Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Divorce

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Éd. Garnier - Tome 18
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DIVORCE.

SECTION PREMIÈRE[1].

Il est dit dans l’Encyclopédie, à l’article Divorce, que « l’usage du divorce ayant été porté dans les Gaules par les Romains, ce fut ainsi que Bissine ou Bazine quitta le roi de Thuringe, son mari, pour suivre Childéric, qui l’épousa ». C’est comme si on disait que les Troyens ayant établi le divorce à Sparte, Hélène répudia Ménélas, suivant la loi, pour s’en aller avec Pâris en Phrygie.

La fable agréable de Pâris, et la fable ridicule de Childéric, qui n’a jamais été roi de France, et qu’on prétend avoir enlevé Bazine, femme de Bazin, n’ont rien de commun avec la loi du divorce.

On cite encore Cherebert, régule de la petite ville de Lutèce près d’Issy, Lutetia Parisiorum, qui répudia sa femme. L’abbé Velly, dans son Histoire de France, dit que ce Cherebert, ou Caribert, répudia sa femme Ingoberge pour épouser Mirefleur, fille d’un artisan, et ensuite Theudegilde, fille d’un berger, qui « fut élevée sur le premier trône de l’empire français ».

Il n’y avait alors ni premier ni second trône chez ces barbares, que l’empire romain ne reconnut jamais pour rois. Il n’y avait point d’empire français.

L’empire des Francs ne commença que par Charlemagne. Il est fort douteux que le mot Mirefleur fût en usage dans la langue welche ou gauloise, qui était un patois du jargon celte : ce patois n’avait pas des expressions si douces.

Il est dit encore que le réga ou régule Chilpéric, seigneur de la province du Soissonnais, et qu’on appelle roi de France, fit un divorce avec la reine Andove ou Andovère ; et voici la raison de ce divorce.

Cette Andovère, après avoir donné au seigneur de Soissons trois enfants mâles, accoucha d’une fille. Les Francs étaient en quelque façon chrétiens depuis Clovis. Andovère, étant relevée de couche, présenta sa fille au baptême. Chilpéric de Soissons, qui apparemment était fort las d’elle, lui déclara que c’était un crime irrémissible d’être marraine de son enfant, qu’elle ne pouvait plus être sa femme par les lois de l’Église, et il épousa Frédégonde ; après quoi il chassa Frédégonde, épousa une Visigothe, et puis reprit Frédégonde.

Tout cela n’a rien de bien légal, et ne doit pas plus être cité que ce qui se passait en Irlande et dans les îles Orcades.

Le code Justinien, que nous avons adopté en plusieurs points, autorise le divorce ; mais le droit canonique, que les catholiques ont encore plus adopté, ne le permet pas.

L’auteur de l’article dit que « le divorce se pratique dans les États d’Allemagne de la confession d’Augsbourg ».

On peut ajouter que cet usage est établi dans tous les pays du Nord, chez tous les réformés de toutes les confessions possibles, et dans toute l’Église grecque.

Le divorce est probablement de la même date à peu près que le mariage. Je crois pourtant que le mariage est de quelques semaines plus ancien ; c’est-à-dire qu’on se querella avec sa femme au bout de quinze jours, qu’on la battit au bout d’un mois, et qu’on s’en sépara après six semaines de cohabitation.

Justinien, qui rassembla toutes les lois faites avant lui, auxquelles il ajouta les siennes, non-seulement confirme celle du divorce, mais il lui donne encore plus d’étendue : au point que toute femme dont le mari était non pas esclave, mais simplement prisonnier de guerre pendant cinq ans, pouvait, après les cinq ans révolus, contracter un autre mariage.

Justinien était chrétien, et même théologien : comment donc arriva-t-il que l’Église dérogeât à ses lois ? Ce fut quand l’Église devint souveraine et législatrice. Les papes n’eurent pas de peine à substituer leurs décrétales au code dans l’Occident, plongé dans l’ignorance et dans la barbarie. Ils profitèrent tellement de la stupidité des hommes qu’Honorius III, Grégoire IX, Innocent III, défendirent par leurs bulles qu’on enseignât le droit civil. On peut dire de cette hardiesse : Cela n’est pas croyable, mais cela est vrai.

Comme l’Église jugea seule du mariage, elle jugea seule du divorce. Point de prince qui ait fait un divorce et qui ait épousé une seconde femme sans l’ordre du pape avant Henri VIII, roi d’Angleterre, qui ne se passa du pape qu’après avoir longtemps sollicité son procès en cour de Rome.

Cette coutume, établie dans des temps d’ignorance, se perpétua dans les temps éclairés, par la seule raison qu’elle existait. Tout abus s’éternise de lui-même : c’est l’écurie d’Augias, il faut un Hercule pour la nettoyer.

Henri IV ne put être père d’un roi de France que par une sentence du pape : encore fallut-il, comme on l’a déjà remarqué[2], non pas prononcer un divorce, mais mentir en prononçant qu’il n’y avait point eu de mariage.


SECTION II[3].


  1. Cette première section formait tout l’article dans les Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie, 1771. (B.)
  2. Voyez l’article Adultère, tome XVII, page 70, et l’Histoire du Parlement, chapitre xli (tome XVI).
  3. Cette seconde section se composait du Mémoire d’un magistrat écrit vers l’an 1764, qui fait partie de l’article Adultère, tome XVII, page 68.


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Divorce

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