Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Dolet


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DOLET (Étienne), bon humaniste, brûlé à Paris pour ses opinions sur la religion [a] le 3 d’août 1246 [b], était d’Orléans. Il travailla à la réforme du style latin, et il composa d’assez bons ouvrages (A) sur cette matière. Quelques-uns [c] ont cru que ses commentaires sur la langue latine [d] étaient un ouvrage ou il fut fort aidé par Naugier, chez qui il avait demeuré à Venise. D’autres lui firent publiquement un procès de plagiat (B). Il se mêlait de faire des vers en latin et en français, et n’y réussissait pas mal (C). Il écrivit une apologie pour la secte des cicéroniens qu’Érasme avait insultée. Cultivant les belles-lettres autant qu’il faisait, il ne faut pas s’étonner qu’il eût part à l’affection de Castellan, prélat docte et fort aimé de François Ier. Castellan pria tant pour lui qu’il le fit sortir de prison (D), et relança d’une manière très-raisonnable les reproches qu’un cardinal lui fit là-dessus (E). Je crois facilement que Dolet promit qu’il serait bon catholique ; mais comme il ne tint pas cette promesse, il n’y eut plus personne qui osât parler pour lui, la seconde fois qu’on l’emprisonna [* 1]. Abandonné donc à la fureur des inquisiteurs, il fut condamné au dernier supplice. On a publié une lettre qui témoigne qu’il se recommanda à la sainte Vierge et à saint Étienne, un peu avant que d’être étranglé (F) ; mais, pour les raisons que j’ai dites en un autre lieu [e], ces sortes de témoignages sont fort suspects. Les poëtes des deux partis s’escrimèrent sur ce supplice. Voyez quelques-uns de leurs vers dans M. le Laboureur [f], qui a eu grand tort de dire que Dolet a été placé au martyrologe des protestans (G).

On a dit [g] qu’il était bâtard de François Ier., mais qu’il n’était pas reconnu tel. Je ne saurais croire qu’il fût fils de ce monarque [* 2] : je sais bien qu’il était encore jeune lorsqu’il publia deux tomes in-folio, l’an 1536 ; mais je ne saurais me persuader qu’il le fût assez pour pouvoir être fils d’un homme qui était né l’an 1494 [h]. On rapporte dans le Patiniana, qu’il écrivit contre la ville de Toulouse quelques harangues [* 3] pour lesquelles il fit amende honorable [* 4].

  1. * Bayle n’a connu que deux emprisonnemens de Dolet ; mais celui-ci fut emprisonné au moins quatre fois, ainsi que le remarque Leclerc.
  2. * Leclerc est de l’avis de Bayle, et l’appuie même de quelques détails.
  3. * Ces harangues ne furent pas, dit Leclerc, la cause de la condamnation de Dolet, qui ne les fit au contraire que pour se venger des juges qui l’avaient condamné.
  4. * M. Née de la Rochelle a donné une Vie d’Étienne Dolet, 1779, in-8o.. On trouve à la fin la liste des ouvrages de Dolet. M. Née indique, sans la décrire, l’édition de l’Internel consolation, donnée par Dolet, 1542, in-16. Mais M. Barbier en donne la description, et en parle avec plus de détail, pag. 119 et suivantes de sa Dissertation sur soixante traductions françaises de l’Imitation de J.-C., 1812, in-12 et in-8o.
  1. Voyez les remarques (C) et (G).
  2. Et non pas 1543, comme dit M. Moréri, ou 1545, comme M. Baillet, la Caille, etc., disent.
  3. Sturmius, Præfat. Formularum linguæ latinæ Stephani Doleti.
  4. Ils furent imprimés l’an 1536 en 2 vol. in-fol.
  5. Tome III, pag. 372, dans la remarque (I) de l’article Berquin.
  6. Addit. à Castelnau, tom. I, pag. 355, 356.
  7. Patiniana, pag. 22, édition de Paris.
  8. C’est l’année de la naissance de François Ier.

