Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Maimbourg
MAIMBOURG (Louis) naquit à Nanci, l’an 1610, et se fit jésuite l’an 5626. Il enseigna les humanités pendant six ans, après quoi ses supérieurs l’appliquèrent aux fonctions de prédicateur. Il les exerça dans les principales villes du royaume [a], et je pense qu’il les finit contre la version de Mons. Les réponses que les jansénistes publièrent à ses sermons contre cette traduction, le firent connaître d’une manière un peu désavantageuse. Il fit trois traités de controverse [b], qui ne sont pas mal tournés ; mais il s’acquit encore plus de réputation par plusieurs histoires qu’il publia [c]. Les jansénistes critiquèrent celle de l’Arianisme, et celle des Iconoclastes, et laissèrent passer toutes les autres. Celle qu’il fit du Calvinisme, l’au 1681, lui suscita une rude guerre, dont il laissa toutes les opérations à ses ennemis : il se tint dans l’inaction ; il n’agit point offensivement, et ne se tint point sur la défensive. Il était déjà sorti de chez les jésuites par ordre du général de la compagnie, lorsqu’il publia cette histoire du Calvinisme. La raison qui obligea ce général à le dégrader fut qu’il s’était déclaré trop fièrement pour les doctrines de l’église gallicane, contre celles des ultramontains. Il se relira dans l’abbaye de Saint-Victor [* 1], et il y mourut le 13 d’août 1686 [* 2], après avoir fait un testament qui témoigne qu’il était mal satisfait des jésuites (A). Il avait eu beaucoup de part à l’amitié du père Ferrier, confesseur du roi (B). J’ai dit ailleurs [d] qu’il étudia à Rome sous Jean de Lugo. Les livres qui ont paru contre lui sont si communs, et contiennent si amplement ce qui regarde le caractère de son esprit, et sa conduite, qu’il n’est nullement nécessaire de compiler ici ces faits-là. Mais comme ceux qui ont réfuté son Calvinisme n’ont rien dit d’un certain sermon, qui a fourni un récit assez facétieux à un écrivain de Port-Royal (C), il sera bon que j’en fasse une remarque. J’en ferai une autre touchant les œuvres du père Maimbourg (D) ; et une autre sur un cousin qu’il avait (E), qui se fit de la religion, et qui est auteur de deux ou trois livres.
- ↑ * Joly dit tenir du père Oudi, que Maimbourg, retiré dans la maison professe des jésuites à Paris, fut sollicité par ses amis de quitter cette maison comme le désirait le pape. Maimbourg se rendit à leurs instances et alla faire part de sa résolution à Louis XIV, qui sur-le-champ fit écrire au provincial, que rien n’empêchait le général de la société d’être pleinement satisfait au sujet du père Maimbourg. Mais à peine celle-ci eut-il quitté le roi, qu’il se repentit de l’offre qu’il avait faite et retourna vers le roi pour se dédire. Louis XIV, choqué de cette versatilité ne voulut pas l’entendre, Maimbourg se retira donc à Saint-Victor,
- ↑ * Paravicini dit que dans la Continuatio historiæ ecclesiasticæ Hornii, on lit que Maimbourg, occupé par ordre du pape, à écrire une histoire d’un schisme d’Angleterre, pour l’opposer à celle de Burnet, fut frappé de la main de Dieu et suffoqué dans son sang. Sans discuter le fait, Joly qui cite le 4e. (c’est le 41e.) article de la 3e. centurie de Paravicini, observe qu’on ne doit pas trouver extraordinaire de voir un vieillard infirme et exténué de fatigues, mourir subitement.
(A) Il fit un testament qui témoigne qu’il était mal satisfait des jésuites. ] Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, mois de septembre 1686 [1].
