Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Maugin


◄  Matman (Rodolphe)
Index alphabétique — M
Mausole  ►
Index par tome


MAUGIN (Jean), surnommé l’Angevin (A), vivait au XVIe. siècle, et publia plusieurs livres en français, les uns en vers, les autres en prose. La plupart n’étaient que des traductions. Celle qu’il fit des discours de Machiavel, sur Tite-Live, fut imprimée à Paris, in-folio, l’an 1548, et in-16, l’an 1572 [a]. Il fit imprimer dans la même ville, en 1546, in-folio. L’Histoire de Palmerin d’Olive, fils du roi Florendos de Macédoine, et de la belle Griane, fille de l’empereur de Constantinople, traduite d’italien [b]. Son premier livre du Nouveau Tristan, prince de Léonois, chevalier de la Table Ronde, et d’Yseulte, princesse d’Irlande, reine de Cornouaille, fut imprimé à Paris, in-folio, l’an 1554 [c]. Il le dédia à M. de Maupas, abbé de Saint-Jean de Laon, conseiller et aumônier ordinaire du roi, et lui avoua ingénument qu’il le choisissait pour le héros de son livre, parce qu’il savait que sa main n’avait été jamais close à ceux qui lui avaient présenté de leurs œuvres ou petites ou grandes. Il allégua une autre raison : c’est que M. de Maupas l’avait fait remettre en liberté [d]. Cette épître dédicatoire est datée de Laon, le 20 de juin 1554, et commence par une raillerie que l’on verra ci-dessous (B).

  1. Du Verdier, Bibliot. franç., pag. 724.
  2. Là même.
  3. La Croix du Maine a ignoré cette édition : il ne parle que de celle de l’an 1567.
  4. Voyez la remarque (B).

(A) Surnommé l’Angevin. ] Il signe ainsi tout court l’épître dédicatoire de son Nouveau Tristan, et il met au titre de ce livre-là, fait Françoys par Jean Maugin, dit l’Angevin. Cela montre qu’il était beaucoup plus connu sous le nom du pays natal que sous son nom de famille. Il était d’Angers, à ce que dit la Croix du Maine, qui ajoute qu’on le surnommait le petit Angevin [1]. Du Verdier Vau-Privas a fait la même remarque. S’il eût eu en ce temps-là un écrivain nommé Maugin, natif d’une autre province, ou natif du pays d’Anjou, mais plus considérable que lui, ou par sa taille ou par son mérite, le surnom de quoi je parle ne serait pas de mauvais augure ; mais puisque notre Jean Maugin n’avait point de contemporain qui fît des livres, et qui eût le même nom que lui, on peut croire raisonnablement qu’il était de basse extraction et de petite stature. Un laquais, un garçon tailleur, etc., porte plus souvent le nom de sa province que celui de sa famille ; et il n’est point sans exemple qu’un valet soit devenu poëte et auteur, même distingué.

(B) L’épître dédicatoire de son Nouveau Tristan commence par une raillerie que l’on verra ci-dessous. ] « Mon seigneur, ç’a esté presque l’argument commun de tous les François qui ont mis leurs compositions en lumiere depuis vingt ans, proposer, ou qu’on avoit derobé leurs copies, ou que l’importunité de leurs amis les forçoit et contraignoit à l’impression d’icelles. Je sçais combien la modestie et vergongne sont loüables : mais mettre en leur rang une simplicité et defiance de soy, cela m’a semblé tant ridicule et moquable, que n’ay voulu ne peu en abuser : ores qu’entre aucuns il soit tenu pour opinion et coustume. À ceste cause, et au rebours d’eux, ay eu tousjours intention et desir : mesmement des l’heure, que fistes celle humanité et grace de me tirer d’une captivité et prison, et la liberté et franchise de vostre service, vous faire paroistre et donner chose de ma plume, qui vous apportast tel plaisir, qu’eusse bonne occasion de m’en contenter [2] ». Après l’épître dédicatoire, on voit une ode à M. de Maupas, de laquelle je n’en vais citer une stance qui pourra faire penser à quelques-uns que Maugin avait été délivré des prisons du Châtelet.

Maugin fut par vous racheté
D’enfer [3], dont mit sa liberté
Toute à vostre commande :
Oultre il vous donne ses labeurs
(Meurdriers de ses vieigles douleurs)
N’ayant chose plus grande.


Au reste, la coutume dont Maugin se moque a duré jusques à nos jours. Une infinité de préfaces le témoignent ; mais aussi on a vu de temps en temps quelques préfaces ou quelques épîtres dédicatoires qui prenaient un tout autre tour. Les auteurs y reconnaissent qu’ils publient de leur propre mouvement ce qu’ils ont écrit. La sincérité n’est pas la seule raison qui leur fait tenir ce langage ; ils ont envie de railler ceux qui se plaignent d’avoir été violentés.

  1. La Croix du Maine, Biblioth. française, pag. 244.
  2. Maugin, épître dédicatoire du Nouveau Tristan.
  3. Par allusion peut-être au poëme que Marot intitula l’Enfer.

◄  Matman (Rodolphe)
Mausole  ►