(A) Il composa d’assez bons ouvrages. ] Vous trouverez une liste de ses œuvres, plus complète dans Gesner, et dans le sieur de la Caille [1], que dans Moréri [* 1]. Il ne faut pas que j’oublie que Dolet, qui était imprimeur et libraire à Lyon, a imprimé quelques-uns de ses écrits. Il aurait imprimé la version française de la plupart des œuvres de Platon, qu’il avait faite, s’il n’eût été prévenu par son supplice [2].

(B) On lui fit... un grand procès de plagiat. ] Avant que le Trésor de Charles Étienne et les Observations de Nizolius parussent, les Commentaires de Dolet n’étaient que de la grosseur des Élégances de Laurent Valla [3] : ils montèrent ensuite à deux volumes in-folio, aux dépens de Charles Étienne, de Nizolius, de Riccius et de Lazare de Baïf. Cela fut bientôt connu : Charles Étienne vit quelques feuilles du IIe. tome pendant le cours de l’impression, et remarqua que presque tout ce qui concernait la navigation était pris du livre de Re Navali, que Baïf avait publié. Voici ce qu’il fit : il composa un abrégé de ce livre de Re Navali, et le publia. Ce lui fut une occasion de montrer les voleries et quelques fautes de Dolet. Celui-ci, pour se justifier, publia un traité de Re Navali, extrait de son IIe. volume, et y joignit une réponse à son censeur, et la dédia à Lazare de Baïf ; il ne nia pas qu’il n’eût pris beaucoup de choses de Lazare, mais il soutint que ce n’était pas un vol [4].

Jean Vultéius poussa des plaintes bien vives contre la persécution, qu’il supposait que la jalousie fit alors à son ami Étienne Dolet. Voyons comment il en parla au cardinal Jean de Lorraine, en lui dédiant ses deux livres d’épigrammes, qu’il fit imprimer à Lyon, chez Sébastien Gryphius, l’an 1536. Nemo (ut ingenuè, quod sentio, dicam) tam inimicus nomini Gallico esse creditur, quàm Gallus. Id cùm multi hactenùs sunt experti, tùm nuper Stephanus Doletus Aurelius, juvenis de linguâ latinâ (ne quid ampliùs dicam) optimè primâ jam adolescentiâ meritus : reliquo vitæ cursu quid non litteris adferet tam divino natus ingenio ? tantâ laborum omnium patientiâ, tantâ constantiâ, tantâ animi alacritate ad nominis immortalitatem contendens ? Is, inquam, ætatis nostre lumen, ac Galliæ sempiterna gloria, invidiæ morsus expertus est vel acerbissimos. Nam cùm linguæ latinæ Commentarios (at quod opus ! quàm minimè à juvene expectandum ! quantæ diligentiæ ! quanti laboris ! quàm exact judicii !) ad publicam omnium linguæ latinæ amantium utilitatem in lucem emitti voluit, nullos magis sibi adversos censores sensit, quàm à quibus laboris uberrimum fructum jure merito expectabat. Sed valeant hujuscemodi litterarum pestes, qui, cùm obesse surgenti doctorum gloriæ conantur, tùm vel maximè prosunt. Notez que parmi ces épigrammes il y a beaucoup de vers à la louange de Dolet, et contre ses censeurs, et nommément contre un certain Maurus.

