Dictionnaire pratique et historique de la musique/Noël

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Noël, n. m. Cantique spirituel, en langue vulgaire, en l’honneur de la naissance de J.-C., ou chant populaire auquel les réjouissances de la fête de Noël servent de prétexte. Ces mentions de l’usage des chants en langue vulgaire pendant la nuit de Noël se rencontrent dès le xiie s. (mais les plus anciens N. proprement dits ne remontent pas au delà de la seconde moitié du xve s.). Plusieurs livres de N., ordinairement sans musique notée, furent imprimés dans la 1re moitié du xvie s. Leurs titres les disait « reduitz sur le chant de plusieurs chansons nouvelles », ou « composez sur plusieurs chansons tant vieilles que nouvelles ». Beaucoup étaient en patois, mais composés par des « lettrés », le curé Lucas Le Moigne, le chapelain et organiste Daniel, dit Mitou. Les N. de Jean Daniel, dit maître Mitou, publiés pour la première fois à Lyon, sans date (xvie s.), et souvent réimprimés pendant les deux siècles suivants, ne sont aucunement religieux, ni par le caractère familier et bouffon des textes, ni par la musique à laquelle ils s’adaptaient, qui était, selon leur titre « le chant de plusieurs belles chansons ». Vers le milieu du xvie s., Nicolas Denisot « entreprit de ramener la gravité dans les N. ». Il fit paraître au Mans, sans date et à Paris, 1553, sous l’anagramme de son nom, le comte d’Alsinois, 2 livres de Cantiques et N., dont le second renferme 13 cantiques avec musique. La musique de ces N. a été traitée sur l’orgue par Boëly (vers 1840). Les N. nouveaux et Cantiques spirituels de François Colletet, 1660, plusieurs éditions, étaient rimés « sur les plus beaux airs de cour et chants du temps ». D’innombrables éditions furent faites, depuis les dernières années du xvie s. jusqu’au xixe s., de la Bible des N., dont les colporteurs répandaient des exemplaires dans les provinces. Les N. de Saboly, en patois provençal, parurent en livraisons, sans musique, de 1669 à 1674. On les a réédités en 1856 avec musique recueillie d’après la tradition et d’après un ms. du xviiie s. Les N. de Piron parurent en feuilles volantes de 1692 à 1719. La forme musicale du N. ne diffère en rien de celle de la chanson et du vaudeville ; la forme littéraire, guère davantage. Leur naïveté est factice. Il n’y est pas fait place, ou rarement, à la prière. Ce sont des chansons de réveillons, non d’église. Lorsque les timbres sont indiqués, ce sont des chansons profanes, très profanes, des airs de danse, des airs à boire, des vaudevilles. En plus des N. cités précédemment, les N. bourguignons de Bernard de la Monnoye, les N. provençaux de Saboly, etc. n’ont pas d’autre musique. Cependant des N. artistiques ont été composés. Les Meslanges de du Caurroy, publiés en 1610, contiennent, en contrepoint serré, des N. polyphoniques à quatre voix et plus, de construction intéressante. Auxcousteaux vers 1655, a publié deux livres de N. et Cantiques spirituels avec basse continue. Les N. populaires arrangés « pour les instruments » étaient en faveur aux xviie et xviiie s. On en trouve plusieurs en symphonie dans les manuscrits de M. A. Charpentier, et il n’est presque pas d’organiste connu qui n’ait laissé quelques variations sur ces thèmes. Les N. pour orgue de Gigault, Lebègue, Dandrieu, et plus tard Boëly, sont justement célèbres. À la chapelle du roi, la musique exécutait dans la nuit de Noël, pendant la 1re et la 3e messe, des N., pendant la seconde un motet. En 1738, ce furent Guignon et Guillemain qui jouèrent les N. ensemble, à 2 violons. L’usage des N. est constaté en Angleterre, où on les appelait, du temps de la reine Élisabeth, Christmas Carols, et où il est encore de coutume d’en chanter. En Allemagne, Luther en adopta l’usage et en écrivit lui-même.