Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Démocrite


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DÉMOCRITE, l’un des plus grands philosophes de l’antiquité, était d’Abdère dans la Thrace[a]. Il fut élevé par des mages (A), qui lui enseignèrent la théologie et l’astrologie. Il ouït ensuite Leucippe, et apprit de lui le système des atomes et du vide. L’inclination extraordinaire qu’il eut pour les sciences le porta à voyager dans tous les pays du monde où il espéra de trouver d’habiles gens. Il fut trouver les prêtres d’Égypte : il consulta les Chaldéens et les philosophes persans ; et l’on veut même qu’il ait pénétré jusque dans les Indes et dans l’Éthiopie, pour conférer avec les gymnosophistes. Il dépensa à cela tout son patrimoine, qui valait plus de cent talens [b] ; après quoi il eut besoin d’être entretenu par son frère : et s’il n’eût pas donné des preuves sensibles de son grand esprit, il eût encouru une note d’infamie, pour n’avoir pas conservé son bien (B). L’esprit des grands voyageurs régna en lui : il alla chercher jusqu’au fond des Indes les richesses de l’érudition, et ne se soucia guère des trésors qu’il avait presque à sa porte. Il ne fut jamais à Athènes [c], si nous en croyons quelques auteurs ; ou s’il y fut, comme l’assurent quelques autres, il ne s’y fit connaître à personne. Il donna deux preuves d’une sagacité extraordinaire (C), qui le firent admirer du grand Hippocrate. Mais il ne faut point croire ce qu’on a dit là-dessus ; il faut plutôt s’imaginer que l’on s’est plu à répandre sur l’histoire des philosophes autant d’aventures prodigieuses que sur celle des paladins ; et il est sûr qu’en matière de bravoure les exploits du fameux Roland ne seraient point plus admirables, qu’en matière de secrets de la nature ces deux découvertes de Démocrite. Quelques-uns ont dit qu’il vécut cent-neuf ans (D) ; et qu’en faveur de sa sœur il recula de quelques jours l’heure de sa mort (E). Il composa un très-grand nombre de livres [d] : il ne s’en faudrait pas étonner quand même il n’aurait pas vécu si longtemps ; car il aimait la retraite, et il s’appliquait à l’étude d’une façon toute singulière (F). C’était d’ailleurs un beau génie, un esprit vaste, pénétrant, qui donnait dans tout. La physique, la morale, les mathématiques, les belles-lettres, les beaux-arts se trouvèrent dans la sphère de son activité. Il devint très-habile dans toutes ces choses, et jusqu’à se pouvoir élever à la gloire de l’invention, comme nous l’apprend Sénèque (G). J’ai lu dans quelques modernes que sa longue vie fut une suite de sa chasteté (H) ; mais je ne trouve point cela dans les anciens. Si tout ce qu’on cite de lui a été tiré de ses véritables écrits, on ne peut nier qu’il ne se repût de chimères à certains égards (I) ; car il faudrait croire qu’il avait une recette qui pouvait procurer l’intelligence du chant des oiseaux. Il faudrait aussi croire qu’il était fort adonné à la magie (K) ; je veux dire à la magie qui est fondée sur un pacte avec le démon. Je ne pense pas qu’il ait été assez visionnaire pour s’être crevé les yeux (L), comme quelques-uns l’ont dit. La manière dont il consola Darius est assez ingénieuse (M). Il est excusable de s’être moqué de toute la vie humaine (N) : il valait mieux faire cela que d’imiter Héraclite, qui pleurait éternellement. Il a été le précurseur d’Épicure (O) ; car le système de ce dernier ne diffère de celui de Démocrite qu’en vertu de quelques réparations. C’est encore Démocrite qui a fourni aux pyrrhoniens tout ce qu’ils ont dit contre le témoignage des sens ; car outre qu’il avait accoutumé de dire que la vérité était cachée au fond d’un puits, il soutenait qu’il n’y avait rien de réel que les atomes et le vide, et que tout le reste ne consistait qu’en opinion [e]. C’est ce que les Cartésiens disent aujourd’hui touchant les qualités corporelles, la couleur, l’odeur, le son, la saveur, le chaud, le froid : ce ne sont, disent-ils, que des modifications de l’âme. Démocrite n’était rien moins qu’orthodoxe touchant la nature divine (P) ; et il croyait que notre dernière fin est la tranquillité de l’esprit [f]. Platon le haïssait, et peu s’en fallut qu’il ne brûlât tous les livres de Démocrite (Q). Cela, ce me semble, faisait moins de tort que d’honneur à ce dernier. Le systême des atomes n’est pas à beaucoup près aussi absurde que le spinozisme (R) : mais c’est une chose assez plaisante que de dire avec M. Moréri, que, selon Démocrite, les atomes étaient infinis en grandeur ; car au contraire ils étaient d’une petitesse inimaginable. Nous dirons dans la remarque (K) qu’il a couru sous son nom plusieurs livres qui n’étaient pas de lui. Nous verrions sans doute plus clair sur cette matière, si nous avions le traité de Callimachus [g], ou le traité de Thrasyllus touchant ses ouvrages [h]. Je ne sais si le sieur Pierre Borel [i], qui avait promis trois volumes in-folio, de Vitâ et philosophiâ Democriti, aurait pu nous donner quelques éclaircissemens. Si Élien [j] a dit que Protagoras était fils de Démocrite, il s’est trompé. Démocrite n’approuvait point qu’on se mariât, ou qu’on s’amusât à procréer des enfans. C’est engager, disait-il, à des soins trop importuns, et qui détournent d’une occupation plus nécessaire. Voyez la remarque (L) vers la fin. Il disait aussi que le plaisir de l’amour était une petite épilepsie (S).

Ce qu’on raconte du déplaisir que lui causa sa servante en lui apprenant une chose dont il voulait trouver une raison naturelle est assez curieux (T).

(A) Il fut élevé par des mages. ] Xerxès, roi de Perse, ayant logé chez le père de Démocrite, lui fit présent de quelques mages, qui furent les précepteurs de Démocrite [1]. Or, comme il y a une différence infinie entre loger le roi Xerxès, et régaler son armée, on ne peut disculper l’auteur qui a dit que le père de Démocrite avait pu fournir un repas à l’armée de ce monarque sans s’incommoder [2]. M. Moréri donne dans ce panneau ; il l’eût évité, s’il avait pris garde aux paroles de Diogène Laërce ; mais il ne paraît pas l’avoir consulté. Aurait-il dit, après une telle consultation, que Diogène Laërce veut que Démocrite soit de Milet ? Laërce ne veut point cela ; il dit seulement que c’est l’opinion de quelques-uns. Je dirai en passant que M. Moréri ne devait point citer Hérodote tout court. C’était le moyen de persuader à ses lecteurs que l’on trouve dans les Muses d’Hérodote le fait dont il parle. Or, cela est faux, et il n’y a nulle apparence que Diogène Laërce ait voulu citer l’auteur de ces Muses. Je crois qu’en cet endroit et en quelques autres il entend un Hérodote différent de celui que nous avons.

(B) S’il n’eut pas donné des preuves,.... d’un grand esprit......, il eût encouru une note d’infamie, pour n’avoir pas conservé son bien. ] Les lois du pays portaient que ceux qui auraient dépensé leur patrimoine ne fussent point enterrés dans le tombeau de la famille. Pour éviter les reproches et les chagrins que ses envieux lui auraient pu faire en conséquence de ces lois, il tâcha de se faire dispenser de la peine qu’il pouvait avoir encourue. Pour cet effet, il choisit entre ses ouvrages celui qui surpassait tous les autres [3], et le lut aux magistrats. Ils en furent si charmés qu’ils lui firent un présent de cinq cents talens, et lui érigèrent des statues, et ordonnèrent qu’après sa mort le public aurait soin de ses funérailles : ce qui fut exécuté [4]. Diogène Laërce étrangle de telle sorte ses narrations, que j’ai cru y devoir joindre quelques petites circonstances. Athénée conte mieux le fait : voici comment [5]. C’est que Démocrite fut accusé dans les formes, et obligé de plaider sa cause, et qu’ayant lu un de ses livres [6], et représenté que les dépenses qu’il avait faites pour se mettre en état de le composer avaient englouti son patrimoine, il fut absous. Tout le monde sait les vers d’Horace, qui témoignent la négligence de Démocrite par rapport aux biens de la terre :

Miramur, si Democriti pecus edit agellos
Cultaque, dum peregrè est animus sine corpore velox [7].


Simon Bosius [8] a cru à tort qu’Horace, par un défaut de mémoire, avait dit de Démocrite ce qu’il fallait dire d’Anaxagoras. Il est vrai que Plutarque nous apprend qu’Anaxagoras laissa ses terres incultes [9] ; mais rien n’empêche que Démocrite n’en ait fait autant. Cicéron ne l’avait-il pas dit avant Horace ? Democritus, qui (verò falsò ne quæreremus) dicitur oculis se privâsse, certè ut quàm minimè animus à cogitationibus abduceretur, patrimonium neglexit, agros deseruit incultos, quid quærens aliud nisi beatam vitam [10] ? Philon témoigne que les Grecs ont dit qu’Anaxagoras et Démocrite avaient laissé leurs terres incultes, afin de s’occuper avec moins de distraction à l’étude de la sagesse [11]. Mais comment, me direz-vous, peut-on accorder ceci et les auteurs qui ont dit [12] que Démocrite, partageant la succession avec ses deux frères, choisit le plus petit lot, qui consistait en argent, et qui par conséquent était plus propre à un voyageur ? Je réponds que l’on se doit contenter d’apprendre les divers récits que l’on trouve de ces choses ; il serait trop difficile, la plupart du temps, de les accorder, et de choisir le meilleur. Voilà Valère Maxime qui nous conte que Démocrite donna tous ses biens à sa patrie, à la réserve d’une somme très-modique. Il nous représente ce patrimoine comme un bien immense, et il ne fait aucune mention des frères de Démocrite. C’est narrer les choses très-négligemment. Il y a quelques autres fautes dans son récit. Democritus cùm divitiis censeri posset, quæ tantæ fuerunt, ut pater ejus Xerxis exercitui epulum dare ex facili potuerit : quo magis vacuo animo studiis litterarum esset operatus, parvâ admodùm summâ retentâ, patrimonium suum patriæ donavit. Athenis autem compluribus annis moratus, omnia temporum momenta ad percipiendam et exercendam doctrinam conferens, ignotus illi urbi vixit ; quod ipse in quodam volumine testatur [13]. J’ai déjà censuré le repas de cette prodigieuse armée. Il n’est point apparent que Démocrite ait fait un si long séjour à Athènes, puisqu’il y a des auteurs qui disent qu’il n’y fut jamais. Les grands voyages de Démocrite, dont on ne dit rien, méritaient plus de considération que sa demeure à Athènes. On n’a rien dit du merveilleux de ce séjour. Il fallait principalement faire réflexion sur le mépris qu’eut Démocrite pour la gloire qu’il aurait acquise s’il eût voulu se faire connaître.

