Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Micyllus


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MICYLLUS (Jacques), né à Strasbourg le 6 d’avril 1503, tient un rang bien honorable parmi les savans de son siècle. Il étudia dans les plus célèbres académies d’Allemagne ; et il passa près de cinq ans à celle d’Erford où il lia avec Joachim Camérarius une amitié très-étroite, qui a duré autant que sa vie. Son nom de famille était Moltser [a]. Celui de Micyllus lui fut donné, parce qu’il soutint admirablement le personnage de Micyllus (A) dans une représentation de théâtre, où l’on récitait devant un grand nombre d’auditeurs un dialogue de Lucien [b]. Il fut connu de bonne heure pour un sujet propre à faire fleurir un collége ; car dès l’an 1527, il enseignait la langue latine et la langue grecque dans celui de Francfort. Il s’en acquittait si bien, qu’on jeta les yeux sur lui à Heidelberg, pour la profession de la langue grecque, l’an 1532. Il y alla, mais il n’y demeura guère ; car les magistrats de Francfort l’ayant rappelé, il fut reprendre dans leur ville son premier poste. Il retourna à Heidelberg (B), lorsque la réformation y fut reçue [c] ; et il y enseigna publiquement la langue grecque, et chez lui la langue latine, avec beaucoup de succès, jusques à sa mort, qui arriva le 28 de janvier 1558 (C). Il n’y avait pas long-temps qu’il avait conféré avec Melanchthon, qui était venu à Heidelberg, à la prière de l’électeur Othon Henri, pour concerter les nouveaux statuts de l’académie. Micyllus a été un des meilleurs poëtes qui fussent de son temps en Allemagne (D). Il eut quantité d’enfans ; mais il ne laissa que deux fils, dont l’un étudia en droit et fut chancelier de l’électeur palatin ; l’autre fut tailleur de son métier dans Heidelberg [d]. Je dirai quelque chose de ses ouvrages (E).

  1. Moréri dit Moltzel ; M. Teissier, dans ses Additions à M. de Thou, Melcher ; Konig, dans sa Bibliothéque, Motzlérus.
  2. Celui qui a pour titre Somnium seu Gallus.
  3. C’est-à-dire l’an 1546 : ex Sleidano, lib. XVI.
  4. Tiré de Melchior Adam, in Vitis Philosophor.

(A) Il représenta... le personnage de Mycillus. ] Hagius, dans la vie de Pierre Lotichius, parle assez exactement de cette aventure ; mais au lieu de dire qu’il la tient d’un homme qui en avait été le spectateur à Francfort (c’était Jean Lonicérus, professeur en grec à Marpourg), il devait citer Micyllus lui-même [1], comme a fait Melchior Adam.

Fortuito quondam Micylli nomina casu
Repperi, et in mores transiit ille meos.


Il y a dans Moréri fortitudo, au lieu de fortuito, ce qui a été corrigé dans l’édition de Hollande par ludendo. Au reste, je mets par tout Micyllus, quoique je sache que d’Ablancourt, qui a dit Micyle dans sa traduction de Lucien, a été approuvé par M. Ménage [2]. Si j’avais été condamné en cela par ce savant homme, je ne l’aurais pas été quant à l’orthographe ; car je ne dis pas Mycillus, comme l’écrivent la plupart des auteurs allemands en parlant de Jacobus Micyllus ; en quoi ils ont d’autant plus de tort, dit-il, que ce nom lui a été donné pour avoir bien représenté, étant écolier, le personnage de Micyle du coq de Lucien. M. Ménage n’est pas le seul qui ait dit que Micyllus était alors écolier [3] : je trouve cela assez apparent ; mais il n’est pas trop aisé de l’accorder avec ce qui a été rapporté ci-dessus, que la pièce fut jouée à Francfort ; car on ne voit pas que Micyllus y ait étudié. Melchior Adam le fait passer de Strasbourg aux plus célèbres universités d’Allemagne.

(B) Il retourna à Heidelberg. ] Melchior Adam ne marque le temps de ce retour que par ces deux caractères, la guerre de Smalcalde, et la réception de l’évangile dans Heidelberg. Donec sub bellum Smalcaldicum cùm variis Germania concuteretur motibus, atque Heidelbergæ Evangelii doctrina reciperetur, eodem ad græcanicæ linguæ professionem accersitus rediit. Cela signifie l’an 1546, ou l’an 1547, et s’accorde avec la note marginale où cet auteur dit que Micyllus fut vingt ans au service de la ville de Francfort, et plus de dix, quoiqu’avec interruption, au service des électeurs palatins.

(C) Il mourut le 28 de janvier 1558. ] Cela montre que Jean Hagius, qui dit [4] que Micyllus, Mélanchthon, et Lotichius Sécundus étaient morts dans la même année, s’est trompé. Il ne le devait dire que des deux derniers ; car il est vrai qu’ils moururent en 1560. Moréri ne s’est trompé que dans le jour ; il veut que Micyllus soit mort le 23 de janvier. Apparemment le duodetrigesimo de Melchior Adam l’avait éblouï.

(D) Il a été un des meilleurs poëtes... de son temps en Allemagne. ] Cela n’empêche pas que les critiques ne remarquent bien des défauts dans ses vers, et même des fautes contre la quantité. Voyez la Censure, ou la Promulsis critica de Jean Pierre Lotichius, au chapitre XIV, où il s’est glissé une faute d’impression concernant l’année de la naissance de Micyllus m. d. liii. au lieu de m. d. iii. Nous apprenons là même que Micyllus, à l’exemple des plus grands poëtes de l’antiquité, eut très-peu de part aux faveurs de la fortune : Variam ac novercantem, dum viveret, expertus fortunam.... quæ sors illi cum majorum gentium veteribus poëtis fuit communis.

(E) Je dirai quelque chose de ses ouvrages. ] Son traité de Re metricâ est un chef-d’œuvre, à ce qu’en dit Mélanchthon. Voici comme il en parle [5] : De Re metricâ exstant eruditissimi et consummatissimi libri tres Jacobi Micylli, quo nemo latiné scripsit prosodiam eruditiùs aut diligentiùs. Ses autres ouvrages sont des notes sur Ovide [6], et sur Lucain ; la traduction de quelques pièces de Lucien avec des scolies ; des notes sur la Généalogie des Dieux composée par Bocace ; plusieurs vers grecs, et latins ; une traduction de Tacite en allemand ; Arithmeticæ logisticæ libri duo, etc. [7].

  1. Lib. I Sylvarum.
  2. Observations sur la Langue française, Ier. vol., pag. 346.
  3. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 78. Teissier, Addit., tom. I, pag. 139. Konig, Bibl., pag. 540.
  4. In Vitâ Lotichii Secundi, pag. 69.
  5. Apud Melchior. Adam., pag. 181 Philos. German.
  6. L’Épitome de la Bibliothéque de Gesner excepte les Métamorphoses ; mais on voit dans le Catalogue d’Oxford les notes de Micyllus sur les quinze livres des Métamorphoses.
  7. Voyez le titre de ses autres ouvrages, dans l’Épitome de la Bibliothéque de Gesner.

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