Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Mœnsklint

Henri Plon (p. 469).
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Mœnsklint. Les riverains de la mer Baltique vous montrent avec orgueil une grande masse de roc toute blanche, taillée à pic, surmontée de quelques flèches aiguës et couronnée d’arbustes. Mais voyez, ce que le géologue appelle pierre calcaire, ce n’est pas la pierre calcaire, et ce qui s’élève au haut de cette montagne sous la forme d’un massif d’arbres, ce n’est pas un massif d’arbres. Il y a là une jeune fée très-belle qui règne sur les eaux et sur l’île. Ce roc nu, c’est sa robe blanche qui tombe à grands replis dans les vagues et se diapré aux rayons du soleil ; cette pyramide aiguë qui le surmonte, c’est son sceptre ; et ces rameaux de chêne, c’est sa couronne. Elle est assise au haut du pic qu’on appelle le Dronnings Stol (le siège de la Reine). De là elle veille sur son empire, elle protège la barque du pêcheur et le navire du marchand. Souvent la nuit on a entendu sur cette côte des voix harmonieuses, des voix étranges qui ne ressemblent pas à celles qu’on entend dans le monde. Ce sont les jeunes fées qui chantent et dansent autour de leur reine, et la reine est là qui les regarde et leur sourit. Oh ! le peuple est le plus grand de tous les poëtes. Là où la science analyse et discute, il invente, il donne la vie à la nature animée, il spiritualise les êtres que le physicien regarde comme une matière brute. Il passe le long d’un lac, et il y voit des esprits ; il passe au pied d’un roc de craie, il y voit une reine et il l’appelle le Mœnsklint (le rocher de la Jeune Fille)[1].

  1. Marmier, Traditions de la mer Baltique.