Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Aristarque 1


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ARISTARQUE, philosophe grec, natif de Samos, est un des premiers qui ont soutenu que la terre tourne sur son centre, et qu’elle décrit tous les ans un cercle autour du soleil (A). Il inventa l’une des espèces d’horloge solaire [a]. On n’est pas bien d’accord sur le temps où il a vécu : on sait seulement avec certitude qu’il n’est point né depuis la mort d’Archimède (B). Il ne nous reste de ses ouvrages que le Traité de la grandeur et de la distance du soleil et de la lune, traduit en latin, et commenté par Frideric Commandin, et publié avec les explications de Pappus, l’an 1572. M. Wallis le publia en grec, avec la version latine de Commandin, l’an 1688, et il l’a inséré au IIIe. tome de ses œuvres mathématiques, imprimées à Oxford, l’an 1699. Le Système du Monde, qui a paru sous son nom, est un ouvrage de Roberval [b]. Nous rapporterons [c] une faute qui s’est glissée dans le texte de Plutarque.

  1. Vitruv., lib. IX, cap. IX.
  2. Voyez Ménage sur Diogène Laërce, liv. VIII, num. 85, pag. 389.
  3. Dans la remarque (A), citation (4).

(A) Il est un des premiers qui ont soutenu que la terre tourne sur son centre, et décrit un cercle autour du soleil. ] Sextus Empiricus, en parlant de l’hypothèse du mouvement de la terre, insinue clairement qu’Aristarque en avait été le principal inventeur ; car il ne nomme que lui : Οἵ γε μὲν τὴν τοῦ κόσμου κίνησιν ἀνέλοντες, τὴν δὲ γῆν κινεῖσθαι δοξάσαντες, ὡς οἱ περὶ Ἀρίςαρχον τὸν μαθηματικὸν, οὐ κωλύονται νοεῖν χρόνον [1]. Qui quidem mundi motum sustulerunt, terram autem moveri sunt opinati, ut Aristarchus mathematicus, nihil eis obstat quominùs tempus mente concipiant. Plutarque, voulant éclaircir une pensée de Platon, et se demandant si ce philosophe n’aurait point cru la mobilité de la terre, ajoute que cette opinion a été ensuite celle d’Aristarque et celle de Séleucus, et qu’Aristarque la débitait comme une hypothèse, et Séleucus comme un dogme positif : Ὡς ὕςερον Ἀρίςαρχος καὶ Σέλευκος ἀπεδείκνυσαν· ὁ μὲν, ὑποτιθέμενος μόνον ; ὁ δὲ Σέλευκος, καὶ ἀποϕαινόμενος [2]. Ut postmodò Aristarchus et Seleucus ostenderunt. Sanè hoc ille ità ut supponeret tantùm, hic etiam pronuntians. C’est nous insinuer qu’Aristarque était regardé comme inventeur de ce sentiment. Archimède nous l’insinue avec plus de précision. Voici ses paroles : Ταῦτα γὰρ ἐν ταῖς γραϕομέναις παρὰ τῶν ἀςρολόγων διάκούσας Ἀρίςαρχος ὁ Σάμιος, ὑποθέσεών τινων ἐξέδωκεν γράψας, ἐν αἷς, ἐκ τῶν ὑποκειμένων συμϐαίνει τὸν κόσμον πολλαπλάσιον ἦμεν τοῦ νῦν εἰρημένου· ὑποτίθεται γὰρ τὰ μὲν ἀπλανῆ τῶν ἄςρων, καὶ τὸν ἅλιον μένειν ἀκίνητον· τὰν δὲ γᾶν περιϕέρεσθαι περὶ τὸν ἅλιον, κατὰ κύκλου περιϕέρειαν, ὅς ἐςιν ἐν μέσῳ τῷ δρόμῳ κείμενος [3]. Id est, Friderico Commandino interprete : Hæc igitur in iis quæ ab astrologis scripta sunt, redarguens Aristarchus Samius, positiones quasdam edidit : ex quibus sequitur mundum proximè dicti mundi multiplicem esse : ponit enim stellas inerrantes atque solem immobiles permanere : terram ipsam circumferri circa solem, secundùm circumferentiam circuli, qui est in medio cursu constitutus. Apparemment les copistes ont falsifié le passage de Plutarque où nous lisons qu’Aristarque prétendait que la Grèce aurait dû faire un procès d’irréligion à Cléanthe, qui avait cru le mouvement de la terre : Μόνον (εἶπεν) ὦ τὰν, μὴ κρίσιν ἡμῖν ἀσεϐείας ἐπαγγείλης. ὥσπερ Ἀρίςαρχος ᾤετο, δεῖν Κλέανθη τὸν Σάμιον ἀσεϐείας προκαλεῖσθαι τοὺς Ἕλληνας, ὡς κινοῦντα τοῦ κόσμου τὴν ἑςίαν, ὅτι ϕαινόμενα σώζειν ἀνὴρ ἐπειρᾶτο, μένειν τὸν οὐρανὸν ὑπότιθέμενος. Ἐξελίττεσθαι δὲ κατὰ λοξοῦ κύκλου τὴν γῆν, ἅμα καὶ περὶ τὸν αὐτῆς ἄξονα δινουμένην [4]. Heus, tu, inquit, noli nos impietatis reos facere, eo pacto quo Aristarchus putavit Cleanthem Samium violatæ religionis à Græcis debuisse postulari, tanquam universi lares Vestamque si loco movisset : quòd is homo conatus ea quæ in cœlo apparent tutari certis ratiocinationibus, posuisset cœlum quiescere, terram per obliquum evolvi circulum, et circa suum versari interim axem. Les copistes, ce me semble, ont transposé les noms : il faut lire Cléanthe jugeait que la Grèce eût dû faire un procès d’irréligion à Aristarque le Samien, etc. C’est une conjecture de Gassendi [5] : c’est une correction que M. Ménage adopte comme très-certaine. In verbis Plutarchi, dit-il [6], legendum omninò : ὥσπερ ̓Αρίςαρχον τὸν Σάμιον ᾤετο Κλεάνθης δεῖν ἀσέϐειας προκαλεῖσθαι τοὺς Ἕλληνας. Amiot n’avait point senti la faute.