(C) Il donna deux preuves d’une sagacité extraordinaire. ] Démocrite étant allé voir Hippocrate, celui-ci fit apporter du lait. On ne dit point si ce fut pour mettre à l’épreuve l’habileté de Démocrite ; on dit seulement qu’il décida que ce lait était d’une chèvre noire qui n’avait porté qu’une fois. Hippocrate avait mené avec lui une femelle : la première fois que Démocrite la vit, il l’appela fille ; mais le lendemain, il l’appela femme ; et il se trouva qu’elle avait été déflorée la nuit précédente. Voilà sans doute un esprit fort pénétrant, et je ne m’étonnerais pas qu’Hippocrate l’eût admiré. Si l’on me demandait mon sentiment sur cette histoire, je répondrais sans hésiter que je la crois fausse. Ce n’est pasque je ne croie possible que la cause de la noirceur d’une bête, et la fécondité réitérée, produisent quelque qualité particulière dans le lait. Il n’est point impossible que cela se fasse, et il est d’autre côté fort possible que cela ne se fasse point. Disons le même de l’autre article. Il est possible que la perte de la virginité produise quelque changement dans l’extérieur des personnes, et il est possible qu’elle n’y en produise aucun. Ces deux choses opposées étant possibles, supposons que dans le lait d’une chèvre noire, et qui n’a porté qu’une fois, il y ait une qualité particulière qui dépende de la noirceur et de la première portée, sera-t-il possible à un homme de connaître cette qualité ? Je réponds que cela ne me paraît pas impossible ; mais je ne crois pas que jusqu’ici aucun homme soit parvenu à ce degré de connaissance. On dit que les abeilles ont un discernement assez fin pour connaître entre plusieurs personnes qui s’approchent de leurs ruches, celles qui ont goûté depuis peu le plaisir vénérien [14]. Il n’y a rien là qui ne soit probable ; car les organes des insectes sont si délicats qu’une émanation de corpuscules qui n’excite point de sensation dans un homme [15], peut irriter l’odorat des abeilles et des fourmis. Mais la science de Démocrite surpassait celle des abeilles, puisqu’on ne dit pas qu’elles sachent discerner si c’est la première fois qu’on a exercé cet acte. Je dis donc que quand tout ce que l’on conte des abeilles serait vrai, et qu’il serait constant que la perte du pucelage changerait quelque chose dans l’extérieur, il n’en faudrait pas inférer qu’aucun homme ait jamais connu ce changement : et quoi qu’il en soit, je demeure persuadé que Démocrite n’a point connu les deux choses dont il s’agit. Je puis néanmoins les rapporter sans être coupable de mensonge ; car je ne fais qu’alléguer ce que je trouve dans Diogène Laërce.

Je ne serais pas aussi innocent de menterie que je le suis, si je me hasardais de débiter cette historiette avec quelques additions que je ne trouverais pas dans les vieilles sources ; et c’est pourquoi j’accuse ici de mensonge et de falsification ceux qui ont dit que Démocrite connut aux yeux de la fille qui accompagnait Hippocrate, qu’elle avait passé la nuit avec un homme [16]. Ce qu’ils ajoutent, que cette sagacité est odieuse à la moitié du genre humain, pourrait passer, s’ils ne le tiraient d’une fausse supposition ; car il est vrai que ce serait une chose très-importune que d’avoir à redouter des gens qui connaîtraient aux yeux d’une fille si elle a perdu sa virginité. Ceux qui aiment les fraudes pieuses devraient travailler à faire accroire qu’il y a quantité de gens qui le connaissent ; mais il serait à craindre que cette erreur ne fût plus fortement et plus efficacement combattue qu’aucune superstition. Une infinité de gens seraient esprits forts, et dogmatiseraient en esprits forts contre cette fraude pieuse. Il y en a qui disent que ce fut à la voix de cette fille que Démocrite reconnut la défloration [17]. Il remarqua, disent-ils, qu’elle n’avait pas le ton de voix du jour précédent ; et sur cela ils nous content qu’Albert-le-Grand, sans sortir de son cabinet, reconnut la faute d’une servante. On l’avait envoyée chercher du vin dans un cabaret ; elle revint en chantant. Albert appliqué à ses études ne laissa pas de remarquer que la voix de cette fille était devenue moins claire qu’elle n’était, et il conclut qu’on avait dépucelé cette servante durant ce petit voyage. Nec minùs vocis mutationem ob eandem ferè causam, quo tantùm signo ferunt Albertum magnum ex musæo suo puellam ex œnopolio vinum pro hero apportantem in itinere vitiatam fuisse deprehendisse, quòd in reditu subindé cantantis ex acutâ in graviorem mutatam vocem agnovisset [18]. Voyez le dernier alinéa de cette remarque.

Je n’ai rien à dire contre M. de la Mothe-le-Vayer ; car s’il dit que Démocrite connut à l’odeur du lait les qualités de la chèvre, il nous déclare en même temps que, selon Diogène Laërce, ce fut la vue, et non l’odorat, qui fit connaître cela à Démocrite. Ainsi la Mothe-le-Vayer ne nous trompe point ; il ne nous donne pas lieu de croire que sa conjecture soit un fait qu’il ait tiré des anciens auteurs. On ne sera pas fâché de trouver ici le fondement de sa conjecture : Democrite, dit-il [19], se fit admirer dans sa conférence avec Hippocrate, jugeant de mesme [20] que le lait qu’on leur avoit présenté estoit d’une chevre noire, et qui n’avoit encore porté qu’une fois. Je sçai bien que l’écrivain de sa vie [* 1] parle de ce discernement comme d’un effet de la veue. Mais ce que nous lisons dans Philostrate d’un jeune pasteur, qui reconnut au flairer que le lait n’était pas pur, me fait penser la mesme chose de l’action de Democrite. Ce rustique, grand et fort à merveille, se nommoit Agathion, et avoit prié le sophiste Herode de lui tenir prest au lendemain un vase plein de lait pur à son égard, c’est-à-dire, qui n’eust pas été tire de la main d’une femme. Mais il s’aperceut aussi-tost qu’on le luy offrit, comme il n’estoit pas tel qu’il l’avoit demandé, protestant que l’odeur des mains de celle qui l’avoit tiré luy offensoit l’odorat. Philostrate le nomme divin là-dessus.

Quelque frivole que puisse être le conte que j’ai rapporté de la découverte d’Albert-le-Grand, on peut dire que de très-habiles médecins s’amusent beaucoup à raisonner sur les rapports qu’ils prétendent qui se trouvent entre les organes de la génération et le gosier ; et c’est une chose assez ordinaire que de voir des gens, et des gens même du commun peuple, qui remarquent qu’un prédicateur, la première année de son mariage, a un ton de voix plus sec, plus cassé, plus enroué. Meursius assure qu’anciennement les nourrices mesuraient tous les matins, avec un fil, le cou des filles qu’elles avaient sous leur garde ; qu’elle le mesuraient, dis-je, afin de connaître si la virginité s’en était allée ou non [21]. Il prouve cela par un passage de Catulle ; mais j’aimerais mieux dire que ce passage montre seulement qu’on leur mesurait le cou le jour des noces et le lendemain. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, au mois de janvier 1686, page 27. Isaac Vossius, commentant ce même passage, a fait une note où il est parlé d’un prétendu livre de Démocrite, dans lequel on marque de quelle manière il faut mesurer le cou. Cela donc appartient de droit à cette partie de mon commentaire. In veteri scripto de sympathiâ et antipathiâ, quod perperam tribuitur Democrito, ita hæc referuntur : Λαϐὼν βιϐλάριον καταμέτρησον ἀπὸ ὠτίου εἰς ὠτίον· κἂν μὲν ἶσον ἦ, παρθένος ἐςι· εἰ δὲ μὴ, ἔϕθαρται. Nempe si filum aut funiculum ex lino aut papyro accipias, et anterioris colli spatium ab aure ad aurem, et deinceps cervicem seu aversam metiaris colle partem similiter ad aures, fuerintque hæc intervalla inæqualia, defloratam esse sponsam, contra si æquales fuerint isti semicirculi, esse etiamnum virginem. Aliud quoque addit signum, scilicet si collum fuerit calidum et nates frigidæ, et hoc quoque amissæ virginitatis esse indicium [22]. Il y avait une autre méthode de mesurer : Séverin Pineau en parle dans le Ve. chapitre du Ier. livre de Notis Virginitatis, et Gaspar à Reies dans sa question XXXVIII.

(D) Quelques-uns ont dit qu’il vécut cent neuf ans. ] On ne trouve rien de certain, ni sur le temps de sa naissance, ni sur le temps de sa mort. Aussi voyons-nous que Scaliger ne fait autre chose que marquer en quoi les auteurs se contredisent [23]. Démocrite, dans la Chronique d’Eusèbe, fleurit au commencement de la 7e. olympiade, et meurt l’an 2 de la 93e. [24]. Sur ce pied-là, il faudrait qu’il eût vécu beaucoup plus de cent neuf ans, ou qu’il eût fleuri dès sa dix-neuvième année. Diodore de Sicile le fait mourir âgé de quatre-vingt-dix ans, la 1re. année de la 94e. olympiade [25]. Lucien assure que Démocrite se laissa mourir de faim à l’âge de cent quatre ans [26]. Si l’on avait quelque chose d’assuré touchant l’âge d’Anaxagoras, on connaîtrait mieux la chronologie de Démocrite ; car ce dernier assure dans quelqu’un de ses ouvrages [27] qu’il était de quarante ans plus jeune qu’Anaxagoras. Mais on ne trouve que discorde entre les auteurs qui marquent les temps d’Anaxagoras. Il avait trente-deux ans, dit-on [28], quand Xerxès passa en Europe : il vécut soixante-douze ans, et il mourut la 1re. année de la 78e. olympiade. Je laisse plusieurs autres brouilleries qui ne sont pas plus aisées à démêler que celles-ci. On peut assurer hardiment qu’Élien s’est abusé [29] en supposant que Démocrite se moqua bien d’Alexandre sur l’inquiétude où était ce prince par la considération qu’il n’avait pas encore conquis un monde, et qu’il y en avait une infinité selon Démocrite. Les cent neuf ans que l’on donne à ce philosophe ne peuvent pas le mener jusqu’aux conquêtes d’Alexandre. L’opinion d’Aulu-Gelle est solide ; il l’avait acquise par de bonnes voies : il assure que Socrate était plus jeune que Démocrite [30]. Or Socrate mourut la 1re. année de la 95e. olympiade, âgé de soixante-dix ans [31] : il fallait donc que Démocrite fût alors âge de quatre-vingts ans pour le moins. Il en aurait donc eu plus de cent quarante s’il eût été en vie lorsqu’Alexandre monta sur le trône, la 1re. année de la 111e. olympiade. N’oublions pas le genre de mort que Marc Antonin [32] attribue à Démocrite, contre tous les autres écrivains. Il le fait mourir de la maladie pédiculaire : il prit apparemment l’un pour l’autre, Phérécide pour Démocrite. Vous verrez dans la remarque (E) diverses autorités touchant la mort volontaire de notre philosophe. On les peut joindre à ces trois vers de Lucrèce :

Denique Democritum postquàm matura vetustas
Admonuit memorem motus languescere mentis,
Sponte sud letho caput obvius obtulit ipse [33].

