Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Macédo 1


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MACÉDO[* 1] (François[a]), une des plus fertiles plumes du XVIIe. siècle, naquit à Conimbre, l’an 1546, et se fit jésuite l’an 1610. Il enseigna la rhétorique plusieurs années, la philosophie pendant un an, la chronologie assez long-temps. Il fit profession du quatrième vœu, l’an 1630 [b], et néanmoins il quitta l’ordre des jésuites, et entra chez les cordeliers l’an...[* 2] Il ne cessa point pour cela de travailler à la gloire de saint Ignace (A). Il embrassa avec chaleur le parti du duc de Bragance, élevé à la couronne de Portugal, et publia plusieurs livres pour la justice de cette cause (B). Il accompagna en France et en Angleterre les ambassadeurs de ce prince. Il fut appelé à Rome pour des emplois honorables ; car on lui donna à professer la théologie polémique dans le collége de propagandâ fide ; et puis l’histoire ecclésiastique dans le collége de la Sapience, avec la fonction de censeur du saint office. Il passa de Rome à Padoue, environ l’an 1670, pour y enseigner la théologie [c]. C’était un esprit ardent et assez universel, et qui a eu beaucoup de querelles (C). On s’étonne qu’avec beaucoup de savoir et de mémoire, il ait blanchi sous le froc, et n’ait pas été promu à l’épiscopat [* 3]. Il n’a pas manqué de se plaindre qu’on l’eût si fort négligé (D). Les bibliothécaires des jésuites n’ont fait mention que des ouvrages qu’il publia avant que d’entrer chez les cordeliers (E). Don Nicolas Antonio donne le titre de quelques autres (F). Macédo vivait encore l’an 1676, et était lecteur plus que jubilé [* 4]. Les éloges que M. Leti lui donne [d] sont capables d’étonner tous les lecteurs.

  1. * Leclerc dit qu’il s’appelait de Macédo.
  2. * Ce fut, dit Joly, après 1633, mais avant 1640.
  3. * Ce fut cependant, suivant Joly, le désir de l’épiscopat, auquel la robe de jésuite ne lui permettait pas d’aspirer qui l’engagea à entrer dans un autre ordre.
  4. * Leclerc dit qu’il mourut en 1681, à quatre-vingt-cinq ans.
  1. Depuis qu’il fut cordelier, il se nomma Franciscus à Sancto Augustino.
  2. Nathan. Sotuel. Biblioth, Scriptorum societ. Jesu. pag. 235.
  3. Tiré de don Nicolas Antonio. Biblioth. Scriptor. Hispan., tom. I, pag. 356. Notez que dans plusieurs livres que le père Macédo a publiés pendant son professorat de Padoue, il se qualifie professeur en philosophie morale.
  4. Dans son Italia regnante. Vous en trouverez des extraits dans le Polyhistor. de Morholius, lib. I, cap. XXII, p. 269 et suiv.

(A) Il ne cessa point... de travailler à la gloire de saint Ignace. ] Voyez le livre qu’il publia à Venise, l’an 1668, intitulé : Concentus Euchologicus Sanctæ Matris ecclesiæ in breviario, et sancti Augustini in libris, adjunctâ Harmoniâ exercitiorum sancti Ignatii soc. Jesu Fundatoris, et operum sancti Augustini ecclesiæ doctoris. Après avoir montré amplement dans cet ouvrage que les oraisons du bréviaire ont une merveilleuse conformité avec les écrits de saint Augustin, il fait voir une semblable conformité entre ces mêmes écrits et les exercices spirituels de saint Ignace ; et non content de cela il compare ensemble les mœurs et la vie de ces deux saints, pour y trouver une grande sympathie [1].

(B) Il embrassa... le parti du duc de Bragance,... et publia plusieurs livres pour la justice de cette cause. ] Entre autres de jure succedendi in regnum Lusitaniæ, à Paris 1641, in-4°., et Propugnaculum Lusitano-Gallicum contrà calumnias Hispano-Belgicas, in quo fermè omnia utriusque regni tùm domi tùm foris præclarè gesta continentur. À Paris, 1647, in-folio. Je me souviens d’un passage de Hexaméron rustique que je m’en vais alléguer. « Les deux frères de Sainte-Marthe ayant rapporté quelque chose dans la Layette-de Champagne cotée F, le père Macédo, dans sa Lusitano-Gallia cite cela, et fait un homme d’un tiroir, Franciscus Layette Campanus [2]. »

(C) Il a eu beaucoup de querelles. ] J’en parlerai plus amplement une autre fois. Il me suffit ici de marquer qu’il n’entreprit la critique du cardinal Bona, que parce que ce cardinal ne l’avait jamais cité [3]. C’est une preuve que Macédo était fier et querelleur. La république des lettres a ses bretteurs ; Macédo en était un [4].