(B) Il avait eu beaucoup de part à l’amitié du père Ferrier, confesseur du roi. ] Il nous l’apprend lui-même dans son saint Léon ; car après avoir expliqué ce que c’est qu’une opinion véritablement probable, contre la fausse idée que quelques-uns s’en sont formée, il ajoute : « Et c’est aussi ce qu’on trouvera très-solidement prouvé dans le petit livre de l’opinion probable, composé par le feu père Ferrier, confesseur d’un roi, et l’un des plus savans théologiens que j’aie jamais connus, de qui la mémoire me sera toujours en singulière vénération ; tant pour son mérite très-distingué, que pour les obligations très particulières que je lui ai, et dont je ne puis m’acquitter que par ce petit témoignage de ma gratitude, que j’en veux laisser à la postérité [2]. »
(C) Un de ses sermons…. a fourni un récit assez facétieux à un écrivain de Port-Royal. ] On le trouve dans une préface qui est au-devant de la défense [* 1] de la traduction de Mons, à l’édition de Cologne 1668, et qui n’a pas été réimprimée dans l’édition qu’on fit à Genève de toutes les pièces qui concernent cette traduction. Voilà pourquoi ce conte n’est guère connu, et n’a point été mis en avant par les censeurs de l’Histoire du Calvinisme. Il ne sera donc pas hors de propos que je l’insère dans cette remarque. Le voici ; c’est l’auteur de la préface qui parle.
« Il y a plus de vingt ans qu’étant allé par hasard en la chapelle du collége de Clermont, je vis monter en chaire un homme d’une mine extraordinaire et qui n’était pas de ceux dont l’Écriture dit, que la sagesse de leur âme reluit sur leur visage. On ne voyait au contraire que fierté dans ses yeux, dans ses gestes et dans tout son air ; et il aurait été capable de faire peur aux gens, si cette fierté n’eût été mêlée avec mille gestes de théâtre qui tendaient à faire rire... Son discours fut encore plus étonnant que son air ; et la bizarrerie en fut si étrange, qu’il n’y a été impossible de l’oublier. C’était le deuxième dimanche d’après Pâques, où l’on lit l’Évangile du bon Pasteur : il prit sujet sur cela de relever l’état des bergers, en remarquant que ce n’était pas autrefois la profession des gens de néant comme à présent, mais que les rois et les princes ne la jugeaient pas indigne d’eux. Il fit ensuite un grand dénombrement des princes bergers. Il n’y oublia pas les patriarches, et il en conduisit le catalogue jusques à David, sur lequel il s’arrêta fort long-temps ; car il fit une description badine de sa beauté, de la couleur de ses cheveux, de ses habits, et enfin de son chien. C’était, dit-il, un brave chien, et qui avait tant de courage, qu’il est à croire que cependant que son maître se battait contre Goliath, ce chien, pour n’avoir pas le déshonneur de demeurer sans rien faire, alla chercher de l’occupation contre les loups. Quand ce bon père fut une fois entré dans la matière des chiens, comme s’il y eût été attaché par quelque secrète sympathie, il n’en put sortir, et il en tira la division de son sermon, qui fut distribué en quatre points, selon quatre espèces de chiens. La 1re. espèce était des dogues d’Angleterre ; la 2e. des mâtins ; la 3e. des bichons, et la 4e. des bons chiens ; dont il fit une application aux différentes sortes de prédicateurs. Les dogues d’Angleterre étaient les jansénistes, ou comme l’on parlait alors les arnauldistes, qu’il représentait comme des gens indiscrets, qui déchiraient indifféremment tout le monde, qui ne faisaient nulle distinction entre les innocens et les coupables, qui accablaient tout le monde de rudes pénitences. Il décrivit les mâtins comme des chiens poltrons qui ne sont vaillans que sur leur fumier, et qui hors de là sont toujours dans la crainte, ce qu’il appliqua aux prédicateurs de cette humeur. Les bichons étaient selon lui les abbés de cour. Ils sont, disait-il, taillés en lions, et ils font beaucoup de bruit, mais quand on les voit de près on se moque de leur bruit. Il décrivit sur cela leurs manchettes, leurs rabats, leurs surplis, leurs gestes. Et enfin, les bons chiens étaient les jésuites et les prédicateurs tels que lui. Il est impossible de s’imaginer de quelle sorte il traita ce ridicule sujet, et jusques à quel excès il porta la bouffonnerie de ses descriptions. Ce que je puis assurer, y ayant été présent, est que j’y vis tous les révérends pères, qui étaient dans les galeries qui sont au-dessus, se tenir les cotés de rire depuis le commencement du sermon jusqu’à la fin, et le reste de l’auditoire ne put pas demeurer dans une plus grande retenue. Ce n’était qu’éclats que l’on ne pouvait empêcher. Tout cela divertissait le bon père, et lui donnait une nouvelle ardeur à augmenter toujours le ris de ses auditeurs par de nouvelles grimaces. Après avoir été spectateur de cette étrange profanation, et m’être informé du nom du jésuite qui avait prêché, que l’on me dit être le père Maimbourg, je sortis plus scandalisé de la société que de son prédicateur [3]. »
