Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Métrodore 2


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MÉTRODORE, bon peintre et bon philosophe, fut choisi par les Athéniens pour être envoyé à Paul Émile, qui, après avoir pris Persée, roi de Macédoine, leur avait demandé deux hommes, l’un afin de lui donner à instruire ses enfans, l’autre afin de lui faire peindre son triomphe. Il témoigna souhaiter que le précepteur fût un excellent philosophe. Les athéniens lui envoyèrent Métrodore, qui excellait tout ensemble et dans la philosophie et dans la peinture. Paul Émile fut très-content de leur choix. C’est Pline qui conte cela (A). Nous verrons dans les remarques s’il est vrai que Cicéron parle de ce Métrodore, comme le père Hardouin le prétend (B). Je croirais qu’il parle plutôt de Métrodore de Stratonice (C), qui abandonna l’école épicurienne pour s’attacher à Carnéade.

(A) Les Athéniens l’envoyèrent…. à Paul Émile, qui fut très-content de leur choix. C’est Pline qui conte cela. ] On sera bien aise de voir ses paroles : ubi (Athenis) eodem tempore erat Metrodorus pictor, idemque philosophus, magnæ in utrâque scientiâ auctoritatis. Itaque cùm L. Paulus, devicto Perseo, petîsset ab Atheniensibus ut sibi quàm probatissimum philosophum mitterent ad erudiendos liberos, itemque pictorem ad triumphum excolendum, Athenienses Metrodorum elegerunt professi eundem in utroque desiderio præstantissimum quo ità Paulus quoque judicavit [1]. Vossius se trompe quand il assure que ce Métrodore était médecin [2].

(B) Nous verrons... s’il est vrai que Cicéron parle de ce Métrodore, comme le père Hardouin le prétend. ] Le père Hardouin s’est imaginé que ce passage de Pline concerne un homme qui fut auditeur de Carnéade, et qui écrivit un livre de Architectonice, et un autre de Poëtis [3]. Voilà trois choses que l’on affirme de lui : on se fonde pour la première, sur l’autorité de Cicéron au Ier. livre de Oratore ; pour la seconde, sur l’autorité de Pline dans l’index du XXXVe. livre ; et pour la troisième, sur le témoignage de Plutarque, au livre contre les Épicuriens. Examinons cela en rétrogradant. Il est visible que le Métrodore, cité par Plutarque [4] comme ayant écrit des poëtes, est celui qui fut ami d’Épicure. Il ne vivait donc pas au temps de Persée ; car Épicure, qui lui survécut sept ans [5], mourut la 2e. année de la 127e. olympiade [6] : mais Persée ne fut pris par les Romains qu’environ la fin de la 152e. L’Index du XXXVe. livre de Pline ne contient rien qui nous engage à donner au Métrodore de Persée les écrits d’architecture : et pour ce qui est du passage de Cicéron, il ne paraît guère convenir à ce Métrodore : rapportons le. Audivi summos homines quùm quæstor ex Macedoniâ venissem Athenas florente academiâ, ut temporibus illis ferebatur, quòd eam Carneades, et Clitomachus, et Æschines obtinebant. Erat etiam Metrodorus qui cum illis unà ipsum illum Carneadem diligentius audierat [7]. C’est l’orateur Crassus qui parle ; le temps qu’il désigne est, selon toutes les apparences, l’an 650 de Rome. Comment donc s’imaginer que le Métrodore de Persée fût encore en vie ? car on l’avait envoyé à Paul Émile environ l’an 585, comme l’un des plus excellens philosophes qu’on pût choisir dans Athènes. Il est plus facile de réfuter Volaterran, qui a cru non-seulement que le Métrodore, qui fut envoyé à Paul Emile, est le disciple de Carnéade, dont Cicéron vient de parler, mais aussi que sa mémoire artificielle a été louée par Cicéron [8]. Le Métrodore qui a été loué par cet endroit-là, était de Scepsis, et différait du disciple de Carnéade. En voici la preuve démonstrative. Crassus entendit celui-ci dans Athènes [9], et l’autre dans l’Asie. Paulùm sitiens, dit-il [10], istarum artium de quibus loquor, gustavi quæstor in Asiâ, quùm essem æqualem ferè meum ex academiâ rhetorem nactus Metrodorum illum de cujus memoriâ commemoravit Antonius. Il est clair qu’il parle de Métrodore de Scepsis ; car Antoine l’orateur avait dit : Vidi ego summos homines et divinâ propè memoriâ, Athenis Carneadem, in Asiâ quem vivere hodiè aiunt Scepsium Metrodorum, quorum uterque tanquàm litteris in cerâ, sic se aiebat imaginibus in iis locis quos haberet, quæ meminisse vellet, perscribere [11]. Crassus parle peu après en cette manière : Audivi… et Athenis cùm essem, doctissimos viros, et in Asiâ istum ipsum Scepsium Metrodorum quùm de his ipsis rebus disputaret [12].

(C)... Je croirais qu’il parle plutôt de Métrodore de Stratonice. ] Nous avons vu [13] que son Métrodore s’était attaché à Carnéade avec beaucoup d’application. Il dit dans un autre livre, que Métrodore le Stratonicien pouvait bien connaître Carnéade [14]. On peut donc s’imaginer que ces deux endroits concernent la même personne. Nous voyons d’ailleurs dans Diogène Laërce, un Métrodore de Stratonice qui rompit avec Épicure pour suivre l’école de Carnéade. L’historien s’est trompé au temps ; car la mort d’Épicure a précédé la naissance de Carnéade : mais son erreur ne laisse pas de servir à faire croire que Métrodore, celui dont l’orateur Crassus faisait mention, est Métrodore de Stratonice. Quant à la méprise de Diogène Laërce, voyez M. Ménage [15], et les pièces insérées dans le Journal des Savans, que j’ai citées en un autre endroit. [16]

  1. Plin., lib. XXXV, cap. XI, pag. m. 230.
  2. Vossius, de Histor. græcis, pag. 389.
  3. Harduin., in Plinium, lib. XXXV, cap. XI, pag. 230.
  4. Plutarch., non posse suaviter vivi, pag. 1094, E.
  5. Diog. Laërt., lib. X, num. 23.
  6. Idem, ibidem, num. 15.
  7. Cicero, de Orat., lib. I, cap. XI.
  8. Volaterr., lib. XVII, pag. m. 426.
  9. Voyez la citation (7).
  10. Cicero, de Orat., lib. III, cap. XX.
  11. Cicero, de Orat., lib. II, c. LXXXVIII.
  12. Idem, ibidem.
  13. Dans la remarque précédente, citat. (7).
  14. Benè autem nosse Carneadem Stratoniceus Medrodorus putabatur. Cicero, Academ. Quæst., lib. II, fol. 203, B. Notez que ces paroles n’ont guère de liaison avec les précédentes. On dirait qu’il y a là une lacune.
  15. Menag., in Diog. Laërtium, t. X, num. 9.
  16. Dans la remarque (N) de l’article Carnéade, tom. IV, pag. 472.

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