Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Diogène 2


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DIOGÈNE, natif d’Apollonie dans l’île de Crète (A), tint un rang considérable parmi les physiciens qui fleurirent en Ionie, avant que Socrate philosophât à Athènes. Il fut disciple d’Anaximène, et l’on peut même s’imaginer avec quelque vraisemblance qu’il enseigna après lui dans l’école d’Ionie [a]. Il rectifia un peu le sentiment de son professeur, touchant la cause première (B) ; car s’il enseigna que l’air était la matière de tous les êtres, il reconnut aussi que rien ne pouvait être produit de cette matière sans la vertu divine qu’il attribuait à l’air. Anaximène n’avait point ainsi expliqué la génération des choses ; l’air avait été, selon lui, la cause unique et universelle ; les dieux même en avaient été produits (C). On accusa à tort Cicéron de n’avoir point rapporté fidèlement ce dogme de Diogène [b]. Il ne faut point douter que Plutarque n’ait allégué quelquefois les opinions de ce physicien (D), quand il a marqué simplement que Diogène enseignait ceci ou cela. C’était une fort mauvaise manière de citer, puisqu’il y avait eu plusieurs philosophes très-illustres qui s’appelaient Diogène. Celui dont je parle dans cet article avait beaucoup d’éloquence [c]. Son mérite l’exposa dangereusement à la jalousie de quelques personnes dans Athènes [d], de sorte qu’il y fut en danger de la vie. On nous a conservé le commencement de son ouvrage : c’est un début qui nous donne une idée avantageuse de ses lumières. Nous y voyons qu’il était d’avis qu’un docteur posât d’abord un principe incontestable, et se servit d’un style où il y eût tout à la fois de la gravité et de la simplicité [e]. Je ne rapporte point les opinions que Diogène Laërce lui attribue : on les peut voir dans Moréri. Son opinion sur l’origine et sur la distribution des vents se trouve dans Aristote [f]. Ce qu’il disait de la nature de la semence, et d’où il tirait l’étymologie du mot ἀφροδίσια c’est-à-dire, affaires vénériennes, se peut voir dans Clément Alexandrin [g]. Il y a quelque conformité entre le dogme de ce physicien, et celui de M. Descartes touchant la génération du monde [h].

  1. Voyez tome II, pag, 254, la remarque (A) de l’article Archélaüs, philosophe.
  2. Voyez la remarq. (B), citation (14).
  3. Diog. Laërtius, lib. IX, num. 57.
  4. Idem, ibidem.
  5. Idem, ibid., et lib. VI, num. 81.
  6. Aristot., Hist. Anim., lib. III, cap. II.
  7. Clem. Alexandr., Pædag., lib. I, pag. 105.
  8. Voyez la remarque (B).

(A) Il était natif d’Apollonie dans l’île de Crète. ] Nous ignorerions cela, si nous n’avions point ce qui nous reste d’Étienne de Byzance ; car c’est l’unique auteur qu’on puisse citer. Il fait mention de vingt-cinq villes qui se nommaient Apollonie, et il dit que la vingt-troisième était dans l’île de Crète, et qu’on la nommait anciennement Eleuthéra, et que Diogêne le physicien en était natif [1]. Meursius ne se souvint point de cette particularité, lorsqu’il fit la liste des hommes illustres de l’île de Crète [2], car il n’y mit point notre Diogène : il s’était néanmoins servi de ce passage d’Étienne de Byzance dans un chapitre du même livre [3]. Cette omission est une faute bien plus légère que l’erreur qu’on trouve dans le jésuite Lescalopier. Il prétend que le Diogenes Apolloniates de Cicéron, est Diogenes, ex Apolloniâ, urbe Illyricâ, hodie Aulonâ [4]. M. Ménage s’est imaginé faussement que certains auteurs ont dit que ce Diogène était de Smyrne. Il met Diogène Laërce au nombre de ces auteurs-là : il suppose qu’il faut lire dans la Vie d’Anaxarque, non pas οὗτος διήκουσε Διομένους τοῦ Σμυρναίου [5], comme portent les éditions, mais οὗτος διήκουσε Διογένους τοῦ Σμυρναίου, hic (Anaxarchus) Diogenis Smyrnæi auditor fuit. Il a raison jusque-là, et les preuves qu’il allègue sont solides. Il rapporte un passage de Clément d’Alexandrie [6], et un passage d’Eusèbe où il est dit qu’Anaxarque fut disciple de Diogène le Smyrnéen [7]. Mais quand il ajoute que le Diogène, qui est surnommé Σμυρναῖος dans la Vie d’Anaxarque, est le même que celui qui dans le chapitre précédent a le surnom Ἀπολλωνιάτης, il se trompe. Notandum autem, dit-il [8], Diogenem Smyrnæum à Laërtio hoc loco appellari qui supra Appollaniates eidem dictus fuit, non enim diversi sunt Smyrnæus et Apolloniates. Pour bien connaître cette illusion, il faut prendre garde à deux choses. 1o. Diogène Laërce a observé que Diogène d’Apollonie fut disciple d’Anaximène, et contemporain d’Anaxagoras [9]. Est-il croyable que peu de lignes après il lui donne pour disciple Anaxarque qui, comme il le dit expressément, eut quelques conversations avec Alexandre ? Il y eut depuis la mort d’Anaxagoras jusqu’au règne d’Alexandre trois successions philosophiques à Athènes ; Archélaüs qui avait été disciple d’Anaxagoras laissa sa chaire à Socrate ; celui-ci, l’ayant tenue long-temps, la laissa à Platon, qui eut pour disciple le précepteur d’Alexandre. Il faudrait violenter la chronologie pour trouver qu’un disciple du disciple d’Anaximène suivit la cour de ce roi de Macédoine. 2o. Nous voyons que le même Clément d’Alexandrie, qui insinue fort clairement que Diogène d’Apollonie fut disciple d’Anaximène [10], et par conséquent l’un des suppôts de la secte d’Ionie, remarque expressément que Diogène le Smyrnéen, disciple de Métrodore qui l’avait été de Protagoras, était de la secte éléatique, et enseigna Anaxarque [11]. Comment se pourrait-on imaginer que le même philosophe ait été disciple d’Anaximène, et du disciple de Protagoras ?

