Dictionnaire pratique et historique de la musique/Mètre

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Mètre, n. m. Nombre et disposition des pieds (voy. ce mot) composant le vers, dans la poésie antique. Les analogies du M. poétique et de la mesure musicale ont souvent occupé les théoriciens, qui se sont à diverses époques efforcés, soit de les rendre plus étroites par la composition d’œuvres vocales spécialement adaptées aux formules métriques, soit de découvrir l’influence de celles-ci dans les productions instrumentales de quelques musiciens célèbres. On en trouve un certain nombre d’exemples dans le chant grégorien et dans certaines pièces liturgiques anciennes. Le moyen âge transforma les M. en mesures (voy. Modes, 2) lors de l’établissement de la polyphonie.

À l’époque de l’humanisme, se produisirent un certain nombre d’essais d’interprétation musicale des M. horaciques. Ce mouvement naquit et se propagea surtout en Allemagne. Les recueils des Odes d’Horace, composées en ce sens par Hofhaimer et Senfl (1534 et 1539), à 4 voix et en contre-point note contre note, en furent l’expression la plus remarquable.


\language "italiano"
melody = \relative do {
  \time 2/2
  \clef bass
  \key fa \major
  re2. mi4 \bar "" fa1 | re \bar "" la' |\break
  sib2 la \bar "" sol2. fa4 | mi1 \bar "" re | r1 \bar "" la'2. sib4 | do1_\markup { \hspace #5 { \italic "etc." }} \bar "" 
}
text = \lyricmode {
   Jam sa -- tis ter -- ris
   ni -- vis at -- que di -- ræ Gran -- di -- nis
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Horace, Ode, musique d’un anonyme français, vers 1530.)

\language "italiano"
melody = \relative do' {
  \override Staff.StaffSymbol.line-count = #0
  fa2. fa4 | fa2 fa | fa fa4 fa | fa2. fa4 | fa2 fa
}
text = \lyricmode {
   Dul -- ce mœ -- ren -- ti po -- pu -- lus do -- len -- tum
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    \context { \Staff \remove Clef_engraver \remove Time_signature_engraver }
    \context { \Score \override SpacingSpanner.base-shortest-duration = #(ly:make-moment 1/16) }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Horace, Ode, rythme de J. B. Doni.)

En France, un essai analogue fut tenté par Claude Goudimel (1555). Imbus des mêmes traditions, J.-A. de Baïf et ses amis voulurent transporter dans la langue française les formules métriques de la poésie latine et ils entraînèrent Claude Lejeune, Mauduit, et quelques autres musiciens, à composer sur leurs « vers mesurés à l’antique » des psaumes et des chansons. Après avoir fait éclore quelques œuvres intéressantes, cette tentative, incompatible avec l’esprit de la langue et de la versification françaises, et qui apportait plutôt une entrave qu’un appui à l’imagination du musicien, fut définitivement abandonnée (Voy. Musique mesurée et Ode.)


\language "italiano"
porteeA = \relative do'' {
  \stemUp \cadenzaOn
  <mi sol,>4^- <mi la,>^- <re re,>^- <do sol>2^- \bar"" <fa la,>4^- <fa la,>^- <mi sol,>^- <re sol,>2^- <sol sol,>4^- \bar"" \break
  <sol sol,>^- <fa la,>^- << { mi2^- } \\ { la,8[ sol mi fa] } >> <re' sol,>4^- <do sol>2^- <si sol>^- \bar "|" \stemDown <sol' do,>4^- <mi sol,>^- <fa la,>^- <re sol,>2^- s4_\markup { \italic "etc." }
}
porteeB = \relative do' {
  << { do4 do sol' mi2 } \\ { do4 la si do2 } >> <do fa,>4 <re re,> << { si si2 mi4  } \\ { mi,8[ fa] sol2 do,4 } >> \bar "" \break
  << { mi' re dod2 re4 mi2 re } \\ { mi,4 fa8[ sol] la2 si4 dod2 sol } >> \bar "|" << { mi'4 dod dod } \\ { dod4 dod fa, } >> <si sol>2
}
\score {
  \new PianoStaff <<
    \new Staff = "mel" <<
      \clef treble \time 2/2
      \new Voice = "mel"  { \porteeA }
    >>
    \new Staff = "mel" <<
      \clef bass 
      \new Voice = "mel"  { \porteeB }
    >>
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
    line-width = #120
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(J. Mauduit, Qui dire peult, Chanson de Baïf.)

