Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation/PRUNES

inconnu
Lottin le Jeune (p. 608-615).

PRUNES : fruit dont les especes sont très-multipliées. Il y en a de différentes couleurs, figures, grosseur. Quelques-unes sont douces, d’autres acides, d’autres âpres & austères. Les meilleures sont celles qui sont douces, dont la peau est fine & tendre, qui sont saines & qui ont été fraîchement cueillies, & à la pointe du jour. On les mange crues ; on les confit ; on en fait des compôtes, des tourtes, &c. Celles que l’on confit d’ordinaire, sont le perdrigon, la mirabelle, l’isle-vert ou saint-julien, la reine-claude ; celles sur-tout, qui ont une saveur douce & sucrée, & dont la chair est assez ferme pour se soutenir entieres, étant confites.

Prunes à la bourgeoise. (Compôte de) Mettez une livre de bonnes prunes cuire avec un peu d’eau & environ demi-livre de sucre, jusqu’à ce qu’elles fléchissent sous le doigt. Écumez-les bien, & les dressez dans le compôtier : si le syrop n’a pas assez de consistance, faites-le cuire encore, & le servez sur les prunes.

Prunes à demi-sucre. Faites cuire à perlé deux livres de sucre pour quatre livres de fruit. Faites-y prendre un bouillon à vos prunes ; tirez-les du sucre, & leur laissez jetter leur eau. Remettez-les ensuite sur le feu, & faites recuire le syrop à perlé, laissez refroidir & les empotez.

Prunes au sec. Les prunes étant confites, comme on vient de le dire à l’article précédent, mettez-les une nuit à l’étuve. Tirez-les, le lendemain ; faites-les égoutter, & les dressez sur des ardoises ou feuilles d’office & les faites sécher à l’étuve. Si on les a pelées pour les confire, il faut les rouler dans le sucre en poudre, & les dressez pour les faire sécher.

Prunes. (Compôte de) On prendra celles qu’on voudra à cet effet ; mais la mirabelle, le perdrigon, le saint-julien sont les meilleures. Choisissez-les belles & presque mûres. Piquez-les & les mettez à l’eau bouillante. Dès qu’elles monteront sur l’eau, ôtez-les du feu & les laissez refroidir dans leur eau. Remettez-les sur un feu doux & couvert, pour les faire reverdir ; & lorsqu’elles fléchiront sous le doigt, faites-les égoutter, & finissez votre compôte dans le sucre au petit lissé. Dressez dans un compôtier & versez le syrop sur le fruit ; demi-livre de sucre pour livre de fruit.

Prunes confites à la Bourgeoise. Prenez des prunes d’une bonne espece, qui commencent seulement à mûrir. Piquez-les & leur faites prendre sept à huit bouillons dans autant pesant de sucre cuit à la grande plume, en les menant dans la poële à deux anses, jusqu’à ce qu’elles soient cuites, & leur sucre en consistance de syrop. Écumez-les avec soin. Empotez-les à demi-froides ; mais ne les couvrez, que quand elles le seront tout-à-fait.

Prunes confites au liquide. Toutes sortes de prunes, sauf le damas rouge, peuvent se confire de cette maniere. Pelez-les & les mettez, à mesure, à l’eau fraîche. Passez-les ensuite à l’eau bouillante, & couvrez le feu pour les faire cuire doucement, jusqu’à ce qu’elles commencent à verdir. Retirez-les alors du feu & les laissez refroidir dans leur eau. Étant refroidies remettez-les à l’eau fraîche. Faites cuire du sucre à soufflé ; mettez-y vos prunes bien égouttées de leur eau ; faites bouillir à grand feu ; ayez soin d’écumer. Retirez du feu, & laissez refroidir dans le sucre. Remettez-les ensuite sur le feu, & menez votre confiture à perlé. Dressez alors dans des pots que vous ne couvrirez, que quand votre confiture sera froide. Il faut les prendre, lorsqu’elles commencent à mûrir, sans quoi votre fruit de déferoit à la cuisson ; & pour parer à cet inconvénient, il y a bien des personnes qui se contentent de les piquer avec une épingle pour leur faire prendre sucre.

Prunes confites sans noyaux. Prenez-les presque mûres, & d’une espece qui, comme celles de monsieur, la royale, la mongeron, le damas d’Italie, l’isle-vert, le perdrigon violet, & le damas musqué, quittent facilement le noyau. Ôtez ce noyau, comme on fait aux abricots. Mettez ce fruit ainsi préparé, quelle que soit l’espece que vous ayez choisie, dans autant de sucre clarifié ; faites cuire sans bouillir, en le remuant toujours ; tirez du feu & le laissez refroidir ; faites-le égoutter ensuite ; faites cuire le syrop au grand lissé, remettez-y le fruit & lui donnez huit à dix bouillons couverts en l’écumant : tirez-le du feu, & lui laissez prendre sucre en cet état à l’étuve l’espace de vingt-quatre heures, plus ou moins. Vous pouvez alors les empoter pour les conserver au liquide, & les tirer ensuite au sec, ou même sur le champ, en les dressant sur des ardoises, après les avoir égouttées & roulées dans le sucre fin, pour les sécher à l’étuve.