(E) En faveur de sa sœur, il recula de quelques jours l’heure de sa mort. ] Sa sœur s’attristait, non pas de voir qu’il allait mourir, mais de voir qu’à cause de cette mort elle n’assisterait pas aux fêtes de Cérès. pour la tirer de cette inquiétude, il se fit porter du pain chaud tous les matins, et avec la seule odeur de ce pain il soutint sa vie jusqu’à ce que les trois jours [34] de la fête fussent passés : après quoi il se laissa tomber tout doucement entre les bras de la mort. C’est ainsi que Diogène Laërce le raconte [35]. Cela sent fort l’invention d’un esprit oiseux. Athénée ne raconte pas la chose avec les mêmes circonstances. Il dit que Démocrite, las de la vieillesse, résolut de hâter sa mort, en diminuant chaque jour son ordinaire. Les fêtes de Cérès approchaient, et les femmes du logis eurent belle peur qu’il n’allât mourir pendant cet anniversaire ; car elles n’eussent pu avoir part à cette cérémonie, s’il fût mort en ce temps-là. Elles le prièrent donc de renvoyer son trépas après la fête, afin qu’elles pussent la célébrer joyeusement : il y consentit, et donna ordre qu’on lui apportât un pot de miel. La seule odeur de ce miel l’entretint en vie durant quelques jours : ensuite de quoi il le fit ôter, et mourut [36]. Un moderne s’est mêlé témérairement de critiquer Athénée [37]. Il lui impute d’avoir dit que la sœur de Démocrite, prêtresse de Cérès, pria son frère de ne pas mourir pendant la fête, et que Démocrite se fit porter un grand pot de miel, et ne mangea que du miel pendant plusieurs jours. Cela n’est guère probable, dit notre moderne ; il est beaucoup plus vraisemblable de dire que ce bon vieillard, prêt à expirer, et incapable de nourriture, ne prolongea sa vie qu’en flairant le miel, comme mon compatriote Célius Rhodiginus l’assure. Et hæc quidem minùs probabiliter Athenœus, cùm vero sit propius moribundum senem omnisque alimenti incapacem non ipso melle, sed solâ mellis evaporatione vitam produxisse, ut asseruit Rhodiginus meus (lib. 21, c. 3) [38]. Qui ne rirait en lisant cela ? Çar 1o. il n’est pas vrai qu’Athénée dise que Démocrite mangea du miel : il assure que ce philosophe n’en prit que l’odeur. Διαζῆσαι ἡμέρας ἱκανὰς τὸν ἄνθρωπον τῇ ἀπὸ τοῦ μέλιτος ἀναϕορᾷ μόνῃ χρώμενον : In multos dies vitam prorogässe solo mellis odore et halitu continuatam [39]. 2o. Il est faux que l’odeur du miel soit plus propre que le miel même à prolonger la vie d’un homme pendant plusieurs jours. Supposez cet homme à quatre doigts de la fosse, je ne m’en dédis pas. 3o. Athénée ne parle point de la sœur de Démocrite, tant s’en faut qu’il la fasse prêtresse de Cérès, dignité que Diogène Laërce ne lui donne pas. C’est ce dernier historien qui fait agir les prières de cette sœur. 4o. Enfin, on se moque du monde, quand on cite un Célius Rhodiginus sur des faits qui se sont passés il y a plus de deux mille ans.

(F) Il s’appliquait à l’étude d’une façon toute singulière. ] Il se choisit une chambre dans une maison située au milieu d’un jardin, et il se tenait enfermé dans cette chambre, avec un si grand détachement de tout ce qui se fait antour de lui, que, quand on le vint avertir un jour de se trouver au sacrifice, il ne s’était point aperçu, ni que le bœuf qui devait être immolé eût été attaché proche de sa chambre, ni que son père fût venu donner les ordres pour cette cérémonie [40]. Il fallait bien qu’il aimât la solitude, puisqu’il se plaisait à s’enfermer dans les tombeaux. Ἤσκει δὲ καὶ ποικίλως δοκιμάζειν τὰς ϕαντασίας, ἐρημάζων ἐνιότε καὶ τοῖς τάϕοις ἐνδιατρίϐων. Nitebatur autem etiam variè probare imaginationes, sæpé solitarius vivens atque etiam sepulcra incolens [41]. Il le faisait pour sonder les forces de son imagination, et pour éprouver tous les sens selon lesquels elles pourraient se tourner. Lucien fait là-dessus un joli conte : c’est que Démocrite s’enferma dans un sépulcre qui était hors de la ville, et y passa les jours et les nuits à étudier et à composer. Il y eut des jeunes gens qui tâchèrent de lui faire peur ; ils se déguisèrent en cadavres, ils prirent les masques les plus affreux, ils vinrent rôder autour de lui, et faire cent sauts et cent bonds. Il ne daigna pas les regarder, et se contenta de dire tout en écrivant, cessez de faire les fous. Ὁ δὲ οὔτε ἔδεισε τὴν προσποίησιν αὐτῶν, οὔτε ὅλως ἐνέϐλεψε πρὸς αὐτοὺς· ἀλλὰ μεταξὺ γράϕων, παύσασθε, ἔϕη, παίζοντες· οὕτω βεϐαίως ἐπίςευε μηδὲν εἶναι τὰς ψυχὰς ἔτι, ἔξω γενομένας τῶν σωμάτων. Hic neque ipsorum simulationem timuerit, neque ipsos omninò respexerit : sed inter scribendum dixerit, desinite ineptire : adeò firmiter credidit animas nihil esse postquàm è corporibus exierint [42]. C’est, dit Lucien, qu’il était fortement persuadé que l’âme mourait avec le corps, et que tout ce qu’on dit des spectres et des fantômes, et du retour des esprits, est par conséquent une chimère. Personne presque n’a ouï parler de Démocrite, sans apprendre qu’Hippocrate fut appelé pour le guérir. De fort bons critiques [43] sont persuadés que les lettres qu’on voit sur cela parmi celles d’Hippocrate sont supposées : mais on ne saurait douter que cette fiction ne soit fort ancienne. On a donc feint il y a long-temps que les Abdérites écrivirent à Hippocrate, pour le prier de venir voir Démocrite. Ils craignaient qu’il ne devînt tout-à-fait fou, et que son grand savoir ne le démontât entièrement ; et ils regardaient cela comme un grand malheur public. Hic præ multa quæ detinet ipsum sapientia ægrotat, ut timor sit ne nostra urbs Abderitarum pessumdetur, si Democritus mente fuerit motus [44]. Ils le voyaient ne se soucier de rien, rire de tout, dire que l’air était plein d’images, chercher ce que disent les oiseaux, se vanter qu’il faisait de temps en temps un voyage dans l’espace immense des choses. Il paraît par une de ces lettres d’Hippocrate, que l’amour de la solitude avait exposé Démocrite aux mauvais bruits qui couraient de lui. In veritatis regione quam Sapientia collustrat, non est pater, nec mater, uxorve, aut cognati, non liberi nec fratres neque famuli, fortunaque vel aliud ex his quæ tumultum faciunt. Democritus illuc præ sapientiâ commigravit, et insaniâ teneri creditur ob solitudinis amorem [45]. Au reste, la supposition de ces lettres ne m’empêcherait pas de croire qu’Hippocrate fut appelé par les Abdérites, et qu’en un mot celui qui forgea ces lettres, s’appuya sur des faits autorisés par une assez bonne tradition [46]. Mais voici quelque chose de plus fort. M. Drelincourt, professeur en médecine à Leyde, un des plus savans hommes de notre siècle, m’a assuré qu’il n’y a point lieu de douter que les lettres qui concernent Démocrite, parmi celles d’Hippocrate, ne soient légitimes : c’est le sentiment ordinaire des médecins, dit-il.

(G) Il devint très-habile.… et jusqu’a se pouvoir élever à la gloire de l’invention, comme nous l’apprend Senèque. ] Voici l’éloge que son historien lui a donné : Ἦν ὡς ἀληθῶς ἐν ϕιλοσοφίᾳ πένταθλος, τὰ γὰρ ϕυσικὰ, καὶ τὰ ἠθικὰ, ἀλλὰ καὶ τὰ μαθηματικὰ, καὶ τοὺς ἐγκυκλίους λόγους καὶ περὶ τεχνῶν πᾶσαν ἐἶχεν ἐμπειρίαν. Erat revera in philosophiâ quinque certaminum peritus. Namque naturalia, moralia, mathematica, liberalium disciplinarum orbem artiumque omnem peritiam callebat [47]. Quant aux choses qu’il inventa, vous trouverez que Sénèque ne l’en loue pas beaucoup. Democritus, inquit, invenisse dicitur fornicem, ut lapidum curvatura paulatim inclinatorum medio saxo alligaretur. Hoc dicam falsum esse. Necesse est enim ante Democritum, et pontes, et portas fuisse, quarum ferè summa curvantur. Excidit porrò vobis, eundem Democritum invenisse, quemadmodùm ebur molliretur, quemadmodùm decoctus calculus in smaragdum converteretur, quâ hodièque cocturâ inventi lapides coctiles colorantur. Illa sapiens licet invenerit, non qua sapiens erat, invenit. Multa enim facit, quæ ab imprudentissimis aut æquè fieri videmus, aut peritiùs, aut exercitatiùs [48].

(H) J’ai lu dans quelques modernes, que sa longue vie fut une suite de sa chasteté. ] Un auteur, que j’ai déjà réfuté [49], assure que Démocrite qui fut redevable d’une vie de plus de cent ans au miel et à son exacte continence, détestait l’œuvre de l’amour comme une chose qui faisait sortir un homme d’un homme. On cite Pline au livre XXVIII, chapitre VI ; mais vous ne trouvez dans Pline que ces paroles : Fenerem damnavit Democritus, ut in quâ homo alius exsiliret ex homine [50]. Pas un mot, ni de la vertu du miel, ni de celle de la continence, par rapport à la longue vie de Démocrite. À l’égard du miel, notre auteur moderne eût pu trouver un garant, puisqu’Athénée nous assure que Démocrite avait toujours fort aimé le miel, et qu’il avait cru que pour conserver sa santé il fallait appliquer du miel aux parties intérieures, et de l’huile aux parties extérieures [51]. Il semble même que ce philosophe eût promis la résurrection aux cadavres qu’on aurait ensevelis dans du miel ; car il y a beaucoup d’apparence que ces paroles de Pline, semilis et de asservandis corporibus hominum ac reviviscendi promissa Democrito vanitas qui non revixit ipse [52], ont du rapport à un passage de Varron, que je m’en vais copier. Quare Heraclides Ponticus plus sapit qui præcepit ut comburerent, quàm Democritus qui ut in melle servarent : quem si vulgus secutus esset, peream si centum denariis calicem mulsi emere possemus [53]. Mais sur l’autre chef je ne sais point où notre moderne trouverait une caution. Permettons-lui de raisonner, il ne viendra pas à son but : s’il dit que Démocrite n’a blâmé le jeu d’amour, que parce qu’il s’était extrêmement bien trouvé de s’en abstenir, il supposera un faux principe, puisqu’il y a un très-grand nombre de gens qui conseillent la chasteté, parce qu’ils éprouvent les tristes et fâcheuses suites de l’incontinence. Un autre moderne s’avance trop, quand il dit que Démocrite recommandait, et par des raisons, et par son exemple, de ne s’approcher du sexe que rarement. Morum prætereà integritas pudicitiaque tanta, ut rationibus exemploque rarum Veneris usum commendaret [54]. Il cite Pline et le chapitre IV du IIIe. livre de Rodericus à Castro de Naturâ Mulierum. Il ne dit point quel endroit de Pline il faut consulter ; mais il a égard sans doute aux paroles que j’ai citées du chapitre VI du livre XXVIII, paroles où l’on ne trouve nullement que Démocrite se soit donné en exemple. Roderic de Castro n’impute point à Démocrite de s’être cité ; et quand il le lui imputerait, il ne pourrait être qu’un aveugle qui conduit un autre aveugle.

