Dictionnaire pratique et historique de la musique/Tabulature
Tabulature, n. f. Notation musicale conventionnelle usitée pour certains instruments, du moyen âge jusque vers le xviiie s. Les notations alphabétiques (voy. ce terme) ont été à l’origine une véritable T. La musique pour instruments à clavier semble avoir été couramment écrite en notes usuelles, en France et en Italie. Cependant, en Angleterre, au xive s., les organistes se servaient d’une notation spéciale, combinant les notes usuelles et la notation alphabétique.
Mais longtemps encore, les organistes et clavecinistes conservèrent le nom de T. aux partitions écrites pour ces instruments, tantôt avec deux portées de cinq lignes, tantôt avec une
seule de onze lignes portant les trois
clefs, ou des portées au nombre variable.
Frescobaldi use volontiers
à la main droite d’une portée de six
lignes, à la gauche de huit lignes.
Au xve s., l’Allemagne usait d’une T. par lettres, modification de la notation alphabétique et qui subsista jusque dans le xviie. Elle est expliquée en détail par Ammerbach dans son Livre d’orgue (1571). Pour une étendue de quatre octaves, les lettres de A à G (avec l’H remplaçant le B, voy, bémol), ou selon d’autres, de C à H, étaient répétées quatre cois, soit pour l’octave grave en majuscules ou en lettres soulignées C D E etc., ou c d e, etc. ; pour la seconde octave en lettres ordinaires (minuscules) ; pour la troisième et la quatrième, en lettres surmontées d’un trait ou de deux, h c d e, etc., et h c d e, etc. Ces signes étaient appelés claves, clefs. Les accidents se marquaient par la croix ou le b cancellatum, l’élévation d’une note au demi-ton supérieur, par une virgule jointe à la lettre c c, d d, etc. Les valeurs étaient exprimées au-dessus des lettres par la lettre a, surmontée d’un point pour la brève, d’un petit trait vertical, pour la semi-brève, et d’un petit trait avec queue à droite, etc., pour la minime et ses divisions.
En Espagne, on usait de la notation chiffrée (voy. ce terme) tant pour les instruments à clavier que pour le luth ou la harpe.
En Italie et en France, la T. était réservée au luth et à la guitare. Mais il y a eu plusieurs systèmes opposés de T. de luth. La T. de luth française du milieu du xvie s., du temps d’Albert de Ripe, Adrien le Roy, et autres, comportait une portée de cinq lignes et
des lettres conventionnelles placées
dans les interlignes, les valeurs étant
indiquées au-dessus, dans le genre des
signes usités dans la T. allemande. Les
lignes représentaient les cordes de
l’instrument, la ligne supérieure équivalant
à la corde la plus aiguë, la chanterelle.
Vers la fin du xvie s., on ajoute
une ligne au grave ; et l’on commence
à prendre aux Italiens l’habitude d’enfiler
les lettres sur les lignes.
Les cordes à vide étaient
indiquées par a, chacune
correspondant à l’accord
choisi (voy. Accord et Luth) ;
les lettres suivantes indiquaient
les demi-tons en montant.
La T. italienne, à l’inverse de la française, plaçait la chanterelle à la ligne inférieure, et la plus grave en haut, et se servait des chiffres enfilés. Les cordes à vide étaient marquées par 0, chacune, comme précédemment, correspondant à l’accord, et les chiffres suivants indiquant les demi-tons en montant. (Voy. l’exemple à la page suivante.)
La T. disparut au xviiie s., avec l’usage du luth lui-même. Encore les derniers recueils de musique de luth sont-ils notés en notation de clavier, sur deux portées de clef de fa et de sol.