Prunes de mirabelles confites. Prenez-les presque mûres ; piqués & les mettez à l’eau bouillante. Ôtez du feu aussi-tôt qu’elles commencent à monter. Reverdies dans cette eau, remettez-les sur le feu, sans bouillir, jusqu’a ce qu’elles soient tendres. Passez-les à l’eau fraîche ; égouttez ; mettez-les à la poële ; faites clarifier du sucre quatre livres pour un cent. Faites-y prendre à vos prunes huit à dix bouillons par quatre jours différens, depuis le petit lissé jusqu’au grand perlé, en augmentant, chaque jour, d’un peu le syrop en sucre, s’il en est besoin. Le quatrieme jour, achevez votre fruit au grand perlé, en six ou huit bouillons. Empotez-le pour le garder au liquide ; & si vous le voulez sec, procédez comme à l’article précédent.

Prunes de mirabelle. (Compôte de) Faites blanchir un cent de mirabelles à deux bouillons ; passez-les à l’eau fraîche. Faites-les égoutter & les mettez faire quelques bouillons au sucre clarifié. Dressez-les dans un compôtier, & lorsque vous aurez fait réduire votre sucre en consistance de syrop, mettez-le sur votre fruit, & servez.

Prunes de mirabelle & de reine-claude à l’eau-de-vie. Prenez de l’une & de l’autre espece la quantité que vous voudrez ; choisissez-les presque mûres ; piquez-les ; mettez-les à l’eau bouillante, & les retirez ; lorsqu’elles commenceront à monter. Laissez-les reverdir dans cette eau ; remettez-les ensuite sur le feu, sans bouillir, jusqu’à ce qu’elles deviennent mollettes. Faites-les rafraîchir ; mettez-les ensuite dans une terrine ; versez du sucre clarifié dessus ; cinq livres pour demi-cent de belles reines-claudes, & autant pour un cent de mirabelles. Faites bouillir, par quatre jours différens, ce sucre, & le remettez à chaque fois sur le fruit. Le quatrieme jour finissez ce sucre au grand perlé, & y mettez vos prunes faire quelques bouillons ; laissez refroidir. Mettez autant d’eau-de-vie que de syrop, & mettez en bouteilles, de sorte que le fruit baigne dans le syrop.

Prunes de mirabelle & reine-claude. (Clarequets de) Faites-les cuire avec un peu d’eau : quand elles seront bien molles, passez-les au tamis ; le jus étant clair, mettez-les au sucre à cassé. Faites bouillir ensemble, jusqu’à ce que le tout soit en gelée ; autant de sucre que de jus. Dressez dans des gobelets ; faites prendre à la glace, & servez.

Prunes de mirabelle pour garder. Ôtez les noyaux, ou les piquez. Faites frémir à l’eau bouillante ; tirez-les à l’eau fraîche ; mettez au sucre à la grande plume, livre de sucre pour livre de fruit. Faites faire deux bouillons couverts ; laissez deux fois vingt-quatre heures, égouttez de leur sucre. Mettez le syrop à grand perlé & y glissez le fruit ; faites cuire jusqu’à ce qu’il revienne au même degré de cuisson. Ôtez du feu, écumez ; mettez en pot. Si vous ôtez les noyaux, conservez les queues à votre fruit.

Prunes de perdrigons blancs confites. Piquez-les en divers endroits & les mettez à mesure à l’eau fraîche. Mettez-les ensuite à l’eau bouillante jusqu’à ce qu’elles montent, & tirez-les du feu & les laissez reverdir dans leur eau, en les remettant sur le feu, lorsqu’elles auront été refroidies ; mais ne les faites point bouillir, pour que votre fruit ne se défasse pas. Quand elles seront tendres, mettez-les à l’eau fraîche. Égouttez-les & les mettez faire quelques bouillons au sucre clarifié : au surplus finissez comme les mirabelles & reines-claudes à l’eau-de-vie, en donnant, par quatre jours différens, un nouveau degré de cuisson au syrop en augmentant le sucre, si besoin est. Finissez le syrop à perlé ; livre de sucre pour livre de fruit.

Prunes de perdrigons pelés. Autant de sucre que de fruit qu’il faut peler. On lui donne ensuite deux ou trois bouillons. Égouttez, & le mettez dans autant de sucre à la plume prendre cinq à six bouillons. Ôtez du feu : au bout de deux heures ; tirez ce fruit ; faites recuire votre syrop un peu plus fort, & y redonnez trois à quatre bouillons à vos prunes. Ôtez du feu, & empotez, quand elles seront refroidies. Pour finir le syrop doit être à perlé.

Prunes de reine-claude confites. Procedez de même que pour les reines-claudes à l’eau-de-vie. La quantité du fruit régle celle du sucre, dont la dose est de quatre livres, pour cent de prunes.