Je ne dis point ceci pour donner la moindre atteinte à la continence de Démocrite : je veux seulement faire sentir aux auteurs modernes l’obligation où ils sont de n’avancer rien qu’ils ne trouvent dans des témoins dignes de foi. Nous verrons ci-dessous [55] que Tertullien ne lui donne pas un bon témoignage sur ce chapitre.

(I) On ne peut nier qu’il ne se repût de chimères à certains égards. ] Columelle [56] a cité le livre que Démocrite avait composé touchant les antipathies. On y trouvait que si une femme dans le temps de ses ordinaires faisait trois fois le tour de chaque compartiment, à pieds nus et les cheveux déliés, elle faisait mourir toutes les chenilles d’un jardin. Sed Democritus in eo libro qui Græcè inscribitur περὶ ἀντιπαθῶν, affirmat has ipsas bestiolas enecari, si mulier, quæ in menstruis est, solutis crinibus, et nudo pede unamquamque aream ter circumeat, post hoc enim decidere omnes vermiculos, et ita emori. Que peut-on dire qui sente plus la superstition ? Démocrite disait aussi que, pour faire confesser la vérité à une femme, il fallait lui appliquer sur le cœur, quand elle dormait, la langue d’une grenouille [57]. Mais il fallait une langue qui eût été arrachée à une grenouille vivante : et il fallait l’avoir arrachée sans tenir la grenouille par un autre endroit [58]. Il fallait de plus remettre dans l’eau la grenouille. Si l’on veut savoir quel jugement faisait Pline de cette pratique, on n’a qu’à le consulter à l’endroit où il rapporte une vertu toute semblable que l’on attribuait au cœur du hibou. On prétendait qu’en le mettant sur le téton gauche d’une femme endormie, on lui faisait dire tous ses secrets. Nec omittam in hâc quoque alite (bubone) exemplum magicæ vanitatis : quippe præter reliqua portentosa mendacia, cor ejus impositum mammæ mulieris dormientis sinistræ tradunt efficere, ut omnia secreta pronunciet [59]. Pline appelle cela une hâblerie de magicien : il faisait sans doute le même jugement du conte de Démocrite ; il le mettait au nombre de ces hâbleries ; car immédiatement après il remarque que les magiciens ajoutent quelques autres choses, qui feraient, si elles étaient véritables, que les grenouilles seraient plus utiles au genre humain que les lois. Les grenouilles fourniraient un expédient immanquable pour faire cesser la galanterie parmi les femmes. Les paroles de Pline n’ont pas assez de clarté, ni à l’égard de l’application du remède, ni à l’égard d’une circonstance notable. Il ne dit pas si l’expédient prévenait le cocuage, ou si seulement il empêchait la persévérance de la femme dans l’adultère. Ce n’est point là une distinction de logique ; la chose est de conséquence : il y fallait peser tous les termes, et fuir jusqu’aux moindres ambiguités. Il les fallait fuir aussi quant à la manière d’appliquer l’expédient : on verra dans le passage de Pline qu’elles n’ont pas été évitées. Addunt etiamnum alla magi, que si vera sunt, multo utiliores vitæ existimentur ranæ, quùm leges. Namque arundine transfixa natura per os, si surculus in menstruis defigatur à marito, adulteriorum tædium fieri [60]. Du Pinet traduit ainsi : Si on empale à un roseau une grenouille, l’embrochant droit par la tête et par sa nature. Le père Hardouin suppose qu’il fallait commencer par la nature, arundine transfixâ per ranæ pudenda ad os usque. Pline est donc obscur quant au cérémonial. Je laisse les autres obscurités.

Voici d’autres rêveries de Démocrite. Il disait qu’en mêlant ensemble le sang de quelques oiseaux dont il marquait le nom, on faisait naître un serpent qui avait une propriété si admirable, que quiconque le mangeait pouvait entendre ce que les oiseaux s’entre-disent. Pline a raison de se moquer de cette chimère. Qui credit ista, et Melampodi profectò aures lambendo dedisse intellectum avium sermonis dracones non abnuet : vel quæ Democritus tradit nominando aves, quarum confuso sanguine serpens gignatur, quem quisquis ederit, intellecturus sit avium colloquia [61]. Puisqu’il le trouve si crédule, qu’il se croit en droit de l’insulter, et de s’applaudir de ce qu’il n’adopte pas de telles fadaises, il faut sans doute que les contes de Démocrite fussent bien étranges. Le livre que ce philosophe avait composé touchant le caméléon était, je pense, l’un des meilleurs magasins de son extrême crédulité. Jungemus illis, dit Pline [62], simillima et peregrina æquè animalia : priùsque chamæleonem, peculiari volumine dignum existimatum Democrito, ac per singula membra desecatum, non sine magnâ voluptate nostrâ cognitis proditisque mendaciis Græcæ vanitatis. Après ce début Pline rapporte quelques extraits ridicules de ce livre ; et puis il finit ainsi : Utinam eo ramo contactus esset Democritus, quoniam ita loquacitates immodicas promisit inhiberi : palamque est virum alias sagacem et vitæ utilissimum, nimio juvandi mortales studio prolapsum [63]. Nous verrons d’autres passages dans la remarque qui suit.

Pline est louable de n’avoir rapporté les prétendues vertus occultes du caméléon qu’afin de les décrier et de s’en moquer : mais il serait encore plus digne de louange, s’il avait gardé pour Démocrite une partie de son incrédulité ; je veux dire s’il n’eût pas cru trop légèrement que ce philosophe fût l’auteur de cet ouvrage, et de plusieurs autres qui couraient injustement sous son nom. La pensée d’Aulu-Gelle me paraît fort raisonnable, que ce n’est point Démocrite qui est l’auteur de ces contes touchant le caméléon, et touchant l’intelligence du chant des oiseaux ; mais que certains charlatans s’étaient couverts de l’autorité de ce fameux philosophe. Librum esse Democriti nobilissimi philosophorum de vi et naturâ chamæleontis, eumque se legisse Plinius secundus in Naturalis Historiæ vicesimo Octavo refert ; multaque vana atque intoleranda auribus deindè quasi a Democrito scripta tradit.… His portentis atque præstigiis à Plinio secundo scriptis non dignum esse cognomen Democriti puto… Multa autem videntur ab hominibus istis malè sollertibus hujuscemodi commenta in Democriti nomen data, nobilitatis auctoritatisque ejus perfugio utentibus [64]. On ne peut que faire ce jugement, quand on se souvient du caractère que Lucien lui a donné. Il met Démocnite, Epicure, Métrodore, dans la classe de ces esprits forts qui ont une âme de diamant contre ceux qui leur veulent persuader les prodiges. À son compte, Démocrite demeure toujours persuadé que les faiseurs de miracles ne font rien que par artifice : il cherche la manière dont ils trompent, et s’il ne peut la trouver, il ne laisse pas de croire qu’il n’y a là que de l’imposture. Ὥςε πάνυ τὸ μηχάνημα ἐδεῖτο Δημοκρίτου τινὸς...... ἀδαμαντίνην πρὸς ταῦτα καὶ τὰ τοιαῦτα τὴν γνῶμην ἔχοντος, ὡς ἀπιςῆσαι. Ut res planè Democritum aliquem requireret…..…. qui adversùs hæc et similia mentem haberet adamantinam ut non crederet etc. [65].

(K) Il faudrait croire qu’il était fort adonné à la magie. ] Cela ne s’accorde nullement avec les idées de Lucien qui viennent d’être alléguées. Quoi qu’il en soit, il est juste d’entendre Pline [66] : Certè Pythagoras, Empedocles, Democritus, Plaito ad hanc (magicen) discendam navigavêre, exsiliis veriùs, quàm peregrinationibus, susceptis. Hanc reversi prædicavêre, hanc in arcanis habuêre. Democritus Apollobobechem Coptiten, et Dardanum è Phœnice illustravit, voluminibus Dardani in sepulcrum ejus petitis, suis [67] verò ex disciplinâ eorum editis : quæ recepta ab aliis hominum, atque transiisse per memoriam, æquè ac nihil in vitâ, mirandum est. In tantum fides istis fasque omne deest, adeò ut ii qui cœtera in viro illo probant, hæc ejus esse opera inficientur. Sed frustrà. Hunc enim maximè affixisse animis eam dulcedinem constat. Plenumque miraculi et hoc, pariter utrasque artes effloruisse : medicinam dico, magicenque, eâdem ætate illam Hippocrate, hanc Democrito illustrantibus. J’ai rapporté le passage un peu au long, afin d’apprendre à mon lecteur, 1o. que les partisans de Démocrite ont toujours nié qu’il eût fait les livres magiques qu’on lui imputait ; 2o. que Pline leur a soutenu que cette attribution était bien fondée. Passons à un autre endroit de Pline [68] : In promisso herbarum mirabilium occurrit aliqua dicere et de magicis : quæ enim mirabiliores sunt ? Primi eas in nostro orbe celebravêre Pythagoras atque Democritus consectati magos. Peu après il observe qu’on ne voulait pas convenir que certains livres attribués à ces deux grands hommes fussent sortis de leur plume ; et voici ce qu’il répond : Nec me fallit hoc volumen ejus à quibusdam Cleemporo medico adscribi : Pythagoræ pertinax fama antiquitasque vindicavit. Et id ipsum auctoritatem voluminibus affert [69], se quis alius curæ suæ opus illo viro dignum judicavit : quod fecisse Cleemporum cùm alia suo et nomine ederet, quis credat ? Democriti certè chirocmeta esse constat. At in his ille post Pythagoram magorum studiosissimus quanto portentosiora tradit ?

Avant que de passer outre, je m’arrêterai un peu sur le titre de l’ouvrage dont Pline vient de parler. M. de Saumaise a trouvé heureusement que ce livre ne devait pas être intitulé, Chirocineta : il a donc corrigé ce mot qui était dans les éditions de Pline, et montré qu’il fallait mettre à la place Chirocmeta. Il a corrigé en même temps un passage de Vitruve, où il est parlé du même ouvrage de Démocrite : Multas res attendens, dit Vitruve [70], admiror etiam Democriti de rerum naturâ volumina, et ejus commentarium quod inscribitu χειροκμήτων, in quo utebatur annulo signans cerâ molli quæ esset expertus. On lisait auparavant dans Vitruve, χειροτονητὸν, in quo etiam utebatur annulo signans cerâ ex milio quæ esset expertus. M. de Saumaise corrige par même moyen l’endroit de Diogène Laërce, où il est dit que Démocrite a composé χερνικὰ ῆ ϕυσικὰ προϐλήματα. Il faut dire χειρόκμητα ῆ ϕυσικὰ προϐλήματα [71]. Toute la critique de Casaubon n’était allée qu’à conjecturer qu’on pourrait peut-être guérir le mal de Diogène Laërce par le Chirocineta de Pline [72]. Mais c’eût été chasser un mal par un autre mal. Ceux qui ont cru qu’il fallait laisser dans Pline le mot de Chirocmeta l’ont expliqué selon leur caprice : les uns ont dit que ce titre signifiait que l’ouvrage devait être manié souvent [73]. d’autres ont cru que ce livre fut ainsi intitulé, Pour ce qu’il le fallait manier avec la main en grandes cérémonies [74]. Hesychius confirme merveilleusement les corrections de Saumaise ; car il nous apprend que les critiques mettaient un morceau de cire sur les endroits d’un ouvrage qui leur paraissaient obscurs, et dignes d’être plus amplement examinés. Il reste une puissante objection. Si le Chirocineta de Démocrite était un ouvrage où il avait mis son cachet sur toutes les choses dont il parlait par expérience, d’où vient qu’il était rempli de tant de fables, et de contes ridicules et superstitieux ? Pline ne se contente pas de le caractériser en général par ces paroles : In his Democritus post Pythagoram magorum studiosissimus quanto portentosiora tradit ? Il en cite plusieurs choses qui sentent la magie noire.