(D) Je ferai une remarque touchant les œuvres du père Maimbourg. ] Il publia à Rouen deux panégyriques, l’an 1640 : l’un est celui de Louis XIII, sur ce que ce prince avait mis la France sous la protection de la Vierge ; l’autre est un éloge des rois de France. Il avait publié à Rome, l’an 1638, l’oraison funèbre de Nicolas Zappi, moine Augustin, et il publia à Paris, l’an 1670, ses Sermons du Carême, en deux volumes in-8o. Le père Sotuel, qui m’apprend cela, ne parle point des Lettres de François Roman, qui est un ouvrage du père Maimbourg, dont le seul titre fut comprendre qu’il roule sur la manière dont il faut concilier l’obéissance due au pape, avec celle qui est due au roi. Sotuel n’a pas oublié les traités de controverse du père Maimbourg. Ce sont trois petits traités dont l’un [4] est intitulé : la Méthode Pacifique pour ramener sans dispute les Protestans à la vraie Foi sur le point de l’Eucharistie, au sujet de la contestation [5] touchant la perpétuité de la foi du même mystère. Le second a pour titre : de la vraie Église de Jésus-Christ, et le troisième, de la vraie Parole de Dieu. Le premier de ces trois ouvrages a paru si bon aux catholiques romains, qu’il tient la cinquième place entre les seize méthodes de convertir les huguenots, qui furent recommandées par le clergé de France aux controversistes, l’an 1682. Voici les paroles du mémoire qui fut dressé par cette assemblée. La cinquième est la méthode pacifique et sans dispute, fondée sur le synode de Dordrecht, que toutes les églises P. R. de France ont reçu, et qui a défini par l’Écriture-Sainte, que quand il y a contestation sur quelque article controverse entre deux partis qui sont dans la vraie église, il s’en fallait rapporter à son jugement, sur peine à celui qui refuse de s’y soumettre, d’être coupable de schisme et d’hérésie. C’est en cela effectivement que consiste toute la force de la méthode du père Maimbourg. Il montre par la conduite qui fut tenue en Hollande, lorsqu’il s’y éleva des disputes entre Les arminiens et les gomaristes, que selon la doctrine des protestans, c’est à l’église dans le sein de laquelle il se forme des contestations à faire droit aux parties, en décidant qui a tort ou qui a raison ; et qu’ensuite de son jugement définitif, il faut qu’elles cessent de disputer, et que ceux qui ne veulent pas se soumettre à la décision soient réputés hérétiques, et soient retranchés du corps comme des rebelles. Suivant ce principe, dira-t-on, les protestans doivent reconnaître que c’était au concile de Trente à prononcer en dernier ressort sur les disputes de Luther et de Calvin ; et qu’après la décision de ce concile il n’a plus été permis de se quereller, mais qu’il a fallu que chacun se conformât à l’arrêt définitif avec les docteurs romains, à peine de mériter les foudres de l’excommunication, comme un hérétique, et comme un rebelle. Ce n’est pas ici le lieu d’examiner si cet argument ad hominem a quelque force [6] : il suffit de dire que l’église protestante ne saurait être blâmée d’avoir établi un ordre sans lequel il est impossible qu’aucune société puisse subsister. Il faut que dans toutes les sociétés il y ait un tribunal qui prononce en dernier ressort sur les disputes des particuliers, et qui ait le droit d’infliger les peines de la rébellion à ceux qui refusent de se soumettre à ses arrêts [* 2], car autrement il ne serait pas possible de remédier à aucun désordre, ni d’empêcher que les disputes ne durassent éternellement. Je sais bien que l’on objecte qu’à ce compte il n’y a point d’autre différence entre l’église romaine et l’église réformée, à l’égard de l’autorité, si ce n’est que l’une déclare qu’elle est infaillible, et qu’il n’est point permis aux particuliers d’examiner ses décisions ; au lieu que l’autre se reconnaît faillible, et permet aux particuliers d’examiner tout, pourvu qu’enfin ils se soumettent à ses arrêts : je sais bien, dis-je, que l’on objecte qu’à ce compte la voie de l’autorité n’est pas moins le dernier refuge pour les protestans que pour les papistes ; mais je sais aussi ce que répondent les protestans. Trois de leurs auteurs [7] ont réfuté cette méthode du père Maimbourg. Celui que je nomme le dernier a pris le meilleur expédient qui se pouvait prendre : ses réflexions sont belles et bonnes ; mais il ne s’est pas toujours aperçu si ses réponses étaient un paralogisme. J’en vais donner un exemple.
