Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Makowski


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MAKOWSKI (Jean), en latin Maccovius, gentilhomme polonais et professeur en théologie à Franeker, était né à Lobzénic à l’an 1588. Il commença un peu tard à étudier ; mais il répara ce retardement par une grande application, et par sa vivacité naturelle. Il fit ses études du latin et son cours de philosophie à Dantzick, avec des progrès si considérables, sous le fameux Keckerman, qu’il se distingua glorieusement de ses condisciples, et particulièrement à la dispute ; et qu’étant de retour chez son père, on le donna pour gouverneur à quelques jeunes gentilshommes [a]. Il voyagea avec eux, et cultiva en toute occasion, tantôt contre les jésuites, tantôt contre les sociniens, son talent de bien disputer (A). Il vit les plus florissantes académies d’Allemagne, celle de Prague, celle d’Heidelberg, celle de Marpourg, celle de Leipsic, celle de Wittemberg, celle d’Iène ; et puis il vint à Franeker, où il reçut le bonnet de docteur en théologie le 8 de mars 1614. Il donna tant de preuves d’esprit et d’érudition, que les curateurs de l’académie résolurent de le retenir, et pour cet effet ils le firent professeur extraordinaire en théologie, le 1er. d’avril 1615, et professeur ordinaire l’année suivante. Il exerça cette charge pendant près de trente ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, qui arriva vers la fin du mois de juin 1644 [b]. Il avait eu trois femmes, dont on pourra voir les familles, si on le souhaite, dans l’oraison funèbre qui m’a fourni cet article. Coccéius son collègue, qui la prononça, nous apprend que Maccovius soutint avec un grand zèle, et même avec un peu trop de bile, la bonne cause contre les arméniens ; ce qui lui fut une source d’amertumes (B). Ce sont les suites ordinaires de cette sorte de tempérament. Il eut des affaires au synode de Dordrecht (C). On verra ci-dessous le titre de la plupart de ses écrits imprimés (D). Je laisse ceux qu’on trouva parmi ses papiers, et que le public n’a jamais vus. Il a été accusé de plagiarisme (E).

  1. Ils s’appelaient Siéninski.
  2. Le Diarium Biographicum du sieur Witte, la met au 24 de juillet : ce qui ne peut être, puisque l’oraison funèbre fut prononcée le 2 juillet. Maccovius était décédé huit jours auparavant, die Lunæ ante octiduum, dit Coccéius dans l’Oraison funèbre de Maccovius

(A) Il cultiva en toute occasion... son talent de bien disputer. ] À Prague il attaqua les jésuites dans une dispute : à Lublin il entra souvent en lice contre les sociniens ; et pendant qu’il étudiait à Heidelberg, il alla à Spire afin de disputer contre les jésuites, à la place de Barthélemi Coppénius qu’ils avaient défié au combat, et qui n’avait pu obtenir de l’électeur Palatin la permission d’y comparaître [1].

