Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/VERJUS

inconnu
Lottin le Jeune (p. 728-731).

VERJUS : liqueur acide, qu’on tire par expression d’une grosse espece de raison ; qui croit en treille. Le raisin qu’on emploie à cet effet, est le groissois, le farineau, le bourdelois ; il faut cueillie ce raisin encore verd ; mais pas trop. On garde cette liqueur dans des tonneaux bien bouchés, pour la conserver en bon état ; si l’on y met un peu de sel, cela ne peut faire que du bien.

VERJUS : c’est le raisin qu’on emploie à cette liqueur ; mais qu’on confit de diverses manieres. Comme nous l’allons dire ci-après.

Verjus à oreille. Faites confire du verjus au liquide comme nous l’allons dire à l’article suivant. Tirez-le de son syrop, faites-le égoutter. Fendez-en un grain par le côté ; pour en couvrir un autre, sur lequel vous l’appliquerez de façon, que les deux n’en fassent qu’un. Trempez-les dans le syrop, à mesure que vous les aurez, ainsi ajustés. Dressez-les aussi à mesure sur des feuilles de fer-blanc ; poudrez-les de sucre fin, & les faites sécher à l’étuve.

Verjus au liquide. Prenez du verjus presque mûr ; ôtez-en les pépins, mettez-le sur le champ, dans l’eau prête à bouillir ; & le passez à l’eau fraîche, dès qu’il commencera à pâlir. Laissez-le refroidir dans sa premiere eau, pour le faire reverdir sur la cendre chaude ; & couvert. Égouttez-le ensuite ; passez-le dans une terrine ; sans le remettre au feu, versez dessus autant pesant de sucre, cuit à lissé à moitié chaud. Laissez-le en cet état quelque tems, & lui faites faire à quatre jours consécutifs quelques bouillons dans son sucre, finissez votre

confiture au grand perlé ; & la tenez encore une nuit à l’étuvée avant de l’empoter.

Verjus au liquide sans peau. Dépouillez du verjus, ôtez-en les pepins ; & lui faites faire seulement deux bouillons, dans pareille quantité de sucre fin, fondu avec un verre ou un demi-verre d’eau selon la quantité.

Verjus au sec. Égouttez du verjus, confit au liquide de son syrop ; dressez-le sur des feuilles ; poudrez-le de sucre fin, & le faites sécher à l’étuve.

Verjus. (Canelons de) Exprimez du suc de verjus, & le passez à travers un linge ; mêlez-le avec égale quantité d’eau. Mettez-y demi-livre de sucre par pinte ; faites prendre à la glace, & mettez dans des moules à canelons pour servir à son tems.

Verjus (Clarequets de) Exprimez du suc de verjus presque mûr ; mettez-le avec la même quantité de jus de pommes. Mettez le tout dans du sucre au cassé, & le faites chauffer sans bouillir. Pour une chopine de ce jus mêlé ; il faut deux livres de sucre. Mettez en gobelets, quand votre jus formera la gelée.

'Verjus. (Compôte de) Prenez votre verjus, comme nous avons dit à l’article verjus confit au liquide. Rafraîchi & reverdi ; faites-lui faire seulement deux bouillons, dans le sucre cuit à la grande plume.

Verjus (Compôte de) confit. Prenez du verjus confit au liquide ; tel que ci-dessus. Mettez-en dans une poële, avec suffisamment de syrop, un peu d’eau & de sucre ; lorsque le tout sera prêt à bouillir, tirez le verjus & le dressez ; & finissez le syrop pour le servir sur votre compôte.

Verjus (Compôte de) sans peau. Ôtez legérement la peau & les pépins ; passez ensuite dans du sucre à la grande plume ; faites-lui prendre un seul bouillon & le dressez aussi-tôt.

Verjus (Conserve de) Prenez du verjus mûr ; écrasez-le & le passez au tamis. Faites dessécher la marmelade que vous aurez extraite, délayez-la dans du sucre cuit à la grande plume une livre pour un quarteron de marmelade.

Verjus. (Gelée de) Faites reverdir votre verjus comme pour la compôte, ou pour le confire au liquide, quand il est ainsi, passez-le au tamis, mettez la marmelade dans du sucre cuit à perlé & l’y faites bouillir jusqu’à ce que le sucre étant revenu à perlé votre verjus tombent en nappe de l’écumoire que vous y tremperez. Autant de sucre que de fruit dans cette préparation

Verjus (Glace de) Prenez du verjus presque mûr, écrasez-le & le passez au tamis, mettez-y beaucoup de sucre, passez-le ensuite à la chauffe, & le faites prendre à la glace ainsi que toutes les autres substances qui sont susceptibles du même apprêt.

Verjus. (Marmelade de) Faites reverdir votre fruit comme pour la confiture au liquide. Passez-le au tamis avec forte expression ; faites dessécher la marmelade & la mêlez avec du sucre cuit au cassé. Faites chauffer seulement sans bouillir, & mettez autant de sucre que de fruit desséché.

Verjus. (Autre marmelade de) Votre verjus étant préparé comme le précédent, & passé au tamis, faites-le cuire avec autant pesant de sucre fin, jusqu’à ce que la marmelade colle entre les doigts.

Verjus. (Massepains de) Desséchez de la marmelade de verjus avec de la pâte d’amande. Délayez le tout dans le sucre cuit à la grande plume. Dressez vos massepains, glacez-les & les faites cuire au four à une chaleur douce.

Verjus. (Pâte de) Passez au tamis avec expression, du verjus préparé comme nous avons dit, à l’article du verjus confit au liquide. Desséchez la marmelade qu’on aura extraite, & la délayer dans autant pesant de sucre cuit à la grande plume. Quand elle sera prête à bouillir ; mettez-la dans des moules pour la faire sécher à l’étuve.

Verjus (autre pâte de) mêlé de pommes. Procédez comme ci-dessus en mettant moitié marmelade de verjus avec moitié marmelade de pommes de rembourgs.

Verjus (Syrop de) Écrasez & pressez du verjus bien verd, passez ce jus à la chauffe pour l’éclaircir. Mettez-le dans de la cassonnade que vous ferez cuire à la grande plume : faites bouillir & réduire ce syrop à perlé, pour une chopine de jus il faut quatre livres de cassonnade.

Verjus. (Tourte de) Prenez du verjus cuit en compôte. Dressez-le sur une abaisse de feuilletage, dont vous aurez foncé une tourtiere ; bordez votre tourte, formez dessus des petits bandes en lozanges. Faites cuire & glacez avec du sucre en poudre.

Observation médecinale.

Le verjus a différentes qualités, suivant le degré de maturité où il se trouve quand on l’emploie ; s’il a de l’âpreté, il est astringent, stomachique & resserre le ventre ; étant un peu plus avancé, il est acide, & dès-lors stomachique, diurétique, anti-putride. Il y a une espece de raison que l’on nomme verjus, parce que c’est sur-tout celui-là qu’on emploie en verjus ; il est, ainsi que tout raisin mûr, nourrissant, laxatif, & legérement fondant.