(B) Il rectifia un peu le sentiment de son professeur touchant la cause première. ] Je n’ai trouvé dans aucun auteur autant de détails sur cela que dans un ouvrage de saint Augustin. Iste (Anaximander) Anaximenem discipulum, et successorem reliquit, qui omnes rerum causas infinito aëri dedit, nec Deos negavit, aut tacuit : non tamen ab ipsis aërem factum : sed ipsos ex aëre ortos credidit. Anaxagoras verò ejus auditor, harum rerum omnium, quas videmus, effectorem, divinum animum sensit : et dixit, ex infinitâ materiâ, quæ constaret dissimilibus inter se particulis, rerum omnium genera pro modulis et speciebus propriis singula fieri, sed animo faciente divino. Diogenes quoque, Anaximenis alter auditor, aërem quidem dixit rerum esse materiam, de quâ omnia fierent : sed eum esse compotem divinæ rationis, sine quâ nihil ex eo fieri posset [12]. Cicéron a représenté d’une manière beaucoup plus succincte ce dogme de Diogène. Quid ? aër dit-il [13], quo Diogenes Apolloniates utitur Deo, quem sensum habere potest, aut quam formam Dei ? Le jésuite Lescalopier trouve beaucoup de mauvaise foi dans ces paroles de l’épicurien Velléius, l’un des interlocuteurs de Cicéron, et voici de quel air il l’apostrophe [14]. Quandiù impones, Vellei, extinctis, sepultiisque philosophis, qui reclamare non possunt, et illis errores affinges in quos nunquàm impegerunt ? ecce hic quoque aërem Diogenis Apolloniatæ Deum facis, quem ille pro Deo nunquàm habuit : nam dixit quidem libro nono Laërtii, aërem esse ςοικεῖον, ι. e. elementum, non autem Deum : et libro octavo de Civitate Dei, capite secundo, aërem esse materiam rerum de quâ omnia fierent ; sed eum esse compotem divinæ rationis, sine quâ nihil fieret. Jam verò in altissimâ illâ, divinâque ratione frustra sensum, frustra figuram requiris, quæ, nisi a corporeâ naturâ, non inveniri, opinor, intelligis : est enim illa ratio divina merè spiritualis. La plainte de ce jésuite est injuste ; car il est certain que le passage de Cicéron contient toute la substance et toute la force de celui de saint Augustin, et qu’il aboutit au même sens qui est de dire que selon les hypothèses de Diogène l’air était Dieu. Il enseignait, si nous en croyons saint Augustin, qu’il y avait deux choses dans l’air ; premièrement une matière, dont tous les corps de l’univers pouvaient être produits ; secondement une vertu divine, sans laquelle rien ne pouvait être produit de cette matière. N’était-ce point faire de l’air et de la vertu divine un tout ou un composé, dans lequel, si l’air était la matière, la vertu divine était l’âme ou la forme ? Or comme c’est la forme qui spécifie le composé, et qui lui donne le nom, il s’ensuit que l’air animé d’une vertu ou d’une nature divine devait être appelé Dieu ; et par conséquent lorsque Cicéron suppose que l’air était Dieu selon Diogène, il ne suppose que ce qui résulte nécessairement de l’exposition que saint Augustin a donnée de la doctrine de ce philosophe. L’objection que le jésuite fonde sur le mot ςοιχεῖον est nulle ; car, comme je l’ai déjà dit, notre Diogène admettait deux choses dans l’air, une matière, et une cause efficiente, et il les unissait intimement l’une à l’autre [15] : sur ce pied-là, l’air en tant que matière était l’élément ou le ςοιχεῖον des différens corps de l’univers [16] ; mais cela n’empêchait point que, considéré conjointement avec la vertu divine dont il était doué, il ne fût Dieu. On peut fortifier ceci par une nouvelle observation ; les paroles de saint Augustin nous peuvent faire juger que cette raison ou cette vertu divine que Diogène joignait à l’air, était plutôt un attribut, qu’une forme, ou qu’une âme distincte de l’air, c’est-à-dire que selon Diogène il n’y avait qu’une substance dans l’air, laquelle était tout ensemble le principe matériel de toutes choses, et la raison, la sagesse, l’intelligence qui, comme cause efficiente, dirigeait la production de toutes choses. C’est donc avec toute la bonne foi imaginable que le Velléius de Cicéron attribue à Diogène d’avoir enseigné que l’air est Dieu. Aristote favorisera merveilleusement ceux qui entendront de cette manière la phrase de saint Augustin. Il nous apprend que l’âme de l’homme était d’air selon Diogène, et qu’elle connaissait et se mouvait en tant qu’elle était d’une nature aérienne. Sa connaissance était fondée sur ce que l’air est le principe de toutes choses, sa vertu motrice procédait de ce que l’air est le plus subtil de tous les êtres. Διογένης δ᾿ ὥσπερ καὶ ἕτεροί τινες, ἀέρα τοῦτον οἰηθεὶς παντων λεπτομερέςατον εἶναι, καὶ ἀρχήν· καὶ διὰ τοῦτο γινώσκειν τε καὶ κινεῖν τὴν ψυχήν, ᾗ μὲν πρῶτόν ἐςι, καὶ ἐκ τούτου τὰ λοιπά, γινώσκειν· ᾗ δὲ λεπτομερέςατον, κινητικὸν εἶναι. Diogenes autem, sicut et ali quidam, aërem ipsum censuit esse : hunc subtilissimæ substantiæ, rerumque principium esse putans. Idcircò cognoscere atque movere, animam dixit : hoc quidem cognoscere, quo primum est, et ex hoc ipso cætera constant : hoc autem esse motivum, quo subtilissimum est [17]. Ces paroles d’Aristote font voir clairement que Diogène donnait à l’air la nature de premier principe, celle de premier moteur, la connaissance, et la souveraine subtilité, comme des attributs qui constituaient per modum unius une seule et même substance qui était Dieu. D’où il résulte que son système ne différait presque point du spinosisme : Dieu y était tout à la fois la cause matérielle, et la cause efficiente de toutes choses ; il était la cause immanente de tous les êtres ; il produisait en lui-même tous les corps de l’univers, cette infinité de mondes que Diogène reconnaissait [18]. Observons en passant que les vers de Sidonius Apollinaris, que je rapporte en un autre endroit [19], conviennent infiniment mieux à la doctrine de Diogène, qu’à celle d’Archélaüs à qui Savaron les a appliqués. Juste Lipse a eu beaucoup de raison de les prendre pour la description du sentiment de Diogène [20].