Il se propose cette objection dans la page 347. « Si l’on n’est pas obligé de se soumettre aux décisions des conciles et des synodes ; s’il est toujours permis d’en appeler ; si chacun est en droit de regarder ces décisions comme de simples conseils, et de les rejeter quand on ne les juge pas conformes à la parole de Dieu ; il n’y aura pas de moyen de vider aucune controverse, ni de la terminer [8]. » Il répond entre autres choses que ceux qui font si fort valoir cette difficulté, ne la lèvent point par le dogme de l’infaillibilité de l’église. Il le prouve [9] par les deux cents hérésies qui, selon le calcul de Bellarmin, ont fait de grands ravages dans l’église romaine, qui a toujours déclaré, dit-on, qu’elle était infaillible. Il ajoute [10] qu’il y a dans la naissance des hérésies ce qu’on appelle θεῖον τὶ, quelque chose de surnaturel ; et qu’ainsi il ne faut pas s’imaginer que nous ayons des moyens d’arrêter ces maux, sans que Dieu s’en mêle d’une manière extraordinaire. Il y a deux grands défauts dans cette réponse : 1°. C’est avouer aux adversaires que Dieu n’a laissé à son église aucun moyen ordinaire qui soit capable de terminer les disputes ; 2°. que la multitude des hérésies, qu’on a vue dans le christianisme, fait voir que le dogme de l’autorité n’est pas propre à les éteindre. Comment cet auteur n’a-t-il point vu que ces hérésies n’auraient jamais pu durer, si leurs sectateurs avaient adopté ce dogme ? Elles ne se sont maintenues qu’en le rejetant : cela prouve-t-il quelque chose contre la bonté du remède ? Un malade qui ne guérit point, parce qu’il rejette tout ce que le médecin lui ordonne, peut-il être un témoignage que les remèdes de ce médecin ne valent rien ? Cela soit dit en passant pour avertir les lecteurs qu’il y a une ample moisson de critique dans les ouvrages de controverse.
Je reviens aux livres du père Maimbourg sans donner le titre de ses histoires : on le trouvera dans le Supplément de Moréri [* 3]. Je crois pouvoir dire qu’il avait un talent particulier pour cette sorte d’ouvrages. Il y répandait beaucoup d’agrément, et plusieurs traits vifs, et quantité d’instructions incidentes. Il y a peu d’historiens, parmi même ceux qui écrivent mieux que lui, et qui ont plus de savoir et d’exactitude que lui, qui aient l’adresse d’attacher le lecteur autant qu’il fait. Je voudrais que ceux qui pourraient le surpasser en bonne foi et en lumières, nous donnassent toutes les histoires qu’il eût entreprises, s’il avait vécu encore vingt ans, et qu’ils y semassent les mêmes attraits que lui. Ce ne serait pas un bien médiocre pour la république des lettres. J’ai dit dans le corps de cet article que son Histoire de l’Arianisme, et celle des Iconoclastes, furent critiquées. Cette critique est fort bonne [11] : elle fut brûlée à Paris, l’an 1674. On la réimprima en Hollande, l’an 1683. Son histoire de l’église de Rome a été aussi critiquée, et j’ai ouï dire que l’auteur de cette critique est M. Boileau le docteur. Son ouvrage a été imprimé deux fois [12], et il est fort augmenté dans la seconde édition. Il est parlé de la première dans les Nouvelles de la République des Lettres [13]. L’extrait qu’on y trouve de cette pièce fait voir que M. Maimbourg réussit très-mal dans les assauts qu’il donna à l’infaillibilité du pape et à la supériorité du saint siège sur les conciles.
