Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Schutze


◄  Schultingius (Corneille)
Index alphabétique — S
Scioppius (Gaspar)  ►
Index par tome


SCHUTZE (Jean), ministre luthérien en Allemagne, au XVIe. siècle, publia entre autres livres un écrit qu’il intitula : Le Diable Sacramentaire, Sacramentarius Diabolus. On peut juger par-là de l’emportement qui l’animait contre les zuingliens (A). Il publia aussi, en 1579 ; un livre contenant cinquante raisons pour lesquelles il ne fallait point embrasser la communion des calvinistes.

(A) L’emportement qui l’animait contre les zuingliens. ] Afin qu’on puisse juger de la pièce par l’échantillon, je citerai un passage que je trouve dans George Braun. On y verra que notre Schutze représentait les calvinistes comme les personnes du monde les plus turbulentes, les plus séditieuses et les plus cruelles. Hic seditionis genius non tantùm lutheranos, sed galainistici furoris ministros, magis exagitat quod lutherani in confratribus suis accuratè observârunt, dùm inter varias causas, quare sacramentariam calvinistarum doctrinam acceptare nequeant præcipuam et illam allegent, quòd seditiosi, et tumultuosi sint, pacis publicæ et tranquillitatis politicæ turbatores, quorum hoc unicum institutum est, ut seditionum factiones, tumultum, dissidia, ac tandem cœdem ac sanguinis effusionem procurent. Maximè cum duplici nomine latrones existant, non satiati si hominurm animas doctrinæ falsitate interimant, verùm etiam, omnem quam possunt cunque diligentiam adhibeant ut per seditiones, latrocinia, et cœdes pro nefario suo genio, in civitatibus instituant. Hoc Johannes Schutzius in Causarum Explicatione, et in Sacramentario suo Diabolo, paginâ 354 [1].

Il est à remarquer que George Braun, ecclésiastique de Cologne, fait là un reproche d’humeur séditieuse et violente aux protestans, qui leur est fait par une infinité d’autres écrivains papistes, et qui est le même que celui qu’ils font en toute rencontre au parti romain. Juvénal, sans doute, n’eût point pu lire ce passage de George Braun sans s’écrier :

Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ?
Quis cœlum terris non misceat, et mare cœlo,
Si fur displiceat Verri ? homicida Miloni ?
Clodius accuset mæchos ? Catilina Cethegum ?
In tabulam Syllæ si dicant discipuli tres [2] ?

Quoi qu’il en soit, rapportons une seconde preuve de l’emportement de Schutze. Sacramentarismus camerina ac sentina est quædam, in quam multæ hæreses confluunt, ultima Satanæ ira, quam furiis agitatus contra Christum ejusque ecclesiam exercet. Et qui sacramentariorum partes sequitur, is manifestus est, atque ejuratus hostis Dei, et fidei quam in baptismo Christo dedit oblitus [3].

C’est soutenir que l’opinion calvinienne sur l’eucharistie est l’égout de quantité d’hérésies, et le dernier effort de la colère de Satan, et qu’on ne peut y adhérer sans se rendre ennemi juré de Dieu, et sans oublier ce qu’on a promis dans son baptême à Jésus Christ. Or, soutenir cela, n’est-ce pas un mouvement de furieux ? J’en fais juge les ministres luthériens d’aujourd’hui. Ils sont beaucoup plus modérés que leurs ancêtres, et ils voient sans doute que la qualité des dogmes en quoi les deux communions protestantes diffèrent, n’est pas de l’espèce qu’on le croyait autrefois lorsque la guerre sacramentaire échauffait trop les esprits, et faisait couler de part et d’autres un déluge de diffamations. Cette furieuse tempête s’étant apaisée peu à peu, on a compris que le sujet de la dispute n’était pas si important. Combien y a-t-il d’expériences semblables [4] ? mais qu’elles sont peu utiles ! Il s’élève très-souvent des contestations parmi les théologiens : on s’y échauffe comme s’il s’agissait du capital de la religion, et l’on ne se souvient pas qu’on traite de bagatelle ce que les prédécesseurs avaient regardé comme une dispute de la dernière conséquence.

  1. Georg. Braunins, in Tremonensium Catholicorum Defensione, pag. 165, 166.
  2. Juven., sat. II, vs. 24.
  3. Schutzius, praefat. in librum 50 Causarum, apud Braunium, in Tremonensium Catholicor. Defensione, pag. 29.
  4. Voyez les remarques (E) et (F) de l’article Amyrault, tom. I, pag. 513, et la remarque (D) de l’article Gomarus, tom. VII, pag. 112.

◄  Schultingius (Corneille)
Scioppius (Gaspar)  ►