Il est bon de voir comment il philosophait sur la production du monde : ses pensées à certains égards et en gros, sont assez conformes à l’hypothèse de M. Descartes. Toutes choses étant en mouvement, disait-il, les unes se condensèrent, et les autres se raréfièrent : or, dans les endroits où la condensation se forma, les corps firent volte-face ; ils se tournèrent, et entraînèrent les autres par leur révolution ; ce qui se trouva plus subtil et plus léger gagna le haut, et forma le soleil dans la région supérieure. Voici mon garant ; je m’en vais copier son grec : Διογένης ὁ ᾿Απολλωνιάτης ἀέρα ὑϕίςαται ςοιχεῖον· κινεῖσθαι δὲ τὰ πάντα, ἀπείρους τε εἶναι τοὺς κόσμους· κοσμοποιεῖ δὲ οὕτως· ὅτι τοῦ παντὸς κινουμένου, καὶ ᾗ μὲν ἀραιοῦ, ᾗ δὲ πυκνοῦ γινομένου, ὅπου συνεκύρησε τὸ πυκνὸν, συςροϕὴν ποιῆσαι, καὶ οὕτω τὰ λοιπὰ, κατὰ τὸν ἀυτὸν λόγον, τὰ κουϕότατα τὴν ἄνω τάξιν λαϐόντα, τὸν ἥλιον ἀποτελέσαι. Diogenes Apolloniata aërem elementum ponit : moveri autem universa, et infinitos esse mundos affirmat. Cæterùm ejusmodi somniat eorum molitionem : scilicet cùm universum ita moveretur, ut rarius hic, alibi densius fieret, ubicunque major densitas contingeret, ibi convolutionem quandam effecisse, tùm similem in modum cætera : quæ autem omnium levissimæ partes essent, eas regione superiori occupatâ solem produxisse [21]. Il ne semble point facile d’accorder cette hypothèse avec ce que nous avons vu ci-dessus qu’Aristote dit des sentimens de ce physicien. Il lui attribue d’avoir enseigné que l’air est le plus subtil de tous les êtres. Comment donc eût-on pu dire après cela qu’au commencement du monde il y eut des corps qui se condensèrent, et d’autres qui se raréfièrent ? Ce qui est subtil et délié au souverain point n’est pas susceptible de raréfaction. Je ne vois qu’un seul moyen de résoudre la difficulté ; c’est de supposer qu’au premier branle que l’air reçut il s’épaissit, comme on voit que le vin se trouble quand on remue le tonneau. Le mouvement continua, et dans ce progrès d’agitation il y eut des parties qui s’épaissirent encore plus, et d’autres qui se clarifièrent. Celles-ci n’acquirent point un degré de raréfaction supérieur à la subtilité essentielle du premier principe, mais supérieur seulement à la densité où toute la masse de l’air fut réduite par le premier mouvement. Si nous avions les écrits de Diogène, nous verrions sans doute qu’il avait prévenu ou éclairci toutes ces sortes de difficultés ; mais comme son système ne nous est connu que par un très-petit nombre de particules détachées, nous ne pouvons marcher qu’à tâtons, quand nous voulons entreprendre d’y rajuster les pièces mal assorties. Notez qu’Aristote [22] le loue d’avoir reconnu que si toutes choses n’étaient point faites d’un seul principe, il ne pourrait point y avoir d’action et de réaction ; car le froid et le chaud ne se peuvent point métamorphoser l’un en l’autre, ils demandent donc un sujet commun qui soit successivement froid et chaud. Aristote trouvait son compte dans cette notion générale, lui qui ôtait aux quatre élémens la nature de premier principe matériel, pour la donner à un seul être qu’il nommait matière première.