Prunes de reine-claude. (Ratafia de) Prenez-les belles & mûres, cueillies en tems frais ; & après les avoir essuyées avec soin, ôtez-en les noyaux. Écrasez-les dans un vaisseau bien net, où vous les laisserez au plus trois heures, pour en développer tant soit peu l’acide spiritueux, par une legere fermentation. Pressez-les pour en exprimer le jus. Mettez-y la quantité de sucre nécessaire, une livre sur quatre pintes avec un tiers d’esprit-de-vin assaisonné de cannelle, ou un quart, si vous le voulez plus moëlleux ou moins fort. Passez-les à la chauffe ; mettez en bouteilles ; & pour prévenir l’évaporation, mettez-les en lieu frais.

Prunes en surtout. Prenez des prunes de bonne qualité, telles que les especes dont nous avons parlé ci-dessus : pour quatre livres de fruit, faites cuire quatre livres de sucre au grand perlé, dans lequel vous leur ferez faire quelques bouillons, & jetter leur eau. Tirez-les du feu, & les laissez reposer deux heures ; remettez-les cuire jusqu’à ce que le sucre soit revenu au grand perlé. Laissez-les, vingt-quatre heures dans ce sucre à l’étuve ; tirez-les & les faites égoutter. Ôtez le noyau de deux, pour en revêtir une troisieme, en les appliquant sur cette troisieme ; de sorte qu’elles ne paroissent en faire qu’une seule. Roulez-les dans du sucre en poudre, & faites sécher à l’étuve sur des ardoises, laissant la queue à celle qu’on revêt des deux autres.

Prunes. (Marmelade de) Faites cuire de bonnes prunes avec peu d’eau. Exprimez-les ; faites dessécher cette marmelade, & la délayez ensuite avec autant pesant de sucre cuit au cassé. Faites frémir sans bouillir, & mettez en pot, quand elle sera refroidie.

Prunes. (Pâte de) Faites cuire des prunes en marmelade. Passez-les au tamis ; faites dessécher & délayez cette marmelade dans autant pesant de sucre cuit au cassé. Mettez cette pâte dans des moules à cet effet, & faites sécher à l’étuve, à l’ordinaire. Les prunes qu’on emploie pour la pâte, sont la mirabelle, l’isle-vert, le perdrigon, & le mirobolan.

Prunes rouges. Prenez des prunes de la meilleure espece ; fendez-les en deux : ôtez-en le noyaux. Mettez ce fruit dans autant de sucre clarifié. Faites-les cuire en les remuant toujours, pour qu’elles ne se dépouillent pas ; sur-tout qu’elles ne fassent que frémir, quand elles seront mollettes ; tirez-les du feu, & les faites refroidir. Égouttez-les sur la passoire ou le tamis. Faites cuire le syrop à lissé ; passez-y le fruit & lui faites prendre sept à huit bouillons couverts. Écumez ; versez dans une terrine propre, & laissez une nuit à l’étuve. Égouttez-les ensuite, & les faites sécher sur des ardoises ou feuilles d’office, comme celles en surtout.

Prunes tapées. Faites confire des prunes comme nous avons dit des mirabelles & reines-claudes. (Voyez leurs articles.) À celles-ci ôtez le noyau & ne mettez que demi-livre de sucre pour livre de fruit. Étant finies & égouttées, applatissez-les, & les faites sécher à l’étuve, comme celles de l’article précédent.

Prunes. (Tourte de) Pelez le fruit, ôtez-en les noyaux ; foncez une abaisse de pâte feuilletée ; mettez-y vos prunes avec quelques tranches de citron verd confit. Couvrez d’une abaisse de même pâte dorée d’un œuf battu, & faites cuire. Quand elle sera cuite, glacez à l’ordinaire. Dressez-la, & la servez chaudement.

Observation médecinale.

Il est difficile de porter un jugement général des prunes : c’est un fruit dont certaines especes, comme la reine-claude, la mirabelle, le prune de monsieur, sont très-saines, & dont un plus grand nombre d’autres especes sont mal-faisantes. Elles doivent encore passer pour salutaires ou nuisibles, selon qu’elles sont mûres ou non, ou passées. On peut regarder, comme bonnes, les prunes douces, sucrées, aqueuses : celles qui sont âpres, acides ou passées, incommodent ; elles rendent le chyle visqueux, les humeurs circulent difficilement, & deviennent facilement putrides ; de-là cette multitude de maladies parmi le peuple, pendant l’été & l’automne des années abondantes en prunes. Comme les pruniers chargent beaucoup, mais ne peuvent pas amener tout leur fruit à maturité, & que les vents en détachent beaucoup, les prunes qui tombent sans être mûres, ou à demi-mûres, parce qu’elles contiennent des vers, se donnent à bon compte, & font une grande partie de la nourriture du peuple pauvre. La difficulté d’être sûr si une prune est de bon acabit & à son point de maturité, & le petite nombre que l’on peut s’en permettre sans risque, doivent rendre fort cisconspect & sobre sur l’usage de ce fruit crud : tous les gens délicats s’en abstiendront soigneusement ; ce même fruit cuit devient sain ; & convient presque généralement.