(C) Il se mêlait de faire des vers en latin et en français, et n’y réussissait pas mal. ] Ses vers latins ont paru dignes à Grutérus d’être insérés dans les Délices des poëtes français, et s’ils ne sont pas excellens, ils sont encore moins dans le degré d’imperfection où Jules César Scaliger les représente. L’emportement de ce critique contre Dolet a quelque chose de si outré, et, si je l’ose dire, de si brutal, qu’on ne saurait s’empêcher de croire qu’un ressentiment personnel dirigeait la plume de ce grand homme [5]. Je citerai tout le passage : on y verra Dolet, puni du dernier supplice, non pas pour ce qu’on appelait luthéranisme, mais pour athéisme [* 2]. Doletus....... musarum carcinoma aut vomica dici potest. Nam præter quàm quòd in eo tam grandi corpore (ut ait Catullus) ne mica salis quidem, vult insanum agere tyrannum in poësi. Ita suo arbitratu virgilianas gemmas suæ inserit pici, ut videri velit sua. Ignavus loquutulejus, qui ex tessellis Ciceronis febriculosas quasdam conferruminavit (ut ipse vocat) orationes : ut docti judicant, latrationes. Putavit tantundem licere sibi in divinis opibus virgilianis. Ita dum optimi atque maximi regis Francisci fata canit, ejus nomen suo malo fato functum est, quodque tùm illi, tùm illius versibus debebatur, solus passus est Atheos flammæ supplicium. Flamma tamen eum puriorem non efficit : ipse flammam potiùs efficit impuriorem. In Epigrammatum verò colluvionibus atque latrinis illis, quid ejus tibi sordes dicam ? Languida, frigida, insulsa, plenissima illius vecordiæ, quæ summâ armata impudentiâ ne Deum quidem esse professa est. Quapropter quemadmodum summus philosophus Aristoteles in naturâ animalium fecit, ut post enarratas partes, quibus constituuntur, etiam excrementorum faciat mentionem, hic ita ejus legatur nomen, non tanquam poëtæ, sed tanquam poëtici excrementi [6]. Le savant Naudé, qui soupçonnait avec raison que Jules-César Scaliger était poussé à parler ainsi par quelque haine particulière, n’en savait pas l’origine [7]. Je crois l’avoir déterrée. Dolet s’ingéra de courir sur les brisées de Scaliger : il écrivit contre Érasme en faveur de la secte cicéronienne, après que Scaliger eut soutenu cette cause. Il n’y a guère d’auteurs à qui un tel procédé soit agréable. On le regarde comme un dessein affecté, ou de surpasser le premier tenant, ou de lui ôter la gloire d’être le seul qui rompe une lance. On croit même que celui qui se vient mêler du combat, prétend que la cause a été mal soutenue, et qu’elle a besoin de secours. Si tel est pour l’ordinaire le naturel des auteurs, jugez quelle fut l’indignation de Scaliger quand il vit Dolet sur les rangs, et qu’il prétendit le surprendre dans plusieurs mauvais artifices. Il prétendit entre autres choses que les plus beaux ornemens de sa harangue avaient été pillés par Dolet, et placés dans un faux jour ; et pour ce qui est des louanges que Dolet lui avait données, il ne lui en savait point de gré, elles vinrent après coup, et de trop mauvaise grâce, pour réparer la première offense. On jugera mieux de tout ceci par ces paroles de Scaliger [8] : Arbitror te Doleti vidisse dialogum adversùs eum (Erasmum) quem non puduit extantibus scriptis meis, flexu alio orationis omnia mea suffurari, atque ineptissimis inurere calamistris. Itaque eadem quæ in orationibus intemperies, stilus paulò minùs asper, sed emendicatus, ut verbis potiùs alienis conquisitis, atque corrogatis, quàm oblato argumento ejus loquacitas excrescere videatur. At Cæsarem laudat, inquies, accipio. Nam te ajunt ad eum retulisse, consuleret dignitati suæ, qui temerè atque stolidè nimis super Italico nomine ineptisset ; à me integrum Dialogum apparatum, quo illius ostenderem et malevolum animum cum inani gloriâ conjunctum, et præceps ingenium cum stupore, et impurum dicendi genus cum loquacitate, et amentem dictionem cum impudentiâ. Ita igitur adblanditum, ut animum meum deflecteret à proposito, ita laudâsse, ut sequi potius aliorum judicium invitus, quàm suum ipse libens apponere videretur. Pro eâ re data est à nobis opera, ut et eum et alium, quem velit ipse, pœniteat posthac rabiei illius, seu impudicitiæ. Audio illum præesse Lugduni librariis, quorum manum emendet. Id quod si verum est, in iis libris, quos nuper invulgatos à Gryphio ære comparavimus, deprehenderunt etiam pueri nostri vel insigni scuticâ vitia animadvertenda. Perstrinxi eum in hâc secundi oratione, sublato quidem nomine, sed ita depictum, ut vel ab infantibus Tolosanis agnosci possit. Il dit plusieurs autres choses contre Dolet dans la même lettre. Confirmez par ce passage de Diogène Laërce ce que j’ai dit des auteurs qui écrivent sur les mêmes choses. Ἐοικε δὲ καὶ Ξενοϕῶν πρὸς αὐτὸν ἔχειν οὐκ εὐμενῶς ὥσπερ γοῦν διαϕιλονεικοῦντες τὰ ὅμοια γεγράϕασι, συμτοσιόν, Σωκράτους ἀπολογίαν, τὰ πθικὰ ἀπομνημονεύματα. Videtur et Xenophon haudquaquam amico in illum (Platonem) fuisse animo : nam veluti contentionis studio similia scripsêre, Symposium, Socratis defensionem, Commentaria moralia [9].