Je crois que Diogène Laërce se trompe, quand il dit que Diogène d’Apollonie admettait un vide infini [23]. J’aime mieux suivre Plutarque, qui assure que tous les physiciens successeurs de Thalès, jusqu’à Platon, rejetèrent le vide [24].

(C) L’air avait été.... la cause unique, les dieux mêmes en avaient été produits. ] C’est une chose tout-à-fait étrange, qu’il y ait eu des philosophes assez aveugles pour donner à Dieu une si basse origine. L’ordre voulait qu’ils assurassent que Dieu a produit les corps, et quelques-uns d’eux au contraire ont assuré que les corps avaient produit Dieu. La cause peut-elle être moins parfaite que son effet ? Une nature intelligente ne peut donc pas avoir pour cause une matière brute. Je ne sais si l’expérience de l’espèce humaine n’a point obscurci les notions du sens commun, On voyait sortir les héros, les sages, les plus grands hommes, d’où ? à peine les yeux, l’imagination, peuvent souffrir cet objet, tant il est sale, dégoûtant, hideux. C’est là néanmoins qu’il vous faut trouver les principes des plus grandes âmes, à moins que Dieu ne nous révèle que c’est lui qui crée un esprit pour l’unir à la machine du corps humain. Nous verrons ailleurs [25], si ce qui se passe dans la propagation de l’animal raisonnable a pu jeter dans l’égarement ceux qui ont chanté tant de chimères sur origine des dieux.

