Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Antoine 8


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ANTOINE (Marc-Jules), fils du triumvir et de Fulvie, trouva grâce de telle sorte devant Auguste, après la conquête d’Égypte, qu’il fut avancé aux charges de degré en degré, et enfin au consulat, l’an de Rome 744. Il épousa Marcella, fille d’Octavie ; et par ce moyen, étant devenu gendre de la sœur d’Auguste, pour laquelle ce prince avait une extrême considération, il tint le premier rang dans la faveur, après Agrippa, gendre d’Auguste, et après les fils de l’impératrice. Mais il paya d’ingratitude son bienfaiteur, puisqu’il fut un des premiers qui corrompirent sa fille Julie, ce qui, joint à quelques soupçons de conjuration, le fit condamner à la mort. Il y a des historiens qui disent qu’il se tua lui-même pour prévenir l’infamie de son arrêt [a]. Il avait étudié sous le grammairien L. Crassitius [b], et il composa un poëme de douze livres en vers héroïques [c], et quelques traités en prose. C’est à lui qu’Horace adresse l’ode II du IVe. livre. Il laissa un fils qui était encore extrêmement jeune, et qui s’appelait Jules Antoine. L’empereur relégua ce jeune garçon à Marseille, sous le spécieux prétexte de le faire étudier. Il lui fit rendre des honneurs funèbres assez singuliers ; car il fit ordonner par le sénat que ses os seraient portés dans le tombeau des Octavius [d]. Il paraît que ce fut là la fin de l’ancienne et puissante famille Antonia, dont Tacite dit qu’elle avait été illustre, mais malheureuse : Multâ claritudine generis, sed improspera [e]. Nous allons mettre ensemble les erreurs de M. Moréri concernant cette famille (A).

  1. Vell. Paterculus, lib. II, cap. C.
  2. Suet. de illustr. Grammat. cap. XVIII.
  3. Intitulé Diomedeæ. Verus interpres Horat. in Od. II, lib. IV.
  4. Tacit. Ann., lib. IV, cap. XLIV.
  5. Idem, ib. Tacite dit cela à l’occasion de la mort de L. Julius Antonius, arrivée l’an 778 de Rome.

(A) Vous allons mettre ensemble des erreurs de M. Moréri concernant cette famille. ] 1o. Il ne fallait point parler de cette famille dans sa lettre M, à l’occasion de Marc Antoine : il fallait que, tant lui, que sa famille, fussent dans la lettre A. 2o. Il ne fallait pas dire que la famille des Antoniens était célèbre à Rome entre les nobles : car il est visible, qu’en parlant ainsi, on a voulu la distinguer des familles plébéiennes : or c’est une fausse distinction. Le seul tribunat du peuple, dont Marc Antoine était revêtu au commencement de la guerre de César et de Pompée, justifie invinciblement que la famille Antonia était plébéienne ; car il devint tribun du peuple, sans s’être fait adopter par un plébéien ; il ne fut pas obligé de faire comme Clodius, qui, voulant être tribun du peuple, recourut à une telle adoption [1]. J’avoue que les Antoines ont été au commencement patriciens : cela paraît par les charges de décemvirs, et de tribuns militaires, qu’on leur conféra dans un temps où les familles du peuple n’avaient pas encore obtenu l’admission aux premières dignités de la république. Mais soit que les Antoines, qui ont paru avec tant d’éclat au septième siècle de Rome, ne descendissent pas de la même tige que ceux qui portèrent le surnom de Merenda ; soit qu’ils aient passé d’une manière qu’on ne connaît pas du rang de patriciens à celui de plébéiens, comme il est arrivé à quelques autres familles, il est certain que leur maison était plébéienne au temps de l’orateur Marc Antoine qui en commença l’élévation. 3o. C’est une ignorance crasse que de dire que cette maison était divisée en deux branches, des Merendas, et des Marcs, Le mot Marc est un prénom. Or les prénoms ne servaient qu’à distinguer les personnes : ce qui distinguait les branches s’appelait cognomen, et occupait la troisième place, comme César, Scipion, etc. [2]. 4o. Il n’est pas certain que Q. Antonius Merenda, tribun militaire environ l’an 332 de Rome, fût fils de T. Antonius Merenda, décemvir l’an 303. 5o. Il est faux que Tite Live fasse mention de M. Antonius Merenda, colonel de la cavalerie sous la dictature de P. Cornélius. Il le nomme simplement M. Antonius. 6o. Marc Antoine le Crétique ne fut point tué en combattant. Asconius Pedianus ne laisse aucun lieu d’hésiter là-dessus. Indicto Cretensibus bello, dit-il [3], malè re gestâ ibidem periit. 7o. Au lire de dire que Marc Antoine l’orateur n’écrivait jamais aucune de ses oraisons, il fallait dire qu’il n’en publia jamais aucune [4]. 8o. Sa réponse à ceux qui lui demandèrent la raison de sa conduite est mal rapportée : il ne répondit point, qu’il ne voulait pas donner des armes à ceux qui le pourraient convaincre d’avoir mal parlé. Il ne craignait pas pour ses mots, ou pour ses phrases, je veux dire, qu’on lui reprochât quelque barbarisme, ou quelque faute contre les lois de la grammaire ; et c’est néanmoins ce que M. Moréri lui impute, comme l’avoueront tous ceux qui savent entendre le sens d’un auteur : mais voici ce que Marc Antoine craignait, qu’on ne le convainquît par ses ouvrages de souffler le chaud et le froid, et d’avoir réfuté depuis quatre ans le plaidoyer qu’il allait faire. Consultez les remarques (A) et (C) de l’article de (Marc) Antoine l’orateur, où j’ai parlé amplement de ce qui engage les avocats à se contredire, à soutenir un jour une chose, en un autre temps la thèse contraire, selon les différens intérêts de leurs cliens. 9o. M. Moréri prête d’ailleurs une réponse très-absurde à Marc Antoine ; car on peut écrire un plaidoyer, sans donner des armes à des critiques ; pourvu qu’on le garde dans son coffre. 10o. M. Aquilius n’était pas déjà condamné lorsqu’Antoine entreprit sa cause. 11o. Les juges n’avouèrent point que celui qui avait si souvent exposé sa vie pour le salut de la république ne devait pas la perdre avec tant de déshonneur. Si M. Moréri avait su qu’Aquilius n’aurait été condamné tout au plus qu’au bannissement [5], il n’eût pas donné à son style les couleurs de l’art oratoire. 12o. Quelle confusion n’est-ce pas que de dire que Marc Antoine fut consul, censeur en 626 de Rome avec A. Posthumius, en 655 avec L. Valerius, etc. ? Il y a pis que confusion là-dedans : les faussetés n’y manquent pas. Marc Antoine fut consul avec A. Posthumius Albinus, l’an 655, et censeur avec L. Valérius Flaccus, l’an 653 [6].

  1. Cicero, Orat. pro domo suâ ad Pontifices, cap. XIII.
  2. Caïus Julius Cæsar, Publius Cornelius Scipio, etc.
  3. Asc. Pedian., in Cicer. Divinat., pag. 37. edit. Ludg., in-12. Il dit in Verrem de præt. urb., pag. 87. Cretæ mortuus.
  4. Voyez ci-dessus la remarque (A) de l’article d’Antoine l’orateur.
  5. Quùm mihi M. Aquilius in civitate retinendus esset. C’est Marc Antoine qui parle dans le IIe. livre de Cicéron, de Oratore, cap. XLV.
  6. Plinius, lib. VIII, cap. VII. Sigonius et Calvisius mettent ce consulat à l’an 654, et la censure deux ans après.

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