(E) Je ferai une remarque sur un cousin qu’il avait, nommé Théodore Maimbourg. ] Il se conforma à la coutume du temps, qui était que ceux qui changeaient de religion publiassent quelque chose sur les motifs de leur changement. La lettre qu’il écrivit sur ce sujet à son frère aîné, fut imprimée l’an 1659. Il se retira en Guienne [14] chez le marquis de Bougi, et composa une Réponse sommaire à la méthode du cardinal de Richelieu. Il la dédia à madame de Turenne, et envoya le manuscrit à Samuel des Marets, qui le publia à Groningue, l’an 1664. L’auteur se donne le nom de R. de la Ruelle. Il rentra dans la communion romaine quelque temps après, et il en faisait profession lorsque le fameux ouvrage de l’Exposition de la Doctrine catholique fut imprimé [15]. Il fit même des réflexions sur cet ouvrage, qui furent vues en manuscrit par des gens de la religion. C’est ce qui fit que M. de la Bastide [16] avança qu’on savait une personne catholique qui écrivait contre l’Exposition de M. de Condom. Je me sers des mêmes paroles que M. de Condom cite comme tirées de la page 23 de la préface de M. de la Bastide : mais voici ce que je trouve dans cette préface à la page 30 de la seconde édition. On a su qu’il y a quelque personne de l’église romaine qui écrit contre cette même Exposition de M. de Condom, et ce que ceux de sa communion pourront dire touchant leur propre créance sera encore de plus de poids, et moins suspect dans leur bouche que dans la nôtre. M. de Condom remarque que l’on abusait messieurs de la religion quand on leur disait cela. Ce serait certainement, ajoute-t-il [17], une chose rare, que ce bon catholique, que les catholiques n’ont jamais connu, eût été faire confidence aux ennemis de l’église de l’ouvrage qu’il méditait contre un évêque de sa communion. Mais il y a trop long-temps que cet écrivain imaginaire se faisait attendre ; et les prétendus réformés seront de facile créance, s’ils se laissent dorénavant amuser par de semblables promesses. Cette personne de l’église romaine, dont M. de la Bastide voulait parler, était notre Théodore Maimbourg, qui passa en Angleterre environ l’an 1682, pour rentrer dans l’église protestante. Il prit avec lui divers manuscrits qu’il avait faits, et entre autres une réponse à la Méthode pacifique de son cousin le jésuite, et une réponse à l’ouvrage de l’évêque de Condom. La première de ces deux pièces fut imprimée à Roterdam, l’an 1683. On exhorta le libraire à imprimer incessamment la seconde ; mais le débit de la première ne l’y encouragea point. Ainsi l’ouvrage est demeuré dans les ténèbres du cabinet. L’auteur fut donné pour gouverneur à l’un des fils naturels du roi d’Angleterre Charles II. Il est mort à Londres il y a deux ou trois ans [18] [* 4], et si l’on en veu croire les bruits qui coururent, il déclara aux ministres qui le préparèrent à la mort, qu’il mourait socinien, et l’on ne put jamais l’en faire démordre. J’ai ouï dire que c’était un homme de bonne mine, et qui avait de l’esprit, et assez de science du monde. Ce que l’on a lu dans une lettre de M. Simon [19] est tout-à-fait propre à persuader que cet homme-là mourut ouvertement unitaire, et qu’il l’avait été assez longtemps incognito. C’est une particularité bien curieuse. Je vous conseille de l’aller lire dans original.
