise au XIVe[1].
L’antiquité romaine et beaucoup de monuments gallo-romains possédaient déjà des colonnes ornées de sculptures peu saillantes ; cette tradition fut suivie par les architectes des XIe et XIIe siècles. Cependant ceux-ci n’employèrent ce genre de décoration que dans des cas particuliers, pour les cloîtres, ainsi que nous venons de le dire, et pour les portails, afin de donner une grande richesse apparente aux entrées des édifices. Le XIIe siècle fut prodigue de colonnettes sculptées. Il nous suffira d’en donner quelques exemples. Ceux présentés (2) proviennent de l’église paroissiale de Tournus, XIIe siècle (basse ville). La cathédrale d’Autun, les églises de Saint-Andoche de Saulieu, de l’abbaye de Vézelay, de Saint-Lazare d’Avallon, et en général les monuments de la Saône, du Rhône, de la Haute Marne et de la Haute Loire, montrent, sur leurs portails, des colonnettes curieusement sculptées. Le porche nord de la cathédrale du Puy-en-Vélay, si remarquable par son ornementation, conserve des fûts de colonnettes d’une extrême délicatesse de sculpture (3). Celui-ci est composé de tambours alternativement noirs et blancs ; ce qui, joint à la gaufrure qui le couvre, produit beaucoup d’effet. On remarquera encore ici que l’astragale est taillée sur plan carré, et que la colonnette arrive du cylindre à ce plan carré par un ornement C. Les lits des tambours noirs et blancs sont alternativement placés en A et en B. Si nous nous rapprochons de l’Île-de-France, l’architecture du XIIe siècle est plus avare de ces sortes de décorations appliquées aux colonnettes ; et lorsqu’elle les emploie, c’est toujours dans des cas particuliers, comme, par exemple, pour les colonnettes qui sont placées entre les statues des portails, et ces décorations ne détruisent pas ainsi la solidité apparente que doit conserver un support. Le portail de l’église de Saint-Denis, le portail Royal de la cathédrale de Chartres nous fournissent de beaux exemples de colonnettes sculptées posées dessous ou entre les statues. Voici (4) une des colonnettes d’entre-deux des statues (portail Royal de la cathédrale de Chartres), et (5) une de celles qui supportent les statues. Les colonnettes du XIIe siècle sont souvent torses et quelquefois à six ou huit pans. Le portail de l’église de Saint-Lazare d’Avallon, qui est un des exemples les plus remarquables de l’architecture fleurie du XIIe siècle, possède des colonnettes à pans, torses (6), taillées avec une rare perfection dans un seul morceau de pierre. L’imagination des derniers architectes romans va très-loin dans l’ornementation des colonnettes, et jusqu’à leur donner l’apparence d’un corps élastique, flexible. Sur les ébraiements de cette même porte de Saint-Lazare d’Avallon, nous voyons un fût de colonnette torse qui présente un réseau de cordelettes (7).L’architecture du XIIIe siècle renonça entièrement à décorer les colonnettes. Les architectes gothiques étaient trop rationalistes pour donner à des supports cette apparence flexible. Ils se contentèrent parfois, seulement, de les orner de peintures (voy. Peinture ).
À partir de cette époque, on voit les colonnettes (quelle que soit d’ailleurs la longueur de leur fût) adopter des diamètres qui varient peu, 0,16 c. (six pouces), 0,11 c. (quatre pouces), et les plus fines, celles des meneaux, par exemple, 0,08 c. (trois pouces).
Les architectes romans diminuent généralement les colonnettes isolées des cloîtres et des galeries, jamais celles occupant des angles rentrants et cantonnant des piles : car, dans ce dernier cas, la diminution des fûts eût produit un fâcheux effet. C’est sur les bords du Rhin que nous trouvons des édifices romans dans lesquels les colonnettes sont taillées en cône très-prononcé. Dans la cathédrale de Worms, par exemple, les galeries extérieures présentent une suite de colonnettes dont la diminution au sommet est très-sensible (8). Les architectes gothiques ne diminuent leurs colonnettes isolées que très-rarement. Cependant celles de l’arcature de la Sainte-Chapelle de Paris le sont, mais très-faiblement. Au XIVe siècle, on ne trouve plus guère de colonnettes isolées ; celles-ci se subdivisent en plusieurs membres comme les arcatures qu’elles portent. Elles commencent, à cette époque, à porter un nerf saillant, qui peu à peu arrive à la forme prismatique.La renaissance, en reprenant la colonne antique, la décora, souvent d’arabesques, de cannelures, de rinceaux. On peut voir, à l’École des beaux-arts, à Paris, des colonnes provenant du château de Gaillon qui sont fort richement sculptées. La tourelle de l’hôtel de la Trémoille, à Paris, était portée sur deux colonnettes délicatement sculptées. Elles sont également déposées à l’École des beaux-arts.
- ↑ Nous devons ces dessins à l’obligeance de M. Laisné, architecte.