(B) Son grand zèle... contre les arminiens.... lui fut une source d’amertumes. ] Coccéius [2], après avoir dit que Maccovius ne fut pas un chien qui ne sût japper pendant les troubles de l’église, mais qu’il combattit vaillamment pour la vérité de la grâce, ajoute que ces sortes de guerres ayant accoutumé de produire de mauvais soupçons, des inimitiés et des discordes, à cause de l’infirmité humaine, il ne faut pas trouver étrange que l’infirmité de la chair ait fait avaler à Maccovius beaucoup d’amertumes. Des esprits ardens, poursuit-il, ont cela qu’encore qu’ils défendent la bonne cause, ils paraissent quelquefois donner dans l’emportement. Il leur arrive souvent la même chose qu’aux bons chiens [3] (qu’il me soit permis d’étendre jusque-là une comparaison empruntée de l’Écriture) qui, pendant qu’ils gardent la maison de leurs maîtres, aboient contre tous les inconnus, fussent-ils les plus grands amis de la maison ; ainsi les défenseurs de la vérité (auxquels le prophète Ésaïe commande [4], comme aux dogues qui gardent le troupeau, de bien aboyer) pendant qu’ils s’agitent contre l’ennemi et qu’ils ne songent qu’au combat, ne prennent pas garde bien souvent à ce qu’ils font ; et répandent quelquefois mal à propos leur aigreur et leurs duretés sur des innocens. Après cela il emploie la comparaison des matelots, qui dans une violente tempête grondent et crient les uns contre les autres, quoique le but général de tous soit de sauver le vaisseau. C’était assez déclarer quelle avait été la destinée de Maccovius. Il avait frappé à tort et à travers sur l’hétérodoxe, et sur l’orthodoxe, et il s’était fait frapper à son tour de tous les deux. Voilà les fruits de la dispute : les chiens au grand collier s’imaginent qu’ils voient le loup partout, dès qu’on ne donne pas dans toutes leurs hypothèses ; et si c’est un confrère qui s’en écarte, ils laissent là l’ennemi commun ; et se ruent sur le compagnon d’œuvre, comme sur un traître [5]. On leur dit leurs vérités, hinc illæ lacrymæ. Considérez ces paroles de l’un des pères du synode de Dordrecht : Qui reverà primo quoque auditu videbantur, exceptis uno aut altero, non fuisse tanti momenti, ut homo doctus de illis coràm synodo accusaretur : complurimi ipsorum erant ex istâ receptissimâ distinctione agentis physicè et moraliter ab accusatore malè intellecta [6].