Il y a un jésuite lorrain nomme Jean Maimbourg, qui ne cédait ni en savoir, ni en esprit, au fameux Sérarius, autre jésuite lorrain ; mais il ne voulut jamais publier de livres, quoiqu’on l’y exhortât vivement. C’est un jésuite du même pays qui conte ces choses. Magnum uterque Lotharingiæ lumen, magnum eruditionis omnis ornamentum, magnum pietætis, et christinæ modestiæ decus. Ambo florentes ingeniis, eruditi ambo, ambo in omnis generis authorum assiduâ lectione versati, vel potiùs omnibus tùm sacræ tùm profanæ doctrinæ partibus absoluti atque perfecti : ambo sacras litteras, et hanc ipsam, que me suspensum tenebat, transcriptionem,
Explanare pares, et respondere parati.
Alterscriptis in lucem publicam emissis
illustrior : alter in genio par,
eruditione, virtutibus : hoc uno duntaxat
inferior quòd adduci nunquàm
potuit, ut ingenii doctrinæque suæ
fœtus expromeret, ac prælo mandari
pateretur. Alter erat Nicolaus Serarius,
alter Joannes Memburgus [20].
- ↑ * Leclerc et Joly disent que cette défense est d’un inconnu. Cet inconnu est Antoine Arnaud, aidé de Nicolle. Dans le Moréri, auquel Joly lui même renvoie, la Défense est comprise parmi les ouvrages d’Arnauld.
- ↑ * Leclerc et Joly reconnaissent que le principe est raisonnable ; mais ils reprochent à Bayle de le contredire en plusieurs endroits de son Dictionnaire, et entre autres, dans la remarque (D) de l’article Pellisson, tom. XI, où il rapporte un passage de la Placette.
- ↑ * Joly donne le catalogue exact des ouvrages de Maimbourg, au nombre de vingt sept articles ; il déciare n’avoir indique que les éditions les plus estimées des ouvrages historiques de ce jésuite.
- ↑ * Leclerc dit que c’est en 1693 que mourut Théodore Maimbourg
- ↑ Pag. 1034 et suiv.
- ↑ Maimbourg, Histoire du Pontificat de saint Léon, liv. IV, pag. 343, édition de Hollande.
- ↑ Préface de la Défense de la Traduction du Nouveau Testament, imprimé à Mons, contre les Sermons du père Maimbourg, jésuite, pag. 6.
- ↑ Imprimé à Paris, l’an 1670. Il y fut réimprimé pour la troisième fois, l’an 1682.
- ↑ C’est celle qui faisait alors tant de bruit entre M. Arnauld et M. Claude.
- ↑ M. Jurieu, Traité de la Puissance de l’Église, pag. 323, avoue qu’il y a de l’adresse et de l’esprit dans ce livre de Maimbourg ; et pag. 325, que le tour qu’il donne à la difficulté a quelque chose d’éblouissant, et jette dans l’esprit l’idée d’une assez grande difficulté.
- ↑ Savoir : 1°. M. Lenfant, ministre de Chatillon-sur-Loing, père de M. Lenfant, ministre à Berlin, 2°. Un cousin du père Maimbourg, dont je parlerai ci-dessous. 3°. M. Jurieu, dans ses Lettres sur la Puissance de l’Église, imprimées à Rouen, l’an 1677.
- ↑ Jurieu, Traité de la Puissance de l’Église, VIIe. lettre, num. 9, pag. 347.
- ↑ Là même, pag. 348.
- ↑ Là même, pag. 351.
- ↑ Elle a pour titre : Entretiens d’Eudoxe et d’Euchariste, sur l’Histoire de l’Arianisme et l’Histoire des Iconoclastes, du père Maimbourg.
- ↑ En Hollande, l’an 1686 et l’an 1688.
- ↑ Mois d’avril 1686, pag. 461.
- ↑ Au château de Calonge, dans le Condomois, proche d’Agen.
- ↑ Composé par M. Bossuet, alors évêque de Condom. Ce livre fut imprimé pour la première fois, l’an 1671.
- ↑ Dans l’avertissement de sa Réponse au livre de M. de Condom. Voyez l’avertissement de ce prélat sur la seconde édition, pag. 25, édition de Hollande.
- ↑ Là même.
- ↑ On écrit ceci au mois de janvier 1696.
- ↑ La VIe. de ses Lettres choisies, pag. 64, 65 de l’édition de Trévoux, 1700.
- ↑ Nicol. Abramus, in Pharo Veteris Testamenti, pag. 256, col. 2.