Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Finesse

Éd. Garnier - Tome 19
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FINESSE[1].

Des différentes significations de ce mot.

Finesse ne signifie ni au propre, ni au figuré, mince, léger, délié, d’une contexture rare, faible, ténue : ce terme exprime quelque chose de délicat et de fini.

Un drap léger, une toile lâche, une dentelle faible, un galon mince, ne sont pas toujours fins.

Ce mot a du rapport avec finir : de là viennent les finesses de l’art ; ainsi on dit la finesse du pinceau de Vanderwerf, de Mieris ; on dit un cheval fin, de l’or fin, un diamant fin. Le cheval fin est opposé au cheval grossier ; le diamant fin, au faux ; l’or fin ou affiné, à l’or mêlé d’alliage.

La finesse se dit communément des choses déliées, et de la légèreté de la main-d’œuvre. Quoiqu’on dise un cheval fin, on ne dit guère la finesse d’un cheval. On dit la finesse des cheveux, d’une dentelle, d’une étoffe. Quand on veut, par ce mot, exprimer le défaut ou le mauvais emploi de quelque chose, on ajoute l’adverbe trop. Ce fil s’est cassé, il était trop fin ; cette étoffe est trop fine pour la saison.

La finesse, dans le sens figuré, s’applique à la conduite, aux discours, aux ouvrages d’esprit. Dans la conduite, finesse exprime toujours, comme dans les arts, quelque chose de délié ; elle peut quelquefois subsister sans habileté : il est rare qu’elle ne soit pas mêlée d’un peu de fourberie ; la politique l’admet, et la société la réprouve.

Le proverbe des finesses cousues de fil blanc prouve que ce mot, au sens figuré, vient du sens propre de couture fine, d’étoffe fine.

La finesse n’est pas tout à fait la subtilité. On tend un piége avec finesse, on en échappe avec subtilité ; on a une conduite fine, on joue un tour subtil. On inspire la défiance en employant toujours la finesse ; on se trompe presque toujours en entendant finesse à tout.

La finesse dans les ouvrages d’esprit, comme dans la conversation, consiste dans l’art de ne pas exprimer directement sa pensée, mais de la laisser aisément apercevoir : c’est une énigme dont les gens d’esprit devinent tout d’un coup le mot.

Un chancelier offrant un jour sa protection au parlement, le premier président se tournant vers sa compagnie : « Messieurs, dit-il, remercions monsieur le chancelier : il nous donne plus que nous ne lui demandons » ; c’est là une réponse très-fine.

La finesse dans la conversation, dans les écrits, diffère de la délicatesse : la première s’étend également aux choses piquantes et agréables, au blâme et à la louange même, aux choses même indécentes, couvertes d’un voile à travers lequel on les voit sans rougir.

On dit des choses hardies avec finesse.

La délicatesse exprime des sentiments doux et agréables, des louanges fines ; ainsi la finesse convient plus à l’épigramme, la délicatesse au madrigal. Il entre de la délicatesse dans les jalousies des amants ; il n’y entre point de finesse.

Les louanges que donnait Despréaux à Louis XIV ne sont pas toujours également délicates ; ses satires ne sont pas toujours assez fines.

Quand Iphigénie, dans Racine, a reçu l’ordre de son père de ne plus revoir Achille, elle s’écrie :

Dieux plus doux, vous n’avez demandé que ma vie !

(Acte V, scène i.)

Le véritable caractère de ce vers est plutôt la délicatesse que la finesse.


  1. Encyclopédie, tome VI, 1756. (B.)


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