(B) On n’est pas bien d’accord sur de temps où il a vécu : on sait seulement qu’il n’est point né depuis la mort d’Archimède. ] Les paroles que j’ai citées [7] prouvent que pour le plus tard notre Aristarque n’a pu être que contemporain d’Archimède : or, nous savons qu’Archimède perdit la vie lorsque Syracuse fut prise par les Romains, l’an Ier. de la 142e. olympiade, pendant la seconde guerre punique. Notez que, selon Plutarque, cité ci-dessus, Timée de Locres a vécu avant Aristarqne ; car la pensée platonique qu’on veut éclaircir se trouve dans Platon comme si Timée l’avait dite en conversation. Or, puisque Platon a été disciple de ce Timée [8], et cela après avoir vu l’Égypte, il faut conclure que, si Plutarque a bien observé les temps, Aristarque a fleuri après Platon. Nous savons donc qu’il n’a point fleuri après Archimède, ni avant Platon, et je ne crois pas qu’il soit facile de se fixer à quelque chose de plus précis. Blancanus a mis Aristarque deux siècles avant Hipparque, et il a mis celui-ci cent ans après la mort d’Alexandre, c’est-à-dire, cent ans après la 1re. année de la 114e. olympiade [9]. Il a donc cru qu’Aristarque florissait vers la 89e. olympiade, un peu après la naissance de Platon. Cela ne s’accorde point avec le passage de Plutarque que j’ai allégué. L’opinion de Simler ne s’y accorde pas mieux. Cet auteur a fuit fleurir Aristarque sous le règne d’Artaxerxés-Longuemain, qui s’est étendu depuis la 1re. année de la 79e. olympiade, jusqu’à la dernière année de la 88e. [10]. Libertus Fromondus est encore plus contraire au sentiment de Plutarque, puisqu’il ignore si Aristarque a précédé ou suivi Pythagoras [11]. Je crois que Vossius [12] aurait réfuté cette incertitude par l’autorité de Plutarque, s’il se fût souvenu des paroles que j’ai citées. Jean Stadius croit qu’Aristarque survécut à Archimède ; car il le fait fleurir dans l’olympiade 144 [13]. Notez que Vitruve, en parlant de quelques mathématiciens qui ont été inventeurs, met Aristarque au premier rang [14]. Si l’on se réglait à cela, on le croirait antérieur à Philolaüs et à Architas de Tarente.

  1. Sextus Empiricus, adversùs Mathemat., pag. 410. M. Ménage sur Diogène Laërce, liv. VIII, num. 85, cite deux fois ce passage dans la même page, la première fois comme de Sextus Empiricus, et la seconde comme de Pyrrhon.
  2. Plut. in Quæst. Plat., pag. 1006, C.
  3. Archimedes, in Psammite, pag. 449, apud Menagium in Diogenem Laërtium, lib. VIII.
  4. Plutarchus, de Facie in orbe Lunæ, pag. 922, F.
  5. Gassend. Physicæ sect. II, lib. III, cap. V, pag. 617, tom. I Operum.
  6. Menagius, in Diogen. Laërt, lib. VIII, num. 85, pag. 389.
  7. Dans la remarque précédente, citation (3).
  8. Cicero, de Finib., lib. V, cap. XXIX, et Tusculan., lib. I, folio 248, A.
  9. Blancanus, in Mathematicorum Chronologiâ, ad calcem libri, de Aristotelis Locis mathematicis, pag. 46 et 49.
  10. Simlerus, in Epitome Bibliothecæ Gesneri.
  11. Lib. Fromond. de Orbe Terræ immobili, pag. 1. Il a intitulé ce livre, Ant-Aristarchus.
  12. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 157.
  13. Job. Stadius, in Præf. Tabularum Bergensium, apud Vossium, de Scient. Mathem., pag. 157.
  14. Vitruvius, de Architect., lib. I, cap. V.

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