(D) Castellan pria tant pour lui, qu’il le fit sortir de prison. ] Voici ce qu’en dit l’auteur de sa Vie [10] : Id magis verum esse credat qui Doletum longi carceris illuvie fœdatum, primâ accusatione impiæ fraudis reum, Castellano supplice carcere emissus, et omni noxâ condonatâ liberatum esse cognoverit. Le reproche qu’un cardinal fit à Castellan témoigne que l’athéisme [11], ou quelque chose d’approchant, était le crime dont Dolet se trouva suspect : Unus primi nominis cardinalis Castellanum gravi et objurgatrice oratione adortus esset, quòd cùm in ecclesiâ orthodoxorum pontificis locum teneret, contra omnes tamen homines quibus religio et pietas cordi esset, eorum qui non modò lutheranâ lue infecti, sed etiam Dei expertes impietatis rei essent, partes tueri apud christianissimum regem ausus esset. Nous verrons dans la remarque suivante la réponse générale que fit Castellan ; et voici ce qu’il répondit en particulier touchant Dolet : Se apud regem Doleti fraudibus et sceleribus nullum patrocinium tribuisse ; pro eo qui promitteret vitæ morumque emendationem homine christiano dignam regi supplicem factum esse. Cela montre que Dolet promit de renoncer à ses débauches.

(E) ... Castellan... relança... les reproches qu’un cardinal lui fit là-dessus. ] Il lui soutint qu’il faisait ce qu’un évêque doit faire ; mais que le cardinal exigeait que les prélats fissent le métier de bourreau. C’est le propre des évêques, lui dit-il, de porter à la clémence l’esprit des princes, et de charger sur leurs épaules les brebis égarées. J’affaiblis trop les expressions de Pierre Galland, pour ne devoir pas les rapporter en espèce, afin de ne faire rien perdre aux lecteurs qui entendent le latin. Memini Castellanum cùm paulùm se collegisset animo satis incitato et commoto respondisse, se de quo accusabatur in accusatorem meritò retorquere posse, cùm ipse quod viri ecclesiastici et veri pontificis proprium esset, fecisset ; ille verò quod veri carnificis esset ab episcopis exigeret. Episcoporum enim esse et sacerdotum Christi et apostolorum, virorumque sanctorum qui nobis suo sanguine ecclesiam consecrârunt exemplo, regem à sævitiâ et immanitate at mansuetudinem, clementiam et misericordiam convertere, errantem ovem humeris impositam in ovile reducere, deque eâ receptâ tanquam expugnatis hostium castris gaudio triumphare [12].