(C) Il eut des affaires au synode de Dordrecht. ] On lut dans la CXXXVIIIe. session la requête qu’il présenta à la compagnie : il se plaignait d’avoir été accusé d’hérésie devant les États de Frise par son collègue Sibrand Lubbertus, et il suppliait très-humblement le synode de vouloir juger ce différent, ou de permettre que l’accusateur et lui choisissent des commissaires dans cette assemblée qui informassent du fait, et qui en rendissent compte à la compagnie. Lubbertus interrogé là-dessus nia qu’il l’eût accusé, et soutint qu’il n’avait été que la bouche de la classe de Franeker, la véritable accusatrice de Maccovius, et qu’ainsi il ne voulait point être reconnu partie dans ce procès. Il fut ordonné qu’on lirait les actes qui étaient venus de Frise touchant cette affaire. Ils furent lus dans la CXLe. session, et l’on y trouva d’abord cinquante erreurs dont Maccovius avait été accusé, qui parurent presque toutes de peu d’importance, et fondées sur le mauvais sens que l’accusateur donnait aux paroles de l’accusé [7]. On lut deux apologies de Maccovius ; et il y eut des députés étrangers qui dirent que l’on aurait pu réduire à quatre les cinquante chefs d’accusation, et que le crime d’hérésie imputé à Maccovius ne paraissait nulle part. Quidam ex exteris theologis dicebant, potuisse illos quinquaginta errores ; ad quinque vel etiam quatuor reduci ; nec ullum crimen hæreseos, sicut objectum fuerat, in illis deprehendi [8]. Quand Lubbertus opina, il se mit fort en colère contre un des membres de la compagnie, et il produisit un nouveau rôle des erreurs de Maccovius. On lui répondit que l’on avait ouï dire à des personnes dignes de foi, qu’encore qu’il ne voulût point être partie, c’était lui qui avait extrait des thèses et des leçons de Maccovius les propositions prétendues erronées. Il s’échauffa, et jura deux fois que cela n’était pas vrai. Quod ut audiebat D. Sibrandus, vehementissimè commotus, bis Deum vindicem in animam suam precabatur si isthæc vera essent : adeò ut D. præses eum sæpiùs modestiæ sanctæ, et reverentiæ synodo debitæ jusserit meminisse [9]. Dans la CXLIIe. session il fut trouvé à propos de ne point lire devant le synode la troisième apologie de Maccovius, parce qu’elle contenait plusieurs choses personnelles contre Lubbertus. Elle ne fut lue que dans un comité particulier, dont Scultet [10] voulut bien être, quoiqu’il fût mal propre à être juge, puisque les théologiens d’Heidelberg avaient déjà déclaré qu’ils condamnaient l’accusé. Certè exteri mirabantur D. Scultetum nominatum fuisse à provincialibus ; et multo masgis, D. Scultetum id munus velle subire, cùm facultas theologica Heidelbergensis cujus ipse pars esset, theses illas, quæ examinandæ sunt, jam hactenùs tanquàm otiosas, metaphysicas, et falsas damnaverit [11]. Le jugement des commissaires fut que Maccovius avait été accusé mal à propos, et qu’il n’était coupable, ni de paganisme, ni de judaïsme, ni de pélagianisme, ni de socinianisme, ni d’aucune autre hérésie ; mais qu’il aurait dû ne se point servir de phrases obscures et ambiguës, empruntées des scolastiques, et ne pas nier certaines propositions. On les verra dans le latin que je m’en vais rapporter : on saura par ce moyen qu’il était supralapsaire, et qu’il s’exprimait durement sur des doctrines où il faut choyer la délicatesse des oreilles. Legitur judicium deputatorum à synodo in causâ Maccovianâ : cujus summa hæc erat : D. Maccovium nullius gentilismi, judaismi, pelagianismi, socinianismi, aut alterius cujuscunque hæreseos reum teneri, immeritòque illum fuisse accusatum : peccâsse eum, quod quibusdam ambiguis, et obscuris phrasibus scholasticis usus sit : quod scholasticum docendi modum conetur in belgicis academiis introducere ; quod cas selegerit quæstiones disceptandas, quibus gravantur ecclesiæ belgicæ : monendum esse eum, ut cum spiritu sancto loquatur, non cum Bellarmino aut Suarezio : hoc vitio vertendum ipsi, quod distinctionem sufficientiæ et efficientiæ mortis Christi asseruerit esse futilem : quod negaverit humanum genus lapsum esse objectum prædestinationis ; quod dixerit Deum velle, et decernere peccata : quod dixerit Deum nullo modo velle omnium hominum salutem : quod dixerit duas esse electiones. Judicant denique, liticulam hanc inter D. Sibrandum, et D. Maccovium componendam esse, et deinceps neminem debere eum talium criminum insimulare [12]. Le synode approuva le jugement des commissaires [13] ; et voilà quelle fut l’issue de ce procès. Il y eut un député de Frise qui demanda que l’on procédât contre les accusateurs, et qui s’offrit de prouver par des pièces authentiques, que Lubbertus avait eu ordre de se porter pour accusateur. Cette instance remua si fort les humeurs, que les députés politiques recoururent aux coups de marteau, dont ils se servaient quand ils voulaient imposer silence. Communi collegarum nomine coram synodo protestari, salvo jure ut agant contrà accusatores ; partes autem accusatorias domino Sibrando esse demandatas, constare ex litteris quibusdam publicis, quas è sinu deprompsit, ac coràm synodo legi postulavit : increbescenti hâc in expostulatione plurium fervori, ac multiloquio, modum imponunt delegati politici malleo suo, quo mos est silentium obstrepentibus imperare [14].

(D) Voici le titre de... ses écrits imprimés. ] Je le tire du Diarium Biographicum du sieur Witte, où se trouvent ces paroles [15] : Reliquit Collegia Theologica ; Locos Communes ; Distinctiones et Regulas Theol. ac Philosophicas ; Opuscula Philosophica ; Πρῶτον ψεῦδος Anabaptistarum ; Πρῶτον ψεῦδος, sive ostensionem primi Falsi Arminianorum [* 1] ; Prælectiones pro Perkinso contrà Arminium : Disceptationes de Triuno vero Deo, etc. Notez que la plupart de ces livres sont posthumes, et qu’ils ont été publiés par les soins d’un Polonais [16], qui était ministre d’une petite ville de Frise, et qui depuis fut professeur en théologie à Franeker. Il promettait d’en publier plusieurs autres. Voyez sa préface des lieux communs de Maccovius. Il les fit réimprimer avec bien des corrections, et bien des augmentations, tirées des manuscrits de l’auteur. Son épître dédicatoire est datée de l’an 1649. L’édition dont je me sers est de l’an 1658.