Je trouve de l’embarras dans tout ceci, et je ne vois point de meilleur expédient que le non liquet, ou l’ἐπέχω des sceptiques. Il se pourrait faire que Démocrite, sans trop examiner les conséquences de son système, eût espéré de découvrir plusieurs qualités occultes, et l’art de faire mille choses extraordinaires par le moyen de la magie. Cela étant une fois posé, nous pouvons nous figurer qu’il a lu avidement tous les livres de magie, et qu’il a compilé les prétendues merveilles qu’il a vues, et celles qu’il pouvait apprendre de vive voix. Il a pu faire des expériences surprenantes de la vertu de certaines herbes, et marquer de son cachet la page de son Chirocmeta dans laquelle il exposait ses expériences. Ce livre a pu être intitulé de la sorte, quoique la plupart des choses qu’il contenait ne fussent pas approuvées du sceau de l’auteur ; et ainsi rien n’empêche que Pline n’y ait trouvé bien des fables. Voilà un parti à prendre. Ce n’est pas celui qui me paraît le meilleur. J’aimerais mieux dire que Démocrite n’a point composé les écrits superstitieux, fabuleux, magiques, qui ont couru sous son nom. Diogène Laërce ayant donné une longue liste des ouvrages de ce philosophe, ajoute qu’on lui en attribuait faussement d’autres [75]. Columella [76] le reconnaît nommément à l’égard d’un certain livre dont le véritable auteur s’appelait Dolus [77] Mendesius. Il semble que Suidas ne donne qu’un petit nombre de livres pour de véritables ouvrages de Démocrite. Nous avons vu ci-dessus la plainte que fait Aulu-Gelle. Enfin, on peut dire que si Diogène Laërce n’en a pas rejeté davantage, cela prouve seulement qu’il y avait eu des faussaires qui, peu après que Démocrite fut mort, publièrent divers écrits sous son nom : on les prit pour des enfans légitimes ; les siècles suivans se conformèrent à cet avis : il n’en fallut pas davantage à Pline [78] et à Diogène Laërce [79], pour recevoir ces ouvrages comme de vraies productions de Démocrite. Et ce qui fit qu’on fut aisément trompé au commencement, c’est que l’excessive curiosité de ce philosophe, son amour pour la solitude, son application aux expériences, le succès de quelques-unes de ses prédictions, persuadaient sans peine qu’il avait laissé par écrit tous les secrets, toutes les remarques que l’on voyait dans les livres qui parurent sous son nom.

Pétrone témoigne que Démocrite passa sa vie à faire des expériences sur les végétaux et les minéraux : Omnium herbarum succos Democritus expressit : et ne lapidum virgultorumque vis lateret, ætatem inter experimenta consumpsit. On dit qu’ayant prévu que l’année serait mauvaise pour les oliviers, il acheta à vil prix une grande quantité d’huile, et y fit un gain immense dont néanmoins il ne voulut pas profiter : il se contenta de faire connaître qu’il ne tenait qu’à lui d’être riche. On s’étonnait qu’un homme qui n’avait jamais paru se soucier que de ses études se mît tout d’un coup dans le trafic : qui doute que, quand on en eut appris la raison, plusieurs ne l’aient regardé comme un magicien ? D’autres le crurent dignes des honneurs divins. Ὡς δὲ προειπών τινα τῶν μελλόντων εὐδοκίμησε, λοιπὸν ἐνθέου δόξης παρὰ τοῖς πλείςοις ἠξιώθη. [80]. Ubi verò futura quædam prædixerat, sequensque rerum eventus fidem fecerat, divinis jam honoribus dignus à plerisque judicatus est. Voici le passage qui témoigne ce trafic d’huile, et le reste : Ferunt Democritum, qui primus intellexit, ostenditque cum terris cœli societatem, spernentibus hanc curam ejus opulentissinus civium, prævisâ olei caritate ex futuro Vergiliarum ortu, quâ diximus ratione, ostendemusque jam pleniùs, magnâ tum vilitate propter spem olivæ, coëmisse in loto tractu omne oleum [81], mirantibus qui paupertatem et quietem doctrinarum ei sciebant in primis cordi esse. Atque ut apparuit causa, et ingens divitiarum cursus, restituisse mercedem anxiæ et avidæ dominorum pœnitentiæ, contentum ita probâsse, opes sibiin facili, cùm vellet, fore [82]. Une autre fois il pria son frère d’employer uniquement ses moissonneurs à transporter dans la grange le blé qu’ils avaient coupé. Il prévit un furieux orage qui arriva bientôt après. Tradunt eumdem Democritum metente fratre ejus Damaso ardentissimo æstu orâsse ut reliquæ segeti parceret, raperetque desecta sub tectum, paucis mox horis sævo imbre vaticinatione approbatâ [83]. J’ai ouï dire qu’un gentilhomme de Normandie, ayant connu par le baromètre qu’il pleuvrait bientôt, fit serrer son foin pendant qu’il faisait un très-beau temps. Cela fit dire aux villageois d’alentour qu’il avait commerce avec le diable, puisqu’il devinait si à propos, pour son intérêt, le changement des saisons. Était-on moins téméraire à juger mal du prochain au siècle de Démocrite ? Les secrets de la nature n’étaient-ils pas alors entre les mains de moins de gens sans comparaison qu’aujourd’hui ? Démocrite était donc plus exposé aux soupçons magiques qu’il ne le serait présentement.

Je dirai par occasion qu’il me semble que M. de Saumaise réfute assez mal Solin, touchant les combats de Démocrite contre les mages. Solin prétend que ce philosophe se servit utilement contre eux de la pierre catochites, Accipimus Democritum Abderitem ostentatione scrupuli hujus frequenter usum ad probandam occultam naturæ potentiam in certaminibus quæ contra magos habuit [84]. M. de Saumaise [85] oppose à Solin divers passages de Pline, qui, comme on l’a vu dans cette remarque, témoignent que Démocrite s’attachait beaucoup aux magiciens. Mais qui a dit à Saumaise que l’émulation n’a point lieu parmi ces gens-là ? N’est-il pas très-vraisemblable qu’ils font assaut de réputation ? Cela n’est-il pas confirme par nos écrivains démonographes ? Ne nous disent-ils pas qu’il y a des magiciens qui peuvent défaire ce que font les autres ? Il est apparent que Janes et Jambres qui résistèrent à Moïse [86], le prenaient pour un magicien. Ainsi Démocrite aurait pu pendant un assez long temps être l’humble sectateur des magiciens, et puis, lorsqu’il crut en savoir autant ou plus que les autres, contrecarrer ceux qu’il rencontrait, afin d’élever sa réputation au-dessus d’eux.

(L) Je ne pense pas qu’il ait été assez visionnaire pour s’être crevé les yeux. ] Plusieurs auteurs rapportent cette sottise. La raison la plus ordinaire que l’on donne pourquoi il en usa de la sorte, est qu’il espéra de méditer plus profondément, lorsque les objets de la vue ne feraient point diversion aux forces intellectuelles de son âme [87]. Democritum philosophum in monumentis historiæ græcæ scriptum est..... luminibus oculorum suâ sponte se privâsse, qui existimaret cogitationes commentationesque animi sui in contemplandis naturæ rationibus vegetiores et exactiores fore, si eas videndi illecebris, et oculorum impedimentis liberâsset [88]. Ne lui suffisait-il pas de s’enfermer dans un lieu obscur, ou de n’ouvrir pas les yeux pendant les heures de méditation ? Labérius, dans une pièce de théâtre, feignit que ce philosophe s’aveugla, afin que la prospérité des méchans ne lui frappât plus la vue : Labérius, dis-je, feignit cela sans autre raison, si ce n’est que cette hypothèse lui était commode pour soutenir le personnage qu’il avait en main. Il expliqua même comment Démocrite s’était aveuglé ; ce fut, disait-il, en s’exposant à la lumière qu’un bouclier lui refléchissait [89] : Causam voluntariæ cæcitatis finxit aliam (Labérius) [90] vertitque in eam rem quam tum agebat, non inconcinniter. Est enim persona, quæ hæc apud Laberium dicit, divitis avari et parci sumptum plurimum asotiamque adolescentis viri deplorantis.

Democritus Abderites physicus philosophus
Clypeum constituit contra exortum Hyperionis,
Oculos effodere ut posset splendore æreo.
Ita radiis solis aciem effodit luminis,
Malis benè esse ne videret civibus.
Sic ego fulgentis splendorem pecuniæ
Volo elucificare exitam ætati meæ ;
Ne in re bonâ esse videam nequam filium.


Plutarque avait ouï dire que Démocrite s’était servi de miroirs brûlans, sur lesquels il attacha fixement la vue, et cela afin de s’ôter un obstacle de méditation. Ὅθεν ἐκεῖνο μὲν ψεῦδός ἐςι, τὸ Δημόκριτον ἑκουσίως σϐέσαι τὰς ὄψεις ἀπερεισάμενον ἐις ἔσοπτρα πυρωθέντα καὶ τὴν απ᾽ ἀυτῶν ἀνάκλασιν δεξάμενον. Equidem falsum est quod dicitur Democritum sponte suâ oculos extinxisse in ignitum speculum eos defigentem luminisque reflexionem accipientem [91]. Il rejette ce conte comme une fable. L’auteur des Nouvelles de la République des Lettres, ayant rapporté la cause qui, selon Labérius, obligea ce philosophe à s’aveugler, ajoute : » D’autres disent qu’il s’aveugla pour méditer avec moins de distraction. Cela est plus vraisemblable, quoique peut-être aussi faux ; car quelle apparence que Démocrite, qui riait de toutes choses, se fit une cause de chagrin de la prospérité d’un malhonnête homme ? Ce devait être une fête et un régal pour un philosophe comme lui, qui ne cherchait qu’à tourner le monde en ridicule [92]. » Il se pouvait repaître par-là d’un triomphe imaginaire sur la religion [93]. Tertullien allègue une autre raison de la conduite de ce philosophe. Il prétend que Démocrite ne pouvait ni regarder une femme sans en souhaiter la jouissance, ni manquer d’en jouir, sans se chagriner et se dépiter. Il n’y eut donc point de meilleur remède contre cette persécution, que de se priver de la vue. Tertullien tire de là pour les vrais fidèles un grand sujet de triomphe sur les sages du paganisme. Democritus excæcando semetipsum, quòd mulieres sine concupiscentiâ aspicere non posset, et doleret si non esset potitus, incontinentiam emendatione profitetur [94]. C’est un triomphe bien imaginaire ; car ce que l’on sait de plus certain touchant Démocrite renverse de fond en comble la supposition de Tertullien. C’était un homme détaché des sens, un méditatif qui méprisait les honneurs et les richesses, et qui voyagea jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans [95]. On ne s’avise guère d’entreprendre de grands voyages quand on est aveugle [* 2] ; et si ceux qui ont passé l’âge de quatre-vingts ans avaient besoin de s’aveugler, ce ne serait pas à cause que la vue des femmes allume en eux le feu de l’amour. Un désir suivi du regret de ne jouir pas ne se guérit pas par la privation de la vue : l’impudicité du cœur a besoin d’un autre remède. Clément d’Alexandrie dit une chose qui, à la bien prendre, réfute invinciblement Tertullien ; je l’ai rapportée dans le corps de cet article à la fin. Mais voici les propres paroles de ce père : Δημόκριτος δὲ γάμον καὶ παιδοποιΐαν παρατεῖται, διὰ τὰς πολλὰς ἐξ αὐτῶν ἀηδίας τε καὶ ἀϕολκὰς ἀπὸ τῶν ἀναγκαιοτέρων. Democritus autem repudiat matrimonium et procreationem liberorum propter multas, quæ ex ipsis oriuntur, molestias, et quòd abstrahant ab iis quæ sunt magis necessaria [96].