(F) On a publié une lettre qui témoigne qu’il se recommanda... un peu avant que d’être étranglé. ] M. Almeloveen [13] l’a insérée dans l’un de ses livres [14]. Elle fut écrite de Paris le 23 d’août 1546. Florent Junius qui l’écrivit raconte que le 3 de ce mois Étienne Dolet fut puni du dernier supplice ; et que le bourreau, ayant préparé toutes choses, l’avertit de penser à son salut, et de se recommander à Dieu et aux saints ; que Dolet ne se pressant point, et ne faisant que marmotter quelque chose, le bourreau lui déclara qu’il avait ordre de lui parler du salut devant tout le monde : il faut donc, lui dit-il, que vous invoquiez la sainte vierge et saint Étienne votre patron, duquel on célèbre aujourd’hui la fête ; et si vous ne le faites pas, je sais bien ce que j’ai à faire. Tout aussitôt Dolet prononça une prière conforme au formulaire du bourreau [15], et avertit les assistans de lire ses livres avec beaucoup de circonspection, et protesta plus de trois fois qu’ils contenaient bien des choses qu’il n’avait jamais entendues ; et s’étant ensuite recommandé à Dieu, il fut étranglé, et puis réduit en cendres. Florent Junius dit qu’un homme qui assista d’office à l’exécution lui raconta toutes ces choses [16] [* 3].

(G) M. le Laboureur a eu tort de dire que Dolet a été placé au martyrologe des protestans. ] « Le prétendu martyrologe [* 4] des huguenots fait grand cas de ce Dolet, qui véritablement était homme d’esprit et de lettres, mais libertin, comme tous les premiers prédicateurs du nouvel évangile. » Voilà les paroles de M. le Laboureur .[17]. On y serait trompé fort facilement ; car qui pourrait croire qu’il ait avancé une telle chose sans avoir jeté les yeux sur le volume où l’on a, dit-il, tant loué Étienne Dolet ? Cependant, ce qu’il assure est très-faux : le martyrologe des huguenots ne parle point de ce personnage. J’ai consulté tout exprès le petit martyrologe latin de Jean Crépin, et puis le gros in-folio qui fut imprimé en français l’an 1582 ; mais je n’y ai rien trouvé touchant Étienne Dolet. Je me souviens aussi d’avoir remarqué que Théodore de Bèze, qui tient un compte assez exact [18] des personnes qu’on faisait mourir en France pour ce qu’on nommait le luthéranisme, ne dit rien de ce prétendu martyr. Ce silence m’aurait étonné, si je n’eusse su que Jean Calvin a mis Étienne Dolet au rang des impies. Agrippam, Villanovanum, Doletum, et similes vulgo notum est tanquam cyclopes quospiam evangelium semper fastuosè sprevisse. Tandem eò prolapsi sunt amentiæ et furoris, ut non modò in filium Dei execrabiles blasphemias evomerent, sed quantùm ad anime vitam attinet, nihil à canibus et porcis putarent se differre [19]. En cela Calvin et Pratéolus trouvent un centre d’unité ; car Pratéolus, parlant des athées [20], associe Étienne Dolet [* 5] avec Diagoras, Evémérus, Théodore, et semblables gens que l’antiquité a reconnus pour n’avoir admis aucune divinité. Au reste, M. le Laboureur [21] rapporte des vers latins, au bas desquels on déclare qu’Étienne Dolet, natif d’Orléans, fut brûlé à la place Maubert, le 3 d’août 1546, jour de saint Étienne qui était son jour natal [22]. Ainsi M. Moréri ne devait point révoquer en doute ces circonstances, rapportées par la Croix du Maine ; encore moins devait-il fonder son doute sur ce que la Croix du Maine était protestant ; car s’il y avait quelque mystère à trouver dans ces circonstances, ce serait beaucoup plus l’affaire d’un catholique que d’un protestant de le chercher : un catholique en tirerait plus de réflexions dévotes qu’un protestant.

Je viens de m’apercevoir que Théodore de Bèze qui, avant que de professer ouvertement la religion réformée, avait publié une épitaphe tout-à-fait glorieuse à notre Dolet [23], la retrancha des éditions de ses poésies depuis qu’il eut abjuré la foi romaine [* 6]. C’est une preuve que les protestans ne prenaient point d’intérêt au supplice de ce personnage.

