Dictionnaire philosophique/La Raison par alphabet - 6e ed. - Cramer (1769)/David

Cramer (Tome 1p. 233-236).

DAVID.



Si un jeune paysan en cherchant des ânesses trouve un royaume, cela n’arrive pas communément. Si un autre paysan guérit son roi d’un accès de folie en joüant de la harpe, ce cas est encor très rare ; mais que ce petit joueur de harpe devienne Roi parce qu’il a rencontré dans un coin un prêtre de village qui lui jette une bouteille d’huile d’olive sur la tête, la chose est encor plus merveilleuse.

Quand & par qui ces merveilles furent-elles écrites ? Je n’en sais rien ; mais je suis bien sûr que ce n’est ni par un Polybe, ni par un Tacite. Je révère fort le digne Juif, quel qu’il soit, qui écrivit l’histoire véritable du puissant royaume des Hébreux pour l’instruction de l’univers sous la dictée du Dieu de tous les mondes qui inspira ce bon Juif ; mais je suis fâché que mon ami David commence par rassembler une bande de voleurs au nombre de quatre cents, qu’à la tête de cette troupe d’honnêtes gens il s’entende avec Abimélec le grand-prêtre qui l’arme de l’épée de Goliath & qui lui donne les pains consacrés. (premier Rois chap. 21. vs. 13.)

Je suis un peu scandalisé que David l’oint du Seigneur, l’homme selon le cœur de Dieu, révolté contre Saül autre oint du Seigneur, s’en aille avec quatre cents bandits mettre le pays à contribution, aille voler le bonhomme Nabal, qu’immédiatement après Nabal se trouve mort, & que David épouse la veuve sans tarder. (Chap. 25. vs. 10. 11.)

J’ai quelques scrupules sur sa conduite avec le grand roi Akis, possesseur, si je ne me trompe, de cinq ou six villages dans le canton de Geth. David était alors à la tête de six cents bandits, allait faire des courses chez les alliés de son bienfaiteur Akis ; il pillait tout, il tuait tout, vieillards, femmes, enfans à la mamelle. Et pourquoi égorgeait-il les enfans à la mamelle ? C’est, dit le divin auteur Juif, de peur que ces enfans n’en portassent la nouvelle au Roi Akis. (Chap. 27. vs. 8. 9. 11.)

Ces bandits se fâchent contre lui, ils veulent le lapider. Que fait ce Mandrin Juif ? Il consulte le Seigneur, & le Seigneur lui répond qu’il faut aller attaquer les Amalécites, que ces bandits y gagneront de bonnes dépouilles, & qu’ils s’enrichiront. (Chap. 30.)

Cependant l’oint du seigneur, Saül, perd une bataille contre les Philistins, & il se fait tuer. Un Juif en apporte la nouvelle à David. David qui n’avait pas apparemment de quoi donner la buona nuncia au courrier, le fait tuer pour sa récompense. (2e. Rois chap. 1. vs. 10.)

Isbozeth succède à son père Saül, David est assez fort pour lui faire la guerre. Enfin Isbozeth est assassiné.

David s’empare de tout le royaume, il surprend la petite ville ou le village de Raba & il fait mourir tous les habitans par des supplices assez extraordinaires, on les scie en deux, on les déchire avec des herses de fer, on les brûle dans des fours à briques. Manière de faire la guerre tout à fait noble & généreuse. (2e. Rois chap. 12.)

Après ces belles expéditions, il y a une famine de trois ans dans le païs ; je le crois bien ; car à la manière dont le bon David faisait la guerre, les terres devaient être mal ensemencées. On consulte le Seigneur, & on lui demande pourquoi il y a famine. La réponse était fort aisée, c’était assurément parce que dans un païs, qui à peine produit du bled, quand on a fait cuire les laboureurs dans des fours à briques, & qu’on les a sciés en deux, il reste peu de gens pour cultiver la terre ; mais le Seigneur répond que c’est parce que Saül avait tué autrefois des Gabaonites.

Que fait aussitôt le bon David ? il assemble les Gabaonites ; il leur dit que Saül avait eu grand tort de leur faire la guerre ; que Saül n’était point comme lui selon le cœur de Dieu, qu’il est juste de punir sa race, & il leur donne sept petits-fils de Saül à pendre, lesquels furent pendus, parce qu’il y avait eu famine. (2e. Rois chap. 21.)

C’est un plaisir de voir comment cet imbécille de Dom Calmet justifie & canonise toutes ces actions, qui feraient frémir d’horreur si elles n’étaient incroyables.

Je ne parlerai pas ici de l’assassinat abominable d’Uria, & de l’adultère de Betzabéa ; elle est assez connue ; & les voies de Dieu sont si différentes des voies des hommes, qu’il a permis que Jésus-Christ descendît de cette infâme Betzabéa, tout étant purifié par ce saint mystère.

Je ne demande pas maintenant comment Jurieu a eu l’insolence de persécuter le sage Bayle pour n’avoir pas approuvé toutes les actions du bon roi David, mais je demande comment on a souffert qu’un homme tel que Jurieu molestât un homme tel que Bayle ?