(M) La manière dont il consola Darius est assez ingénieuse. ] Je ne la rapporte point ; on peut la lire dans M. Moréri, et dans un auteur dont les livres se trouvent partout [97]. Ce dernier l’a un peu brodée. Comme il ne cite personne, je suppléerai ce défaut. Je dis donc qu’on ne trouve cette historiette que dans une lettre de l’empereur Julien.

(N) Il est excusable de s’être moqué de toute la vie humaine. ] Voyez là-dessus Montaigne [98], cité par l’auteur des Nouvelles Lettres contre l’ex-jésuite Maimbourg [99].

(O) Il a été le précurseur d’Épicure. ] Je ne saurais approuver ceux qui disent que le peu d’innovations que l’on vit dans le système de Démocrite, après qu’il eut été adopté par Épicure, sont autant de dépravations [100]. Mais j’avoue qu’Épicure n’y ajouta pas beaucoup de choses, et qu’il en gâta quelques-unes. Quid est in physicis Epicuri non à Democrito ? Nam etsi quædam commutavit, ut quod paulò antè de inclinatione atomorum dixi, tamen pleraque dicit eadem, atomos, inane, imagines, infinitatem locorum, innumerabilitatemque mundorum, eorum ortus et interitus, omnia ferè quibus naturæ ratio continetur [101]Democritus vir magnus in primis cujus fontibus Epicurus hortulos suos irrigavit [102]. Il se fit tort en n’avouant pas les obligations qu’il avait à Démocrite, et en le traitant de rêveur, ou de donneur de billevesées, ληρόκριτος, nugarum censor. Ce fut un de ses jeux de mots.

(P) Il n’était rien moins qu’orthodoxe touchant la nature divine. ] S’il avait seulement dogmatisé que Dieu était un esprit placé dans une sphère de feu, et l’âme du monde [103], il serait cent fois moins intolérable qu’il ne l’est ; mais je trouve d’autres dogmes bien plus dangereux qui lui sont attribués dans les livres de Cicéron. Quid ? Democritus qui tùm imagines, earumque circuitus in Deorum numero refert, cùm illam naturam quæ imagines fundat ac mittat, tùm scientiam intelligentiamque nostram, nonne in maximo errore versatur ? cùmque idem omninò quia nihil semper suo statu maneat, neget esse quicquam sempiternum, nonne Deum ita tollit omninò ut nullam opinionem ejus reliquam faciat [104] ? Voilà les dogmes que Velleïus l’un des interlocuteurs de Cicéron attribue à Démocrite : ils sont tels qu’on peut assurer que quiconque les embrasse est véritablement dans le cas de celui qui dit,

Ô Jupiter, car de toi rien sinon
Je ne connais seulement que le nom [105].


Car la nature que Démocrite appelait Dieu n’avait ni l’unité, ni l’éternité, ni l’immutabilité, ni les autres attributs qui sont essentiels à la nature divine. Il prodiguait le nom de Dieu aux images et aux idées des objets, et à l’acte de notre entendement par lequel nous connaissons les objets. J’ose bien dire que cette erreur, quelque grossière qu’elle soit, ne sera jamais celle d’un petit esprit, et qu’il n’y a que de grands génies qui soient capables de la produire. Je ne sais si jamais personne a pris garde que le sentiment de l’un des plus sublimes esprits de ce siècle, que nous voyons toutes choses dans l’Être infini, dans Dieu, n’est qu’un développement et qu’une réparation du dogme de Démocrite. Prenez bien garde que Démocrite enseignait que les images des objets, ces images, dis-je, qui se répandent à la ronde, ou qui se tournent de tous côtés pour se présenter à nos sens, sont des émanations de Dieu, et sont elles-mêmes un Dieu ; et que l’idée actuelle de notre âme, est un Dieu. Y a t-il bien loin de cette pensée à dire que nos idées sont en Dieu, comme le père Mallebranche le dit, et qu’elles ne peuvent être une modification d’un esprit créé ? Ne s’ensuit-il pas de là que nos idées sont Dieu lui-même ? Or nos idées et notre science peuvent passer facilement pour la même chose. Cicéron fera dire tant qu’il lui plaira par un de ses personnages, que ces pensées de Démocrite sont dignes d’un Abdéritain [106], c’est-à-dire, d’un sot et d’un fou : je suis sûr qu’un petit esprit ne les formera jamais. Pour les former, il faut comprendre toute l’étendue de pouvoir qui convient à une nature capable de peindre dans notre esprit les images des objets. Les espèces intentionnelles des scolastiques sont la honte des péripatéticiens : il faut être je ne sais quoi pour se pouvoir persuader qu’un arbre produit son image dans toutes les parties de l’air à la ronde, jusques au cerveau d’une infinité de spectateurs. La cause qui produit toutes ces images est bien autre chose qu’un arbre. Cherchez-la tant qu’il vous plaira, si vous la trouvez au-deçà de l’Être infini, c’est signe que vous n’entendez pas bien cette matière. Je ne disconviens pas qu’au fond ces dogmes de Démocrite ne soient très-absurdes. Saint Augustin les a réfutés solidement, et nous a montré une différence entre Démocrite et Épicure, de laquelle peu d’auteurs parlent. Il observe que selon Démocrite il y avait dans les atomes, ou une vertu animée et spirituelle qui faisait que les images des objets participaient à la nature divine, ou du moins une âme capable de nous faire du bien et du mal ; mais Épicure ne reconnaissait que la nature d’atome ou de corpuscule dans ses principes. Democritus hoc distare in naturalibus quæstionibus ab Epicuro dicitur, quòd iste sentit, inesse concursiont atomorum vim quandam animalem et spiritualem : quâ vi eum, credo, et imagines ipsas divinitate præditas dicere, non omnes omnium rerum, sed Deorum, et principia mentis esse in universis, quibus divinitatem tribuit ; et animantes imagines, quæ vel prodesse nobis soleant, vel nocere : Epicurus verò neque aliquid in principiis rerum ponit, præter atomos [107]. Je ne sais si Saint Augustin a bien entendu le texte de Cicéron qu’il paraphrase. Il serait excusable de ne l’avoir pas entendu ; car Cicéron ne s’est pas trop clairement expliqué. Quoi qu’il en soit, voici un morceau de la paraphrase de Saint Augustin : Quanto meliùs ne audîssem quidem nomen Democriti, quàm cum dolore cogitarem, nescio quem, suis temporibus magnum putatum, qui deos esse arbitraretur imagines, quæ de solidis corporibus fluerent, solidæque ipsæ non essent, easque hàc atque hac motu proprio circumeundo atque illabendo in animas hominum facere, ut vis divina cogitetur ; cum profectò illud corpus, undè imago flueret, quantò solidius est, tantò præstantius quoque esse judicetur ? Ideòque fluctuavit, sicut isti dicunt, nutavitque sententiâ, ut aliquandò naturam quandam, de quâ fluerent imagines, Deum esse diceret ; qui tamen cogitari non posset ; nist per eas imagines ; quas fundit ac emittit, id est, quæ de illâ naturâ, quam, nescio quam, corpoream et sempiternam ac etiam per hoc divinam, putat ; quasi vaporis similitudine continuâ velut emanatione ferrentur, et venirent atque intrarent in arimas nostras, ut Deum vel Deos cogitare possemus [108]. Voyez la note [109].

(Q) Peu s’en fallut que Platon ne brulât tous les livres de Démocrite. ] Il les ramassa diligemment, et il les allait jeter au feu, lorsque deux philosophes pythagoriciens lui représentèrent que cela ne servirait de rien, à cause que plusieurs personnes s’en étaient déjà pourvues. La haine de Platon envers Démocrite a paru en ce qu’ayant fait mention de presque tous les anciens philosophes, il ne l’a jamais cité, non pas même dans les endroits où il s’agissait de le contredire. Diogène Laërce qui dit cela ajoute que ce fut une politique bien entendue, puisque c’était empêcher qu’on ne s’aperçut que Platon contredisait le plus excellent des philosophes. L’historien eût apparemment mieux frappé au but, s’il se fût servi de la pensée que M. Salo employa en faisant l’extrait d’un livre [110]. On trouve à redire, dit-il [111], que ce cardinal témoigne que son principal dessein est de faire voir toutes les fautes qui se trouvent dans Fra-Paolo, et de ce qu’il nomme cet auteur presque dans tous les chapitres de son livre. On dit que Baronius en a usé avec beaucoup plus d’adresse. Parce que bien qu’il eut entrepris ses annales pour combattre les hérésies et les faussetés des Centuriateurs de Magdebourg : néanmoins il s’est bien donné de garde de les contredire visiblement dans son livre, mais il a fait son histoire purement et simplement, sans les nommer que sous le nom général d’hérétiques et de novateurs. Et la raison qui l’a obligé d’en user de la sorte, est qu’il a jugé que le moins qu’on en pourrait parler sera le mieux ; de crainte d’exciter la curiosité du monde, et de faire venir l’envie de voir un livre, dont la lecture est toujours dangereuse : au lieu que de la manière qu’en a usé le cardinal Patavicini, on ne peut lire son livre ni le comprendre, qu’on ne lise celui de Fra-Paolo. Et alors il y a danger, comme cette histoire est très-bien faite, qu’on ne la préfère à celle du cardinal, qui peut être plus véritable, mais qui n’en est pas plus vraisemblable. L’inconvénient que Baronius voulut éviter, est, ce me semble, le même que celui dont Platon se voulut donner de garde. Voilà toute la finesse. Diogène Laërce ne connaissait guère les ruses de la guerre des auteurs ; puisqu’il n’a point mis la main sur celle-ci en parlant de la conduite de Platon. On a voulu dire qu’Aristote fit réellement ce que Platon avait eu dessein de faire, et qu’afin d’être le seul philosophe dont la postérité eût connaissance, et pour se pouvoir emparer impunément des trésors de ceux qui avaient philosophé avant lui, il brûla tous leurs écrits. Un professeur de Pavie débite cela comme un fait certain, et prétend que Pline en parle d’une maniere intelligible. Quod Plato designaverat, exequutus est Alexandri ope Aristoteles, quasi parùm esset Alexandro, si se monarcham redderet Asiæ, nisi Aristoteli jus in philosophos daret, qui quod sua tantùm de tot antiquis monumenta superesse voluit, tyrannidem in ingenia videtur affectâsse..... Dùm itaque regum fortunas unicâ vincendi libidine ductus everteret Alexander, superbissimo furore ambitiosus nominis Aristoteles in philosophorum principes est debacchatus, unoque incendio congestas triginta sex seculis tot sapientiæ divitias absumpsit, et si quæ voluit superesse funeri, ea omnium ludibrio dicteriisque lacessenda tradidit posteris, dum in optimorum bona invectus, abscissis perditisque sapientiæ statuarum capitibus, suum imposuit singulis : neque obsecurè literarii peculatûs reum facit Aristotelem curiosissimus Plinius, in præfat. ad D. Vespasianum imp. [112]. Il se trompe à l’égard du second chef. Pline ne dit rien où l’on puisse reconnaître Aristote plutôt qu’un autre plagiaire, et je ne doute pas qu’il ne se trompe à l’égard de l’incendie des livres. Voyez ce qu’a remarqué là-dessus Charles-Emanuel Vizani dans son commentaire sur Ocellus Lucanus [113]. Les Juifs content sottement qu’Aristote ayant appris toute sa philosophie dans les livres de Salomon, trouvés à Jérusalem, lorsqu’Alexandre se rendit maître de cette ville, les brûla pour se faire honneur de la sagesse qu’ils contenaient [114].

