Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Justice

Éd. Garnier - Tome 19
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JUSTICE[1].

Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on dit que la justice est bien souvent très-injuste : Summum jus, summa injuria, est un des plus anciens proverbes. Il y a plusieurs manières affreuses d’être injuste : par exemple, celle de rouer l’innocent Calas sur des indices équivoques, et de se rendre coupable du sang innocent pour avoir trop cru de vaines présomptions.

Une autre manière d’être injuste est de condamner au dernier supplice un homme qui mériterait tout au plus trois mois de prison : cette espèce d’injustice est celle des tyrans, et surtout des fanatiques, qui deviennent toujours des tyrans dès qu’ils ont la puissance de malfaire.

Nous ne pouvons mieux démontrer cette vérité que par la lettre qu’un célèbre avocat au conseil écrivit, en 1766, à M. le marquis de Beccaria, l’un des plus célèbres professeurs de jurisprudence qui soient en Europe[2].


  1. Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771. (B.)
  2. Dans les Questions sur l’Encyclopédie, septième partie, 1771, ce que Voltaire donnait ici n’était autre chose que la Relation de la mort du chevalier de La Barre, qu’il avait déjà publiée séparément (voyez les Mélanges, année 1756). Les éditeurs de Kehl, qui avaient déjà imprimé la Relation dans un de leurs volumes de Politique et Législation, mirent ici une Lettre à Beccaria au sujet de M. de Morangiès, qu’on trouvera dans les Mélanges, année 1772. (B.)