(D) On s’étonne qu’avec beaucoup de savoir et de mémoire... il n’ait pas été promu à l’épiscopat. Il n’a pas manqué de se plaindre qu’on l’eût si fort négligé. ] M. Leti croit que c’est une honte à notre siècle. qu’un tel religieux n’ait pas été élevé aux dignités de l’église. Lisez ce qui suit, vous y trouverez les complaintes de Macédo. E pure, vergogna del nostro secolo, quando morrà, si potrà di lui dire quello che esso medesimo scrisse à carte 12 del dottissimo abate Ilarione Rancati. Et tamen, tantus hic Vir domesticis duntaxat insignitus honoribus occubuit, et monastico indutus habitu sepelitur. Ogni uno poi vede à chi spesse volte si danno i vescovadi ; e l’altre dignità. Benche modestissimo, non ha potuto far di meno tal volta di non si dolere della sua cattiva fortuna, onde per tralasciare diversi altri luoghi, nella prefazione al lettore del suo primo tomo delle Collationi della Dottrina di santo Tomaso, e di Scota. Scribo procul à fuco, longè ab ambitione : omni spe honoris non modò abjectà, sed etiam amissâ : victimâ veritatis non mactâ, sed mactatâ. Contigit mihi jactare in scholâ, quod ille alter in acie,

Disce, legens, doctrinam ex me, verumque laborem,
Fortunam ex aliis : nam te mea Penna Minervæ
Addictum dabit, et nulla inter præmia ducet.

E nella seconda prefazione all' apologia per San Vincentio Lirinense, intendendo del padre M. Noris, e di se medesimo. Scias, mi lector, hujusmodi auctoribus nihil esse invidendum : præter fortunam. In aliis nihil desiderari præter candem [5]. On ne saurait voir de plus grandes marques d’un esprit présent, et fourni d’une riche provision de connaissances, que celles que le père Macédo donna lorsqu’il soutint pendant trois jours une thèse sur toutes sortes de sujets. Voici du détail [6] : Has theses summâ omnium expectatione, et admiratione exceptas sustinuit pater Macedo, eventu felicissimo, præsentibus multis excellentissimis D. D. procuratoribus sancti Marci, et compluribus senatoribus, et nobilibus Venetæ reipublicæ, et magno numero doctorum, ac religiosorum rivorum, etiam alienigenarum quos fama exciverat. Interrogârunt, et probârunt hominem innumeris quæsitis, et argumentis doctores, ac magistri omnium ordinum, quibus ipse ad votum respondit ac si premeditata omnia habuisset. Tantâ felicitate, ut nunquàm titubaverit, nunquàm dubitaverit, nunquàm hæserit, nunquàm cunctatus fuerit. Imò sæpè accidit, ut arguentibus quæ objiciebant, obliviscentibus, aut malè recitantibus, ipse dicenda subministraret, et corrigeret. Inter quos fuit unus, qui Sacræ Scripturæ locum malè citârat : et alter cui locus Virgilii memoriâ exciderat : et tertius, qui nonnullos autores suspectos pro suâ sententiâ allegaverat. Primò igitur testimonium Sacræ Scripturæ correxit. Secundò versus Virgilii suggessit. Tertiò subtraxit suspectos auctores, et idoneos subministravit. Joignez à cela ces paroles du comte Jules Clément Scot [7] [* 1]. Romæ commorans, cum omnium profecto dignâ admiratione, non solùm in sancti Augustini, cujus doctrinæ est addictissimus, templo, trium spatio dierum anno 1685 de omni planè scibili theses exposuit, ac respondit ; verùm et ex improviso de quâcumque re sibi propositâ, copiosum, concinnumque sermonem habuit, oppositasque, ne dum diversas doctorum opiniones catholicorum ingeniosissimè defendit.

(E) Les bibliothécaires des jésuites n’ont fait mention que des ouvrages qu’il publia avant que d’entrer chez les cordeliers. ] Ce sont des thèses de rhétorique qu’il fit soutenir dans Madrid. et des poésies lyriques sur l’apothéose de François Xavier, et de sainte Élisabeth, reine de Portugal, ou des élégies sur la mort de François de Mendoza, et outre cela un abrégé de chronologie, depuis le commencement du monde jusques à l’année 1633. Un traité de l’art poétique, et la vie de don Louis de Ataide, vice-roi des Indes. Ce dernier ouvrage est en espagnol.