(R) Le système des atomes n’est pas… aussi absurde que le spinozisme. ] Car au moins les atomistes reconnaissent une distinction réelle entre les choses qui composent l’univers, après quoi il n’est pas incompréhensible que, pendant qu’il fait froid dans un pays, il fasse chaud en un autre, et pendant qu’un homme jouit d’une parfaite santé, un autre soit bien malade. Dans le spinozisme, où tout l’univers n’est qu’une seule et unique substance, c’est une contradiction à quoi il ne manque rien ; c’est, dis-je, une contradiction de cette nature, que de soutenir que Pierre est docte pendant que Guillaume est ignorant, et ainsi de toute sorte d’attributs contraires qui se vérifient tout à la fois de plusieurs personnes, les uns de celles-ci, les autres de celles-là. En supposant une infinité d’atomes réellement distincts les uns des autres, et doués tous essentiellement d’un principe actif, on conçoit l’action et la réaction, et les changemens continuels qui se marquent dans la nature : mais où il n’y a qu’un seul principe, il ne peut point y avoir d’action et de réaction, ni de changement de scène. Ainsi, en quittant le droit chemin qui est le système d’un créateur libre du monde, il faut nécessairement tomber dans la multiplicité des principes ; il faut reconnaître entre eux des antipathies et des sympathies, les supposer indépendans les uns des autres quant à l’existence et à la vertu d’agir, mais capables néanmoins de s’entre-nuire par l’action et la réaction. Ne demandez pas pourquoi en certaines rencontres l’effet de la réaction est plutôt ceci que cela ; car on ne peut donner raison des propriétés d’une chose, que lorsqu’elle a été faite librement par une cause qui a eu ses raisons et ses motifs en la produisant.

(S) Il disait que le plaisir de l’amour était une petite épilepsie. ] C’est à Démocrite que l’on donnait cette pensée, si nous en croyons Galien. Τίς γὰρ ἀνάγκη γράϕειν Δημόκριτον μὲν εἰρηκέναι μικρὰν ἐπιληψίαν εἶναι τὴν συνουσίαν [115]. Clément d’Alexandrie a voulu dire la même chose [116] ; car son sophiste d’Abdère n’est autre que Démocrite : mais il n’a pas entendu le sens de ce philosophe, puisqu’il lui impute d’avoir enseigné par-là que l’acte vénérien est un mal qu’on ne peut guérir [117]. Aulu-Gelle n’attribue point à Démocrite, mais à Hippocrate, la définition de quoi il s’agit ici. Hippocrates autem, ce sont ses paroles, divinâ vir scientiâ, de coitu venereo ita existimabat, partem esse quamdam morbi teterrimi, quem nostri comitialem dixerunt, namque ipsius verba hæc traduntur, τὴν συνουσίαν εἶναι μικρὰν ἐπιληψίαν [118]. Macrobe [119] a copié mot à mot, selon sa coutume, tout ce passage d’Aulu-Gelle ; de sorte que l’on n’a qu’un seul témoin pour l’attribution de cette pensée au grand Hippocrate. Ce témoin c’est Aulu-Gelle : or l’autorité d’Aulu-Gelle n’est point comparable à celle de Galien sur un fait comme celui-ci. Personne ne savait mieux que Galien si Hippocrate avait dit ou n’avait pas dit une telle chose : puis donc qu’il la donne à Démocrite, c’est une forte présomption qu’elle venait de ce philosophe, et non pas du médecin Hippocrate. Le savant homme que j’ai cité ci-dessus [120] m’a fait l’honneur de m’écrire, qu’il ne doute point qu’Aulu-Gelle ne se soit trompé. Sa raison est que sur des matières de médecine, l’exactitude de Galien est beaucoup plus vraisemblable que l’exactitude d’Aulu-Gelle. D’ailleurs, on ne trouve ces paroles dans aucun livre d’Hippocrate ; quoiqu’il soit vrai qu’il insinue ce sentiment en quelques endroits de ses œuvres [121] : et de plus nous voyons que Clément d’Alexandrie est conforme à Galien, et non pas à Aulu-Gelle. Je vois aussi que M. Ménage se déclare pour Galien contre Aulu-Gelle [* 3]. Il cite Stobée qui attribue cette définition de l’acte vénérien non-seulement à Eryximaque, mais aussi à Démocrite [122].

(T) Ce qu’on raconte du déplaisir que lui causa sa servante… est assez curieux. ] Je n’ai encore trouvé aucun moderne qui ait cité pour cela un ancien auteur. Voici de quelle manière Montagne [* 4] rapporte la chose. « Démocritus, ayant mangé à sa table des figues qui sentoient le miel, commença soudain à chercher en son esprit d’où leur venait cette douceur inusitée, et pour s’en éclaircir s’alloit lever de table, pour voir l’assiette du lieu où ces figues avoient esté cueillies : sa chambrière ayant entendu la cause de ce remuëment, luy dit en riant, qu’il ne se peinast plus pour cela, car c’étoit qu’elle les avoit mises en un vaisseau, où il y avoit eu du miel. Il se dépita, dequoy elle luy avoit osté l’occasion de cette recherche, et dérobé matière à sa curiosité, Va, luy dit-il, tu m’as fait déplaisir, je ne lairray pourtant d’en chercher la cause, comme si elle estoit naturelle. Et volontiers n’eust failly de trouver quelque raison vraye, à un effect faux et suposé : » M. Kuhnius rapporte le même conte [123], sans citer aucun auteur. Il eût pu citer Plutarque [124].

  1. (*) Diog. Laërt.
  2. * Cette réflexion de Bayle détruit, ce me semble, le conte que Démocrite se serait crevé les yeux parce qu’il ne trouvait pas de meilleurs moyens contre les tentations qu’il éprouvait à la vue des femmes. Dès lors, comme Bayle le remarque, c’est un triomphe bien imaginaire que celui dont parle Tertullien ; et Joly ne pouvant nier cela se retranche à dire que, pour la bonté de l’argument de Tertullien, il suffit que le fait de la cécité de Démocrite fût cru vrai.
  3. * La Bibliothéque française, XXIX, 198, remarque que L. Vivès est tombé dans la même faute sans citer aucun garant.
  4. * Voyez Essais, liv. II, chap. XII (page 175, colonne 1re. de l’édition de Paris, Desoer, 1818, in-8o.) ; mais Montaigne, d’après Amyot et Xilander, dit une figue, tandis que le texte de Plutarque porte un concombre.
  1. Voyez la remarque (A).
  2. Un talent vaut à peu près 600 écus.
  3. Voyez Valère Maxime, critiqué sur ce sujet dans la remarque (B), vers la fin.
  4. Tiré de Diogène Laërce, lib. IX, in Vitâ Democriti, num. 34 et seq.
  5. Laërt., lib. IX, num. 44 ; Sext., Empiricus adv. Mathemat., pag. 163. Voyez tome II, la citation (62) de l’article Arcésilas.
  6. Cicero, de Finibus l. 5.
  7. Suidas en fait mention.
  8. Voyez Laërce, num. 41.
  9. C’était un médecin de Castres dans le Languedoc. Le catalogue des livres qu’il promettait au public se voit à la tête de ses Antiquités gauloises, imprimées à Paris en 1655. Voyez aussi la préface de la IIe. centurie de ses Observat. de médecine.
  10. Ælian., Var. Hist., lib. I, cap. XXIII.
  1. Diog. Laërt., in Vitâ Democriti, lib. IX, num. 34.
  2. Valer. Maximus, 45. lib VIII, cap. VII, num. 4, exter.
  3. Il était intitulé Μέγας διάκοσμος.
  4. Diogen. Laërtius., in Vitâ Democriti, num. 39.
  5. Athen., lib. IV, cap. XIX, pag. 168.
  6. C’était le grand Diacosmos, et l’Histoire des Enfers, τὰ περὶ τῶν ἐν ἅδου. Idem, ibidem.
  7. Horat., epist. XII, lib. I, vs. 12.
  8. Voyez Lambin sur ce passage d’Horace.
  9. Ἀνξαγόρας τὴν χώραν κατέλιτε μηλόϐοτον. Anaxagoras agrum ovibus pascendum reliquit. Plut., de vitando ære alieno, pag. 831, E. Τὴν οἰκίαν ἐκεῖνος ἐξέλιπε, καὶ τὴν χώραν ἀϕῆκεν ἀργὴν καὶ μηλόϐοτον ὑπ᾽ ἐνθουσιασμοῦ καὶ μεγαλοϕροσύνης. Hic numinis afflatu et animi ductus celsitudine domum deseruit, et agrun reliquit incultum vastatumque. Idem, in Pericle, pag. 162, B. Voyez la remarque (A) de l’article Anaxagoras.
  10. Cicero, de Finibus, lib. V, cap. XXIX.
  11. De vitâ contemplat., pag. 861.
  12. Apud Laërt.. in Democrito, num. 35. Voyez aussi Élien, liv. IV, chap. XX.
  13. Valer. Maximus, lib. VIII, cap. VII, Extern., num. 4.
  14. Plutarch., in Præc. Conjug., pag. 144.
  15. Voyez néanmoins ce qui sera dit du père Cotton dans l’article Mariana, remarque (C).
  16. Puellam Hippocratis comitem virginem primo, sequenti verò die fœminam salutavit, quòd nocturnæ deflorationis vestigia in ejus oculis perciperet, invisâ generis humani dimidio sagacitate. Joan. Chrysost. Magnenus, in Vitâ Democriti, pag. 7.
  17. Gaspar à Reies, in Elysio jucundarum Quæstion. Campo, quæst. XXXIX, num. 7, pag. m. 474.
  18. Idem, ibidem.
  19. Tom. X, lettre IV, pag. 31.
  20. C’est-à-dire, comme Phérécyde avait prédit un tremblement de terre par l’odeur d’une eau de puits.
  21. Meurs., Auct. Philol., cap. XXXVI, apud Almelov. Specim. Antiquit. è sacris profanarum, pag. 67.
  22. Is. Vossius, in hæc verba Catulli, Epith. Pelei et Thetidis,

    Non illam nutrix orienti luce revisens,
    Hesterno collum poterit circumdare filo. P. 248.