(D) Il ne faut point douter que Plutarque n’ait allégué quelquefois les opinions de ce physicien. ] Je ne considère ici que ses livres des Opinions des Philosophes. Les endroits où il rapporte les sentimens de Diogène sont ceux-ci, autant que j’ai pu m’en apercevoir ; le Ier., le VIIIe., et le XIIIe. chapitre du IIe. livre : les chapitres V et XVI du IVe. livre : les chapitres XV, et XX, et XXIII du Ve. livre. Je suis persuadé qu’il entend presque toujours Diogène d’Apollonie ; et j’en serais persuadé sans nulle exception, si M. du Rondel ne m’avait écrit qu’il vaut mieux croire que le passage que l’on verra ci-dessous [26] concerne Diogène le cynique. Ce passage est au XXe. chapitre du Ve. livre de Plutarque, et semble signifier que le Diogène qu’on cite ôtait aux bêtes le sentiment. Il y a une circonstance qui est une forte tentation à se figurer qu’il s’agit là de Diogène d’Apollonie. Nous avons vu ci-dessus [27] qu’il disait que l’âme était d’air ; or le Diogène de ce passage de Plutarque enseignait que les animaux participent à l’entendement et à l’air [28]. C’était le langage que devait tenir Diogène d’Apollonie, voulant seulement ôter aux bêtes l’intelligence et la sensation actuelle ; mais non point l’âme ou le principe de l’intellection et du sentiment. Il paraît manifestement que c’était son but : il admettait l’âme dans les bêtes, mais il croyait que l’épaisseur et l’humidité des organes hébétait en elle l’activité. Francois de Fougerolles, qui a traduit et paraphrasé en français Diogène Laërce, attribue ce sentiment-là à Diogène d’Apollonie. Il estimait, dit-il [29], .... que toutes sortes d’animaux ont bien entendement, mais la plus grande partie d’iceux ayant le tempérament grossier n’a pas l’usage de la raison libre, non plus que les furieux pour quelque empêchement. On voit bien qu’il vise au passage de Plutarque, mais qu’il le rapporte avec peu de fidélité.

  1. Steph. Byzant., in Ἀπολλωνία.
  2. Elle est à la page 235 et suiv. de son Traité de l’île de Crète.
  3. Ibidem, pag. 19.
  4. Lescalop., in Cicer. de Naturâ Deorum, pag. 46.
  5. Diog. Laërt., lib. IX, num. 58.
  6. Clem. Alexand., Strom., lib. I.
  7. Euseb., Præpar., lib. XIV, cap. XVII.
  8. Menag., in Diogen. Laërtium, lib. IX, num. 58, pag. 423.
  9. Diog. Laërt., ibid., num. 57.
  10. Clem. Alexand., in Protrept., pag. 42, C.
  11. Clem. Alexand., Stromat., lib. I, pag. 301.
  12. August., de Civitate Dei, lib. VIII, cap. II, pag. m. 711.
  13. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. XII.
  14. Lescalop., in Cicer., de Naturâ Deorum, lib. I, pag. 48, 49.
  15. Acrem, cumpotem divinæ rationis. August., de Civit. Dei, lib. VIII, cap. II, pag. 711.
  16. Notez que selon Diogène il n’y avait point de différence entre ἀρχὴ principium et ςοιχεῖον elementum : car il ne reconnaissait qu’un élément. Voyez la citation (22).
  17. Aristoteles, lib. I, de animâ, cap. II, pag. 479, E, tom. I oper.
  18. Diogen. Laërt., lib. IX, num. 57.
  19. Tome II, pag. 255, citation (9), de l’article Archélaüs, philosophe,
  20. Lipsius, Manuduct. ad philosoph. stoïc., lib. I, dissert. VIII, pag. m. 645.
  21. Euseb., Præparat. evangel., lib. I, cap. VIII, pag. 25, B.
  22. Aristot., de Generat, et Corrupt., lib. I, cap. VI.
  23. Diogen. Laërt., lib. IX, num. 57.
  24. Plut. de Placitis Philosoph., lib. I, cap. XVIII, pag. 883.
  25. Dans la remarque (G) de l’article Jupiter, tome VIII.
  26. Dans la remarque (E) de l’article Péreira, tome XI.
  27. Dans la remarque (B), citation (17).
  28. Μετέχειν μὲν αὐτὰ τοῦ νοητοῦ καὶ ἄερος. Rationis et aeris participes eas esse. Plut., de Plac. philos., lib. V, cap. XX, pag. 909.
  29. François de Fougerolles, Additions à Diogène Laërce, pag. 655.

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