Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Bossage

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BOSSAGE, s. m. C’est le nom que l’on donne au parement saillant brut d’une pierre, dont les arêtes seulement sont relevées par une ciselure, ainsi que le démontre la fig. 1. Dans des constructions de pierre de taille que l’on veut élever rapidement, en n’employant que la main-d’œuvre rigoureusement nécessaire pour permettre de poser les assises sans perte de temps, on s’est quelquefois contenté de tailler les lits, joints et les arêtes des pierres, sans se préoccuper de parementer les surfaces comprises entre ces arêtes. Les Romains ont fait usage de ce mode rapide de construire, et, pendant le moyen âge, nous voyons certaines bâtisses dans lesquelles on a laissé des bossages bruts sur la face vue de chaque pierre. C’est particulièrement dans les ouvrages de fortification de la fin du XIIIe siècle que ce genre de construction apparaît, surtout dans les contrées où la qualité très dure de la pierre ne se prête pas à la taille. Toutes les parties de l’enceinte de la cité de Carcassonne, bâties sous Philippe le Hardi, ont des parements à bossages ; nous en voyons également, vers la même époque, à la grosse tour de l’ancien archevêché de Narbonne, à Aigues-Mortes, etc.

Les bossages disparaissent des parements de pierre pendant les XIVe et XVe siècles, pour reparaître au XVIe, avec l’imitation de l’architecture italienne. Ils deviennent même alors un motif de décoration dans l’architecture civile et militaire ; ils sont ou bruts, ou taillés en tables (2),
en pointes de diamant (3), en demi-sphères (4), comme on peut le voir dans quelques tours fortifiées de la fin du XVe siècle ou du commencement du XVIe[1], et notamment sur les parements de la grosse tour de la porte nord de l’enceinte de Vézelay, bâtie au commencement du règne de François Ier.

Pendant le développement de l’architecture de la renaissance, on voit les bossages se couvrir de divers ornements, tels que vermiculures[2], emblèmes, chiffres, réseaux, etc. Le rez-de-chaussée de la grande galerie du Louvre, du pavillon d’Apollon au pavillon Lesdiguières, nous fournit de nombreux exemples de ce genre de décoration de bossages.

  1. Ces bossages hémisphériques se trouvent souvent sur les parements des fortifications élevées au moment de l’emploi régulier de l’artillerie à feu. Ils figuraient évidemment des boulets.
  2. Ce genre d’ornementation est une imitation des effets que produit le salpêtre sur certaines pierres calcaires tendres, particulièrement à l’exposition du sud. Les tailleurs de pierre et les carriers attribuent encore aujourd’hui cet effet singulier de décomposition à l’influence de la lune.