Elle avait eu son équivalent en d’autres pays. Salinas consacre de nombreuses pages de son traité De Musica (1577) à étudier l’application des mètres antiques aux poésies chantées en langue castillane. En Italie et en Angleterre, le même mouvement peut être observé, mais quelques années plus tard.

Les classifications de la métrique ancienne sont employées par les rythmiciens modernes pour analyser les formes des maîtres de notre époque classique ; mais ces classifications ne peuvent s’appliquer qu’aux œuvres de cette période, où la régularité symétrique des formes est prédominante. La concordance que les érudits modernes ont cherché à démontrer entre les différents genres de M. et les mesures simples ou composées de la musique actuelle ne se rencontre que d’une façon fugitive ; on est forcé d’en exclure tout d’abord la série des M. à 6 temps, molosse — — —, ionique majeur, — — ◡ ◡, ionique mineur ◡ ◡ — —, hexabrachys ◡ ◡ ◡ ◡ ◡ ◡, qui se divisent par trois, tandis que nos mesures composées 6/8, 6/4, se battent à 2 temps, sur deux valeurs pointées. La similitude d’un fragment rythmique, tiré d’une œuvre musicale, avec un M. connu, est sans doute fréquente ; mais, outre qu’elle est passagère, et subsiste rarement au delà des premières mesures d’un thème, elle ne résulte généralement point d’un dessein arrêté chez le compositeur. S’il est vrai que Grétry, cherchant à donner une allure ancienne à la romance Une fièvre brûlante, de Richard Cœur-de-Lion (1785), a pu vouloir en effet y employer le pied ïambique ◡ — :


\language "italiano"
melody = \relative do'' {
  \override Staff.TimeSignature.style = #'single-digit
  \time 3/4
  \partial 4 mi4 | mi2 do4 | fa2 mi4 | mi2( re4) | \break
  do2 do4 | re2 mi4 | fa4 fa2 | re2.~ | re4
}
text = \lyricmode {
   U -- ne fiè -- vre brû -- lan -- te, Un jour, me ter -- ras -- sait.
}
\score {
  <<
    \new Voice = "mel" { \melody }
    \new Lyrics \lyricsto mel \text
  >>
  \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Grétry, Richard Cœur-de-Lion, acte ii.)

Beethoven n’avait ans doute pas une intention semblable, en employant l’iambe et l’anapeste :


\language "italiano"
\score {
    \relative do'' { 
      \time 3/4
      \key reb \major
      \partial 4 reb4^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } | 
      do2^\markup { \hspace #0.7 \musicglyph "scripts.tenuto" "|" }  sib4^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } | 
      mib^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "scripts.tenuto" } r^\markup { \hspace #0.5 \char##x2551 }  reb^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } | 
      do^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "scripts.tenuto" } r^\markup { \hspace #0.5 \char##x2551 } sib^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } | 
      lab^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "scripts.tenuto" } r_\markup { \italic "etc." }
    }
 \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Beethoven, Sonate, op. 27, no 2.)

\language "italiano"
\score {
    \relative do'' { 
      \time 2/2
      \key fa \major
      \tempo \markup { \hspace #-5 { \italic "Allegro" }}
      s4 s s s | 
      \cadenzaOn
      <la fa>8[(^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" }  
      <sib sol>]^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } 
      <sol do,>4)^\markup { \hspace #1 \musicglyph "scripts.tenuto" } 
      s8^\markup { \hspace #-1 "|" } s 
      <la fa>8[(^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" }  
      <sib sol>]^\markup { \hspace#0.5 \musicglyph "ties.lyric.short" } 
      <sol do,>4)^\markup { \hspace #1 \musicglyph "scripts.tenuto" }
      s^\markup { \hspace #-20 \italic "2" \super "e" " mesure" }
    }
 \layout {
    \context { \Staff \RemoveEmptyStaves }
    indent = 0\cm
    line-width = #120
    \override Score.BarNumber #'stencil = ##f
  }
  \midi { }
}
\header { tagline = ##f}
(Beethoven, Finale de la viiie Symphonie.)