Dictionnaire pratique et historique de la musique/Barre
Barre, n. f. 1. T. de lutherie. Pièce de bois collée à l’intérieur des instruments à cordes, sous la table supérieure, en suivant toute sa longueur, pour fortifier la partie de la caisse où s’exerce la pression du chevalet. Ses proportions sont essentielles à la qualité du son. Une B. trop faible fléchit sous le poids, et la sonorité s’amollit ; une B. trop forte s’oppose à l’élasticité de la table et produit un durcissement du son. L’opération qui consiste à rebarrer d’anciens instruments est considérée comme extrêmement délicate. || 2. T. de notation. On distingue dans la notation plusieurs sorte de B. Dans le chant liturgique, la B. marque la séparation des distinctions (voy. ce mot). — La B. d’anticipation est un trait léger que l’on place devant le chiffre d’un accord, lorsque cet accord doit être attaqué avant la note de basse à laquelle il appartient (i). La B. de continuité ou de prolongation, figurée après le chiffre, a pour effet d’étendre la durée de l’accord, aussi longtemps qu’elle subsiste (ii) ; on double cette B. lorsqu’elle affecte deux intervalle (iii) :
La B. de liaison est un trait plein, horizontal, par lequel on réunit les queues de plusieurs notes de même valeur faisant partie d’un même groupe ; le nombre des B. équivaut à celui des crochets qu’elles remplacent, simple pour les croches, double, triple, pour les doubles, triples croches, etc. Un même groupe de notes peut comporter l’emploi d’un nombre variable de B. de liaison :
La B. de mesure est un léger trait vertical traversant la portée ou les portées superposées et partageant le texte musical en compartiments d’égale durée. La libre mélodie du moyen âge ne connaissait pas les B. de mesure ; on usait du « point de division » dans un esprit tout différent et pour attirer l’attention de l’exécutant sur les repos de la phrase musicale, plutôt que pour établir en celle-ci une symétrie absolue, que réclamaient seuls les airs de danse. L’usage des B. de mesure s’établit au xvie s. dans les morceaux notés en tablature de luth ou d’orgue, où l’on devait réduire en accords verticaux les harmonies produites par les jeux du contrepoint. On s’en servit ensuite pour faciliter la direction du chœur ou de l’ensemble instrumental, dans les ouvrages mis en partition, dont les parties séparées continuaient d’être copiées et imprimées sans B. Le traité d’Agricola (1529) en offre un des premiers exemples, sous forme d’une portée unique de dix lignes contenant toutes les parties. En 1577, l’édition des madrigaux à quatre voix de Cyprien de Rore, mis en partition avec B. de mesure, constitue encore une exception. Mais, à peu d’années de là, la pratique du chant accompagné amène le triomphe de ce procédé commode, qui entraîna l’accentuation du temps fort et peu à peu l’obligation de la carrure. Les B. de mesure, introduites dans les rééditions de musique ancienne, en altèrent profondément le sens rythmique ; il arrive que, par leur présence, un thème repris en imitation se trouve accentué différemment dans l’entrée des deux voix :
Au xviiie s., les préludes, dont les Pièces de clavecin de Rameau offrent l’exemple, et les cadences de virtuosité, telles que Bach les introduit dans ses Fantaisies, échappent seules à la tyrannie des B. de mesure, contre lesquelles se prononce actuellement une vite réaction. On leur reproche à bon droit d’obliger la phrase musicale à « se mouler sur le quadrillage des temps forts » et de conduire un grand nombre d’interprètes vers « une exécution mécanique ». Dans les traductions de notations anciennes, on a essayé d’introduire, au lieu de B. de mesure, des virgules (Adler), par des traits verticaux formés de points, par des interruptions produisant des « blancs » dans la portée (Emmanuel) ; on a proposé leur suppression, en principe, et leur placement aux seuls endroits nécessaires pour marquer les parties accentuées du discours musical (Lenormand). Une tentative de ce genre a été faite par Conus dans ses Problèmes de Rythme pour le piano. La B., ainsi comprise, remplit le rôle des distinctions dans la notation du chant liturgique. — La B. oblique est susceptible de plusieurs interprétations, selon l’époque et le lieu de son emploi. Chez les musiciens anglais du xviie s., la B. oblique, simple ou double, placée au-dessus ou au-dessous de la note, est un signe d’ornement et indique le mordant, l’appoggiature ou l’acciacatura (voy. ces mots) ;
placée entre deux notes, elle commande leur
liaison au moyen d’une note de passage
ou de l’un de ces mêmes ornements ;
chez les luthistes et les clavecinistes, elle
sert ordinairement à prescrire l’arpègement ;
Pachelbel (1699) la place entre
les deux portées pour indiquer l’arpègement
successif des deux mains
sur le clavier. Depuis le xviiie s., la
B. oblique est un signe de répétition,
qui a été décrit ci-dessus, à l’article
Abréviation. — La petite B. oblique
qui traverse un chiffre dans la notation
d’un accord est un signe de diminution :
l’accord de trois sons avec
quinte diminuée se marque 5. Celle qui
traverse la queue d’une petite note
servant d’appogiature a pour effet de
la rendre brève ; c’est la « petite note
barrée » des auteurs classiques. (Voy.
Appogiature.) — La B. de silence est
un trait vertical placé dans l’intérieur
d’une mesure et remplissant un ou
plusieurs interlignes de la portée, selon
la durée qu’il représente. (Voy. Silence.)
— La double B. est un signe de
séparation entre les divisions principales
d’un morceau, et de terminaison
après son accord final. Elle devient
un signe de reprise par l’addition de
deux points, du côté qui regarde la
partie à reprendre.