(F)Don Nicolas Antonio[8] donne le titre de quelques autres. ] Des deux dont je parle dans la remarque (B) ; des Elogia Gallorum, à Aix en Provence, 1642, in-4o. ; du Tessera Romana authoritatis pontificiæ adversùs Buccinam Thomæ Angli, et Lituus Lusitanus, hoc est Apologia mentis Innocentii X adversùs Thomam Anglum, à Londres, 1654, in-4o. ; du Scrinium divi Augustini de prædestinatione gratiæ, et libero arbitrio, à Paris, 1648, in-4o. ; du Mens divinitùs inspirata sanctissimo P. N. Innocentio X super quinque propositionibus Cornelii Jansenii, à Londres, 1643, in-4o. ; du Scholæ theologiæ positivæ ad doctrinam Catholicorum et refutationem Hæreticorum apertæ, à Rome, 1664, in-folio ; et de plusieurs autres. Je ne garantis pas que don Nicolas Antonio marque bien partout le lien et l’année de l’impression. Consultez Konig[9] qui vous dira que Macédo a publié XLVII volumes : il donne le titre de quelques-uns, et nous renvoie à l’Italia regnante de M. Leti[* 2]. Le XIIIe. Giornale de’ Letterati de l’an 1676, nous apprend que le Schema sacræ congregationis Sancti Officii Romani, imprimé à Padoue l’an 1676, était le XLVIIe, tome des œuvres du père François Macédo. On élève l’inquisition jusques aux nues dans cet ouvrage : que dis-je, jusques aux nues ? on en met la première institution dans le paradis terrestre, et l’on prétend que Dieu commença d’y faire la fonction d’inquisiteur, et qu’il la continua hors du paradis contre Caïn, et contre ceux qui bâtirent la tour de Babel ; et que saint Pierre agit en la même qualité contre Anamias et Saphira, et qu’il la transmit aux papes qui en investirent saint Dominique et ses successeurs. C’est ainsi que Macédo prouve par l’écriture la justice de ce tribunal[10]. Je ferai mention ci-dessous [11] de sa réponse au critique de l’apologiste d’Annius de Viterbe.

  1. * Joly observe qu’il fallait dire Scotti.
  2. * Niceron, dans le tome XXV de ses Mémoires, a donné un catalogue curieux des ouvrages de Macédo ; mais il en oublie plusieurs qui n’ont point été imprimés, et que l’auteur composa pendant qu’il était jésuite. Joly donne les titres de six, dont un seul est mentionné dans Sotuel. Dans l’Italia regnante, à laquelle renvoie Konig, on trouve le catalogue de tous les ouvrages qu’avait composés Macédo. Ce catalogue, fait par l’auteur lui-même, et qu’il avait fait imprimer à la suite de son Myrothecium morale, 1675, in-4o., a été réimprimé dans le Polyhistor. de Morhoff, liv. I, chap. XXII., n°. 40. Ce catalogue qui, dans l’Italia regnante au moins, offre beaucoup de fautes d’impression, a donné lieu à une inadvertance de la part de Joly. Joly s’étonne que ce catalogue porte à deux mille six cents le nombre des poëmes épiques composés par Macédo. « Quand chaque poëme épique, dit-il, n’aurait coûté qu’une semaine à l’auteur, il n’aurait pu composer les deux mille six cents que dans l’espace de cinquante années, il faut sans doute que ces poëmes ne fussent guère plus longs que les épîtres des Lacédémoniens. » Or voici le texte tel qu’on le lit, soit dans le Myrothecium, soit dans l’Italia, soit dans le Polyhistor. : Poëmata epica recitavi publicè quadraginta octo. Elegias composui centum viginti tres… poemata epica justa bis mille sexcenta… Joly n’a pas fait attention à l’épithète de justa, qui indique qu’il est question de poemes funèbres ou funéraires. Quant au mot epica, il est mis pour indiquer la mesure des vers employés dans ces poëmes, en opposition à ceux que l’auteur avait employés dans ses élégies.
  1. Voyez le Giornale de Letterati, du 29 de décembre 1669, pag. 135.
  2. Hexaméron rustique, pag. 29.
  3. Jean Pastricius apprit cela au père Mabillon. Voyez le Musæum Italicum de ce père. [Leclerc observe que Mabillon, à la page 593 du tome II de son Musæum, a mis un correctif en ces termes : Verùm id alii pernegant, asseruntque Macedonem ad impugnandum Bonam impulsum fuisse à gravissimis viris quibus Bonæ sententia non placebat.]
  4. Voyez l’article Anglus, tom. II, p. 112, remarque (E).
  5. Leti, Italia regnante, part. III, p. 193, 194.
  6. Il padre Arcangelo di Parma, à carte 16 e 17 della sua Riposta al Padre Noris, apud Leti, Italia regnante, part. III, pag. 209, 210.
  7. À la page 3 de ses Notæ ad Historiam Concilii Tridentini Patris Sfortiæ Pallavicini, apud Leti, ibidem, pag. 208, 209.
  8. Bibliotheca Scriptor. hispan., tom. I, pag. 337.
  9. Konig, Biblioth. vet. et nova, pag. 491.
  10. Voyez le XIIIe. Journal d’Italie, 1676, pag. 201, 202.
  11. Dans la première remarque de l’article suivant.

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