(E) Il acté accusé de plagiarisme. ] Celui qui a fait cette découverte la propose modestement, et sans oublier les louanges de Maccovius. Voici en quels termes : Imò ne absolvi quidem crimine hoc planè potest inter theologos nostros, vir alioqui subtilissimus, Johannes Maccovius. Quod si enim inspicere non detrectes Exercitationes ipsius Remonstrantium hypothesibus abhinc annos aliquot oppositas, docebunt te oculi tui, eximiam earum partem non tantùm quoad [* 2] materiam, sed quoad ipsa etiam verba, è Belgico latinè versa, è [* 3] Clar. Molinæi anatome Arminianismi compilatam esse. Quod in doctore, extemporanei acuminis honore alias celebratissimo, miratus semper fui [17].

  1. * Voici la note qu’on lit sur cette remarque, dans la Bibliothéque française, XXX, 2 : « M. Witte, que Bayle a suivi, ne fait pas une énumération complète des œuvres de Makowski. Cet auteur a composé plus de deux ouvrages auxquels il a donné le titre de Πρῶτον ψεῦδος. C’était son titre favori. Le Recueil, publié par Nicolas Arnoldus, Franeker, 1647, et intitulé, J. Macovius redivivus, en contient cinq : Πρῶτον ψεῦδος pontificiorum ; Πρῶτον ψεῦδος socinianorum ; Πρῶτον ψεῦδος lutheranorum ; Πρῶτον ψεῦδος arminianorum ; Πρῶτον ψεῦδος anabaptistarum. On y trouve aussi Casus conscientiæ ad normam doctrinæ socinianæ, et un Traité intitulé Anti-Socinus, dont M. Baillet ne parle pas dans son Recueil des Anti. C’est un Traité divisé en deux parties, dont la première a pour titre : De modo disputandi cum adversariis in genere, et la seconde simplement : Anti-Socinus. Enfin j’y trouve un petit Traité de sept pages, intitulé : Appendix de atheis. » J’ajouterai que l’Anti-Socinus de Makowski a été inconnu à P. Marchand, qui dans son Dictionnaire, au mot Anti-Garasse, page 50, ne parle que de l’Anti-Socinus de Gentillet, dont Bayle a fait mention dans l’article Gentillet, à la fin de la remarque (B), tom. VII, pag. 72.
  2. (*) Maccov. Colleg. theolog., disp. 4 et 11.
  3. (*) Molin. Anatom. Armianism., cap. 5 et 24.
  1. Tiré de Coccéius, Orat. funebr. Maccovii.
  2. Ibidem.
  3. Voyez, touchant cette comparaison, tom. III, pag. 363, la remarque (D) de l’article saint Bernard ; et la remarque (L) de l’article Castellan, tom. IV, pag. 550.
  4. Chap. LVI.
  5. Afin qu’on vît que je n’amplifie pas les pensées de Coccéius, je voulais les mettre ici en latin selon l’original, mais je n’ai pu retrouver l’Oraison funèbre.
  6. G. Balcauquallus, apud Epist. eccles. et theolog., pag. 573, col. 1, edit. in-folio, 1684.
  7. G. Balcanquallus, apud Epist. eccles. et theolog., pag. 573, col. 1, edit. id-folio, 1684.
  8. Idem, ibidem.
  9. Ibidem, col. 2.
  10. Député du Palatinat, et professeur en théologie à Heidelberg.
  11. Balcanquallus, apud Epist. eccles. et theol., pag. 573. col. 2.
  12. Balcanquallus, pag. 574, col. 2.
  13. Legitur, et per plura synodi suffragia approbatur, sententia deputatorum in causâ Maccovianâ ; qui eum ab omni hæresi absolvendum censuerunt ; sed monendum, ut theologiam docendi modum commodiorem sequatur, verborumque formis ex sacrâ scripturâ petitis utatur ; etiam justam eum reprehensionem incurrere ob quasdam propositiones ab ipso crudiùs et rigidiùs assertas. Balcanquallus, ibidem, pag. 5-6, col. 1.
  14. Balcanquallus, apud Epist. eccl. et theol., pag. 576, col. 1.
  15. Ad 24 jul. 1644.
  16. Nommé Nicolas Arnoldus. J’ai donné son article, tom. II, pag. 432.
  17. Saldenus, de Libris, pag. 156.

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