  23. Scalig., in Euseb., num. 1616, pag. 109.
  24. M. Ménage, Notæ in Laert., lib. IX, num. 41, impute à Eusèbe de marquer la mort de Démocrite à l’an 4 de la 94e. olympiade. Jonsius l’a trompé, qui dit cela pag. 23.
  25. Diod. Siculus, lib. XIV, cap. XI.
  26. Lucian., in Macrobiis, pag. m. 639, 640, tom. II.
  27. In parvo Diacosmo, apud Laërtium in Democrito, num. 41.
  28. Laërt., lib. II, num. 7.
  29. Ælian., Hist. div., lib. IV, cap. ult.
  30. Aulus Gell., lib. XII, cap. XXI.
  31. Voyez sa Vie par M. Charpentier, pag. 284.
  32. Περὶ τῶν εἰς ἑαυτὸν, lib. III, sect. III.
  33. Lucret., lib. III, vs. 1052.
  34. Ils duraient neuf jours, selon Ovide : quatre, selon Hésychius ; cinq, selon Aristophane. Voyez Castellanus, de Festis Griecorum, pag. 173. Casaubon, in Laërt., lib. IX, num. 43, veut qu’où Démocrite demeurait ils ne durassent que trois jours ; mais qu’à Athènes c’était autre chose. Néanmoins, dans ses Notes sur Athénée, pag. 537, il dit qu’à Athènes ils ne duraient que trois jours.
  35. In ejus Vitâ, lib. IX, num. 43.
  36. Athen., lib. II, cap. VII, pag. m. 46.
  37. Il cite Athénée, l. 2, cap. 3 : il fallait dire cap. 7.
  38. Balthas Bonifacius, Histor. Ludicra, lib. I, cap. XI, pag. m. 13.
  39. Athen., lib. II, cap. VII.
  40. Diog. Laërtius, lib. IX, num. 36.
  41. Ibidem, num. 38.
  42. Lucian., in Philopseude, tom. II, pag. 495.
  43. Menag., in Laërt., lib. IX, num. 4.
  44. Apud Hippocrat., in Epist., num. V, citante Magneno, in Vitâ Democriti, pag. 24.
  45. Magnenus, ibid., pag. 26.
  46. Je ne détruis donc point ici ce que j’ai dit tome I, pag. 40, citation (47) de l’article Abdère.
  47. Laërt., lib. IX, num. 37.
  48. Seneca, epist. XC, pag. m. 371.
  49. Balth. Bonifacius, Hist. ludicra, lib. XI, cap. V, pag. 317.
  50. M. Drelincourt m’a indiqué deux passages tout semblables : l’un est de Galien, comm. III in VI epidemior., pag. 478, l. 73 : l’autre de Tertullien, de Animâ, cap. XXVII, pag. 330, C. Voyez aussi Clem. Alexandrin., lib. II, Pædag., pag. 193, D.
  51. Athen., lib. II, cap. VII, pag. 46.
  52. Plin., lib. VII, cap. LV.
  53. Varro, in lib. περὶ ταϕῆς, apud Nonium, voce Vulgus.
  54. Magnenus, in Vitâ Democriti, pag. 9.
  55. Dans la remarque (K).
  56. De Re rusticâ, lib. XI, sub fin.
  57. Democritus quidem tradit, si quis extrahat ranæ viventi linguam, nullâ aliâ corporis parte adhærente, ipsâque dimissâ in aquam, imponat supra cordis palpitationem mulieri dormienti, quæcunque interrogaverit, vera responsuram. Plin., lib. XXXII, cap. V, pag. 846.
  58. Ou plutôt, sans qu’aucune autre partie y demeurât attachée.
  59. Plin., lib. XXIX, cap. IV.
  60. Idem, lib. XXXIII, cap. V.
  61. Plin., lib. X, cap. XLIX. Voyez aussi lib. XXIX, cap. IV.
  62. Idem, lib. XXVIII, cap. VIII.
  63. Plin., lib. XXVIII, cap. VIII.
  64. Aulus Gellius, lib. X, cap. XII.
  65. Lucianus, in Pseudom., pag. 873, tom. I.
  66. Plin., lib. XXX, cap. I.
  67. Le père Hardouin cite ici Clément d’Alexandrie, l. 1 Stromat., pag. 303, qui a dit que Démocrite expliqua une colonne d’Acicari, auteur babylonien, et en inséra l’explication dans ses écrits.
  68. Plin., lib. XXI, cap. XVII.
  69. Cette raison est faible ; car combien de méchans livres fait-on courir sous des noms célèbres, et principalement en matière de magie ?
  70. Vitruv., lib. IX, cap. III.
  71. Voyez Saumaise, in Exercit. Plinianis, pag. 1100, 1101.
  72. Casaubonus, in Laërt., lib. IX, num. 49.
  73. Nec meliùs interpretantur ita dicta quòd assiduè manibus tractanda essent. Salmasius, Exercitat. Plinian., pag. 1100, C.
  74. Du Pinet, à la marge de sa traduction française de Pline.
  75. Diog. Laërtius, in ejus Vitâ, sub fin.
  76. Colum., de Re rusticâ, lib. VII, cap. V.
  77. Ou plutôt Bolus, selon Suidas.
  78. Pythagoræ pertinax fama antiquitasque vindicant. C’est la preuve dont Pline se sert, liv. XXIV, chap. XVII.
  79. Les ouvrages qu’il rejette sont ceux que le consentement général avait rejetés, ὁμολογουμένως ἐςιν ἀλλότρια, omninò aliena consensu omnium sunt.
  80. Diog. Laert., lib. IX, num. 38.
  81. Cicéron, lib. I de Divinatione, cap. III. Aristote, lib. I Politic., cap. VII. Diogène Laërce, in Thalete, attribuent ceci à Thalès ; mais avec cette différence que Thalès acheta l’huile à venir, selon Cicéron, et les pressoirs à huile, selon Aristote et Diogène Laërce. Voyez le père Hardouin sur ce passage de Pline, et M. Ménage, sur Laërce, liv. I, num. 26.
  82. Plin., lib. XVIII, cap. XXVIII.
  83. Idem, lib. XVIII, cap. XXXV.
  84. Solin., cap. III, sub fin.
  85. Salm., in Exercit. Plinian., pag. 98, 99.
  86. IIe. épître de saint Paul à Timothée, chap. III, vs. 8.
  87. Cicér., de Finib., lib. V, cap. XXIX, n’affirme ni ne nie le fait ; mais s’il eût avoué le fait, il en eut reconnu cette raison.
  88. Aulus Gellius, lib. X, cap. XVII.
  89. Aulus Gellus, lib. X, cap. XVII.
  90. In mimo quem scripsi restionem. Idem, ibidem.
  91. Plut., de Curiositate, pag. 521, C.
  92. Nouv. de la Rép. des Lettres, mois de février 1686, pag. 155.
  93. Quare relligio pedibus subjecta vicissim
    Obteritur, nos exæquat victoria cœlo.
    Lucret., lib. I, vs. 79.

  94. Tert., in Apolog., cap. XLVI.
  95. Il le dit lui-même apud Clem. Alexandrinum, Stromat., lib. I, pag. 304, et apud Eusebium, Præpar., lib. X, cap. IV, pag. m. 472.
  96. Clem. Alexandr., Stromat., lib. II, pag. 421.
  97. La Mothe-le-Vayer, tom. VIII, pag. 340. Voyez aussi le père Garasse, Doctrine curieuse, pag. 297.
  98. Essais, liv. I, chap. L.
  99. Lettre XXI, pag. 715.
  100. Voyez Cicéron, lib. I de Finibus, cap. V et VI.
  101. Cicero, de Nat. Deorum, lib. I, cap. XII, XXVI, XLIII.
  102. Ibid.. cap. XXXIII. Voyez aussi Plutarque, adversùs Colotem., pag. 1101.
  103. Νοῦν μὲν γὰρ εἶναι τὸν Θεὸν ἰσχυρίζεται καὶ αὐτὸς (Δημόκριτος) πλὴν ἐν πυρὶ σϕαιροειδεῖ, καὶ αὐτὸν εἶναι τὴν τοῦ κόσμου ψυχήν. Cyrillus contra Julianum, lib. I. Cela est tiré de Plutarque, de Plac. Philosoph., lib. I, cap. VII, pag. 881, D, il dit, Δημόκριτος νοῦν τὸν Θεὸν ἐμπυροειδῆ, τὴν τοῦ κόσμου ψυχήν. Democritus mentem Deum in igne globoso, mundi animam.
  104. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. XII et XXXVIII.
  105. Voyez le Plutarque d’Amyot, au Traité de l’Amour, chap. XII.
  106. Democritus… tum censet imagines divinitate præditas inesse universitati rerum : tum principia mentesque quæ sunt in eodem universo Deos esse dicit : tum animantes imagines, que vel prodesse nobis solent, vel nocere : tum ingentes quasdam imagine, tantasque ut universum mundum complectantur extrinsecùs. Quæ quidem omnia sunt patriâ Democriti quàm Democrito digniora. Cicero, de Nat. Deor.. lib. I, cap. XXXVIII.
  107. Augustinus, epistol. LVI, pag. m. 273.
  108. Augustinus, epist. LVI, pag. m. 273.
  109. Nous verrons dans la remarque (E) de l’article de Leucippe un passage de Plutarque, qui nous apprendra qu’il semble que Démocrite attribuait du sentiment aux atomes.
  110. L’Histoire du Concile de Trente, par le cardinal Palavicin.
  111. Journal des Savans du 23 mars 1665.
  112. Joan. Chrysostomus Magnenus, in Prolegomenis Democriti reviviscentis, pag. 23.
  113. Pag. m. 144.
  114. Bartolocci, in Biblioth. Rabbin. dans le Journal des Savans, 1692, pag. 464. Voyez tome II, pag. 359 la citation (27) de l’article Aristote.
  115. Galeni commentar. I in librum III Epidemiorum Hippocratis.
  116. Μικρὰν ἐπιληψίαν τὴν συνουσίαν, ὁ Ἀϐδηρίτης ἔλεγε σοϕιςής. Parvam epilepsiam dicebat coïtum Sophista Abderites. Clem. Alexandr., lib. II Pædagog., pag. 193, D.
  117. Νόσον ἀνίατον ἡγούμενος. Morbum immedicabilem existimans. Idem, ibid.
  118. Aulus Gellius, lib. XIX, cap. II.
  119. Macrob., lib. II Saturn., cap. VIII.
  120. M. le professeur Drelincourt. Voyez la remarque (G), vers la fin, et la remarque (H), citation (50).
  121. Sub initium lib. de Genit., pag. 27, lin. 35 ; et lib. de Oss. nat., pag. 62, lin. 19. Je suis aussi assuré de l’exactitude de ces citations, que si je les avais vérifiées. Je les donne selon la lettre que M. Drelincourt m’a fait l’honneur de m’écrire.
  122. Menag., in Laërt., lib. IX, num. 43, pag. 410, 411.
  123. Kuhnius, in Diogen. Laërt., lib. IX, num. 38, pag. 539.
  124. Plut, Sympos., lib. I, cap. X.
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