Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Thermomètre

Henri Plon (p. 658-659).
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Thermomètre. L’abbé Chappe, né à Mauriac en Auvergne, en 1722, de l’Académie des sciences, s’est immortalisé par ses deux voyages, l’un à Tobolsk, dans la Sibérie, en 1761, l’autre en 1769, en Californie, où il est mort. Dans le premier de ces voyages, il arriva un jour qu’après s’être livré au sommeil, auquel la fatigue l’avait fait succomber, il se trouva, en s’éveillant au milieu de la nuit, abandonné par ses gens, seul dans son traîneau, au milieu d’un désert de glaces, sans vivres et loin de toute espèce d’habitation. Il ne perd point courage ; il marche au hasard, s’abîme dans un trou rempli de neige, s’en tire par miracle, aperçoit dans le lointain une faible lumière, la suit, arrive, retrouve ses gens, les réveille, leur pardonne et poursuit sa route. Il approche enfin de Tobolsk ; il ne restait que trois rivières à passer : mais tout annonçait le dégel ; on voyait l’eau partout. Les postillons refusent le service. Il les enivre d’eau-de-vie, et traverse les deux premières.

À la dernière, il n’éprouve que des refus insurmontables. Indigné, il entre chez le maître de poste en tenant à la main son thermomètre, que la chaleur du poêle fait monter, au grand étonnement des spectateurs. L’abbé, qui s’en aperçoit, saisit la circonstance. Il leur fait dire par son interprète qu’il est un grand magicien, que l’instrument qu’il porte l’avertit de tous les dangers ; que si le dégel était à craindre, l’animal qu’il renferme, étant exposé au grand air, ne descendrait pas ; mais que si la glace était encore forte, il descendrait au-dessous d’une ligne qu’il marque avec le doigt. Il sort alors : tous le suivent en foule, et le thermomètre de descendre. Pleins de surprise et d’admiration, les postillons se hâtent d’obéir, et la rivière est traversée malgré la glace fléchissant sous le poids du traîneau, et menaçant à chaque instant de se rompre et de l’engloutir avec les voyageurs.