Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Corbeau

Henri Plon (p. 184).
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Corbeau, oiseau de mauvais augure, qui,


dans les idées superstitieuses, annonce des malheurs et quelquefois la mort. Il a pourtant des qualités merveilleuses. Le livre des Admirables secrets d’Albert le Grand dit que, si l’on fait cuire ses œufs, et qu’ensuite on les remette dans le nid où on les aura pris, aussitôt le corbeau s’en ira dans une île où Alogricus, autrement appelé Alruy, a été enseveli, et il en apportera une pierre avec laquelle, touchant ses œufs, il les fera revenir dans leur premier état ; « ce qui est tout à fait surprenant ». Cette pierre se nomme pierre indienne, parce qu’elle se trouve ordinairement aux Indes. On a deviné, par le chant du corbeau, si son croassement peut s’appeler chant. M. Bory de Saint-Vincent trouve que c’est un langage. On l’interprétait en Islande pour la connaissance des affaires d’État. Les Islandais croient le corbeau instruit de tout ce qui se passe au loin ; il annonce l’avenir, disent-ils ; il prévoit surtout les morts qui doivent frapper une famille : alors il vient se percher sur le toit de la maison, d’où il part pour faire le tour du cimetière, avec un cri continu et des inflexions de voix. Les Islandais disent encore qu’un de leurs savants, qui avait le don d’entendre l’idiome du corbeau, était par ce moyen instruit des choses les plus cachées.

Hésiode avance que la corneille vit huit cent soixante-quatre ans, tandis que l’homme ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans, et il assure que le corbeau vit trois fois plus que la corneille, ce qui fait deux mille cinq cent quatre-vingt-douze ans. On croit dans la Bretagne que deux corbeaux président à chaque maison, et qu’ils annoncent la vie et la mort. Les habitants du Finistère assurent encore que l’on voit sur un rocher éloigné du rivage les âmes de leur roi Gralon et de sa fille Dahut qui leur apparaissent sous la forme de deux corbeaux ; elles disparaissent à l’œil de ceux qui s’en approchent[1]. Voy. Odin, Cicéron, Augures, Arthus, etc.

  1. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. Il, p. 261.