  1. * Joly dit que l’on trouve un fort bon catalogue des ouvrages de Dolet (v. la dernière note ajoutée dans le texte.) dans le tome XXI de Niceron, qui cependant a ignoré la date de la traduction des Tusculanes. Cette traduction fut imprimée en 1543, in-16.
  2. * C’était aussi l’opinion de la Monnoie contredit par Leclerc, qui prouve longuement que Dolet fut condamné comme luthérien ou fauteur de luthérien. La lettre même dont Bayle s’appuie, soit dans le texte, soit dans la remarque (F), dépose contre l’opinion qu’il fut athée. Au reste, dit Joly, quand même Dolet serait mort en athée, on n’en devrait pas conclure qu’il fut condamné pour athéisme.
  3. * Voyez la note sur la remarque (C).
  4. * Joly remarque que ce que le Laboureur appelle faussement le Martyrologe des Protestans est l’Icones de Bèze.
  5. * Ce catalogue de Pratéolus, dit Joly, contient un grand nombre de luthériens et de calvinistes, parce que l’auteur suppose que l’athéisme est fort commun parmi eux.
  6. * « Mais, dit Leduchat, Gruter, ou moins

    scrupuleux que Bèze, ou plutôt mieux informé

    que lui touchant Dolet, le lui a restitué à la

    page 596 du tome III de ses Deliciæ poëtarum

    gallorum, imprimé en 1609.

  1. Histoire de l’Imprimerie, pag. 112.
  2. Baillet, Jugem. des Sav., tom. IV, pag. 516.
  3. Ceux qui avaient vu le manuscrit l’assurèrent.
  4. Ceci est tiré de Thomasius, au traité de Plagio Literario, pag. 409 et seq. Thomasius l’a tiré de quelques passages de Franciscus Floridus Sabinus, et de la réponse de Dolet.
  5. M. Baillet l’en blâme très-justement dans les Jugemens sur quelques poëtes, num. 1279, tom. 3, pag. 220.
  6. Scaliger., Poëtic., lib. VI, pag. m. 730.
  7. Tu en oublies deux qui valaient mieux que ton Badius, savoir : Geofroi Tory et Étienne Dolet, quoi que Jules Scaliger par je ne sait quelle haine ait dit du dernier. Naudé, Dialogue de Mascurat, pag. 8.
  8. C’est ce qu’il écrivit à Arnoul Ferron. Voyez sa XIVe. lettre, à la page 35 de l’édition de Toulouse, in-4o. 1620.
  9. Laërt., in Platone, lib. III, pag. 34.
  10. Petrus Gallandius, pag. 62.
  11. Voyez les remarques (C) et (G).
  12. Galland., in Vitâ Castellani, pag. 62, 63.
  13. Il était médecin à Tergou, et il est présentement (en 1699) professeur aux belles lettres à Harderwic.
  14. Intitulé Amœnitates Theologico-Philologicæ, Amstelod. 1694.
  15. Mi Deus quem toties offendi propitius esto, teque virginen matrem precor, divumque Stephanum, ut apud dominum pro me peccatore intercedatis. Apud Almeloveen, pag. 79.
  16. Hæc quæ scribo didici ex eo qui executioni interfuit ex officio, ibidem.
  17. Le Laboureur, Addit. aux Mémoires de Castelnau, tom. I, pag. 355.
  18. Dans l’Histoire ecclésiastique des églises réformées de France.
  19. Calvin., in Tract. de Scandalis, pag. 90 Tractatuum theologicorum.
  20. In Elencho Hæret. Voce Athei.
  21. Addit. aux Mémoires de Castelnau, tom. I, pag. 356.
  22. Stephanus Doletus, Aurelius Gallus, die sancto Stephano sacro, et natus et Vulcano devotus in Malbertinâ areâ Lutetiæ 3 Augusti 1546.
  23. Elle est parmi le Juvenilia Theodori Bezæ, au feuillet 31 de l’édition dont je me sers, qui est in-16, sans nom d’imprimeur et sans date.

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