Dictionnaire pratique et historique de la musique/Renversement

Renversement, n. m. Transport du son aigu d’un intervalle au-dessous du son grave, ou des sons aigus d’un accord au-dessous du son fondamental, ou réciproquement. Par le renversement, un intervalle majeur devient mineur, un intervalle augmenté devient diminué, et réciproquement. L’unisson devient octave ; la seconde devient septième ; la tierce devient sixte ; la quarte devient quinte ; la quinte devient quarte ; la sixte devient tierce ; la septième devient seconde ; l’octave devient unisson. Les accords sont susceptibles d’autant de reversements qu’ils comptent de sons différents en outre du son fondamental. Chaque renversement produit un état nouveau et porte un nom spécial, exprimant l’ordre dans lequel sont disposés les intervalles qui le composent. (Voy. Accord.) Si, en présence d’un accord renversé, on veut connaître son état fondamental, il faut faire descendre sa note grave de tierce en tierce en la faisant suivre de près par les autres notes, jusqu’à ce que l’on ait obtenu la série de tierces superposées qui caractérise tout accord à l’état fondamental :


\language "italiano"
porteeA = \relative do''' {
  <sol fa re si>1 | <fa re si sol> \bar "||" <fa re si la> | <la, fa re si> \bar "||" <re si sol fa> | <si sol fa re> | <fa re si sol> \bar "||"
}
\score {
   \porteeA
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves 
                      \remove Time_signature_engraver
    }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
 }
\header { tagline = ##f}

Le principe du R. est admis déjà pour le contrepoint dans le Traité de Guillaume le Moine, fin du xive s. : le R. d’un intervalle dans la même octave ainsi que son redoublement dans l’octave supérieure, sont tenus pour semblables à l’intervalle lui-même, ce qui est le germe du contrepoint double. Le renversement d’un dessin mélodique est un des artifices de contrepoint dont les maîtres anciens ont usé volontiers. Ils en ont tiré des canons ingénieux. Dans la fugue, ou le contrepoint, lorsque le thème était présenté tour à tour dans les deux sens, on le disait exposé per moto retto et per moto contrario, soit par mouvement direct et mouvement contraire. Dans le no 5 de l’Art de la fugue, de Bach, le thème est donné alternativement et simultanément dans les deux sens. (Voy. ex. noté, article Mouvement.) Les numéros suivants du même ouvrage renouvellent l’emploi du renversement en le combinant avec les autres ressources du contrepoint. Le thème principal sur lequel reposent tous les développements de l’ouvrage :


\language "italiano"
\score {
   \relative do'' { 
     \time 2/2
     \key fa \major
     re2 la' | fa re | dod re4 mi | fa2~ fa8 sol fa mi | re4
   }
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
 }
\header { tagline = ##f}


devient par le renversement :


\language "italiano"
\score {
   \relative do''' { 
     \time 2/2
     \key fa \major
     la2 re, | fa la | sib la4 sol | fa2~ fa8 mi fa sol | la4
   }
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
 }
\header { tagline = ##f}
(Bach, L’Art de la fugue.)

On a appelé fugue à miroir, une fugue à 4 parties (ou autre nombre) dont chaque note se trouve renversée dans une autre fugue de même composition vocale qui lui est associée, de telle façon que la basse de l’une corresponde au soprano de l’autre, le ténor de l’une à l’alto de l’autre, et ainsi de suite. Les nos 12 et 13 de L’Art de la fugue, de Bach, sont des pièces à miroir.

Le R. d’un dessin mélodique est quelquefois un procédé expressif, chez les maîtres anciens et modernes.


\language "italiano"
\score {
   \relative do' { 
     \clef bass
     \time 4/2
     r1*1/2 la2 sol fa | mi2. re4 do2 si | la sol fa1 | s2 mi1\fermata s2 \bar "||" \break
     r1*1/2 mi'2 fad sol | la2. si4 do2 fa, | sol \stemDown do, sol'1 | s2 do,1\fermata s2 \bar "||"
   }
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves \remove Time_signature_engraver }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
 }
\header { tagline = ##f}


Monteverde, dans la Sinfonia de son opéra L’Incoronazione di Poppea (1642), emploie successivement à la basse ces 2 thèmes, dont le second débute par le R. du premier. Pirro (Esth. de Bach, p. 37) cite un fragment de cantate de Bach (la Cantate Barmherziges Herze, no 185) où le R. exact du dessin se produit sur les mots : De même que vous mesurez, ainsi l’on vous mesurera, les paroles étant chantées 2 fois, la 1re en montant, la 2e en descendant, avec R. Le R. d’un motif est un procédé ancien. On le remarque dans un choral pour orgue de Samuel Scheidt sur le choral Vater unser, où le thème se joue au ténor dans sa position normale et à la basse, renversé. Ce n’est nullement un procédé rare ni recherché. On le trouve jusque dans une Sonate de Pietro Miroglio, œuvre médiocre. Le thème du refrain apparaît renversé par les flûtes dans l’une des reprises de la Ronde française qui termine la Suite en ré dans le style ancien, de d’Indy, pour trompette, 2 flûtes et quatuor.

Procédé pédagogique. Le pianiste Henselt (1814-1889) avait pour habitude de faire exécuter séparément et successivement par les 2 mains le même exercice, en renversant son dessin musical ; il préconisait dans cette pratique une gymnastique des mains, dont la direction est opposée.